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Negritude et Négrologues

 
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Farao
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MessagePosté le: Lun 30 Mai 2005 21:00    Sujet du message: Negritude et Négrologues Répondre en citant

Bonjour à tous.

J'ouvre ce topic pour partager avec vous un livre que j'apprécie particulièrement: "Negritude & Négrologues", de Stanislas Adotevi, paru en 1972.
S'il fallait le résumer, je dirais qu'il s'agit d'une charge ouverte contre la Négritude, précisément la Négritude senghorienne, accusée de reformuler sous un discours plus "présentable" les pires poncifs ethnologiques à des fins de sujetion de nos peuples et de nos ressources.
D'aucuns me diront qu'un tel ouvrage n'est plus d'actualité, la Négritude étant aujourdhui largement dépassée. Cependant...
Cependant, vous ne manquerez pas de le constater, les extraits que je vous propose aujourd'hui touchent à des sujets qui reviennent régulièrement sur ce forum.
Vous ne serez pas nécessairement d'accord avec tout ce qui sera dit. Il faut savoir que "Negritude & Négrologues" est un texte polémique. Du fait de sa date de parution et du ton radical de l'auteur, il a été souvent mal interprété. Certains qui l'ont lu en diagonale ont voulu lui trouver une parenté avec le très controversé "Devoir de Violence" de Y. Ouologuem. Puissent les 2 passages que je présente ici mettre en lumière la fausseté d'une telle comparaison.
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Dernière édition par Farao le Lun 30 Mai 2005 22:03; édité 2 fois
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Farao
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MessagePosté le: Lun 30 Mai 2005 21:04    Sujet du message: Negritude et Négrologues Répondre en citant

(Après avoir démonté les logiques qui sous-tendent la négritude senghorienne et l'ethnologie coloniale et fait ressortir leurs similutudes, Stanislas Adotevi revient brièvement, au début de l'extrait qui suit, sur les contradictions de la civilisation occidentale:)


Toute l’évolution ultérieure de l’ethnologie traduit les ruses inopérantes d’une civilisation qui ayant choisi de mentir et de se mentir a été incapable de surmonter les apories soulevées par son propre développement grâce à son extension au-delà des mers.
On la savait cannibale. Elle se dépêche, pour détourner l’attention, de recenser quelques cas d’anthropophagie chez les autres. On lui reprochait de dépeupler les continents, elle parle d’arracher l’espèce humaine au monde du semblable et du même en lui imposant la civilisation industrielle. Elle extravague sur le sens de l’histoire alors que déjà Buffon pressentait que l’humanité allait revenir à ces temps où on voyait :

« Des Normands, des Alains, des Huns, des Goths, des peuples ou plutôt des peuplades d’animaux à face humaine, sans domicile et sans nom, sortir tout à coup de leurs antres, marcher par troupeaux effrénés, tout opprimer sans autre force que le nombre, ravager les cités, renverser les empires et, après avoir détruit les Nations et dévasté la terre, finir par la repeupler d’hommes aussi nouveaux et plus barbares qu’eux. »

C’était la plus belle description du fait colonial. La prescience des caractéristiques d’une civilisation qui fait triomphe de l’opprobre de la vertu.
Cette civilisation prétendait sortir l’homme de la décrépitude dans une sorte de germination universelle où elle verrait la société lui renvoyer l’image de sa perfection.(…)
Pensée des dessus, gonflée de confusion, inapte à redécouvrir l’intimité avec les autres hommes cette civilisation veut faire de l’ethnologie une science parce qu’elle est une civilisation qui crée des problèmes pour les noyer dans un univers de subterfuges et d’alibis.(…)
Le monde entier bouge parce que cette « civilisation » de la « lumière » de l’ « analyse » et de l « histoire » n’a donné que ce qu’elle peut donner : attiédissement à l’égard de la démocratie, indifférence à l’égard de l’homme, délire à propos de la machine, relativisme moral et politique, tout le tableau psychanalytique de Berque : éclectisme, esthétisme, fatigue, plus en amour, la masturbation avec le sexe des autres.
Le monde bouge. Il bouge à cause de tout cela. Aussi contre la marée et les crises cherche-t-on des alliés. On essaie de les trouver autant que possible dans ce qui était autrefois la Nuit Sépulcrale : les colonies. On veut semer la confusion. On rencontre des histrions qui tiennent à l’Europe les propos imaginaires de la diversion pour justifier l’acharnement à liquider dans le « tiers-monde » ce qu’il reste encore d’anthropologique dans le monde.
Discours dérisoire sur la particularité. Bavardage entendu sur la différence. Exclamations serviles autour de l’Universel. Ethnologie européenne.
Toute cette pensée du « tiers-monde », attentive au regard du Blanc traduit l’intériorisation des valeurs étrangères conçues comme des besoins. Théories ambiguës sans aucun rapport avec la réalité native, elles ne parlent de cette réalité que pour prononcer, tout au moins dans le cas africain, le souci de certaines élites de transformer les Africains en sujets para-Européens, en pseudo-civilisés. Des Nègres-Blancs ou des Blancs-Nègres.
Il faut reconnaître à Senghor le mérite d’avoir montré au cours de ces trois dernières années que la civilisation de l’Universel n’est que la modernisation conçue, non pas de manière endogène, ni, même plus, comme juxtaposition de deux cultures, mais comme moyen de réintégrer nos sociétés dans l’histoire. L’histoire européenne s’entend ! Malinowski avant lui traduisait ce processus d’intériorisation par la formule anglaise : Give and Take. Senghor, après lui, dans l’expression devenue célèbre, le formule en termes de « Rendez-vous du donner et du recevoir ». Le génie de toute évidence est affaire de traduction !
(…)
Prendre conscience d’être Nègre aujourd’hui, c’est se réveiller de plusieurs siècles de domination physique, plusieurs siècles de dévaluation culturelle et d’anesthésie intellectuelle. Avoir le sentiment de sa valeur c’est savoir enfin que le Noir a été nègre pour que rien de normal en lui et autour de lui ne vienne troubler le sommeil anormal du colonisateur.

Travail de dignité sur fond de néant et d’humiliation qui ne peut se concilier avec le retour aux évocations du pittoresque ou de l’exotique, la recherche subjective d’une pureté impossible et vaine depuis l’arrachement de l’Afrique à elle-même. Reconnaître la civilisation africaine ce n’est pas s’extasier sur les particularités culturelles nationales, ni s’ébaudir sur une originalité perdue ; mais admettre et faire admettre que notre culture désormais cristallise toutes les tares, toutes les tensions, tous les déchirements d’une politique d’esclavage et de destruction systématique.
De cela il résulte que rencontrer sa culture, ce n’est pas la découvrir, mais la radicaliser, c’est-à-dire renforcer la conviction que chaque Noir doit faire quelque chose pour transformer la situation et produire une nouvelle civilisation. Dans les solitudes sauvages de l’Amérique du Nord, dans ces états, où on « naît » raciste, chacun sait que les Blancs se sont mis aux danses nègres. Danses déchiquetées, adaptation honteuse et commerciale de signes de souffrance séculaire. Aucun nègre sérieux ne peut tolérer de telles dépravations, ce luxe abominable de déviance et de dénaturation.
Même si elles constituent en ce moment le fond de la misère picturale de nos aéroports, ces déviations montrent à l’évidence qu’on n’est plus en présence d’une culture africaine, mais d’une histoire qui se fait à nos dépens ; une histoire qui se fait de nous et qui n’est pas celle des Nègres. Jamais il ne s’agit de comprendre la portée d’une liturgie, de prendre la mesure d’un rythme ni de maîtriser le langage du rite pour faire passer à travers la danse la charge explosive d’une civilisation mise entre parenthèse par la domestication. Seule affleure l’envie de subordonner tout le patrimoine culturel au pillage impérialiste, à la domination des classes bourgeoises compradores, à la commercialisation mondiale, au tourisme.(…)
Peuple dispersé, populations déplacées, économie brisée, unité familiale détruite, possession de soi par l’autre, telle est la constante de la réalité africaine la vérité de la particularité noire.
Mise dans l’impossibilité d’un développement normal de sa société, l’Afrique est encore plus mûre aujourd’hui que par le passé pour la vraie curée universelle. Elle est blette.
(…)
S’il est vrai qu’une société peut interrompre l’exercice de ses cultures, renoncer à ses rites, ses danses et son art sans cesser d’exister, il est encore plus juste de reconnaître qu’aucune société ne peut s’arrêter de produire sans disparaître physiquement. Avouons-le, il n’y a plus de Nègres en Afrique ! Avec la négritude, il n’y en aura plus.
Il est temps, maintenant, d’être Nègre. Vraiment.
(…)
Pour le Nègre non théorique, la « particularité noire », celle qu’il somatise tous les jours c’est d’être Nègre. C'est-à-dire, de tous les plus exploités, le plus exploité. Celui qui produit pour reproduire la société des autres et qui est nié dans chacune de ses propres productions.(…)
Identité et Histoire sont solidaires. Pour faire l’histoire il faut être soi pour soi. Il faut à l’histoire un sujet historique. Or le Nègre dans son histoire n’a été jusqu’ici qu’un objet. Son identité c’est sa non-identification historique. Dès lors, si pour un Noir se retrouver c’est découvrir l’histoire des autres, la seule possibilité qu’il a d’être soi, d’acquérir son identité, réside dans la nécessité de produire les moyens de sa propre histoire. Puisque le Nègre ne peut concevoir d’identité qu’à travers la négation historique de sa race la possession de soi par soi qu’il recherche dans la « particularité » doit le pousser à vouloir une action qui mette fin au système historique qui l’a situé hors de l’histoire. La reconnaissance de l’identité noire passe nécessairement par la réappropriation pratique de son essence d’homme ; et naturellement la destruction du système qui l’a nié en tant qu’homme
(…)
Aussi bien la prise de conscience du Nègre doit signifier un changement du cours des choses, une nouvelle interprétation de la culture, une orientation nouvelle de l’existence : une révolte consciente. Où il n’est plus question de reconnaître au nègre une existence théorique mais de le rencontrer dans l’affirmation contre sa double négation : l’esclavage et la colonisation.
Cette affirmation n’est pas anthropologique. Elle est pratique. C’est l’instant où le Nègre, jusque là désarmé par la perte de l’Afrique, reconnaît ses armes dans l’Afrique. L’Afrique lui donne la conscience de ce qu’il est : un Nègre. Et le Nègre en retour lui offre la force de ses armes pour une reprise de possession de soi dans l’intimité collective d’une souffrance raciale immémorialement niée.
(…)
Tous les hommes ne sont pas frères. C’est cela que le roi Christophe explique dans la tragédie globale de la race racontée par Césaire :

"(…) Tous les hommes ont les mêmes droits. J’y souscris. Mais du commun lot il en est qui ont plus de devoirs que d’autres. Là est l’inégalité. Une inégalité de sommation… A qui fera-t-on croire que tous les hommes, je dis tous, sans privilège, sans particulière exonération, ont connu la déportation, la traite, l’esclavage, le collectif ravalement à la bête, le total outrage, la vaste insulte, que tous ils ont reçu, plaqué sur le corps au visage, l’omni-niant crachat. Nous seuls… Vous m’entendez, nous seuls les Nègres (…). "
(…)
Le noir, écrit Baldwin, est devenu une belle couleur, non parce qu’on l’aime, mais parce qu’on le craint. Le Nègre n’est pas une couleur, c’est une valeur. Le Nègre qui trahit n’est pas un Nègre. Le Nègre qui n’a pas foi dans la réhabilitation de sa race n’est pas un homme.
BLACK IS BEAUTIFUL.
Le Nègre doit devenir dangereux ! .

Stanislas Adotevi
in « Négritude et Négrologues »
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Dernière édition par Farao le Mar 31 Mai 2005 08:55; édité 4 fois
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Farao
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MessagePosté le: Lun 30 Mai 2005 21:05    Sujet du message: Negritude et Négrologues Répondre en citant

Il n’y a pas de quoi s’indigner : il n’est pas facile pour un Blanc de mettre en cause les structures de son pays. Parallèlement, le temps de l’exhibition servile, le temps des pleurs étant passé, il ne peut pas être facile pour un Noir d’être Nègre aujourd’hui. Un Nègre qui prend conscience de cette « spécificité » ne peut être heureux.
C’est donc pour nous que j’écris. Ni nouveau racisme. Ni négritude assaisonnée de marxisme. Je veux dire tout simplement qu’il n’est pas de bonheur possible en dehors de la conscience armée de nos peuples dans la lutte qu’ils doivent mener pour l’émergence totale de notre continent. Cette obsession doit et peut se combiner avec la volonté collective des autres peuples « ethnologiques » et notamment les Nègres de la Diaspora de ruiner tous les systèmes sociaux dont le dénominateur commun est l’impérialisme. Lutte sans merci et sans quartier à cause de la place que la colonisation occupe dans l’histoire de notre continent ; à cause de l’entêtement naïf et buté de l’impérialisme qui tient à faire de l’Afrique son dernier retranchement.
(…)
Vouloir refaçonner le présent à partir de ce que nous savons du passé ; et admettre que la culture africaine n’est pas donnée dans la subjectivité frustrée d’auteurs plus ou moins poètes de l’africanité. Mais qu’elle est la conséquence ce qui reste, de l’histoire dévastée d’une race déchiquetée dans un peuple pulvérisé. La culture est inséparable du développement tout comme sont indissociables l’une de l’autre colonisation et non-culture. C’est dans la bataille qui a pour fin la liquidation de la colonisation que le peuple découvrira les vrais éléments de sa culture. C’est cette bataille qui en précisera les aspects. C’est elle et elle seule qui, dans un univers politiquement libéré, recréera une culture à la hauteur des ambitions et de la souffrance du peuple noir.
Ce n’est pas l’ethnologie qui a révélé aux peuples colonisés leurs cultures. C’est la résistance de ces peuples à la domination étrangère qui a provoqué la prise en charge ethnologique des contradictions du système colonial. De la même manière la culture noire ne confirmera ses vraies caractéristiques qu’en relation avec le combat qui délogera de nos esprits la parole étrangère. Accusant tel trait plutôt que tel autre, en unique considération de l’ampleur et de la violence de l’affrontement.
L’ennemi disposant de moyens écrasants, d’une puissance financière incomparable, d’une technique éprouvée on voit comme il est stupide et dangereux, ici, comme ailleurs, d’aborder les problèmes culturels en termes de jaillissement ou de résurrection.
Perdre de vue l’instant de notre panique, ignorer les raisons de notre débâcle devant l’Occident techniciste, masquer l’incurie de certaines de nos cours, l’incapacité, la veulerie de nos ministres, la bêtise sanguinaire de certains de nos anciens rois, mentir à nos neveux, ne rien comprendre à tout ce qui s’est passé depuis plus de 500 ans, c’est vouloir, sciemment et intelligemment, marquer d’incertitude la certitude de nos lendemains.
Je ne peux rien renier de l’Afrique. Je dois, néanmoins, être assuré que tout ce qu’on dit être d’elle, est bien là où les discours officiels l’ont située. S’agit-il de survivances récupérables, dans une collusion idéologique, par toutes les forces réactionnaires et conservatrices du monde moderne ? Où sommes-nous en présence d’une différence fondamentale inaliénable ( ?) au temps ? Mais alors est-il pensable qu’un continent dont l’existence a été affectée par une histoire aussi longue et aussi agitée, qu’une race qui ayant connu tous les attentats à la valeur, aient pu, sans rides, sans empreintes extérieures, traverser tant de siècles en toute innocence ? Même les plus pures traditions, celles que nous affirmons êtres telles, quel rapport ont-elles à la réalité d’aujourd’hui ? Sont-elles douées de l’existence qui était la leur dans l’ancienne Afrique ? Jouent-elles encore le rôle qu’elles doivent jouer dans une Afrique exaspérée par la juxtaposition de deux cultures ? Ou ne sont-elles plus que le lieu dérisoires de pensées recroquevillées sur un fond de pratiques résignées ? Enfin quelle marge disposons-nous dans le choix entre l’Afrique d’hier et celle d’aujourd’hui ?
Questions vitales. Vraies questions irréductibles à tout discours. Seul le peuple (le peuple seul) dans son expérience raciale, dans la réalité tragique de son existence quotidienne, avec la volonté d’opérer un redressement politique peut donner les réponses qui lui permettront de réhabiliter notre histoire. Résurgence ! Suscitation ! Voyage aux sources ! Sociétés justes, heureuses, sans problèmes et sans méchanceté ! Ratatouille pour estomacs fatigués d’anthropologues. Délires de schizophrènes. Enfin éructations obscènes d’intellectuels noirs repus qui ont la trouille de voir bouger le Nègre.
Comme si nos sociétés n’avaient pas bougé depuis 500 ans ! Comme si nos royaumes ou empires ne connaissent ni tensions, ni inégalités sociales, ni exaspération, ni contradictions, ni crises ! Et cela depuis 500 ans ! Et cela, jusqu’au jour minable où, comme un éclair, l’instant de cet éclair, l’Occident jaillit (vraiment) d’une bouche d’ombre pour semer la dévastation, la mort et la débandade !
Je ne pense pas à Béhanzin, ni à Bâ Bemba. Ni à Samory. Ni à aucun des grands symboles. Je parle de tous ceux qui les ont précédés ; et qui comme certains de ceux d’aujourd’hui, par leur sottise, leur brutalité à l’égard de leurs sujets, leur aveuglement, leur ignorance de tout changement, leur refus de toute innovation ; l’absence de tout esprit inventif ont rendu possible la honte de toute une race et fait des Samory et de tous les anciens grands combattants, des martyrs de résistances sublimes, les héros d’une défaite inouïe. Qui aura le front d’oublier le rôle des rois nègres dans la traite des Noirs ?
Quand donc serons-nous enfin sérieux ?
La pression des évènements, les énormes intérêts en jeu, l’exploitation toujours plus outrée de nos masses, l’inaptitude congénitale de la bourgeoisie européenne à pouvoir remodeler son attitude vis-à-vis des nègres son impuissance à masquer la réalité de ses sentiments à l’égard des Oncle Tom, l’entêtement avec lequel elle s’acharne à répéter les instants chétifs de sa pensée, enfin les ridicules inhibitions sexuelles de la race blanche en face de sa vision priapique du nègre imposeront bientôt à tous les Noirs, contre le gré des plus larbins, la nécessité de devoir passer à la Révolution.
Alors, avec l’Afrique, la culture noire prendra possession d’elle-même dans le grondement des canons.


