++1- Les naufragés de la méduse ++

Il s'appelle parfois Ousmane, Koffi, Atangana, Lobè, Tagne; il peut aussi porter un nom chrétien épique comme Isidore, Dieudonné ou encore Désiré. Qui est-il?

Pourquoi décide-t-il un jour, de les laisser un temps, de quitter chez lui, loin de sa mère, loin des jeux et des ris, loin du "Kongossa" parfois drôle et railleur? Que rêvait-il de faire à douze ans, ou quinze, lorsque toutes les espérances sont à une foulée de gazelle?

Pourquoi je pleure quand je te vois, quand je t'imagine et te rêve dans ta frêle barque, dans l'espoir, dans l'attente, dans cette foi que seul peut manifester un enfant de l'Afrique occidentale, comme une Espérance folle?

Tout ce qui arrive doit-il bien arriver un jour, parce que c'est ainsi, parce que c'est le destin, parce que sornettes comme l'est l'histoire du "Kham" biblique, qui a "découvert la nudité de son père", Noé, le possible patriarche de l'humanité; avec sa descendance, maintenus dans les douves transformés en cachots de l'Histoire? Le Maître ne disait rien et Jacques disait que son Capitaine disait que chaque balle qui part du fusil à son billet...

Je refuse cette fatalité!! Je suis meurtri dans ma chair, lorsque Nègre et noir, je vois à la télévision la dépouille d'un jeune homme de ma race et de mon peuple, qui était beau, qui avait la force, l'intelligence, la joie et la foi pour affronter la vie, rouler sur le sable des côtes européennes.

Mes entrailles et mes viscères sont aussi d'humeur morbide, je dors mal la nuit, j'ai des cauchemars de galère et de cachots, vrais cette fois, lorsque je lis l'attention générale que les médias de mon pays, de ma Nation, de ma République, la France, portent à Atangana ou Dieudonné, parce que les morts, chez moi là-bas, ont une vie après le trépas, parce que les morts ne sont pas morts.

Je lis dans deux articles du Figaro datés de juin et juillet 2006, qui "traitent" nos morts par centaines, comme une banale histoire de quartier, un fait divers, navrant certes, mais divers quand même; c'est à dire dont on peut croire que l'opinion se moque éperdument: " Une nouvelle tragédie de l'immigration clandestine a eu lieu hier dans les eaux internationales méditerranéennes au large de Malte et de la Sicile" et quelques semaines plus tard "L'Espagne ayant mis en place un système plus rigoureux de contrôle, une partie des flux migratoires se déplace vers l'Italie."

Ou encore le traitement par Riposte de la question avec en guest star, Marine le pen qui prône une fois de plus, les sempiternels miradors, et les chiens.

Parfois les mots tuent de manière beaucoup plus efficace que la plupart des armes conventionnelles. Lobè, saches que pour l'agence Reuter et le Figaro, tu fais partie du "flux migratoire clandestin", tu es aussi une composante active de la "Tragédie de l'immigration clandestine".

Speedy Graphito, Le Radeau de la Méduse, 1987. Acrylique sur toile.