Mis en place dès 1945, au sortir de la 2e guerre mondiale, le Franc des Colonies Françaises d’Afrique ou Franc CFA, entendait répondre à une logique économique de la métropole, qui voulait sécuriser ses approvisionnements en matières premières au sein de son empire colonial. Les colonies considérées étaient alors représentées par les territoires de l’Afrique Occidentale Française (AOF) et ceux de l’AEF (Afrique Equatoriale Française), qui étaient autant des colonies (Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal, Bénin, Burkina Faso, Niger, Tchad, Gabon, Congo, RCA, etc.) que des protectorats (Cameroun, Madagascar et Togo). Dans le même temps, il convient de rappeler que le Franc CFP, ou Franc des Colonies Française du Pacifique voyait lui aussi le jour, pour disparaître plus tard, à la faveur de l’intégration des territoires où il avait cours, dans l’ensemble de la métropole et des DOM-TOM.

Le Franc CFA au moment de sa création en 1945 s’échangeait contre 1.7 Franc Français (FF), pour passer à 2 FF en 1948 (dévaluation du FF en métropole, suivie d’une distinction entre les CFA des 2 zones Ouest africaine et d’Afrique Centrale), puis à 0.02 FF en 1958 (introduction du nouveau FF), et enfin à 0.01 FF au moment de la dévaluation de moitié du CFA le 12 Janvier 1994 ; c’est par ailleurs ce même taux qui a été retranscrit pour obtenir la contre-valeur de 1 euro pour 655.957 CFA, depuis l’avènement de l’euro en Janvier 2002.

Le schéma monétaire alors mis en place par l’administration de De Gaule en 1945, avait une singularité qui reste à ce jour inédite : le CFA était une sous-unité de FF, avec une parité fixe et une convertibilité, permanente, illimitée et réciproque… Cette singularité a donné lieu à son cortège de singularismes, comme l’existence de banques centrales au sein desquelles la France avait la majorité de blocage au Conseil d’Administration, en plus du fait que ces banques étaient sous la coupe du Trésor Public Français, un organe du ministère des Finances !!! Ces particularités devaient même demeurer par delà les accords de Bretton Woods et le système de l’étalon-or, qui ont vu la création du FMI et de la Banque Mondiale, d’obédience étasunienne, alors que ces deux institutions promouvaient le principe des changes flottants !!!! Et cette singularité voulue dès le départ donc, survivra aux indépendances présumées des anciennes colonies, au début de l’année 1960, pour la plupart des pays concernés. Il convient de noter au passage que la similitude des dates d’indépendances des Pays Africains de la Zone Franc (PAZF) traduisait non pas une victoire des indépendantistes souvent qualifiés de rebelles ou de maquisards, mais plutôt un accord passé avec les suppôts de l’ancienne administration coloniale, devant la tribune des Nations Unies. Autrement il y aurait dû y avoir des dates différentes, correspondant à la cessation des quelques rebellions lancées ci et là pour revendiquer les fameuses indépendances. En outre un jeu d’écriture fut fait autour de l’acronyme CFA pour le transformer en Franc de la Communauté Financière Africaine, aux lendemains des indépendances, question de mieux incarner le changement supposé.

Le découpage qui s’en est suivi, en 3 zones monétaires à savoir la UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine), la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale) et les Comores, avec chacune sa banque centrale, respectivement la BCEAO (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest), la BEAC (Banque des Etats de l’Afrique Centrale) et la Banque Centrale des Comores, n’a rien changé à la logique de départ, qui imposait un organigramme avec le Trésor Public Français (TPF) au dessus des banques Centrales, qui elles-mêmes avaient dans leur Conseil d’Administration respectif, une majorité de blocage française.

Or ce schéma de fonctionnement a en même temps imposé l’existence d’un compte d’opérations pour chaque PAZF, ouvert au sein du TPF, sur lequel tous les dividendes de l’export devaient être versés pour constituer la réserve en devises du pays concerné. Mais le drame de cette situation réside dans le fait que le TPF, au nom du principe dit du risque encouru sur la garantie de convertibilité du CFA, devait prélever 65% des avoirs du compte d’opérations de chaque pays, taux abaissé à 50% en 2005. Cette approche de la mise à disposition de plus de la moitié des réserves des PAZF constitue la première raison de leur appauvrissement.

En outre il importe de noter que la supervision du TPF sur les banques centrales empêche celles-ci de mener une politique monétaire au service de leurs états, car non seulement elles n’ont aucun droit véritable sur le taux directeur, outil de référence s’il en est pour le levier économique, mais surtout, elles concentrent l’essentiel de leur énergie à produire des liquidités nécessaire à assurer le taux de couverture du CFA, et par delà les créances sur le comptes d’opérations en vue du prélèvement effectué par le TPF. Du coup, on a dans les PAZF une banque centrale incapable de soutenir l’éventuelle politique économique des états, mais aussi un ensemble de banques commerciales souvent filiales de groupes bancaires français et européens, qui ne servent qu’à faire des dépôts, sans jamais soutenir ni l’investissement, ni le crédit chez les particuliers. C’est ainsi que les citoyens des PAZF sont majoritairement exclus de la production par un système économique pensé pour les desservir au lieu de les servir !!!