Absence de théorie née de l’absence, la négritude est dans le cheminement senghorien, le couronnement idéologique de toutes les pratiques de l’absence nègre. Objectivement, pratiquement et subjectivement, c’est l’aboutissement d’un long effort de rationalisation des préjugés et des prétentions du monde blanc. C’est le discours noir de la pratique blanche.


A cette race qu’on veut à genoux il faut donner les moyens d’un choix sans retour. A cette race de culbutés, on doit offrir des occasions d’un grand dessein. Cette race doit se procurer un avenir sans limite. Elle peut de réussir quelque chose d’unique. De ses pieds creuser l’abîme, et de ses mains édifier un monument qui la mette debout. Il faut savoir reprendre le message fracassé de Christophe le roi de la tragédie nègre, non plus dans les déserts de l’expérience intérieure mais le mettre dans le cœur de tout un peuple et obtenir de sa lutte le renversement objectif du pouvoir des maîtres. Défoncer la vague de la honte, en donnant à chaque Noir l’occasion de saluer l’ « odeur de marée de l’avenir ».
Sans doute tout nous abandonne. Mais nul ne peut nier la portée d’un vrai bouleversement. Il faut contre les incrédules revendiquer l’attentat de l’insolite. Certes, aujourd’hui, le ciel est incertain, mais l’incertitude de l’avenir nous fait un devoir de rejeter le scepticisme et l’abdication.
(…)
Partout on relate l’étrange figure de (l’) inénarrable faiblesse (de l’Afrique). Les colonialistes impénitents en pleurent d’indignation. Les hypocrites se lamentent. La gauche et la droite se désolent de tant de déceptions.
Tout, le cours des choses, l’harmonie secrète des tumultes, le faux scintillement des étoiles dans un faux firmament, pousse inexorablement au scepticisme généralisé. Et ce scepticisme se justifie encore par les incongruités des Africains qui s’amusent cependant que les fourmis amassent sur leur dos. Ils construisent des palais. Ils donnent des fêtes. Ils se pavanent dans les couloirs de l’ONU. Et lorsque les miettes ne tombent plus, ils crient au néo-colonialisme, mettent à la voile pour Moscou en hurlant « Retenez-moi »…
Tout le monde s’inquiète. Non seulement les Russes et les Américains, même ceux que l’Afrique depuis toujours intéresse, les pasteurs et les historiens, s’interrogent sur ce que veulent les Nègres. Tant il est vrai que cette histoire de Nègres s’apparente de plus en plus à l’histoire d’un désordre infini qu’une seule raison éclaire : la déraison même du Nègre.
Oui, c’est vrai, l’Afrique, sans point d’impact dans le monde d’aujourd’hui, seule et névrosée, connaît une situation analogue à celle que Canguilhem appelait, ailleurs, « désolante-désolée ».


Il est temps toutefois d’aller à la racine du mal. Il ne suffit pas de dénoncer la succession qui a été léguée, de déclarer que l’Afrique est pauvre et de divaguer sur la faiblesse matérielle des nègres. Il faut savoir trouver les causes réelles du retard, la raison des incohérences et de la faiblesse. Il faut choisir entre le colonialisme et l’indépendance.
(…)
Camarades, l’enjeu est trop important pour qu’on se lasse. Nous seuls, parce qu’au fond de la fosse et de là aspirant « à l’air, à la lumière au soleil » devrions commencer cette extraordinaire remontée humaine. Edifier l’inacceptable en donnant l’assaut au sort, à la nature et à l’histoire !...
Voilà pourquoi, le roi Christophe, contre nos terribles défauts, pour l’insolite attentat, par la bouche de Césaire rugira longtemps encore :

"(…) Il faut en demander aux Nègres plus qu’aux autres, plus de travail, plus de foi, plus d’enthousiasme, un pas un autre pas, et tenir gagné chaque pas ! C’est d’une remontée jamais vue que je parle, Messieurs. ET MALHEUR A CELUI DONT LE PIED FLANCHE (…)"

La négritude est morte. Il faut lâcher le Nègre…


Stanislas Adotevi
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MessagePosté le: Mar 07 Juin 2005 22:12    Sujet du message: Re: Negritude et Négrologues Répondre en citant

Farao a écrit:
Le Nègre doit devenir dangereux !
...
La négritude est morte. Il faut lâcher le Nègre…

Magister dixit.

Tres interessant, cette analyse.
Le gars est virulent et son propos ne manque pas de pertinence.
D'un autre cote le book a ete ecrit il ya 30 ans et une certaine recontextualisation doit etre faite par rapport a ses idees.

C'est assez bizarre que ce mec soit un inconnu (au moins pour moi).
Il vit tjrs?
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henrychrystophe
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MessagePosté le: Mer 08 Juin 2005 08:05    Sujet du message: Répondre en citant

Adotévi est né en 1934 et est encore en vie.

Sont dernier livre original sorti en France et arrivé au Dépot Légal de la Bibilothèque Nationale de France date de 1990. "De Gaulle et les Africains".

www.bnf.fr

Si non Négritude et Négrologue est ressorti en 1998 chez le Castor Astral


Auteur(s) : Adotevi, Stanislas Spero K. (1934-.... ). Auteur du texte
Titre(s) : Négritude et négrologues [Texte imprimé] / Stanislas Spero Adotevi ; préf. de Henri Lopes
Publication : Paris : le Castor astral, 1998
Imprimeur / Fabricant : 53-Mayenne : Impr. Floch
Description matérielle : 216 p. ; 22 cm
Collection : Les pourfendeurs
Lien à la collection : Les Pourfendeurs (Bègles).

Autre(s) auteur(s) : Lopes, Henri (1937-.... ). Préfacier
Sujet(s) : Négritude -- Afrique

ISBN 2-85920-354-0 (br.) : 95 F


Tu ne connaissait pas Adotévi peut être parcequ'il n'a pas beaucoup publié et que son plus célèbre livre" Négritude et Négrologue" qui attaquait la Négritude est :
1. Resté longtemps introuvable.
Une sortie en 1972 en poche et c'est tout.
Pas de réédition jusqu'en 1998 ce qui fait beaucoup.
Il fallait aller en bibliothèque universitaire ou d'étude et de recherche pour le trouver.
2.
Comme tout mouvement idéologique fort et bien implenté la négritude à tout envahi et la critque de celle-ci pas toujours bien venu surtout dans l'Afrique francophone. Les anglophones ont depuis longtemps tallé un costard à la négritude.

Voir ce qui est arrivé à Yambo Ouologuem avec son "Devoir de Violence" réedité au Serpent à Plume qu'en 2003 pourtant Renaudot de 1968. Ce Reanaudot fut tout un symbole en cette année là.

http://www.monde-diplomatique.fr/2003/06/SENE/10321

http://www.grioo.com/info599.html
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Farao
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MessagePosté le: Mer 08 Juin 2005 10:06    Sujet du message: Oui, mais... Répondre en citant

Merci pour les détails bibliographiques, henrychrystophe.
Citation:
Tu ne connaissait pas Adotévi peut être parcequ'il n'a pas beaucoup publié et que son plus célèbre livre" Négritude et Négrologue" qui attaquait la Négritude est :
1. Resté longtemps introuvable.
Une sortie en 1972 en poche et c'est tout.
Pas de réédition jusqu'en 1998 ce qui fait beaucoup.
Il fallait aller en bibliothèque universitaire ou d'étude et de recherche pour le trouver.
2.
Comme tout mouvement idéologique fort et bien implenté la négritude à tout envahi et la critque de celle-ci pas toujours bien venu surtout dans l'Afrique francophone. Les anglophones ont depuis longtemps tallé un costard à la négritude.

D'accord avec ça. Je nuancerai quand même un peu: si Adotevi reste largement inconnu du grand public, même dans son pays, "Negritude & Négrologue" est régulièrement cité dans les traveaux sur la littérature africaine, où il est reconnu comme la pierre angulaire de la critique de la négritude. Reconnaissance à double tranchant, si j'ose dire, car la perspective d'Atotevi alors débordait largement le seul champ littéraire.
Encore une fois, la comparaison avec le "Devoir de Violence" me fait grincer des dents. Pas seulement à cause de l'accueil enthousiaste que la presse occidentale a réservé au livre de Y. Ouologuem (ce qui en soi même devrait susciter au moins notre suspicion...), mais surtout du fait de la différence radicale de démarche des deux auteurs: d'un coté un tableau à charge systématique et gratuit des "réalités"(?) africaines, avec en sous-entendu une justification de la colonisation (à qui personne ne pourra reprocher d'avoir tenté de mettre fin à cette barbarie), de l'autre une déconstruction des processus de domination coloniaux et néocoloniaux, dans une perspective révolutionnaire. Je l'ai dit plus haut, le livre de S. Adotevi dépasse le seul champ littéraire. Il ne se contente pas de mettre à jour les apories de la négritude, il explique surtout comment elle se prolonge dans le pseudo "socialisme africain" de Senghor, comme outil de domination politique.
Le "Devoir de Violence" a reçu le prestigieux Prix Renaudot dès l'année de sa sortie. Pas mal, hein, pour un livre africain en 1968? Pour moi ses infortunes suivantes tiennent d'avantage aux accusations de plagiat qu'à son contenu. Mais bon, ce n'est que mon avis. J'encourage vivement tout un chacun à lire les deux livres et à se faire sa propre opinion.
BMW a écrit:
Citation:
D'un autre cote le book a ete ecrit il ya 30 ans et une certaine recontextualisation doit etre faite par rapport a ses idees.
En effet. Je l'ai d'ailleurs précisé dès le départ. Si Adotevi semble se défendre d'être marxiste, ses sympathies d'alors sont très clairement à l'extrème gauche. (A un endroit de son livre il considère la Chine comme "un exemple mais pas un modèle"). 1972 c'est aussi l'année de la pseudo-révolution marxiste au Bénin, pays de l'auteur. C'est encore l'époque des luttes de libération du continent et le début de la dernière vague des indépendances. Vers la fin de l'ouvrage Adotevi préconise d'ailleurs d'organiser la lutte autour d'un ou deux états chargés d'organiser la déstabilisation dans les pays africains freinant l'unification politique du continent.
Au delà de cette forte contextualisation, certains des positionnements critiqués dans "Negritude et Négrologues" restent cependant d'actualité, comme en témoignent, je l'espère, les extraits que j'ai postés.
Mais, encore une fois, mon avis n'engage que moi. Wink
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ARDIN
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MessagePosté le: Jeu 09 Juin 2005 22:10    Sujet du message: Re: Oui, mais... Répondre en citant

Stanislas Adotevi est d’ailleurs l’un des rares ecrivains africains qui fut en phase avec “Le Proscrit Admirable”. Leurs critiques de la Negritude les a rapproches car a l’epoque la plupart des ecrivains africains etaient sympathiques a ce nouveau concept.
J’ai beaucoup apprecie les critiques acerbes de Mongo Beti dirigees contre Camara Laye, Ahmadou Kourouma, Sony Laboutansi, Ferdinand Oyono, etc…leur reprochant une certaine forme de litterature puerile qui plongeait le Noir dans une sorte d’hypnose. Ce que j’approuve 100%.
La colonisation avait cru pouvoir edifier un ordre durable dans lequel, tandis que les africains borneraient leurs ambitions aux satisfactions bureaucratiques et des besoins primaires, les europeens auraient l’apanage de batir, de creer des entreprises et des richesses, en un mot d’exercer la veritable puissance dont ils ont ainsi recu la delegation(sic) a la satisfaction de tous, et surtout de Senghor qui allait faire de cette idee l’epine dorsale de sa negritude pour qui la domination du Blanc sur le Noir etait logique et naturelle.
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MessagePosté le: Jeu 09 Juin 2005 23:39    Sujet du message: Re: Oui, mais... Répondre en citant

ARDIN a écrit:
Stanislas Adotevi est d’ailleurs l’un des rares ecrivains africains qui fut en phase avec “Le Proscrit Admirable”. Leurs critiques de la Negritude les a rapproches car a l’epoque la plupart des ecrivains africains etaient sympathiques a ce nouveau concept.
J’ai beaucoup apprecie les critiques acerbes de Mongo Beti dirigees contre Camara Laye, Ahmadou Kourouma, Sony Laboutansi, Ferdinand Oyono, etc…leur reprochant une certaine forme de litterature puerile qui plongeait le Noir dans une sorte d’hypnose. Ce que j’approuve 100%.
La colonisation avait cru pouvoir edifier un ordre durable dans lequel, tandis que les africains borneraient leurs ambitions aux satisfactions bureaucratiques et des besoins primaires, les europeens auraient l’apanage de batir, de creer des entreprises et des richesses, en un mot d’exercer la veritable puissance dont ils ont ainsi recu la delegation(sic) a la satisfaction de tous, et surtout de Senghor qui allait faire de cette idee l’epine dorsale de sa negritude pour qui la domination du Blanc sur le Noir etait logique et naturelle.

Je vois que je suis le seul ici a ne pas savoir qui est cet homme.

Je voudrai rebondir sur ce que vient de dire Ardin a propos des critiques de Mongo Beti (le "proscrit admirable") a propos de la litterature de Laye, Kourouma, Labou Tansi, Oyono, etc...
En particulier, Camara Laye a essuye de violentes critiques apres avoir ecrit "L'Enfant Noir", de la part de Mongo Beti, Chinua Achebe et d'autres.
On a taxe ce livre de procolonial, de mou, et de pas mal d'autres qualificatifs desagreables.
Il ya 2 semaines, j'ai croise par hasard une americaine qui etudie la litterature francaise, et elle m'a dit qu'ils avaient un cours de litterature africaine ou on leur faisait lire Mariama Ba, Hamidou Kane, et aussi Camara Laye entre autres. Et quand je lui ai dit que l'Enfant Noir est l'un de mes livres preferes, elle m'a repondu: "C'est curieux, notre prof nous a dit que beaucoup d'africains n'aiment pas ce livre".

