Cet épilogue consacre la victoire de Thabo Mbéki dans le bras de fer qui l'opposait à Olusegun Obasandjo sur ce dossier. Le 15 septembre dernier à New York, le Secrétaire général des Nations unies, le ghanéen Kofi Annan avait réuni les deux chefs d'Etat sud-africain et nigérian en marge de la 60ème Assemblée générale des Nations unies, pour tenter de rapprocher leurs points de vue sur l'instauration ou non et les modalités d'une transition après le 30 octobre. Au cours de cette rencontre, « les aspérités ont été gommées comme dans toutes les réunions internationales », avait précisé, incrédule, RFI. Boniface Vignon, envoyé spécial de cette radio à New York, estimait en effet dans son analyse que ce qui se joue entre Thabo et Olusegun est le leadership sur le continent et la place de l'Afrique au Conseil de Sécurité des Nations unies dans le cadre de la réforme alors escomptée de l'ONU. Comme pour insister sur l'antagonisme entre les deux hommes, BV s'était plu à rappeler que le Nigeria a été dès le début hostile à la médiation sud-africaine en Côte d'Ivoire, estimant que Thabo Mbéki marche sur ses plates-bandes ouest africaines, alors que la résolution des crises sierra léonaise et libérienne s'est faite sans lui.

La rencontre avec le Secrétaire général des Nations unies n'avait pas empêché une nouvelle montée de la tension entre les deux hommes, quand a été envisagée l'éventualité d'un nouveau recours à la CEDEAO après l'accusation de partialité portée par les rebelles sur la médiation sud-africaine. Un recours présenté par Olivier Roger comme émanant des Africains : « les Africains ont demandé au président de l'Union africaine, le nigérian Olusegun Obasandjo, une série de sommets sur la Côte d'Ivoire. » Face à ce nouveau développement, Laurent Gbagbo s'est dit le 19 septembre fatigué de négocier avec les rebelles, et résolu à passer à l'application des accords obtenus dans les négociations qui ont déjà eu lieu. Pour Olivier Roger de RFI, ce rejet d'emblée par LG de nouveaux pourparlers vise à ne pas se couper d'un soutien de taille, celui de l'Afrique du Sud.

Répondant à Laurent Gbagbo, la porte-parole du président nigérian a affirmé le 20 septembre que personne n'empêcherait Olusegun Obasandjo de s'impliquer à nouveau dans le dossier ivoirien. RFI qui semble se satisfaire de la volonté du président nigérian de reprendre ce dossier se demande si Laurent Gbagbo traînera longtemps les pieds alors que tous les autres acteurs sont en ordre de marche… C'est devant son peuple que Laurent Gbagbo se tient au garde-à-vous. Dans un discours à la nation le 27 septembre, il prend la parole à la télévision pour dire son opposition à engager de nouvelles négociations avec les rebelles notamment sous l'égide de la CEDEAO, en raison des blocages dont ces derniers se sont régulièrement rendus coupables. En revanche, il se dit prêt à se présenter à l'ONU ou devant l'Union africaine. Un sommet s'est tenu le 30 septembre sous l'égide de la CEDEAO auquel Laurent Gbagbo a été représenté par le président du Conseil économique et social, Laurent Dona Fologo, et un autre mi octobre sous l'égide de l'Union africaine. Avec les résultats que l'on sait.