Et dans les rares cas où parfois certains viendraient à épargner dans une institution bancaire locale, le taux de rétribution se trouve souvent tellement peu élevé que l’épargnant perd de l’argent, quand on compare l’évolution de son placement avec celui de l’inflation locale… Le refoulement de l’épargne et de l’investissement constitue la seconde raison de l’appauvrissement à terme des PAZF.

Ainsi donc, la France a mis en place, avec la complicité de l’ONU et la complaisance des autres grandes nations de l’époque, un système monétaire que même la monarchie anglaise n’a pas fait avec son empire colonial pourtant plus important ! Ce système monétaire qui a créé avant l’heure des zones monétaires regroupant des pays dont les économies étaient disparates, ne s’est justifié que par le seul désir de poursuivre l’exploitation des anciennes colonies, à travers des moyens légalisés par des accords qu’une des parties maîtrisait mal ou très peu, à défaut de les contresigner presque forcés… La comparaison avec le tout récent Euroland, qui a fait grands cas des fameux critères de convergence et de contrôle des pays signataires, pour constituer une Zone Monétaire Optimale, en dit long, car dans le même temps les zones CFA n’en sont pas du tout !!!

Et le système mis en place bien avant les indépendances n’a pas connu de changement notoire une fois que celles-ci eurent été prononcées, ce qui renvoie donc à la responsabilisation de la France dans la politique économique des PAZF… Il se trouve justement que près de 60 ans après la mise en place du CFA, et malgré la distinction officielle des zones monétaires où il a cours, on dénombre 12 Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) parmi les 14 qui composent l’ensemble de ces pays.

Entre le Franc CFP et son homologue le franc CFA, il n’y eut comme différence que le nom, et donc la localisation des territoires d’application. Et si les pays africains obtinrent une pseudo-indépendance politique, qui n’entama en rien leur dépendance économique et monétaire vis-à-vis de la métropole, on ne peut en dire de même des pays du Pacifique qui devinrent DOM-TOM, en restant alors entités françaises !!!!!

Mais pour revenir à la prétendue indépendance politique, quelle consistance peut-elle avoir véritablement quand on jette un regard critique sur la vie politique des pays concernés ??? Pour la plupart, en près de 60 ans de souveraineté présumée, c’est souvent 2 à 3 dirigeants qui se sont succédés à leur tête, avec pour les premiers d’entre eux, des longévités analogues à des règnes, surtout que les régimes postcoloniaux s’appuyaient sur un parti unique, jusqu’au début des années 90. En outre les différents dirigeants des PAZF ont toujours reçu l’onction de Paris, pour arriver au pouvoir ou pour y demeurer. Et même quand le multipartisme s’est invité dans le « scrutin », à la faveur de la chute du mur de Berlin et de la fin de la guerre froide, Paris a toujours eu pour règle d’adouber le dirigeant en place, qu’il soit nouveau ou reconduit à la suite d’un vote « démocratique » immédiatement salué par la France.

Or comment comprendre que des pans entiers des populations des PAZF, soi-disant invités à participer à un vote démocratique, en arrivent à toujours choisir les mêmes qui les dirigent si mal, pendant que leur quotidien se dégrade et qu’elles aspirent plus que jamais à aller chercher leur épanouissement ailleurs, en immigrant… Quel serait donc ce mécanisme si transparent qui justifierait qu’on utilise si mal son droit de vote, quand l’occasion se présente, pour aller risquer ensuite sa vie dans une traversée à pied du très aride et étendue désert du Sahara, suivie par une très incertaine traversée de la méditerranée, à la nage ???…

Et le lien entre mauvaise gouvernance tenue, entretenue et quasiment inextricable, et désespoir des jeunes lancés alors sur les routes de l’immigration, est indéfectible. Du coup, on est en droit de s’interroger quand la France, par l’entremise de son président, met en place une politique dite d’immigration choisie, au prétexte a priori louable de faire comme les autres, en se refusant à accueillir toute la misère du monde… Quelle est donc cette misère et jusqu’à quel point est-ce que la France n’en est pas directement responsable ?