Je ne suis pas d'accord avec ceux qui font ces critiques.
L'oeuvre de Camara Laye n'est pas procoloniale. L'enfant Noir est un livre ou Laye parle de son enfance. Elle etait heureuse. Si je devais ecrire un livre sur mon enfance, je ne parlerai pas de la francafrique et de l'alienation. Je crois qu'a quelques exceptions pres, ceux qui ont grandi en Afrique ont d'excellent souvenirs d'enfance, meme s'ils ont grandi ds la pauvrete (cf la photo de ma signature). "Dramouss" est une critique de la dictature de Sekou Toure. Le "Maitre de la Parole" est un livre sur l'Histoire de l'Afrique (la creation du Mandingue par Soundjata Keita; Laye a receuilli son texte aupres des plus illustres griots, demarche historiographique plus que admirable). DOnc je ne vois pas pourquoi on devrait accuser Camara Laye de quoi que ce soit, tout le monde ne doit pas forcement ecrire des pamphlets comme "Discours sur le Colonialisme" ou "Main basse sur le Cameroun". Et honnetement, je suis plus fier de lire "L'enfant Noir" qui me parle d'africains ruraux independants et fiers de leur culture, que "La ruine presque cocassse d'un polichinelle" de Mongo Beti ou la vie du Noir ne tourne qu'autour du Colon blanc.
Je suis de ceux qui pensent que la vraie litterature afrocentrique est celle ou justement l'Afrique est presentee pour ce qu'elle est, en mettant en exergue la richesse culturelle qui nous est propre, sans systematiquement faire reference au colon. Et en ce sens, l'oeuvre de Camara laye est selon moi authentiquement afrocentrique.

Dans le meme registre, si je prends le cas de Soni Labou Tansi, "La parenthese de Sang" est une critique de l'autoritarisme; "La vie et demie" est une critique des dictatures africaines. Je ne vois pas en quoi la litterature de soni peut etre qualifiee de "puerile", d'autant plus que d'iun point de vue stylistique Soni Labou Tansi est incontestablement l'un des ecrivains africains les plus brillants.

Idem pour Kourouma: en lisant "En attendant le vote des betes sauvages" ou "Monne, Outrages et Defis", je crois que l'accuser de plonger le noir dans l'hypnose n'est pas justifie.


Donc, en conclu, je voudrai dire ceci.
Mongo beti (pour lequel j'ai un immense respect, j'ai deja parle de lui ds d'autres topics) a choisi une voie est la sienne, il ne peut pas l'imposer aux autres. Chacun sensibilise ses pairs comme il l'entend: theatre, litterature, essais, pamphlets, etc..., et a priori aucun genre ne peut se prevaloir d'une quelconque superiorite.
Et aussi, Mongo Beti qui a passe toute sa carriere en France, s'est marie a une francaise et a meme pris la nationalite francaise, est tres mal place pour donner des lecons d'anti-colonialisme francais a Soni Labou Tansi, Kourouma et Camara Laye, qui malgre toutes les difficultes sont restes en Afrique (en epousant des africaines).


Farao a aussi dit un mot sur "Le devoir de Violence" de Ouologuem.
J'ai lu ce livre il ya un an et j'en suis ressorti avec une impression mitigee.
Je ne sais pas s'il est plagiaire (il semble que oui), mais le debut du livre est brillant d'un point de vue strictement stylistique.
Mais le contenu est execrable du debut a la fin, je comprends pourquoi les francais lui ont donne le Reneaudot. L'image du Negre qu'il depeint est tres simple: Le Negre est un sauvage, un lubrique, et un sanguinaire.
Mais bon, que chacun se fasse une idee en lisant soi-meme.

C'est bien que Adotevi ait ete reedite (thanks, henrychristophe).
Je verrai si je peux me procurer le book.
J'aime beaucoup ce qu'il dit.
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ARDIN
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MessagePosté le: Ven 10 Juin 2005 21:11    Sujet du message: Re: Oui, mais... Répondre en citant

BMW
Je pense que les critiques de Mongo Beti etaient fondees, il a pense qu’on ne pouvait pas ecrire sur la pluie et le beau temps pendant que la France s’ingenuait a maintenir sa mainmise sur ses proprietes coloniales par l’installation au pouvoir des dictateurs, et eliminer par la meme occasion toutes velleites independantistes.(Ruben Um Nyobe, Felix Moumie, Ernest Ouandie au Cameroun, Lumumba au Congo-Kinshasa, Olympio au Togo, etc…) On nous a servi en fait la negritude, puis la francophonie pour nous adoucir et nous empecher de penser a la precoccupation majeure et legitime qui etait l’autonomie effective coute que coute. Nous etions a un tournant decisif de notre destin: L’autonomie a tout prix ou l’autonomie assistee? Maintenant, les populations ayant ete plonge dans la peur et l’intimidation avec les assassinats politiques des Leaders independantistes qui mettaient en avant les revendications d’autonomie, seuls les ecrivains etaient a meme de representer une alternative, un vrai challenge, notamment au niveau des idees qu’ils pouvaient vehiculer a travers leurs ecrits afin de permettre a l’africain de comprendre comment se jouait son destin. En lieu et place a la litterature de combat, nous avons eu droit a la litterature de contemplation. C’est a ce niveau que je suis d’accord avec Mongo Beti: c’etait une question d’orientation litteraire, le contexte le recommendait avec force!

J’aimerai souligner que ma preference pour les essais litteraires(que tu as remarque dans un autre sujet) vient du fait qu’un essai t’apporte des elements critiques par son analyse pour une meilleure comprehension d’un theme par rapport a un roman qui passe a cote de cet aspect.
Le talent litteraire de Kourouma ou Laye n’etait pas un probleme pour Beti, il ne s’attaque pas a leurs œuvres de facon significative simplement l’orientation qu’ils ont choisi; et s’il etait encore en vie, je suis sur qu’il ne referait pas la meme critique car le vide d’antan est maintenant comble.
Aime Cesaire est certainement celui qui a le mieux compris cette question, au depart avec Senghor, il comprit qu’il avait fait fausse route avec la negritude. Aujourd’hui, si on lui pose la question de savoir de qui entre Senghor et Diop il se sent le proche des idees, je peux predire sa reponse sans hesiter qu’il plebiscitera Diop!

Citation:
Et honnetement, je suis plus fier de lire "L'enfant Noir" qui me parle d'africains ruraux independants et fiers de leur culture, que "La ruine presque cocassse d'un polichinelle" de Mongo Beti ou la vie du Noir ne tourne qu'autour du Colon blanc.
Je suis de ceux qui pensent que la vraie litterature afrocentrique est celle ou justement l'Afrique est presentee pour ce qu'elle est, en mettant en exergue la richesse culturelle qui nous est propre, sans systematiquement faire reference au colon. Et en ce sens, l'oeuvre de Camara laye est selon moi authentiquement afrocentrique.

Dans le meme registre, si je prends le cas de Soni Labou Tansi, "La parenthese de Sang" est une critique de l'autoritarisme; "La vie et demie" est une critique des dictatures africaines. Je ne vois pas en quoi la litterature de soni peut etre qualifiee de "puerile", d'autant plus que d'un point de vue stylistique Soni Labou Tansi est incontestablement l'un des ecrivains africains les plus brillants.

Idem pour Kourouma: en lisant "En attendant le vote des betes sauvages" ou "Monne, Outrages et Defis", je crois que l'accuser de plonger le noir dans l'hypnose n'est pas justifie.


Mongo Beti disait encore: L’afrique suscite un romantisme de la souffrance, et la plupart des ecrivains se sont jetes eperdument dans ce cliche, s’emprisonnant eux memes dans un genre dont certains commencent a peine a se defaire.

Je te mets cette critique sur le livre de Kourouma(En attendant le vote des betes sauvages, tres evocatrice de la preoccupation de Mongo Beti.

voici le lien ou je l’ai pioche: www.evene.fr/livres/livre/ahmadou-kourouma-en-attendant-le-vote-des-betes-sauvages-2456.php

Citation:
"En attendant le vote des betes sauvages" est une critique acerbe contre la dictature menre par des hommes sans scrupules sur la terre africaine. C'est pour cette raison que cette oeuvre s'inscrit comme une veritable lumiere pour mettre a nu les veritables realites du pouvoir de l'Afrique d'apres les independances et revele en quelque sorte un sentiment de voeux de retour a la situation de colonisation ou la dignite de l'homme etait plus respectee. L'Afrique a travers ce roman montre son visage reel et, a travers cette oeuvre aussi, j'espere qu'elle evitera les erreurs qui lui ont valu ce grand retard.


Voici comment on triture le subconscient et fausse le jugement des africains. Kourouma a travers la derision et l’ironie nous fait une critique de la dictature, et on nous fait croire, que les africains ont invente la dictature.
Et je rappelle que ce livre a recu le prix inter en 1999.
Dans Main Basse sur le Cameroun (avec son sous-titre evocateur d’autopsie d’une decolonisation), Mongo Beti nous livre une description poignante de la dictature d’Ahmadou Ahidjo installe subtilement au pouvoir par le regime colonial qui comptait reste maitre des renes de ce pays; et comment le regime colonial s’emploit a discrediter a travers sa presse, les leaders independantistes, a les tourner en derision, les discrediter; puis liquider(d’une facon ou d’une autre) tous ceux qui representaient une menace pour les interets de la france, pour finir par presenter Ahidjo comme le seul homme capable de diriger ce pays.
Qu’est ce que ca lui a coute? Des decennies d’exil.
Je t’invite a une reappreciation.

L'Afrique a besoin certes d'etre mise en face de ses propores erreurs, mais elle attend du talent de ses ecrivains un peu plus qu'une simple denonciation complaisante.
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Doco
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MessagePosté le: Sam 11 Juin 2005 17:22    Sujet du message: Répondre en citant

Slt a tous...

Bcp de references ici que je n'ai pas toutes lues... Notamment Adotevi qui vient de se placer en pole position de mes lectures a venir.

Cela etant, il y a en effet selon moi cette litterature que je n'appellerais pas enfantine ou puerile mais que j'ai lue "jeune" et qu'avec l'age je trouve a la limite plate, nonchalante et naive. Comme l'a dit Ardin, litterature "de contemplation" ou "romantisme de la souffrance". Ceci se retrouve dans la plupart des classiques de la litterature coloniale. L'enfant Noir de Camara Laye dont il a ete question plus haut ou Une vie de Boy d'Oyono restent des livres que je conseillerais a un certain public et d'excllents souvenirs. Les premiers souvenirs d'ailleurs d'une envie de revolte et les premiers declencheurs d'une rage certaine.
Il n'en demeure pas moins, comme bon nombre de bouquins de la meme epoque, qu'il s'agit de recits. Recits que je lirais aujourd'hui a la lumiere de mes idees, d'autres references et de ce que je pense relever de besoins immediats pour les Africains. C'est un style litteraire qui caracterise vraiment cette epoque coloniale. Je pense que ce sont des bouquins qui font partie de notre patrimoine litteraire, je pense que tout le monde n'a pas devoir d'ecrire des essais car le roman a son utilite lui aussi. Mais je pense aussi (surtout) que c'est un style litteraire qu'il n'est pas necessaire de reproduire aujourd'hui or nous en sommes loin.
Je rajouterai que je ne pense pas que ces auteurs la soient vraiment d'ardant defenseurs de la Negritude senghorienne. Loin de la. Il me semble que ca serait faire une affreuse confusion des genres que de leur coller une etiquette de negrologues...

M'enfin, les recits plats et tres emotifs qui faisaient scandale durant l'epoque coloniale ne sont plus d'une actualite palpitante, en tous cas ne font plus scandale aujourd'hui. Pour paraphraser Adotevi, "Il faut lacher le Negre !"
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MessagePosté le: Sam 11 Juin 2005 23:30    Sujet du message: Des exemples qui se discutent... Répondre en citant

Je n’ai pas lu la critique de Mongo Béti dont il est question, mais je m’étonne de voir Soni Labou Tansi et Amadou Kourouma étiquetés « Ecrivains de la contemplation ».
A l’époque où j’ai découvert S. L. Tansi (milieu des années 90) on commençait à peine à trouver des romans africains traitant d’autre chose que de dictature ou de choc des cultures, thèmes qui me sortaient déjà par les trous du nez. Pourtant j’ai lu ses livres d’une traite et l’un après l’autre : il revenait certes sur les sentiers battus, mais avec quelle originalité ! Avec quel talent ! Contrairement aux autres il ne me donnait nullement l’impression d’écrire pour rencontrer les préjugés du lecteur blanc. Il m’a fait alors l’impression d’un artiste parfaitement décomplexé. Une bouffée d’air frais.
Quant à celui qui a écrit :
Citation:
"En attendant le vote des betes sauvages" est une critique acerbe contre la dictature menre par des hommes sans scrupules sur la terre africaine. C'est pour cette raison que cette oeuvre s'inscrit comme une veritable lumiere pour mettre a nu les veritables realites du pouvoir de l'Afrique d'apres les independances et revele en quelque sorte un sentiment de voeux de retour a la situation de colonisation ou la dignite de l'homme etait plus respectee. L'Afrique a travers ce roman montre son visage reel et, a travers cette oeuvre aussi, j'espere qu'elle evitera les erreurs qui lui ont valu ce grand retard.

il était manifestement sous l’emprise de substances chimiques. Où y a-t-il vu un quelconque «sentiment de voeux de retour a la situation de colonisation» ?
Plus fort encore : «la dignite de l'homme etait plus respectee » ?!?!?
N*gga please…
Kourouma montre bien la collusion des dictateurs qu’ils dénonce avec l’ancien colon. Leurs méthodes s’inscrivent dans la lignée de celles de leurs prédécesseurs : élections truquées, repression musclée, torture, assassinat, etc… Les « assistants techniques » et « conseillers » blancs sont omniprésents, des salles de torture à la présidence. Ceux qui ont lu le livre se rappelleront cette scène, qui revient à plusieurs reprises, où le nouveau président Koyaga venu prendre conseil auprès de ses « aînés en dictature » s’étonne à haute voix du cynisme des occidentaux et se voit aussitôt rappelé à l’ordre par son pair paniqué à l’idée que son conseiller blanc surprenne ses parôles.
Comparez avec le « Devoir de Violence », où le gouverneur français n’est qu’une marionnette manipulée par le féodal Saïf ben Isaac El Heït…
J’ai beau relire, je ne trouve dans «En attendant le vote des betes sauvages » ni condamnation ontologique du Nègre, ni tentative de diversion.
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MessagePosté le: Dim 12 Juin 2005 14:03    Sujet du message: Répondre en citant

Nous avons pensé à BMW, Doco et tous les autres qui n'ont pas encore pris connaissance de la missive. Voici de quoi vous mettre encore plus l'eau à la bouche, La quasi totalité de la préface à l'oeuvre, signée Henri Lopes.
Que l’éditeur nous pardonne cette trop longue citation. Nous sommes « la nouvelle génération » à laquelle ces lignes s’adressent directement ; de fait nous pensons avoir quelques droits dessus...

