Les organisateurs du salon entendent communiquer leur « engagement identitaire » à travers la campagne publicitaire du salon. Oubliées les charentaises des visuels de 2004, la promotion se fait plus offensive avec le slogan « Ça change quoi pour vous ? Parce que pour eux, c’est important » et deux photographies de couples — respectivement deux filles et deux garçons — s’embrassant. Il s’agit certes de baisers à pleine bouche, mais comme le rappelle à Media-G Jean-Paul Chapon, contact presse du salon, les clichés sont cadrés « de façon soft », respectent les recommandations du BVP (Bureau de vérification de la publicité) et sont bien moins explicites qu’une photo utilisée cet été pour un affichage promotionnel du magazine Public. Il s’agit d’ « une prise de position résolument militante » précisent les organisateurs. Le dossier de presse insiste lourdement sur cet aspect de la communication du salon en 2005 : « le message est définitivement militant en 2005 (...) Rainbow Attitude Expo adresse son message à trois publics : la communauté gay et lesbienne, les acteurs du monde associatif et culturel (...), et enfin les pouvoir (sic) publics et la classe politique dont la sensibilisation semble indispensable dans la démarche pour l’égalité des droits. »

Mardi 20 septembre 2005, le magazine Têtu annonce dans sa newsletter que la campagne d’affichage de Rainbow Attitude Expo a été refusée par la société Métrobus, la régie publicitaire des transports en commun parisiens (bus, métro, etc.) et déconseillée par Insert, une société spécialisée dans l’affichage sur les devantures des commerçants en centre-ville. L’article précise que la société Métrobus aurait écrit qu’elle ne pouvait pas « accepter les visuels en l'état » et que « les photos risquent de choquer l'ensemble des voyageurs ». Têtu a également recueilli les commentaires de François de Chaillé, responsable de la communication d’Insert : « Notre avis est consultatif. Nous avons déconseillé (...) d'utiliser cette campagne pour des raisons de performance commerciale. »

La réaction des organisateurs du salon est quant à elle particulièrement virulente : Régine Corti estime dans les colonnes de Têtu que ces décisions sont « écoeurantes et révoltantes » et ajoute que « c’est nier une orientation sexuelle ». Le souhait d’attaquer le refus de Métrobus en justice est annoncé. Un communiqué émis le jour même à 21 h par le salon et intitulé « L’homosexualité censurée par Métrobus et Insert » reprend le même argumentaire. Le texte n’évoque pas moins qu’« une démarche de censure discriminatoire et homophobe caractérisée » et le « rôle éducatif pour la société d’un tel visuel accompagné d’un message pédagogique ». Dans une envolée lyrique finale, le texte conclut par une mise en perspective des avancées sociétales dans le monde et enjoint tous les acteurs de la société à changer leur comportement vis-à-vis de l’homosexualité : « Il est temps que les engagements sur la lutte contre les discriminations passent du discours à la pratique pour devenir une réalité dans la société française d’aujourd’hui. » À l’heure de la publication de ce communiqué, les organisateurs du salon avaient cependant déjà décidé de céder aux afficheurs et de leur fournir de nouveaux visuels. Du « discours à la pratique », l’« engagement identitaire » a effectivement ses limites.

Le communiqué fait également l’amalgame entre le refus de Métrobus et la recommandation d’Insert : « Métrobus et Insert ont refusé la campagne de communication de Rainbow Attitude Expo ». Interrogé par Media-G sur le décalage constaté entre la version de Têtu et celle du communiqué qui a suivi, le contact presse du salon a accepté le principe de fournir les textes originaux des mails de refus des afficheurs avant de se raviser : « Ça me gène de vous les envoyer ». Après une lecture par téléphone du mail de Métrobus, les éléments qui nous ont été communiqués confirment bien qu’il y aurait un refus de prendre en compte ces visuels. Concernant Insert, si la société s’enquiert effectivement de la possibilité de changer les visuels et s’il est confirmé que son comité d’éthique est « unanime contre cette campagne », on ne peut cependant pas formellement affirmer que les extraits qui nous ont été lus constituent un refus ferme. Pire, avec les précisions fournies par le biais de Têtu dans l’après-midi du 20 septembre, il ne fait aucun doute que le communiqué émis ensuite en début de soirée noircit volontairement le tableau.

Les affichages urbains présentent à longueur d’année des visuels osés, dont certains, plus rares, mettent en scène des couples s’embrassant. Dans le cas précis d’un couple homosexuel, il est exact d’affirmer que les afficheurs se font très frileux : en juin 2003, l’AAP (Administration d'Affichage et de Publicité) qui assure l'affichage publicitaire sur les kiosques, avait par exemple estimé que la photo de deux hommes enlacés à la une de VSD risquait de choquer le grand public et avait refusé de l’afficher (» plus d’infos).

Au vu des précédents refus dans le domaine de l’affichage de presse, on ne peut que s’interroger sur le caractère prévisible des difficultés rencontrées aujourd’hui par Rainbow Attitude Expo : « Pourquoi s’en tenir à un fait accompli ? » nous répond laconiquement Jean-Paul Chapon interrogé sur le sujet.

La protestation de Rainbow Attitude Expo est sans doute légitime et fondée, mais la réaction très vive de ses organisateurs — se présentant en victime et jetant littéralement de l’huile sur le feu — ainsi qu’une fâcheuse propension à aggraver les faits en employant un argumentaire militant apparaissent tout aussi troublantes que le rejet des affiches en lui-même. Après avoir travesti une activité essentiellement commerciale à son origine en grande cause militante, les communicants en charge du salon ne cherchent-ils pas désormais à travers cet épisode une médiatisation du salon et la mobilisation d’un milieu associatif parfois prompt à réagir de façon épidermique dès que les mots « censure » et « homophobe » sont prononcés ? Si tel est leur pari, l’expérience montre qu’il est aussi malsain que risqué.

Merci à Media-G.net pour la plupart des informations.