En effet, si on y regarde bien, la loi sur l’immigration est le principal projet de Nicols Sarkozy, qu’il a mis en place et fait voter en 2006, au moment où il était ministre de l’intérieur et président de l’UMP, puis qu’il a continué à élaborer ensuite une fois arrivé à l’Elysée. C’est clairement sa réforme la plus significative, qui vient renforcer tout le travail qu’il avait déjà effectué en tant que 1er policier de France, en établissant des nouveaux records de reconduction à la frontière des sans papiers… Mais au fond, faut-il croire que la nouvelle politique de contrôle des flux migratoires en France et aussi celle de tous les Français ? Si oui, alors il importe que ceux-ci soient tenus au courant des décisions prises en tout temps par leurs dirigeants, fussent-ils légitimés par un vote démocratique. C’est dans ce cadre que le rapprochement entre le franc CFA, plus grand scandale de la république, monnaie de la honte et source de paupérisation des populations de l’Afrique Subsaharienne, et la politique d’immigration choisie française, s’avère salutaire et indispensable. Cela procède du nécessaire devoir d’information des masses, qui doivent connaître et comprendre, en vue de peser sur les décisions que les dirigeants peuvent prendre en leur nom.

Or le principe de la continuité de l’état est immuable, et même si le sieur Sarkozy n’était pas né au moment ou le franc de la honte fut créé par De Gaule, il n’en demeure pas moins vrai qu’il est comme ce dernier, à la tête du même état : la France. Partant de là, la France qui a une part de responsabilité indéniable dans l’appauvrissement de ses anciennes colonies africaines, participe doublement à entretenir la volonté d’exil de ces mêmes populations du Sud, en maintenant d’une part le franc CFA avec les ponctions mortelles sur les recettes à l’export déposées sur les comptes d’opérations au sein du TPF, et en soutenant d’autre part les dirigeants incompétents des ces mêmes populations. En justice, cela aurait constitué la très décriée une double peine…

Que la France entende se mettre au diapason de la Suède, voire du Canada en matière d’immigration, soit. Mais il faut noter que contrairement à ces pays-là, la France a un passé et surtout un passif plutôt lourd, avec ses anciens colonies… La politique dite d’immigration choisie pourrait mieux se comprendre si elle s’appliquait en dehors des PAZF, qui pour ainsi dire, diffèrent peu des DOM-TOM, si on considère qu’ils ne possèdent pas d’autonomie économique et monétaire, et encore moins de souveraineté politique…

La France devrait donc choisir entre le Franc CFA et sa politique de gestion de flux migratoires, pour les citoyens issus des PAZF, au risque de devoir répondre demain à une inculpation pour complicité d’homicide, entraînant dans son sillage l’Union Européenne (UE). En effet, l’UE a accepté en 2002 d’arrimer le CFA à l’euro, et cette même institution supranationale s’apprête à définir une politique migratoire commune, inspirée des exemples européens les plus conservatifs, ce qui viendra consolider l’impression de double peine infligée aux populations d’Afrique Noire francophone. « Le CFA est plus géré à Francfort, siège de la Banque centrale européenne, qu’il ne l’est en Afrique, avec des critères européens n’ayant aucun rapport avec les préoccupations au sud du Sahara. De fait, la maîtrise de l’inflation est plus une contrainte européenne qu’africaine, car les PAZF ont plus besoin de croissance pour lutter contre la pauvreté » .

Autrement dit, tant que perdurera le franc CFA, la logique serait que les citoyens issus des PAZF soient considérés comme français, voire des européens par extensions, et donc, puissent se rendre librement en métropole ou dans la zone Euro pour profiter quelque part des fruits de leur sacrifice indirect. Il faut rappeler que pour bon nombre de ces populations, leurs aïeuls nés dans les colonies françaises avant les indépendances, avaient bel et bien le statut de citoyen de l’hexagone… Or si on concède que rien n’a véritablement changé, au delà des apparences dans les PAZF, après 1960, alors le retour à la source n’en sera que plus naturel.

Mais il est évident que présentée de la sorte au peuple français ou d’Europe, la perspective de voir affluer en « métropole » des populations forcément avides d’épanouissement alors que sur place la question du pouvoir d’achat pèse déjà fort, cette perspective donc conduira inexorablement à choisir le démantèlement de la monnaie africaine au profit d’un resserrement des flux migratoires en provenance des zones considérées.

Alors, est-ce que le président des français osera assumer ses responsabilités en faisant preuve de logique, pour consacrer véritablement une rupture qu’il a appelée de tous ses vœux, et qui trouverait sur ce seul sujet du franc CFA toute sa raison d’être ??!!! L’actualité ne semble pas plaider en faveur d’une telle démarche, surtout quand on voit que le président Gabonais, qui avec ses 40 ans de présidence ininterrompue talonne la Reine d’Angleterre pour sa longévité au pouvoir, passe pour le meilleur ami africain de Sarkozy, qu’il a déjà vu en France et au Gabon, en visite officielle ou privée, à 3 reprises en moins de 6 mois ! Sauf que si la reine Elisabeth II est à la tête d’une monarchie constitutionnelle, qui a tous les contours d’une véritable démocratie, le sieur Omar Bongo Ondimba est le président perpétuellement réélu d’une « république »… qui n’exporte certes pas vraiment de bananes, mais bien du pétrole et du bois !