" …Débuta le séminaire, à la cité des pins. Impatient et imprudent, je fus l’un des premiers à monter à la tribune. Ce fut pour porter une attaque sans concession à la négritude. Peu importe quels furent mes arguments ce jour-là, ce n’est pas mon histoire qu’il s’agit de conter ici.
Au moment où je regagnais ma place, Stan Adotevi se leva et se porta à ma rencontre : « Tu as eu raison de jeter le pavé dans la mare, je vais te suivre. Je devais prendre la parole tout à l’heure, je vais demander le report de mon intervention. »
Il sortit de la salle, s’enferma dans sa chambre d’hôtel et, quand vint son tour, il ne me suivit pas, il me dépassa ; il nous lâcha tous. Il nous gratifia du morceau le plus éblouissant de la rencontre. Il enthousiasma les uns, scandalisa les autres, il nous captiva tous. C’était un long plaidoyer qui, par son ton, me rappelait, le discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire que certains d’entre nous avions appris par cœur dans les cours de récréation de nos lycées.
Dans ce symposium culturel où ronronnaient des discours conformes à la rhétorique politique à la mode, ce fut la première intervention culturelle. Comme dans le discours de Césaire tous les genres se côtoyaient avec bonheur : le philosophique, le lyrique, le polémique, l’épique. Stan pourfendait la négritude et réglait ses comptes avec une confrérie dont j’entendais parler pour la première fois, les négrologues.
Mais au-delà des attaques, une proposition : le mélanisme. Sa définition et ses objectifs étaient un peu sommaires. Et pour cause ! Le concept avait été forgé séance tenante. Adotevi promettait de la développer ultérieurement.
Cette bombe réveilla le festival et les défenseurs de la négritude s’organisèrent, jusqu’à distribuer des tracts pour confondre le papede la nouvelle théorie (stan Adotévi) et ses cardinaux auxquels j’étais fier d’appartenir.
Cet événement est à l’origine de Négritude et Négrologues. Le livre est à coup sûr l’élaboration et l’approfondissement du discours d’Alger.
Pourquoi, presque trente ans après, republier cet ouvrage ? pourquoi la polémique contre Senghor tant il est vrai que depuis lors, Adotevi, ses cardinaux, ses prêtres et beaucoup de ses ouailles ont rendu justice au père de la négritude et, sans se renier, fait la part des choses ; à commencer par l’auteur de cette préface.
D’abord au nom de l’histoire.
L’Afrique, plus que n’importe quel continent, a besoin de documents historiques.
[…]
Or Négritude et Négrologues n’est pas le pamphlet négatif qu’on s’est plu à présenter. C’est au-delà du ton, la première tentative sérieuse d’analyse critique de la négritude. Elle proclame sa nécessité et établit en quoi elle fut une réponse, un outil, une arme pour sortir de cette ère où la colonisation était aussi un « apartheid », où notre appartenance à l’espèce humaine était mise en cause. Et dans la foulée, elle indique ses limites. Si à la naissance de la négritude, le conflit était entre les Noirs (qui n’osaient pas s’appeler nègres) et les colons racistes (qui se prétendaient les porte-parole de tous les Blancs), en 1969 la pomme de discorde était entres Nègres ; une poignée d’entre eux, armés, crucifiaient les autres au nom du droit des peuples qui seraient l’opposé des droits individuels. Il n’y avait dès lors d’autre issue à ces géhennes que de penser le monde non plus en termes de races mai d’individus, de droits et de valeurs universels. Qu’on lise attentivement Adotevi : il dit l’utilité de la négritude mais aussi ses dévoiements. Car la négritude ne fut pas seulement Senghor et Césaire. L’autre versant de la négritude c’est Duvaliers, c’est l’authenticité de Mobutu et de Tombalbaye. Sur le côté face, on aperçoit une race opprimés qui redresse la tête, sur le côté pile, on déchiffre le symbole de la mystification.
Plus qu’à la négritude, c’est aux négrologues qu’Adotevi s’en prend. Les bonnes âmes et les messieurs Jourdain qui veulent se faire nos avocats et qui au bout du compte, dans le jargon d’érudits, font de l’exotisme sans le savoir. Un mélange de Jourdain et de Diafoirus.
Mis quid d’aujourd’hui ? Négritude et Négrologues pousserait-il une antienne surannée ?
Je dis qu’il faut faire une relecture de Négritude et Négrologues . Une relecture moderne.
En relisant ces pages, trois décennies après leur conception, ce n’est pas un album de jeunesse que je feuillette. J’y lis aussi les termes du débat qui nous agite maintenant sur les identités et la globalisation. Négritude et Négrologues en fait le point.
Nous n’aurions pas été sans l’affirmation de nos identités. Car le monde n’est un. A coté de l’homo gallus-latinus-hellenicus, il existe un persan. Et l’on peut être Iroquois, bantou ou Zoulou et concevoir la civilisation en d’autres termes que Platon. Aussi convenait-il de cesser de se nommer par des circonvolutions (« évolué », « Africain », « homme de couleur ») et se proclamer Nègre.
Mais à trop rêver nos identités, n’avons nous pas engendré des cauchemars, réels et tangibles (cf. la région des grands lacs, cf. les Balkans, cf. l’ancien empire soviétique), A côté de nos identités originelles qu’il nus faut assumer pour ne pas nous dissoudre dans l’irréelle, existe aussi en chacun de nous notre identité internationale qui nous rattache à un réseau de complices avec lesquels nous proclamons l’unité du genre humain. C’est aussi pour moi que Montesquieu s’est fait persan ! C’était le sens de notre cri d’Alger, le sens de Négritude et Négrologues.
Il existe enfin une identité personnelle. Nul besoin de le démontrer ni de le développer.
Ces trois identités qui me sont chères et que je vais rabâchant à qui veut m’entendre, j’en retrouve la trame dans le livre d’Adotevi.
Si malgré ce plaidoyer, dont je sais bien que n’a nul besoin, les plus jeunes décelaient des lacunes. Il faudrait alors prendre la plume.
Puisse ce livre sinon les inspirer, du moins les aider à se situer.
Nous n’avons pas tout dit
. Nous n’avons écrit que la première page.
Et il n’est pas vrai qu’Adotevi soit pape. Il ne prêche pas ; il provoque. Comme la négritude provoqua en son temps. Aux nouvelles générations de réagir. Mais faites-le s’il vous plaît, avec le panache d’Adotevi.
"
Fin de citation.
Les "soulignés" sont tous de nous.

Quelques indiscrétions :
-Il semblerait qu'un nouveau bébé soit en route...
-Stanislas Adotevi est actuellement en France pour quelques temps...
( Nous pensons être en mesure d'organiser une rencontre si la demande est exprimée)
-Sinon il faudra patienter jusqu'à la rentrée, nous croyons savoir qu'une soirée est en négociation dans un lieu clé à Paris...(nous vous tiendrons au courant)

Il ne reste plus qu'à remercier celui qui a eu la lumineuse idée de remettre cet ouvrage au goût du jour sur ce site.
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MessagePosté le: Dim 12 Juin 2005 19:56    Sujet du message: Répondre en citant

Oh que j'aime cet extrait.... Non que je l'epouse mais il donne (ce que j'apprecie le plus) des elements de reponses a des questions que se posent un bon nombre de jeunes freres au sujet des reperes, de ces "identites" (pas forcement telles qu'elles sont definies ici) qui font ce qu'on est mais aussi de cette premiere page qu'il faut completer, de ces generations (la mienne notamment) qui doivent "dans une certaine opacite decouvrir leur mission" et la remplir...
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MessagePosté le: Lun 13 Juin 2005 07:22    Sujet du message: Répondre en citant

Superbe Thread Farao,
je decouvre beaucoup d'auteurs dont j'ignorais l'existence et les idees.
Merci.

Un passage qui m'a tout de suite touche et dont le message est aujourd'hui toujours d'actualite.

Farao a écrit:

A cette race qu’on veut à genoux il faut donner les moyens d’un choix sans retour.
A cette race de culbutés, on doit offrir des occasions d’un grand dessein.


Cette race doit se procurer un avenir sans limite.
Elle peut de réussir quelque chose d’unique.

De ses pieds creuser l’abîme, et de ses mains édifier un monument qui la mette debout.



Il faut savoir reprendre le message fracassé de Christophe le roi de la tragédie nègre, non plus dans les déserts de l’expérience intérieure mais le mettre dans le cœur de tout un peuple et obtenir de sa lutte le renversement objectif du pouvoir des maîtres.

Défoncer la vague de la honte, en donnant à chaque Noir l’occasion de saluer l’ « odeur de marée de l’avenir ».

Sans doute tout nous abandonne.
Mais nul ne peut nier la portée d’un vrai bouleversement.
Il faut contre les incrédules revendiquer l’attentat de l’insolite.
Certes, aujourd’hui, le ciel est incertain, mais l’incertitude de l’avenir nous fait un devoir de rejeter le scepticisme et l’abdication.

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MessagePosté le: Mar 14 Juin 2005 17:46    Sujet du message: Répondre en citant

Alors la, la chose se densifie.
Deja, je ne sais pas pourquoi, mais sur ce genre de topic, je sais tjrs d'avance qui pointera son nez. Razz


Je voudrais deja dire quelqeu chose au depart: Lorsque Mongo beti dit "L’afrique suscite un romantisme de la souffrance, et la plupart des ecrivains se sont jetes eperdument dans ce cliche, s’emprisonnant eux memes dans un genre dont certains commencent a peine a se defaire. , figure-toi que je suis tout a fait d'acord avec lui. Ce "romantisme de la souffrance" dont parle Mongo beti a amene des dizaines d'auteurs africains a cette litterature ou l'on se limite a une plate description d'une Afrique a la fois apocalyptique et enfantine, une Afrique de calamites qui aspire sans y parvenir au saint graal de la "civilisation".
Et en general, les chevaux de bataille de ce type de litterature etaient le "choc des cultures" ou "les dictatures" (dans le cine africain, c'est encore plus mortel: le theme de l'exode rural a toutes les sauces).
Donc je ne suis pas contre cette critique.


Ce que je refuse, c'est d'abord:
1. Le prejuge selon lequel celui qui n'ecrit pas des pamphlets ou des essais politiques est un modere, que les essais sont plus important culturellement que la litterature (romans, nouvelles, theatre)

Je refuse cette critique parce que l'essai litteraire, par definition, est destine a un nombre restreint de lecteurs, au contraire de la nouvelle ou du roman. L'essai, je suis d'accord avec Ardin sur ce point, a pour mission de donner une vision quelque peu approfondie et surtout iintellectuelle d'un sujet donne.

Mais dans chaque pays occidental par exemple, les livres cultes sont presque toujours des romans, des nouvelles ou des pieces de theatre. En France, on te parlera de Madame Beauvary, Les miserables, La peste, Le petit prince, Les mains sales, Candide; on te parlera de Moliere, Hugo, Corneille, Sartre, De la Fontaine, etc... Les allemands parleront de Goethe, les anglais de Shakespeare, les espagnols de Cervantes.
Tres peu, sinon aucun essai ne figurera dans les listes des livres qui ont profondement influence leur culture populaire (je precise bien populaire).

En Afrique par contre, la situation est un peu paradoxale: il ya d'une part une tres petite minorite (en fait, tres tres tres petite) qui est intellectuellement hyper-pointue et devore les essais, et de l'autre cote, l'ocean du commun des africains qui au trop n'aura lu que ce qu'on l'aura oblige a lire au lycee, un maximum de 10 livres dans toute sa vie.
De mon point de vue, la se situe l'un de nos problemes les plus graves, ce fosse qui separe l'erudit africain de la masse.

Et ce fosse ne peut etre comble qu'avec la litterature, et non avec des essais. J'ai lu "Black boy" de Richard Wright a 12 ans, et j'ai compris a cet age ce que signifiait la discrimination raciale dans le sud des etats unis. Je n'aurais certainement jamais ouvert un livre intitule "La disrimination raciale au sud des etats unis au debut du 20e siecle".
La bonne litterature est un outil exteremement puissant pour edifier la culture et la connaissance d'un peuple, car en lisant, le lecteur se distrait mais aussi s'informe et s'eduque.

Donc, ceci etait mon premier point: on neglige trop la litterature en Afrique, ce qui est une grande erreur. C'est a cause de cela que ce gouffre existe entre les intellos et le reste. Je suis sur que vous avez deja experimente ceci: etre incapable de discuter des themes qu'on aborde sur ce forum avec vos propres freres, vos propres amis, non parce qu'ils sont betes, mais parce qu'ils ne lisent pas (ni litterature, ni essais) et se trouvent a des annees lumiere des problematiques qu'on aborde ici.
Et bien que cela puisse paraitre paradoxal, un blanc lambda est meme parfois plus prepare a ce genre de discussions parce que au moins il possede sur le bout des doigts ses propres classiques litteraires.

Je reste convaincu que le reveil culturel de l'Afrique passera par la litterature qui est a meme de toucher tout le peuple, et non par les essais qui ne sont destines qu'a l'elite intellectuelle.
En ceci l'occident est culturellement mieux structure, car l'existence d'une litterature "grand public" d'assez bonne qualite constitue un lien continu entre les masses populaires et les elites intellectuelles.


2. Je crois que les critiques de Mongo beti etaient dirigees vers les mauvaises personnes et pour les mauvaises raisons.

Lorsque Farao dit:
Citation:

A l’époque où j’ai découvert S. L. Tansi (milieu des années 90) on commençait à peine à trouver des romans africains traitant d’autre chose que de dictature ou de choc des cultures, thèmes qui me sortaient déjà par les trous du nez. Pourtant j’ai lu ses livres d’une traite et l’un après l’autre : il revenait certes sur les sentiers battus, mais avec quelle originalité ! Avec quel talent ! Contrairement aux autres il ne me donnait nullement l’impression d’écrire pour rencontrer les préjugés du lecteur blanc. Il m’a fait alors l’impression d’un artiste parfaitement décomplexé.
, je ne puis que partager sa vision des choses.

Je que je souhaite dire est que ces themes en eux meme ne sont pas denues d'interet, tout depend de comment on les traite.

Soni Labou Tansi parle de dictatures, certes. Mais "La vie et demie" (roman) et "Parenthese de sang" (theatre) sont des oeuvres d'art, ou l'auteur cherche une certaine esthetique au dela du message qu'il souhaite porter.
De meme, Ahmadou Kourouma dans "En attendant le vote des betes sauvages" apporte une stylistique nouvelle, typiquement africaine (principe des veillees, que cette plagiaire de Beyala s'est empressee de copier dans "Les arbres en parlent encore").

Cheikh Hamidou Kane parle du choc des cultures, certes. Mais existe-t-il un livre de cette epoque qui soit plus mysterieux, plus mystique, plus depouille, plus philosophique que "L'aventure ambigue"? J'en doute.

Donc, tout depend de la maniere de traiter le sujet.
C'est un peu comme 50% des livres parlent d'amour, mais il y a un gouffre entre un livre de cul et un livre intelligent sur ce theme.

Et pour revenir a Camara Laye, on ne peut pas dire qu'il entre dans un "romantisme de la souffrance" car justement son livre est un livre heureux, un livre ou a la limite il n'ya meme pas de blancs, ou on ne parle presque pas de la colonisation, non par pudeur, non par peur, mais parce que c'est un theme qui n'y avait pas sa place.
ET si on fait lire ce livre a un jeune noir aujourd'hui, il pourra se rendre compte par lui meme de ce que pouvait etre l'Afrique Noire dans les annees 30. Tres loin des cliches ethnographiques usuels, dans tous les cas.



Sur la perception des oeuvres litteraires africaines

Citation:
"En attendant le vote des betes sauvages" est une critique acerbe contre la dictature menre par des hommes sans scrupules sur la terre africaine. C'est pour cette raison que cette oeuvre s'inscrit comme une veritable lumiere pour mettre a nu les veritables realites du pouvoir de l'Afrique d'apres les independances et revele en quelque sorte un sentiment de voeux de retour a la situation de colonisation ou la dignite de l'homme etait plus respectee. L'Afrique a travers ce roman montre son visage reel et, a travers cette oeuvre aussi, j'espere qu'elle evitera les erreurs qui lui ont valu ce grand retard.

Farao est bien trop indulgent avec celui qui a ecrit cette "critique" (c'est d'ailleurs sans aucun doute un blanc). Il est bien plus que sous substances chimiques. Il est sous eurocentrotherapie, l'un des lavages de cerveaux les plus devastateurs de l'Histoire de l'espece humaine. Et je crois que ce gars a depuis longtemps depasse le point de non-retour.

Ca me fait penser a une piece de theatre de Wole Soyinka que j'ai lue il y a quelques mois, "La mort et l'ecuyer du roi". Une tres belle oeuvre, il faut la lire pour comprendre pourquoi ce type a eu le Nobel de litterature.
La preface etait de Soyinka lui-meme, ce qui etait assez inhabituel, et pour cause.
ET il avait ecrit la preface pour faire une mise au point par rapport a ce qu'un critique (blanc) avait ecrit dans une preface anterieure a ce meme livre, disant que l'oeuvre traitait du choc des cultures. ET Soyinka de dire "Cette piece de theatre ne traite pas du choc des cultures. Elle parle de l'Afrique et de culture africaine. Le fait qu'il ya ait un colon dans cette piece est une contingence historique, point barre. Je ne peux pas tolerer que mon oeuvre soit ramenee a un pave de plus sur les rapports coloniaux noirs/blancs."

Donc, les blancs ont tjrs cette tendance a tout ramener a eux, a croire quye tout est interpretable a partir de leurs propres paradigmes, paradigmes qu'ils ont "universalise" entre temps.