La victoire de Thabo Mbéki et de la raison (1) est la reconnaissance du travail accompli par l'Afrique du Sud. Pour cette médiation sud-africaine, Laurent Gbagbo doit rester en place au delà du 30 octobre, si l'on veut éviter le chaos en Côte d'Ivoire. Au terme de son travail, elle avait, par la voix de Mosiuoa Lekota, ministre de la Défense, félicité le camp présidentiel ivoirien pour sa collaboration dans la perspective de la tenue d'élections avant la fin du mandat en cours. De fait, alors que M. Lekota estimait le 15 septembre que les militaires s'activaient pour désarmer, RFI indiquait le lendemain que selon une source onusienne, 5000 miliciens pro Gbagbo avaient effectivement été démobilisés. Pendant ce temps, les rebelles font de la résistance 'parce qu'ils ont peur des élections', estime M. Lekota. Des faits qui n'empêchent pas Alphonse Djedjemadi de déclarer au micro de RFI, que la médiation sud-africaine est partiale : « Mr Lekota ne joue pas un rôle de médiation ; il écoute un camp et pas l'autre. » A cette accusation lancée quelques jours plus tôt par les rebelles allant jusqu'à dénoncer la médiation, le ministre Lekota avait répondu en disant qu'il ne revenait pas à la rébellion de reconnaître ou de mettre fin à la médiation, mais d'appliquer les décisions prises. Quant à savoir qui coopère et qui résiste, les choses sont claires.

Sur son site, RFI observe dans un article de Monique Mas publié le 03 octobre : « Dans son propre rapport, publié le 29 septembre, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan rappelle notamment 'la controverse suscitée par les lois promulguées par le président Laurent Gbagbo le 15 juillet', à la demande de Thabo Mbéki. Et il ne distribue pas les bons points revendiqués par l'opposition. Kofi Annan souligne que le président Gbagbo a promulgué une nouvelle version des textes de lois, le 29 août dernier, après les avoir modifiés pour répondre aux réserves exprimées par les FN et par les sept partis d'opposition. Un geste sans réciproque, souligne le texte, puisque les mêmes ont à nouveau repoussé les textes, rejetant en même temps la médiation Mbéki. Dans ce contexte, Kofi Annan relance la menace de sanctions individuelles 'ciblées contre ceux qui entravent le processus de paix' ». (http://www.rfi.fr/actufr/articles/070/article_38937.asp)

Curieusement, RFI ne tire pas de ces faits (NB qu'ils datent du mois d'août) les conclusions qui s'imposent, puisque cette radio estime le 22 septembre en annonçant l'arrivée prochaine du chef du Comité des sanctions du Conseil de Sécurité, que ce dernier devrait sanctionner de façon équilibrée les deux camps. En fait, ce souhait est émis par le journaliste parce qu'il pense que « cet équilibre donnerait un coup de pouce à Obasandjo » en passe de reprendre le dossier. Ce calcul est caduque. Et du coup, RFI désemparée. Dans un sursaut d'information biaisée ou simplement de mal information, la même radio est allée chercher, le 19 septembre dernier, jour anniversaire du début du conflit ivoirien, un intervenant dont les thèses sont identiques ou proches des siennes. Invité d'un journal matinal, Christian Bouquet, auteur de 'Géopolitique de la Côte d'Ivoire : Le désespoir de Kourouma' est venu dire que « les rebelles ont pris les armes après des élections contestées. Le lien de cause à effet est clair. » Un problème ivoiro-ivoirien, en somme...

Ce faisant, cette radio se moque royalement des avertissements de Jean-Jacques Aillaguon, patron de TV5 et ancien ministre français de la Culture qui, invité du Journal des médias le 21 septembre, observe sur Itélé qu' « il n'est pas bon qu'un organe d'information soit l'expression médiatique d'un pouvoir politique. Ça exposerait les représentants de l'Etat à des incidents diplomatiques lors de leurs déplacements à l'étranger. » Il n'est plus question ici de simple brouille diplomatique, mais d'enjeux fondamentaux contradictoires : la Renaissance africaine à condition de sortir la Côte d'Ivoire du giron de la France, ou la remise sur orbite de la Françafrique si elle y restait. Radio France Internationale joue des pieds, des mains, des mots, des images, pour que ce statu quo demeure. Il en va pour la France, de ses intérêts politiques, économiques, diplomatiques. Si on ne peut pas le lui reprocher, il faut le savoir...


(1) Lire à ce sujet l'article de fond d'un Conseiller au Gouvernement du Québec : http://www.abidjan.net/lettreouverte/lettre.asp?ID=4991)