Ca me fait aussi penser au 4e de couverture de "Segou", l'oeuvre monumentale de antillaise Maryse Conde sur le declin du Royaume Bambara de Segou.
Ca commence par "Nous sommes au 18e siecle. L'Afrique est encore noble et sauvage...". C'est un peu fort pour un livre qui precisement parle d'une civilisation africaine.
Le mythe du bon sauvage a encore de beaux jours devant lui.
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MessagePosté le: Mer 15 Juin 2005 22:52    Sujet du message: Répondre en citant

ARDIN:
Citation:
une certaine forme de litterature puerile qui plongeait le Noir dans une sorte d’hypnose. Ce que j’approuve 100%.
La colonisation avait cru pouvoir edifier un ordre durable dans lequel, tandis que les africains borneraient leurs ambitions aux satisfactions bureaucratiques et des besoins primaires, les europeens auraient l’apanage de batir, de creer des entreprises et des richesses, en un mot d’exercer la veritable puissance dont ils ont ainsi recu la delegation(sic) a la satisfaction de tous, et surtout de Senghor qui allait faire de cette idee l’epine dorsale de sa negritude pour qui la domination du Blanc sur le Noir etait logique et naturelle.


BMW:
Citation:
Le mythe du bon sauvage a encore de beaux jours devant lui.


C'est bien que vous en parliez: c'est le sujet des 2 extraits que je m'en vais poster de ce pas. Cool
(Ils sont un peu longs, mais c'est pas évident d'extraire des passages significatifs d'une démonstration de près de 300 pages en conservant un minimum de cohérence...)
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MessagePosté le: Mer 15 Juin 2005 22:55    Sujet du message: Négritude et Négrologues Répondre en citant

J'en ai suffisamment dit pour qu'on sache de quoi je veux parler. J'ai dit les mérites, j'ai dit la dette. Lors, je peux me permettre de puiser à pleines mains dans l'immense sottisier. Les citations qui précèdent sont des nègres eux-mêmes. Mais il y a les négritiens, les négrologues et les sympathisants de tout crin comme tous ceux qui écrivent sans savoir de quoi ils parlent pourvu qu'il y ait des nègres et que les nègres se sentent concernés. Il y a aussi ceux qui ont peur de leur ombre et qui, prophètes du passé, se tuent à retarder l'heure du jugement dernier. Tout ce monde, entre l'orgie verbale et le plaidoyer pour soi, use de mille biais pour défendre la négritude contre sa faiblesse interne et l'effritement dont elle se sent menacée.
Je parle toujours de la négritude. Mais de la négritude à travers le dédale des mystifications et le dictionnaire des impostures néocoloniales.
J'ouvre un livre : Afrique noire terre inconnue. Il est de 1951 et dans la préface sous la plume de A. Gauthier Walter, je découvre :

(...) Parmi les peuples divers de notre planète, chacun a exprimé d'abord un trait particulier de la condition humaine de la culture (Soit !) Ceux l'Europe ont excellé dans l'intégration de l'homme à la nature tandis que les négro-africains dans un élan prodigieux d'amour (!) s'abandonnaient aux forces telluriques » (!!!)

Les bras nous en tombent. Mais il y a mieux.

Il y a Senghor et ses acolytes qui, avec entêtement et une naïveté de Raminagrobis, s'acharnent à maintenir le concept dans son inachèvement théorique originaire.
Senghor parle beaucoup du nègre. Il nous parle de nous pour nous. Tout y est, rien n'y manque, parfois aussi le nègre et les autres, plus souvent les autres que les nègres, mais c'est toujours et surtout (ô insensé qui crois que je ne suis pas toi !) du nègre qu'on parle. Du nègre, de la négritude bien entendu ! Mais voyons un peu ce qu'il est ce Nègre.
Il est, nous dit-on, naturellement bon. Il aime faire l'amour. Innocent et heureux, son royaume est celui «de l'enfance». Senghor qui se donne le dandysme de cette pensée est en même temps celui qui prétend mieux nous connaître pour avoir mieux que quiconque éprouvé l'African way of life.
Mais quid? au juste de ce mode de vie africain ? Tomas Mélady à sa suite le définit dans son Portrait des Responsables Africains comme « une union mystique de la nature et des forces surnaturelles». Et citant Senghor: «Nous sommes les hommes de la danse dont les pieds reprennent vigueur en frappant le sol dur ». L'auteur américain nous révèle le fond secret du nègre, qui est... délire. Mais laissons la parole à Senghor lui-même :

On l'a dit souvent, le Nègre est l'homme de la nature. Il vit traditionnellement de la terre et avec la terre, dans et par le cosmos. C'est un sensuel, un être aux sens ouverts, sans intermédiaire entre le sujet et l'objet, sujet et objet à la fois. Il est d'abord sons, odeurs, rythmes, formes et couleurs ; je dis tact avant que d'être œil, comme le Blanc européen. Il sent plus qu'il ne voit : il se sent. C'est en lui-même, dans sa chair, qu'il reçoit et ressent les radiations qu'émet tout existant-objet. Ebranlé, il répond à l'appel et s'abandonne, allant du sujet à l'objet, du moi au toi, sur les ondes de l'Autre. Il meurt à soi pour renaître dans l'Autre. Ce qui est la meilleure façon de le connaître... C'est dire que le Nègre, traditionnellement, n'est pas dénué de raison, comme on a voulu me le faire dire. Mais sa raison n'est pas discursive ; elle est synthétique. Elle n'est pas antagoniste ; elle est sympathique. C'est un autre mode de connaissance. La raison nègre n'appauvrit pas les choses, elle ne les moule pas en des schèmes rigides, en éliminant les sucs et les sèves ; elle se coule dans les artères des choses, elle en épouse tous les contours pour se loger au cœur vivant du réel. La raison blanche est analytique par utilisation, la raison nègre, intuitive par participation.

Autrement dit, le nègre est une espèce particulière, étrangère à toute détermination, extérieure à toute histoire. La description senghorienne du Nègre est une physiologie qui s'abîme dans la métaphysique.
Dans ce miroir des révélations senghoriennes nous venons de découvrir que notre race n'avait pas changé depuis la création (...!) Bons et généreux, nous n'avons pas eu depuis des siècles d'autres soucis que d'attendre dans les transes l'imminente Parousie. Nos ancêtres qui étaient de purs esprits n'eurent d'autres préoccupations que de décliner les attributs de l'être. Et lorsque Senghor écrit après le père Tempels que les nègres vivent «d'idées» et «selon leurs idées». Il entend probablement que seules : « la puissance de l'image et la puissance de la parole» suffisent à expliquer les bouleversements qui affectèrent nos sociétés traditionnelles dont certaines furent solidement structurées et excessivement prospères.
Mais la colonisation et le christianisme ? Mais la traite et son terrible traumatisme ? Mais le cauchemar de nos indépendances reprises ? Et puis enfin, tout ce qu'implique aujourd'hui le renouvellement des forces productives, le théoricien qu'il se veut, ignorerait-il les horribles grimaces qu'ils font dans le ciel de nos rêves et de nos désirs ? L'attitude intellectuellement irrecevable de toute cette école fait dévier sciemment et dangereusement à des fins réactionnaires de sujétion à l'étranger le mouvement originel de la négritude.
Et il ne s'agit pas seulement du postulat de départ ! Tout dans cette théorie de la négritude est une mascarade, une cavalcade de clichés grotesques et ridicules, une chevauchée de néologismes creux à trait d'union. Regardons-la de plus près.
D'abord la négritude telle qu'on la brade repose sur des notions à la fois confuses et inexistantes dans la mesure où elle affirme de manière abstraite une fraternité abstraite des nègres. Ensuite parce que la thèse fixiste qui la sous-tend est non seulement anti-scientifique mais procède de la fantaisie. Elle suppose une essence rigide du nègre que le temps n'atteint pas. A cette permanence s'ajoute une spécificité que ni les déterminations sociologiques ni les variations historiques, ni les réalités géographiques ne confirment. Elle fait des nègres des êtres semblables partout et dans le temps.

Or qu’y a-t-il de commun entre le nègre africain et le nègre américain sinon (et encore !) la couleur de la peau ? Il y a sans doute ce fond commun de trois siècles de traite ou d'inconscient collectif. Mais là encore les variations historiques, géographiques et sociologiques leur ont donné des applications différentes. Même en Afrique les problèmes différent pour peu qu'on passe du Dahomey à la Côte d'Ivoire, de la Côte d'Ivoire au Ghana. Et que dire ? de l'Afrique du Sud, du Kenya, du Rwanda ?...
(…)

Mais plus grave est la tendance de cette école à utiliser pour sa thèse fixiste, éternitaire et abstraite du nègre les lieux communs éculés des théories les plus réactionnaires. Lorsque Senghor écrit que le nègre : «ne constate pas qu'il pense. Il sent qu'il sent. Il sent son existence, il se sent » et plus loin : « Parce qu'il sent, il sent l'autre ; et parce qu'il sent l'autre, il va vers l'autre sur le rythme de l'autre pour con-naître à lui et au monde ».
Il reprend à la lettre et presque de manière scolaire ce que Lévy-Bruhl, le père du primitivisme a lui-même dénoncé dans ses Carnets comme des erreurs.
On sait en effet que le primitif dans les ouvrages de Lévy-Bruhl est un être plus de chair que de raison. Il est sensuel et mystique. Essentiellement affectif et tout entier saisi par l'émotion, sa vie intellectuelle est constamment sous l'instance des sens. Sa pensée est prélogique, c'est-à-dire rebelle à toute objectivité.
Pas besoin de solliciter les textes pour dire que l'Esthétique négro-africaine juxtapose terme à terme les mêmes idées. On y parle « de sensibilité de l'homme noir », de sa « puissance d'émotion ; car :

ce qui saisit le nègre, c'est moins l'apparence de l'objet que sa réalité profonde, sa surréalité : moins son signe que son sens. L'eau l'émeut parce qu'elle coule, fluide et bleue, surtout parce qu'elle lave encore plus parce qu'elle purifie. Signe et sens expriment la même réalité ambivalente. Cependant, l'accent porte sur le sens, qui est la signification non plus utilitaire, mais morale, mystique du réel : un symbole. Il n'est pas sans intérêt que les savants contemporains eux-mêmes affirment la primauté de la connaissance intuitive par sympathie »

Prenons maintenant cet autre passage d'un autre livre. Il nous apprend que: la mentalité des sociétés inférieures est de caractère essentiellement prélogique et mystique, c'est-à-dire qu'elle est orientée autrement que la nôtre (Les Occidentaux) que les représentations collectives « y sont régies par la loi de la participation et de la sympathie, indifférentes par suite à la contradiction et unies entre elles par des liaisons et par des préliaisons déconcertantes pour notre logique. »

En d'autres termes :

l'activité mentale du primitif n'est pas un phénomène intellectuel ou cognitif pur ; c'est toujours un phénomène complexe où la représentation est confondue avec d'autres éléments de caractère émotionnel ou moteur... la connaissance est toujours colorée par le sentiment, pénétrée par l'émotion... l'idée, l'image, l'émotion, la passion se fondent avec l'objet dans une essence commune.»


Ces lignes sont de Lévy-Bruhl et viennent directement des Fonctions Mentales dans les Sociétés Primitives. Enlevons Primitif. Mettons-y le mot Nègre et nous obtenons jusqu'au plagiat le développement de l'inoubliable sentence de Senghor : « l'émotion est nègre comme la raison est hellène».
Ahurissante, la phrase trahit surtout une mentalité fort troublante. Senghor a lu Lévy-Bruhl c'est évident. C'est même certain. Il a par conséquent connu (mais probablement rejeté) les Carnets et l'extraordinaire honnêteté de cet homme qui, en pleine gloire officielle alors que le primitivisme faisait rage dans les milieux colonialistes et délicieusement réactionnaires n'a pas craint de tout remettre en cause, détruisant ainsi l'œuvre de son existence, dans ces lignes d'une émouvante sincérité :

J'avais déjà mis beaucoup d'eau dans mon vin, j'abandonne une hypothèse mal fondée.. Je ne parle plus d'un caractère prélogique de la mentalité primitive... Du point de vue strictement logique aucune différence essentielle entre la mentalité primitive et la nôtre dans tous ce qui touche à l'expérience courante ordinaire, transaction, etc.. etc.. Ils se comportent d'une façon qui implique le même usage de leurs facultés que nous faisons des nôtres... Pour la loi de participation j'affirmerai une fois de plus que la structure logique de l'esprit est la même chez tous les hommes et que par conséquent, les primitifs tout comme nous rejettent la contradiction quand ils l'aperçoivent».

Comme on est loin du caractère «ontico-lyrique » de « ces braves sauvages » ! Et surtout comme on comprend mal pourquoi et comment plus de 20 ans après ces coups portés au primitivisme par son géniteur, Senghor (lui et pas un autre) ait osé encore écrire en l'assaisonnant de Gobineau «La race blanche est analytique par utilisation, la race nègre intuitive par participation ! » A moins alors... A moins que derrière ces déclarations, il n'y ait une intention bien arrêtée.

La même que celle démasquée par Césaire dans son implacable réquisitoire de la Philosophie Bantoue du père Tempels. Nous y reviendrons !
(…)

Stanislas Adotevi
in « Négritude et Négrologues »
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Dernière édition par Farao le Mer 15 Juin 2005 23:15; édité 2 fois
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MessagePosté le: Mer 15 Juin 2005 22:57    Sujet du message: Négritude et Négrologues Répondre en citant

Le rapport de la négritude aux nègres d'aujourd'hui est, on le sait trop évident pour qu'on ne s'arrête pas à certaines confusions savamment entretenues aux fins d'enniaisement. Dans un excellent article paru dans la revue Genève-Afrique notre ami Martien Towa démasque aussi les escamotages de notre maquignon. Les conclusions de l'article rejoignent les nôtres sur les intentions connues du physicien de la négritude. La constitution biologique du nègre senghorien en faisant de lui un mystique et un émotif lui interdit nous dit Towa : « tout espoir de pouvoir jamais rivaliser avec le blanc sur le terrain de la raison et la science... Le nègre tant qu'il demeure tel, n'a pas de place, en tout cas, pas de place égale à celle du blanc, dans un monde fondé, sur la raison et la science ».
Martien Towa n'invente rien, il s'appuie sur les déclarations même du Président-Poète qui nous appelle à offrir à l'universel ce que nous avons de meilleur : le délire et les transes, qualités biologiquement inférieures. Le nègre dans la civilisation de l'universel est un subalterne.

Aussi l'approche éternitaire du nègre senghorien n'est-elle pas une simple démarche métaphysique mais une méthode de gouvernement.

On ne doit plus s'étonner comme le fait naïvement Kesteloot, du peu d'audience que Senghor rencontre (Martien Towa est un camarade d'université) dans la jeunesse africaine. Surtout après ceci :
« Croyez-vous que nous puissions jamais battre les Européens dans la mathématique, les hommes singuliers exceptés, qui confirmeraient que nous ne sommes pas une race abstraite?» Cette phrase est de Senghor : on y trouvera en vain de la poésie. Elle confirme en tout cas que les zélateurs de la négritude en mettant l'accent sur l'émotivité et la spiritualité africaines ne constatent pas une « différence » somme toute explicable, mais opposent sciemment le continent noir à l'Europe rationnelle et surtout industrielle. A travers les barbouillages pseudophilosophiques on pressent la volonté ferme de dénoncer une certaine forme de développement de l'Afrique : celle justement qui devrait nous libérer des ethnologues, des « anthropographes » et autres négrophiles de la onzième heure ! La négritude de Senghor, du Père belge Tempels, de l'Allemand Jahn (avec son Muntu) et de tant d'autres encore, est un bélier lancé contre les illusions de ces nègres fous qui croient que libérer le nègre des phantasmes du passé et surtout du présent est une des conditions premières de développement de l'Afrique et de notre orgueil.
Cette négritude que nous détestons et qu'on propose finalement aux pays d'Afrique, c'est purement et simplement le « réglage » du nègre, sur les petites vitesses des champs, sur l'heure mesquine de la néocolonisation.

Et ils sont légions ces hérauts tous plus ou moins rongés par la mauvaise conscience qui cherchent vainement à proclamer :

Le blanc est blanc, le nègre est nègre Ils ne se rencontrent jamais.

Parmi eux, il y a les Blancs, il y a les Noirs, il y a aussi — passez-moi le mot — les entredeux ou comme le dirait Moreau de Saint Méry (un vrai chef celui-là) « toutes les nuances produites par les diverses combinaisons des blancs avec les nègres ».
(…)

Senghor est le maître de la nouvelle Kabbale. Prêtre sans imposition, il s'est proclamé sans onction ni décence grand clerc de cette pensée sans rime ni raison. Nous ne reprocherons certainement pas à Senghor d'avoir trahi. Platon, selon l'excellente remarque de Nizan, a dit qu'il faut beaucoup de chance pour être un homme libre. Il dit aussi qu'il est très dur pour qui a connu dès l'enfance l'esclavage, de redresser sa pensée. Si donc nous doutons de pouvoir un jour arracher Senghor à l'esclavage auquel il s'est docilement soumis, nous devons cependant à l'intelligence (et à la race dont il prétend parler), de nous affliger des anachronismes qu'il développe.
Ayant eu à traquer en tous repaires les bacilles de la négritude, nous nous sommes très vite aperçu que Senghor n'était pas comme le voudraient ses thuriféraires, le poète visionnaire qui vaticine au bord de la mer en furie ; mais, au-delà de toute mémoire, un politicien qui se débrouille. C'est la seule raison pour laquelle nous avons tant de fois parlé de lui.

En ressassant le passé, en attisant une sensibilité morbide, le poète-Président ou plutôt le Président-poète vise à faire oublier le présent. La négritude d'aujourd'hui, la négritude des discours, n'est rien moins qu'une pure et plate propagande, une panacée aux problèmes de gouvernement. La très bizarre formule senghorienne de division raciale du travail intellectuel (l'émotion est nègre comme la raison est hellène), vise uniquement à perpétuer un régime considéré comme néo-colonialiste et dont il est Président ; La négritude doit être le soporifique du nègre. C'est l'opium. C'est la drogue qui permettra à l'heure des grands partages d'avoir de « bons nègres ». C'est pourquoi très naturellement, la voix « détachée » ou pithique (au choix) de Senghor, Président de la République Sénégalaise et poète par rencontre se consume dans les cris rauques et séniles des Cassandres d'Europe et d'ailleurs. Ce que Senghor dit, tout le monde le dit. Mais ce qui est frappant, c'est la correspondance des termes avec le discours mystifié et mystificateur du néoracisme auquel tout le monde grâce à lui mord.(…)

Il n'est plus besoin de regarder longtemps le visage de cette école pour conclure que ses démarches et ses attitudes conduisent au lamentable tohu-bohu qui s'appelle le Socialisme Africain. Fruit d'un syllogisme biologique, le socialisme africain est né de la copulation des «rythmes primordiaux» de l'Afrique avec les « accords fécondants » de l'Europe.

Chez Senghor, nul doute qu'il découle de la psycho-physiologie du nègre. Martien Towa commentant un texte de Senghor consacré à Gaston Berger, exhume les parallogismes du poète qui ne perd pas une occasion de s'enfoncer. Il voulait, nous dit-on, expliquer la pensée du philosophe français. Mais au lieu de la chercher dans l'œuvre, Senghor plonge la philosophie de Berger dans le jeu des combinaisons hormonales. Mécaniste, Senghor pense que les chromosomes sécrètent la pensée comme le foie, la bile. Berger est un métis franco-sénégalais plus précisément.

«3/4 de sang français, 1/4 de sang sénégalais», cette double hérédité explique selon Senghor toute l'œuvre de Berger ! A son sang français, Berger doit : « Le besoin d'intelligibilité, la lucidité, la clarté, le goût de l'action ; à son sang nègre, la « polarité Vénus », le goût de la vie, l'amour, le refus des dichotomies, le sens du dialogue (???)». La biologie de Gaston Berger explique pourquoi il a été un des créateurs de la caractérologie ; s'il a écrit les conditions de l'intelligibilité et le problème de la contingence « c'est en raison de ses « deux sangs mêlés » puisque dans ses écrits, nous voyons se mêler « l'exigence d'intelligibilité » inhérente au sang blanc, « le sens du concret » propre au sang nègre ».

On voit où peut conduire le délire. On ne saurait donc plus s'étonner de la démarche logique qui fait du socialisme africain, la conclusion du nègre-baiseur.

Quel est maintenant le secret de fabrication de cette géniale merveille ? Sous ses apparences de quête anxieuse, avec ses grands airs de sérieux, le socialisme africain n'est rien moins que le désir d'assurer un déroulement pacifique au mouvement progressif des marchandises et des prébendes.
Certes, cette attitude n'est pas toujours consciente chez tous les Africains qui ont adopté le monstre. Mais il y a les malins qui savent ce que ruse veut dire. Le socialisme africain élaboré avec le secours de la négritude réserve habilement l'Afrique à la décrépitude des comptoirs. C'est le suaire des révolutions.

Il faut à ce propos craindre que la position de Lylian Kesteloot vis-à-vis de Sartre ne vienne encore en ajouter à la confusion surtout lorsqu'il s'agit d'un travail sur Césaire. Involontairement par ses critiques de la position de Sartre elle rejoint tous ceux qui sciemment tiennent à faire de la négritude un état au lieu de la percevoir sous l'angle de la transitivité. Comme on le sait, en effet, la perspective de dépassement si lointain, si romantique, préconisé dans Orphée noir, suffisait à valoir à son auteur la hargne des éléments les plus conservateurs, et de tous les racistes déguisés. Pour eux Sartre n'aurait «rien compris» «à l'âme noire ». La révolution ? Quelle farce ! Ce que veulent les nègres, c'est être eux-mêmes à l'ombre des cocotiers, de l'assistance technique ou de quelque Union Minière. La négritude est indépassable. Il n'est d'ailleurs pas question de dépasser quoi que ce soit: le nègre a son essence particulière et définitive. La négritude est un en soi. C'est l'indépassable philosophie de la temporalité nègre. C'est le lieu d'une pensée qui doit bâtir dans les transes et la lubricité le socialisme existentiel et lyrique qu'en termes plus modestes et plus « négri-tiques », les Africains eux-mêmes nomment le socialisme africain.
Mais là où ça ne « colle » plus du tout, c'est lorsqu'on exige une définition de ce socialisme. En bafouillant on nous apprend que le nègre est «celui qui vit jusqu'au bout le particularisme pour y trouver l'aurore de l'universel ». Il est de ce fait, le « levain nécessaire à la farine blanche ». Il est « acier blanc ». Il est « l'espoir ». Il est «hostie noire». Il est... il est... mais que fait-il et surtout que veut-il ? Incontinent, on nous répond qu'il danse en songeant au « royaume de l'enfance » à la « Terre promise de l'avenir dans le néant du présent ».

Conclusion de ce charabia : le nègre entre l'existence et l'être assure son avenir dans le roulement blanc du néant. Le socialisme africain, c'est le premier moment d'un temps mort.

Mais au juste, pourquoi le socialisme et pas le capitalisme? Parce que, prétexte Senghor, il n'y a pas d'action sans pensée élaborée. Le socialisme est incontestablement la doctrine qui répond le mieux aux problèmes politiques du monde moderne. La méthode socialiste permet de voir sûrement l'aliénation du peuple noir. Seule la révolution socialiste par conséquent permettra à l'individu d'épanouir toutes ses virtualités, de se réaliser en personne dans et par la société . Seulement, attention, cette révolution sera tout au plus une révolution du cœur et de l'esprit. Pour ce qui est du marché de traite, des exigences de libération et de modernisation et inversement des insolences des petits Vautrin lèche-C.F.A de l'assistance technique, pour tout cela, je vous le dis, c'est de la revendication abusive et inhumaine qui ne correspond pas à notre caractère et à notre spiritualité négro-africaine. La métaphysique marxiste ne convient pas à notre idiosyncrasie. Nous ne désirons pas le bouleversement. Ce que nous voulons, c'est «moins de supprimer que de modifier en dépassant ». « Seigneur, parmi les Nations blanches place la France à la droite du Père». Ainsi soit-il... Ainsi parlait Senghor déjà dans Prière de paix paru en 1944. Décidément Senghor never grew up.

Donc pour Senghor et les socialistes africains, ce qui compte ce n'est pas le fait colonial, c'est le socialisme faute de mieux. Être socialiste en 1960 parce que le monde a un peu changé. Être socialiste surtout à condition : 1° — à condition de ne pas faire du marxisme. 2° — à condition de repenser (sans avoir jamais lu Marx bien entendu), le socialisme en lui restituant ses valeurs spirituelles. 3° — à condition enfin (et cela depuis les indépendances) de ne pas insister sur la triple exploitation : a) politique, b) culturelle, c) économique qui a été celle de l'Afrique. En bref, le socialisme africain de Senghor c'est un socialisme distant.

Amis d'Afrique et d'ailleurs, il est évident qu'il y a des gens dont nous devons nous débarrasser. Ce sont dorénavant et définitivement tous ces contempteurs, tous ces ethnologues, et Heideggeriens, et christiano — structuralistes et tout ce qu'on voudra. Tous plus ou moins, docteurs es-charabia qui, sous la houlette du traditionnalisme avec la complicité des roitelets en place, étouffent nos masses, liquident les libertés, emprisonnent, bâillonnent et épuisent notre puissance offensive.

Le socialisme africain — c'est maintenant un truisme, — est un rempart contre les coups de trique de la démolition. Il dissimule la physionomie de la dénomination néo-coloniale, de la domination tout court. Il n'éclaire point le vrai visage de l'Afrique qui est de misère. Il aggrave notre retard, en se présentant comme l'idéologie de la lutte contre l'indignation et les révoltes à naître. Il éloigne des masses africaines la perception périlleuse, pour les dirigeants, de leur dégradation, de leur abaissement constant. Il a pour mission de rendre décentes les alléchantes bouffonneries des hymnes nationaux. Il camoufle la dépravation des étendards. Il accorde victimes et victimaires. Il met au garage la révolte. Il mystifie enfin en propageant des vérités partielles et partiales sur les réalités africaines.
L'expérience prouve que les besoins africains, le destin des nègres sont désormais étrangers aux valeurs, aux promesses et aux aspirations de nos chefs d'État. Le socialisme africain est une imposture.

Stanislas Adotevi
in « Négritude et Négrologues »
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MessagePosté le: Mer 15 Juin 2005 23:08    Sujet du message: Répondre en citant

A propos de négrologues, petite aparté dans votre très intéressante discussion, voici un livre qui sort ce mois-ci:

Négrophobie
Boubacar Boris Diop, Odile Tobner et François-Xavier Verschave
Les Arènes, 2005

http://iso.metric.free.fr/article.php3?id_article=248
Citation:
Réponse aux « négrologues », journalistes françafricains et autres falsificateurs de l’information.


Dès lors qu’il s’agit d’un pays d’Afrique « noire », la République se croit tous les droits. Et d’abord celui de mentir.

Pour la Françafrique, l’information est une arme comme une autre. De RFI au Monde, son traitement est surveillé, filtré, parfois même organisé. Au plus haut niveau, la République est passée maître dans l’art de biaiser l’information, à coup de vrais-faux scoops, de rideaux de fumée et de sources privilégiées.

L’un de ces « ingénieurs de l’âme » s’appelle Stephen Smith. Responsable de la rubrique Afrique au Monde jusque fin 2004, après avoir tenu celle de Libération, il est l’auteur d’un best-seller inquiétant, Négrologie. Ce livre ressuscite les pires clichés coloniaux - sur les Africains, naturellement cruels, qui « se bouffent entre eux » (sic) - dans un salmigondis de statistiques tombées de nulle part et de prose apocalyptique.

Stephen Smith accompagne la métamorphose de la Françafrique. Car la République installe désormais ses comptoirs et ses réseaux, profitables et protégés, au milieu d’un chaos politique et économique dans l’avènement duquel elle porte une lourde responsabilité. Quand elle ne se glisse pas derrière les fauteurs de trouble.

Trois auteurs ont mêlé leurs plumes pour répondre à ces écrits de mauvaise augure. Ils décortiquent le discours pervers de Négrologie. Ils décryptent dix ans d’information maligne, à Libération et au Monde. Ils défendent l’honneur des Africains face à tous ceux qui jouent avec le feu du racisme pour mieux masquer la face honteuse de la République.

Les auteurs :

- Romancier et essayiste, Boubacar Boris Diop a été rédacteur en chef du Matin de Dakar.

- Odile Tobner a partagé la vie et le combat de l’écrivain Mongo Beti. Elle anime toujours la Librairie des peuples noirs à Yaoundé.

- François-Xavier Verschave est le président de l’association Survie et l’auteur de Noir silence.
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Farao
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MessagePosté le: Mer 15 Juin 2005 23:32    Sujet du message: Thank you Répondre en citant

Le résumé est alléchant...
Merci Yom. Je prends note. Wink
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MessagePosté le: Jeu 16 Juin 2005 20:02    Sujet du message: Répondre en citant

Je voudrais juste copier-coller cet article que j'ai lu sur le site de la revue "L'Intelligent".
Je reviendrai plus tard sur les deux extraits que Farao a reproduit.


_______________________________

Stanislas Spero Adotevi
BÉNIN - 29 mai 2005- par BIOS DIALLO


Aujourd'hui à la retraite après une brillante carrière dans les secteurs de la culture et du développement, ce philosophe d'origine béninoise n'a eu de cesse de dénoncer le concept de négritude.

Négritude et Négrologues. C'est par ce pamphlet, publié par l'Union générale d'éditions, que le Béninois Stanislas Spero Adotevi fait son entrée dans le champ littéraire africain en 1972. Une attaque frontale contre une idéologie qui fait alors florès à Paris et en Afrique.
Serein, Stanislas Adotevi reprend plus de trente ans plus tard la genèse de ce qui fut considéré comme la plus ingrate des gifles aux pères. Ses dards, il les dirige essentiellement contre Léopold Sédar Senghor, théoricien du concept et qui, selon lui, a confiné la négritude aux valeurs de l'instinct, de l'énergie créatrice, au détriment de la pensée. « Senghor nous réduisait à l'état d'êtres émotifs dotés du simple don des rythmes. C'était un inconditionnel d'une France qui n'a proposé aux Africains que le noeud coulant de l'assimilationnisme ! »

Selon l'écrivain et diplomate congolais Henri Lopes, qui a préfacé la seconde édition de Négritude et Négrologues (Le Castor Astral, 1998), le livre est né à Alger en 1969. À la Cité des Pins où se tenait le premier Festival culturel africain. « Impatient et imprudent », c'est lui, Lopes, qui ouvre les hostilités en s'attaquant à la négritude. « Au moment où je regagnais ma place, écrit-il, Stan Adotevi m'a dit : "Tu as eu raison de jeter le pavé dans la mare, je vais te suivre." Il sortit de la salle, s'enferma dans sa chambre d'hôtel et, quand vint son tour de s'exprimer, il ne me suivit pas, il me dépassa. »

Après avoir été ministre de l'Information du Bénin en 1963 puis celui de la Culture et de la Jeunesse de 1965 à 1968, Adotevi enseigne un temps la philosophie et l'anthropologie à l'université Paris-VII. Il quitte Paris lorsque son ami sénégalais Cheikh Hamidou Kane, auteur de L'Aventure ambiguë, l'invite à le rejoindre au Centre de recherche pour le développement international (CRDI) qu'il préside à Dakar, au Sénégal. Il en sera le directeur régional de 1974 à 1980. Directeur de l'Université des mutants de Gorée, de 1979 à 1981, il intègre l'Unicef à la même date. Il sera pendant dix-huit ans le représentant de l'organisation au Burkina Faso.

À 71 ans, et à la retraite depuis 1998, Stanislas Adotevi réside toujours à Ouagadougou. Il se lève tous les jours à 6 heures du matin et fait des exercices physiques jusqu'à 8 h 30. Ensuite seulement, il s'installe dans sa gigantesque bibliothèque qui recèle dans ses rayons autant de livres en allemand, grec, latin qu'en français. Là, il rédige articles et réflexions sur l'éducation et la philosophie pour des revues spécialisées.

Ce grand cinéphile, qui dit profiter du Fespaco pour voir les films qui ne lui seraient jamais donnés à voir dans sa brousse africaine, mène plusieurs écrits de front. Dans un livre qui pourrait s'intituler « Pour demain », il consigne ses réflexions sur les années passées au CRDI et à l'Unicef. Un tableau qui risque de surprendre. S'il se félicite des progrès démocratiques sur le continent, il reste préoccupé par « cette Afrique qui patauge, manque d'hôpitaux, d'écoles... conduisant ainsi ses fils sur de téméraires chemins d'exil ». Avec l'astronaute malien Cheikh Modibo Diarra, il travaille à l'ouverture d'un centre de soutien aux jeunes. Ce sera le Forum africain de Ouagadougou. Enfin, n'ayant pas fini de décortiquer Senghor (ou de régler ses comptes avec lui ?), il met la dernière main à Senghor, au-delà des mots.

L'auteur de N'Krumah ou le rêve éveillé (Présence africaine, n° 85, 1973) et de Culture et regroupement régional (CRDI, 1997) dit rêver d'une fédération entre son pays, le Bénin, et le Burkina. Ces États, dit-il, ont beaucoup à partager.
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ARDIN
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MessagePosté le: Jeu 16 Juin 2005 20:14    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Selon l'écrivain et diplomate congolais Henri Lopes, qui a préfacé la seconde édition de Négritude et Négrologues (Le Castor Astral, 1998), le livre est né à Alger en 1969. À la Cité des Pins où se tenait le premier Festival culturel africain. « Impatient et imprudent », c'est lui, Lopes, qui ouvre les hostilités en s'attaquant à la négritude. « Au moment où je regagnais ma place, écrit-il, Stan Adotevi m'a dit : "Tu as eu raison de jeter le pavé dans la mare, je vais te suivre." Il sortit de la salle, s'enferma dans sa chambre d'hôtel et, quand vint son tour de s'exprimer, il ne me suivit pas, il me dépassa. »


Henri Lopes, Voici un autre cas qui sait aussi s'empetrer dans des contraditions. Je me demande meme pourquoi il fut choisi pour prefacer ce bouquin. Bref.
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MessagePosté le: Jeu 16 Juin 2005 20:19    Sujet du message: Répondre en citant

ARDIN a écrit:
Citation:
Selon l'écrivain et diplomate congolais Henri Lopes, qui a préfacé la seconde édition de Négritude et Négrologues (Le Castor Astral, 1998), le livre est né à Alger en 1969. À la Cité des Pins où se tenait le premier Festival culturel africain. « Impatient et imprudent », c'est lui, Lopes, qui ouvre les hostilités en s'attaquant à la négritude. « Au moment où je regagnais ma place, écrit-il, Stan Adotevi m'a dit : "Tu as eu raison de jeter le pavé dans la mare, je vais te suivre." Il sortit de la salle, s'enferma dans sa chambre d'hôtel et, quand vint son tour de s'exprimer, il ne me suivit pas, il me dépassa. »


Henri Lopes, Voici un autre cas qui sait aussi s'empetrer dans des contraditions. Je me demande meme pourquoi il a ete choisi pour prefacer ce bouquin. Bref.

Je le mets dans le meme sac que Ferdinand Oyono.
De bon ecrivains qui ont en leur temps villipende la colonisation/les dictatures avec d'excellents livres (le pleurer-rire, Le vieux Negre et la medaille), mais qui n'ont pas hesite a repondre a l'appel des ventrocraties bantoues (Biya, Sassou) et de la francafrique quand on les a sonne.
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MessagePosté le: Jeu 16 Juin 2005 20:52    Sujet du message: Répondre en citant

Et j'oubliais Martien Towa, cite par Adotevi comme un anti-senghorien, mais qui fut pourtant en son temps un chantre assidu de la "Politique du Renouveau" de S.E. Paul Biya, immortel President du Cameroun.

Beaucoup d'intellos Negres sont comme ca: de beaux parleurs, parfois tres pertinents dans leurs critiques, mais il suffit de les affamer un peu pour qu'ils deviennent doux comme des agneaux, et se mettent a chanter les louanges des "Peres de la Nation" comme le commun des griots.

Il faut bien vivre.
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MessagePosté le: Jeu 16 Juin 2005 21:15    Sujet du message: Ah, toi aussi? Répondre en citant

ARDIN:
Citation:
Henri Lopes, Voici un autre cas qui sait aussi s'empetrer dans des contraditions. Je me demande meme pourquoi il fut choisi pour prefacer ce bouquin. Bref.


C'est exactement la question que je me suis posée.
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MessagePosté le: Jeu 16 Juin 2005 23:00    Sujet du message: Re: Ah, toi aussi? Répondre en citant

BMW a ecrit
Citation:
Et j'oubliais Martien Towa, cite par Adotevi comme un anti-senghorien, mais qui fut pourtant en son temps un chantre assidu de la "Politique du Renouveau" de S.E. Paul Biya, immortel President du Cameroun.

Beaucoup d'intellos Negres sont comme ca: de beaux parleurs, parfois tres pertinents dans leurs critiques, mais il suffit de les affamer un peu pour qu'ils deviennent doux comme des agneaux, et se mettent a chanter les louanges des "Peres de la Nation" comme le commun des griots.

Il faut bien vivre.


Non seulement il a ete un chantre assidu de la "Politique du Renouveau" de son Excellence, mais il nous a trouve une formule magique pour nous rendre incolonisables: l’identite dialectique.
Tenez vous bien, selon M. Towa, l’idee d’une personnalite africaine, de la negritude, est depassee. Pour lui, la preservation d’une quelconque originalite et specifite culturelle africaine constitue un obstacle a notre liberation. Ce qu’il nous faut, c’est decouvrir le cle du succes des Europeens, et introduire cet element dans notre propre culture, et cela notre genie nous previent, "implique que la culture indigene soit revolutionnee de haut en bas; cela implique une rupture par rapport a cette culture, avec notre passe, c’est a dire avec nous memes".
Towa pense qu’en devenant pareils aux europeens, par le biais de l’adoption de leur culture, nous detruisons toute possibilite d’etre colonises par eux dans le futur puisque nous serons devenus eux.
Tenez vous encore bien: Pour Towa, la philosophie occidentale «est la seule methode intellectuelle capable de permettre la transformation de l’Afrique. Il pense que le developpement d’une historique de l’Europe ne peut s’expliquer que par l’adoption d’une approche rationnelle du monde, des instruments de logique developpes par la philosophie, et appliques a l’univers objectif de l’existence et de l’expression humaine. Il existe par consequent un rapport immediat entre la philosophie occidentale et le developpement de la science et de la technologie qui doit inciter l’Afrique a adopter la pensee occidentale et qui fait de cette derniere un instrument privilegie de notre liberation dans le monde moderne.
Ce n’est donc, d’apres lui(je tiens a le preciser, pas de confusion) que lorsque les Africains auront maitrise la pensee logique rationnelle des europeens que nous serons enfin en position d’egalite avec eux.
Dans la meme foulee, Elungu P.E.A, un autre philosophe africain de profession, s’extasie sur "la possibilite que la rationalite moderne apporte a l’Afrique de construire son identite nouvelle, non point folklorique et excentrique mais operatoire et fonctionnelle, de participer a l’universel. Pour cela, l’Afrique doit renoncer au Culte de la Vie pour embrasser la Vie de la Raison".
Ce gars admet sans ciller que sa recommendation ne constitue ni plus ni moins qu’un renoncement a l’Afrique Noire traditionnelle et ensuite, en une conversion par les sciences et les techniques, a l’esprit nouveau venu d’Occident.

Vos commentaires!

Farao, je suis desole de la tournure que prend ton sujet, mais je crois qu’il est important que les grionnautes(qui ne connaissent pas particulierement ces deux hommes)decouvrent certains ecrivains africains et leur pensee.
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MessagePosté le: Ven 17 Juin 2005 11:26    Sujet du message: Il a trouvé ça tout seul? Répondre en citant

Holà! Il y va fort l'ami Towa!!
Et l'autre là, Elungu...
A la première lecture j'étais plié de rire, tellement c'est gros. Le, ahem, "raisonnement" (appelons ça comme ça, okay?) est tellement foireux qu'il s'annule lui-même, nous laissant totalement désemparés au moment d'apporter la contradiction.
Mais bon, on est quand même sur un forum, lieu de discussion. Je vais donc essayer de mettre à jour l'écueil le plus saillant.
Citation:
l’idee d’une personnalite africaine, de la negritude

Cette phrase montre une confusion entre "la personnalité africaine" , concept insaisissable dont on n'a pas fini de débattre, et la négritude, idéologie bien concrête sujet du livre d'Adotevi.
La confusion est confirmée dans l'affirmation suivante:
Citation:
la rationalite moderne apporte a l’Afrique (la possibilité) de construire son identite nouvelle, non point folklorique et excentrique mais operatoire et fonctionnelle

Autrement dit, jusqu'ici on était encore dans les transes (cf. les deux derniers extraits que j'ai postés.) et Senghor a vu juste: l'émotion est nègre comme la raison est hellène. Et nos deux gaillards d'enfoncer le clou:
Citation:
Ce n’est donc (...) que lorsque les Africains auront maitrise la pensee logique rationnelle des europeens que nous serons enfin en position d’egalite avec eux.

Alors je veux bien, mais j'attends toujours qu'on m'explique en quoi l'appréhension du monde qu'ont développée nos ancêtres avant la colonisation était objectivement irrationnelle, excentrique, non-opératoire et non-fonctionnelle. Towa et Elungu l'ont peut-être démontré avec brio dans leurs ouvrages (que je n'ai hélas pas lus), mais au vu du résultat de leurs cogitations (= devenons blancs pour éviter d'être colonisés par les blancs. No comment Shocked ) j'ai beaucoup, beaucoup de mal à le croire...
D'autre part, je suis porté à penser que depuis la période coloniale, et jusqu'à ce jour, on suit plutôt leur conseil. Avec le succès que l'on sait...

ARDIN:
Citation:
Farao, je suis desole de la tournure que prend ton sujet
Faut pas. On est en plein dans le vif du sujet. Dans un des extraits postés plus haut il y a un passage qui semble taillé sur mesure pour Mrs. Towa et Elungu:
Citation:
Tous plus ou moins, docteurs es-charabia
Plus précisément:
Citation:
Amis d'Afrique et d'ailleurs, il est évident qu'il y a des gens dont nous devons nous débarrasser.


A bon entendeur...
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MessagePosté le: Ven 17 Juin 2005 20:14    Sujet du message: Re: Il a trouvé ça tout seul? Répondre en citant

BMW a ecrit:
Citation:
Ce que je refuse, c'est d'abord:
1. Le prejuge selon lequel celui qui n'ecrit pas des pamphlets ou des essais politiques est un modere, que les essais sont plus important culturellement que la litterature (romans, nouvelles, theatre)

Je refuse cette critique parce que l'essai litteraire, par definition, est destine a un nombre restreint de lecteurs, au contraire de la nouvelle ou du roman. L'essai, je suis d'accord avec Ardin sur ce point, a pour mission de donner une vision quelque peu approfondie et surtout iintellectuelle d'un sujet donne.

Mais dans chaque pays occidental par exemple, les livres cultes sont presque toujours des romans, des nouvelles ou des pieces de theatre. En France, on te parlera de Madame Beauvary, Les miserables, La peste, Le petit prince, Les mains sales, Candide; on te parlera de Moliere, Hugo, Corneille, Sartre, De la Fontaine, etc... Les allemands parleront de Goethe, les anglais de Shakespeare, les espagnols de Cervantes.
Tres peu, sinon aucun essai ne figurera dans les listes des livres qui ont profondement influence leur culture populaire (je precise bien populaire).

En Afrique par contre, la situation est un peu paradoxale: il ya d'une part une tres petite minorite (en fait, tres tres tres petite) qui est intellectuellement hyper-pointue et devore les essais, et de l'autre cote, l'ocean du commun des africains qui au trop n'aura lu que ce qu'on l'aura oblige a lire au lycee, un maximum de 10 livres dans toute sa vie.
De mon point de vue, la se situe l'un de nos problemes les plus graves, ce fosse qui separe l'erudit africain de la masse.


BMW, On ne peut pas faire abstraction du contexte historique global si on veut comprendre ou juger les ecrits des intellectuels noirs. L’avilissement de la race noire par l’esclavage et sa domination objective pendant presque un siecle de colonisation, d’une part, et sa devaluation subjective par le racisme, de l’autre, constituaient les donnees premieres, fondamentales, de l’experience collective. C’est cette histoire douloureuse qui sert de toile de fond a l’expression litteraire et ideologique dans le monde noir pris globalement. L’orientation specifique de l’activite intellectuelle en Afrique francophone ainsi que son style d’expression ont ete determines par les relations particulieres, entretenues par l’elite noire francophone avec la tradition litteraire et philosophique française a laquelle leur formation au sein du systeme d’enseignement colonial leur a donne un acces privilegie.
Je me dois de rappeler a cet egard que l’education coloniale avait pour fondement la politique de l’assimilation, formulee de maniere explicite dans les textes officiels rediges par les administrateurs coloniaux. Il faut se rappeler encore que toute l’entreprise de depossession culturelle mise en œuvre par l’education coloniale reposait sur la notion de la “mission civilisatrice” de la colonisation europeenne en Afrique.
Donc La double articulation, litteraire et ideologique, du discours africain francophone provient donc du caractere singulier de l’experience coloniale telle qu’elle a ete vecue par l’elite noire occidentalisee sous domination française. Les contraintes psychologiques de l’assimilation expliquent la centralite des themes de l’alienation, de l’exploitation, de la dictature, de la falsification historique dans la litterature africaine francophone. Il ne faut pas oublier que le malaise de l’assimilation n’etait point une vue de l’esprit mais representait bien une realite avec laquelle les africains etaient confrontes: un peuple en proie a un mal existentiel provenant de leur situation d’individus ecarteles entre deux ordres du monde opposes, voire antagonistes, en quete donc d’une nouvelle integration de conscience et de sensibilite.
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MessagePosté le: Ven 17 Juin 2005 23:42    Sujet du message: Répondre en citant

Je reviens d'abord comme promis sur les extraits proposes par Farao.
Bon, allez, on commence par quelques citations de Senghor, pour rigoler:
Citation:
Croyez-vous que nous puissions jamais battre les Européens dans la mathématique, les hommes singuliers exceptés, qui confirmeraient que nous ne sommes pas une race abstraite?
...
L'émotion est nègre comme la raison est hellène.
...
On l'a dit souvent, le Nègre est l'homme de la nature.
...
La race blanche est analytique par utilisation, la race nègre intuitive par participation.
Ca se passe de commentaire.

Towa aussi, pourtant anti-senghorien n'etait pas mal non plus. En lisant sa pseudo-philosophie telle que rapportee par Ardin, j'ai l'impression que le combat de Towa fut: "Pourquoi pendre le Negre si on peut l'empoisonner?"
Chez l'un comme chez l'autre on retrouve le schema typique des intellectuels sous hypnose eurocentriste.

Adotevi a par contre dit un truc que je ne partage pas:
Citation:
Or qu’y a-t-il de commun entre le nègre africain et le nègre américain sinon (et encore !) la couleur de la peau ? Il y a sans doute ce fond commun de trois siècles de traite ou d'inconscient collectif. Mais là encore les variations historiques, géographiques et sociologiques leur ont donné des applications différentes. Même en Afrique les problèmes différent pour peu qu'on passe du Dahomey à la Côte d'Ivoire, de la Côte d'Ivoire au Ghana. Et que dire ? de l'Afrique du Sud, du Kenya, du Rwanda ?... (…)

Ce serait comme se demander ce qu'il ya de commun entre europeens, americains et australiens, ca tombe sous le sens. De meme les pronblemes different entre la france, l'allemagne et la croatie, ce qui n'empeche pas leur substrat civilisationnel commun de les souder.


Et enfin: Ardin, je suis un ardent defenseur de toute production intellectuelle de qualite: essais, litteratures, nouvelles, theatre, etc...
Je suis d'accord que le contexte colonial a force une partie de l'elite a reagir en consequence. Je dis juste que
1. Cette elite doit etre consciente qu'en afrique, une tres large majorite de la population n'a pas acces a l'essai litteraire. Il faut faire de la place a la litterature, aux nouvelles et au theatre, qui sont a meme de toucher une plus large proportion de la population.
2. Il faut diversifier les themes abordes. Tous ne peuvent pas parler de la meme chose. Certains doivent avoir un penchant historique, d'autres un penchant economique ou politique, tandis que d'autres peuvent juste se dire "Je vais ecrire pour parler de l'Afrique telle que je la vois et telle que je l'ai vecue". Je crois que tous ces chemins sont honorables tant qu'ils permettent au lecteur africain de mieux connaitre son continent, et d'ouvrir son esprit aux problematiques auquelles l'Afrique et les africains font ou doivent faire face.
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Farao
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MessagePosté le: Sam 18 Juin 2005 22:52    Sujet du message: Mon avis Répondre en citant

ARDIN:
Citation:
Les contraintes psychologiques de l’assimilation expliquent la centralite des themes de l’alienation, de l’exploitation, de la dictature, de la falsification historique dans la litterature africaine francophone. Il ne faut pas oublier que le malaise de l’assimilation n’etait point une vue de l’esprit mais representait bien une realite avec laquelle les africains etaient confrontes: un peuple en proie a un mal existentiel provenant de leur situation d’individus ecarteles entre deux ordres du monde opposes, voire antagonistes, en quete donc d’une nouvelle integration de conscience et de sensibilite.

C'est vrai. Mais on peut difficilement nier que, quelque part entre les années 70 et 80, cette thématique s'est mise à tourner en rond, s'éloignant de la légitime nécessité d'expression des aspirations et du
vécu africains pour alimenter l'usine à clichés. De la même façon, notre
cinéma a connu sa traversée du désert avec une suite interminable de
films stériles et redondants sur l'exode rural et le choc des cultures.

BMW:
Citation:
Adotevi a par contre dit un truc que je ne partage pas:
Citation:
Or qu’y a-t-il de commun entre le nègre africain et le nègre américain sinon (et encore !) la couleur de la peau ? Il y a sans doute ce fond commun de trois siècles de traite ou d'inconscient collectif. Mais là encore les variations historiques, géographiques et sociologiques leur ont donné des applications différentes. Même en Afrique les problèmes différent pour peu qu'on passe du Dahomey à la Côte d'Ivoire, de la Côte d'Ivoire au Ghana. Et que dire ? de l'Afrique du Sud, du Kenya, du Rwanda ?... (…)

Ce serait comme se demander ce qu'il ya de commun entre europeens, americains et australiens, ca tombe sous le sens. De meme les pronblemes different entre la france, l'allemagne et la croatie, ce qui n'empeche pas leur substrat civilisationnel commun de les souder.

Interprétée de cette façon (négation de tout lien entre les Nègres éparpillés dans le monde, donc implicitement caducité de tout ce qui voudrait se batir sur ce lien), cette citation m'apparait en contradiction avec le reste du propos d'Adotevi. Je l'avais plutôt prise dans le contexte de la battue en brêche de la thèse senghorienne qui:
Citation:
suppose une essence rigide du nègre que le temps n'atteint pas. A cette permanence s'ajoute une spécificité que ni les déterminations sociologiques ni les variations historiques, ni les réalités géographiques ne confirment. Elle fait des nègres des êtres semblables partout et dans le temps.

Plus haut:
Citation:
la négritude telle qu'on la brade repose sur des notions à la fois confuses et inexistantes dans la mesure où elle affirme de manière abstraite une fraternité abstraite des nègres.

J'ai mis en gras les mots qui me paraissent importants. Sans eux, Adotevi aurait-il assumé cette proposition?
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Yom
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MessagePosté le: Ven 24 Juin 2005 08:50    Sujet du message: Re: Thank you Répondre en citant

Farao a écrit:
Le résumé est alléchant...
Merci Yom. Je prends note. Wink


Je suis passé hier chez le libraire chercher ma commande de « Africains si vous parliez » de Mongo Beti. Je suis tombé sur ce livre Négrophobie, je n’y ai donc pas résisté, je me suis dit que ce ferait une bonne idée cadeau pour ma mère qui avait apprécié la lecture de Stephen Smith Sad
J’en ai commencé la lecture et je ne suis pas déçu. On sent la rage d’ont éprouvé Odile Tobner et Boubacar Boris Diop contre Négrologie et son succès médiatique (la partie de Verschave semble plus consacrée au travail de journaliste de Smith)

Voilà un extrait de la partie Peau noire, discours blanc, rédigée par Odile Tobner (alias Mme Mongo Beti) qui évoque Ouologuem et illustre votre discussion :
Odile Tobner a écrit:
La cible principale qu’essaie de désigner Smith est purement fantasmatique : âme noire, négritude, africanité, il ne nomme jamais des auteurs, ne cite jamais de textes. Il ne dit pas que l’expression « âme noire » a été inventée et utilisée par les administrateurs coloniaux au début du siècle pour véhiculer leurs théories racistes et reprise seulement par Senghor depuis. Il ignore tout apparemment de l’histoire du concept de négritude et à quoi il a servi, en France, avec Senghor, chantre adulateur et adulé de la francophonie, qui non seulement n’a eu aucun disciple en Afrique mais y a été sévèrement critiqué. Ce confusionnisme sert à cacher sa véritable cible qui s’appelle indépendance africaine, orgueil africain, revendication africaine.
Son alibi africain, constamment invoqué, s’appelle Yambo Ouologuem. Rien n’est plus facile que de récupérer le malheureux Yambo Ouologuem puisqu’il a été fabriqué pour cela. Né en 1940, Ouologuem parvient brusquement à la célébrité avec Le devoir de violence, publié au Seuil en 1968. Il obtient pour ce livre le prix Renaudot. Dans un débordement de sexe et de sang se succèdent les épisodes de l’oppression millénaire des Noirs par les Arabes. La rubrique littéraire du journal Le Monde parle de Ouologuem, excusez du peu, comme « du premier écrivain africain de niveau international depuis Senghor ». Le rapprochement est significatif : Senghor commençait à s’user, il était honni par les jeunes intellectuels africains, qui pourrait prendre le relais ? À l’examen, hélas, Le devoir de violence se révéla devoir beaucoup, textuellement, à diverses œuvres, parmi lesquelles Le Dernier des justes, d’André Schwartz-Bart. Ouologuem publie ensuite, en 1969, Lettre à la France nègre, vitupération confuse dédiée « à toutes les victimes de l’antiracisme ». Après quoi il se retira au Mali. Si Ouologuem est si « désespéré », c’est probablement de devoir sa célébrité à la littérature de « nègre », qu’il a pratiquée, conforme à la demande du public occidental, lui fournissant une Afrique à la mesure de ses désirs.


Je ne résiste pas au plaisir de vous citer la dernière phrase de ce chapitre:
Citation:
Ce qui est singulier, en ce début du XXIe siècle, c’est la résurgence insolente d’un discours sur les Noirs ressassant les poncifs les plus éculés, que l’on pensait, avec certainement beaucoup de naïveté, avoir été jeté aux poubelles de l’Histoire. On savait pourtant que l’émancipation n’avait pas eu lieu. Comment le discours sur la servitude aurait-il disparu ?
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BM
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MessagePosté le: Ven 24 Juin 2005 18:26    Sujet du message: Re: Thank you Répondre en citant

Yom a écrit:
Voilà un extrait de la partie Peau noire, discours blanc, rédigée par Odile Tobner (alias Mme Mongo Beti) qui évoque Ouologuem et illustre votre discussion :
Odile Tobner a écrit:
La cible principale qu’essaie de désigner Smith est purement fantasmatique : âme noire, négritude, africanité, il ne nomme jamais des auteurs, ne cite jamais de textes. Il ne dit pas que l’expression « âme noire » a été inventée et utilisée par les administrateurs coloniaux au début du siècle pour véhiculer leurs théories racistes et reprise seulement par Senghor depuis. Il ignore tout apparemment de l’histoire du concept de négritude et à quoi il a servi, en France, avec Senghor, chantre adulateur et adulé de la francophonie, qui non seulement n’a eu aucun disciple en Afrique mais y a été sévèrement critiqué. Ce confusionnisme sert à cacher sa véritable cible qui s’appelle indépendance africaine, orgueil africain, revendication africaine.
Son alibi africain, constamment invoqué, s’appelle Yambo Ouologuem. Rien n’est plus facile que de récupérer le malheureux Yambo Ouologuem puisqu’il a été fabriqué pour cela. Né en 1940, Ouologuem parvient brusquement à la célébrité avec Le devoir de violence, publié au Seuil en 1968. Il obtient pour ce livre le prix Renaudot. Dans un débordement de sexe et de sang se succèdent les épisodes de l’oppression millénaire des Noirs par les Arabes. La rubrique littéraire du journal Le Monde parle de Ouologuem, excusez du peu, comme « du premier écrivain africain de niveau international depuis Senghor ». Le rapprochement est significatif : Senghor commençait à s’user, il était honni par les jeunes intellectuels africains, qui pourrait prendre le relais ? À l’examen, hélas, Le devoir de violence se révéla devoir beaucoup, textuellement, à diverses œuvres, parmi lesquelles Le Dernier des justes, d’André Schwartz-Bart. Ouologuem publie ensuite, en 1969, Lettre à la France nègre, vitupération confuse dédiée « à toutes les victimes de l’antiracisme ». Après quoi il se retira au Mali. Si Ouologuem est si « désespéré », c’est probablement de devoir sa célébrité à la littérature de « nègre », qu’il a pratiquée, conforme à la demande du public occidental, lui fournissant une Afrique à la mesure de ses désirs.


Oh p..., que c'est bien ecrit.
Cette femme a ecrit exactement ce que je pense du livre de Ouologuem.
Je le repete, le debut (et seulement le debut) de livre est brillant du point de vue de la stylistique, mais son contenu est execrable du debut a la fin.
L'un des pires livres anti-Negres jamais ecrits.

Et c'est justement pour cela qu'il a eu le reneaudot, parce que comme dit Odile Tobner, il a pratique une litterature a la mesure des desirs de l'occidental, en phase avec l'esprit hegelien du francais moyen.

Et en general, la France primera toujours ce genre de Negres de Chambre: Avant, c'etait Senghor. Ensuite Ouologuem. Maintenant Beyala.
Meme un auteur que j'apprecie comme Kourouma tombe parfois dans le piege d'une description folklorique et animalisee du Negre, comme dans "Allah n'est pas Oblige" par exemple, raison pour la quelle ce livre en particulier a recu un excellent accueuil en occident, recevant meme le prix Goncourt des lyceens.
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ARDIN
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MessagePosté le: Lun 21 Nov 2005 23:07    Sujet du message: Re: Thank you Répondre en citant

Un article tres interessant qu'il faut lire. C'est ici:
http://www.grioo.com/opinion5837.html
Et vous avez le choix de reagir a la fin de l'article ou ici meme.
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Yedidia
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MessagePosté le: Lun 21 Nov 2005 23:16    Sujet du message: Répondre en citant

Tu fais bien ARDIN, de remonter ce topic dont la qualité des échanges est à notre sens, des meilleures qu'il y ait eu sur ce forum.
Dommage qu'il fusse si vite enterré...
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" Vitam impendere vero "
... si possible!
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BM
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MessagePosté le: Mar 22 Nov 2005 13:48    Sujet du message: Répondre en citant

yedidia a écrit:
Tu fais bien ARDIN, de remonter ce topic dont la qualité des échanges est à notre sens, des meilleures qu'il y ait eu sur ce forum.
Dommage qu'il fusse si vite enterré...

+1
C'est vrai que de très interessantes choses ont été dites ds ce topic.
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ARDIN
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MessagePosté le: Sam 27 Mai 2006 13:56    Sujet du message: Répondre en citant

Zheim, juste pour toi: UP! and UP, UP!!!
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ARDIN
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MessagePosté le: Sam 02 Déc 2006 12:18    Sujet du message: Répondre en citant

Pour remonter ce topic, je rapporte juste ce propos de Mongo Beti qui avait prevu la reactualisation dictionnaire de la Negritude avec sa femme.
Citation:
[…]Comme il est dit dans la preface, notre conception de la Negritude n’a rien avoir avec celle de Leopold Sedar Senghor. Le mot a ete lexicalise avec plusieurs sens. Contrairement a Senghor, notre conception ne consiste pas a distribuer les talents et les genies suivant la race en disant que les Europeens sont rationalistes, les Noirs sont emotifs, etc. Meme dans la pratique, il paraît qu’il a longtemps freine l’envol des etudes scientifiques a l’Universite de Dakar sous pretexte que ce n’etait pas notre affaire!
Actualiser le dictionnaire de la Negritude demandera quand meme beaucoup de temps[…](Ambroise Kom, Mongo Beti parle Page 249-250)


Qu’est ce que la negritude?

Citation:
Qu’est ce que la negritude?
Invente, dit-on, par Cesaire, mais commercialise en quelque sorte par Senghor, le terme peut se definir somme toute comme la conscience que prend le Noir de son statut dans le monde et la revolte dont cette prise de conscience impregne son expression artistique et ses aspirations politiques.
La negritude, c’est l’image que le Noir se construit de lui-meme en replique a l’image qui s’est edifiee de lui, sans lui donc contre lui, dans l’esprit a peau claire. Image de lui-meme sans cesse reconquise, quotidiennement rehabilitee contre les souillures et les prejuges de l’esclavage, de la domination coloniale et neo-coloniale.
Derriere le mot «negritude» s’ouvre tout un champ ideologique qui est aussi un champ de bataille avec vainqueur et vaincu, orgeuil et humiliation. L’analyse de ces antagonismes ne pouvait etre esquivee. Le genocide materiel et spirituel des Noirs est loin d’etre interrompu. Il risque de se poursuivre de toutes facons, de la plus brutale a la plus insidieuse, aussi longtemps que le mot «negritude» sera vide de son contenu de revolte et de scandale pour en faire l’enseigne d’une boutique de produits exotiques normalises.
Les Grecs appelaient «Ethiopiens» (ceux dont l’aspect est brule) les habitants de l’Afrique Centrale. Ils attachaient a cette appellation une certaine consideration, au point d’en faire un des attributs de Zeus. Ce respect s’explique probablement parce que l’Afrique se fit connaître a eux a travers le rayonnement de la prestigieuse civilisation egyptienne. Ils reservaient le nom pejoratif de «barbares» aux habitants du nord de l’Europe.
Depuis cinq siecles maintenant, le sens s’est exactement inverse: les dieux sont blancs et viennent du nord. L’idee du Noir, depuis le XVIe siecle, est uniquement pejoratif et se confond avec celle de «sauvage». Le sens des mots est une girouette, il indique tres clairement d’ou souffle le vent du pouvoir.
Procedant d'une parole libre, l'illustration que nous offrons de la negritude est contrastee, contradictoire, sans doute passionnee. On ne s'etonnera pas que notre sympathie soit allee aux heros noirs, trop meconnus auparavant, les plus grands ayant ete intentionnellement dedaignes, les plus puissants hais. Nous avons du tirer de l'oubli, arracher a la caricature de saisissantes figures, qui ne relevent pas du mythe, mais bien de l'histoire, celle de l'homme qui pose sa marque sur la realite, envers et contre tout[…](Mongo Beti, Odile Tobner, Dictionnaire de la Negritude, Page 6)

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Chabine
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MessagePosté le: Mer 01 Aoû 2007 21:02    Sujet du message: Répondre en citant

Juste un pour ce topic à redécouvrir avant ou pendant les vacances Razz

Petite contribution : l'article de Grioo qui n'avait pas encore été cité sur ce topic :
http://www.grioo.com/info5837.html
_________________
"Le colonialisme et ses dérivés ne constituent pas à vrai dire les ennemis actuels de l'Afrique. À brève échéance ce continent sera libéré. Pour ma part plus je pénètre les cultures et les cercles politiques plus la certitude s'impose à moi que LE PLUS GRAND DANGER QUI MENACE L'AFRIQUE EST L'ABSENCE D'IDÉOLOGIE."
Cette Afrique à venir, Journal de bord de mission en Afrique occidentale, été 1960, Frantz Fanon, Pour la Révolution Africaine
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MessagePosté le: Mar 29 Avr 2008 02:53    Sujet du message: Répondre en citant

Salut à tous ! Smile

C'est une soirée SLAM, organisée à F-de-F ce week-end, qui m'incite à relancer ce topic. Et oui, le départ de Césaire, ce n'est pas une fin, c'est aussi un recommencement, avec le retour triomphal qui s'observe aujourd'hui sur son oeuvre. Mais cela doit marquer aussi le début du dépassement. La négritude ne devait pas être une essence qui nous fige, mais une transition.

Et c'est exactement ce qu'on affirmé les jeunes de Gwada qui étaient venus slamer avec leurs collègues martiniquais Smile

Voici ce qu'ils ont slamé, sur le thème imposé "Nèg", à la fin de la soirée :

"Nou sé Nèg ? Ki tan nou ké vin' Nonm' ?"

"Nous sommes des Nègres ? Quand est-ce que nous allons devenir des Hommes ?"


Bèl pasaj' ! Very Happy Notez l'importance des points d'interrogation.

Césaire vit en nous, c'est le Papa qui est parti, à nous de devenir ses fils : des Hommes et des Femmes, dans leur pleine Humanité retrouvée Smile
_________________
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