Verdict final dans le procès Kpatcha Gnassingbé : Abalo Pétchélébia fera-t-il entrer la Justice togolaise dans l’Histoire ?
[9/15/2011] | liberte-togo.com
Le Palais de Justice de Lomé sera à nouveau l’objet de toutes les attentions, comme cela a été le cas durant toute la semaine écoulée. Après quarante-huit (48) heures de répit, le procès de tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat reprend droit de cité, en fait pour le verdict final. C’est cette audience qui est donc censée voir la Cour délibérer.
L’avocat général dans sa plaidoirie vendredi, requérait la perpétuité contre le cerveau présumé du complot Kpatcha Gnassingbé et sept (07) autres de ses camarades d’infortune : Gal Assani Tidjani, Cdt Abi Atti, Gnassingbé Essossimna dit Esso, Sassouvi Sassou, Dontéma Tchaa Kokou, Kuma Towbéli, et le Libanais Bassam el Najjar, et la relaxe pure et simple pour les autres prévenus. La défense à travers un plaidoyer émouvant riche en argumentations lundi dernier, demande, elle, l’abandon des charges et la libération des inculpés. A l’impossible nul n’est tenu, les deux parties ont émis leur souhait, et aujourd’hui seuls Abalo Pétchélébia et ses mandants de l’ombre qui tirent les ficelles – suivez juste les regards - ont la clé du procès. Feront-ils entrer la Justice togolaise dans l’histoire en acquittant les prévenus, au regard du tissu de vices qui caractérisent la procédure et des exceptions soulevées par les avocats de la défense ? Feront-ils regretter à la (très hypocrite) Union européenne les milliards de ses contribuables investis dans le chantier de la modernisation de notre (in)Justice ?
Y a-t-il eu tentative de coup d’Etat ?
Cette énigme persiste. Nombre d’observateurs, et même dans son propre entourage, ne voyaient pas Faure Gnassingbé (oser) aller à un procès dans cette affaire cousue de fil blanc, avec un dossier désespérément vide, parlant de fond, même s’il est constitué de plus de mille pages. Mais l’ « Esprit nouveau » a démenti tout le monde, en organisant promptement un procès, après près de deux ans et demi d’instruction du flagrant délit – c’est typiquement togolais.
Au-delà des révélations croustillantes présagées- les Togolais en ont d’ailleurs eu pour leur goût -, on s’attendait voir les « mousquetaires » de Faure et l’avocat général prouver à l’opinion, avec des faits matériels à l’appui, l’existence de tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat et le flagrant délit allégué pour appréhender et coffrer Kpatcha Gnassingbé sans levée de son immunité parlementaire. Mais après déballage, les attentes ne sont pas servies. La seule preuve matérielle (sic) brandie, à part le prétendu corps du délit présenté le 16 avril 2009 devant les caméras et composé, entre autres, de quelques fusils de chasses et d’armes « capables de tuer un éléphant », c’est cette fameuse clé USB qui contiendrait le plan d’attaque, les communiqués à servir après le coup d’Etat et autres dispositions. Mais là aussi, le député dément en être l’auteur. En plus il se fait que l’histoire de ce support amovible, à en croire les avocats de la défense, date depuis 2007 et que l’affaire a été même portée à l’époque à la connaissance de feu Omar Bongo. Le reste, ce sont des déclarations de prévenus à la barre, à charge d’ailleurs contre leurs détracteurs, à l’exception d’une seule, celle d’Essolizam Gnassingbé, qui a mordu à l’appât d’achats de consciences pour enfoncer son demi frère Kpatcha.
Tous les inculpés, ou presque, ont révélé avoir été approchés pour charger le député de la Kozah, contre des libéralités et autres propositions de peines réduites…Quel est donc ce complot existant qu’il faut encore se démener à prouver ? Si la tentative ou le flagrant délit existaient et leur matérialité est prouvée, pourquoi demander alors à certains prévenus d’enfoncer Kpatcha Gnassingbé ? Cela prouve tout simplement que les corrupteurs veulent coûte que coûte avoir la tête du député et protéger d’autres personnes.
L’argument massue brandi comme un trophée de chasse par les « mousquetaires » du plus propre des Gnassingbé – hum… -, c’est-à-dire Faure, avec à la manette l’inénarrable Me Archange Dossou, et aussi ses griots, ce sont les aveux d’Essolizam. Mais pour peu que l’on fasse tourner ses méninges, on s’aperçoit que c’est juste une frustration que Kpatcha aura exprimée, au sujet de la mauvaise gestion faite du legs familial. Si le simple terme « il faut le dégager » suffit à être assimilé à un complot d’atteinte à la sûreté de l’Etat, alors tous les six millions de Togolais sont accusables de coup d’Etat et méritent la potence ou les mêmes misères que Kpatcha. Car ils en disent beaucoup plus que ça chaque jour face à l’incapacité manifeste de Faure à gérer le pays et à satisfaire leurs besoins quotidiens, comme lui-même le leur a promis plus d’une fois. Il y aurait cette possibilité de placer un enregistreur sur le cœur de chaque Togolais que l’on s’apercevra des tonnes de malédictions proférées régulièrement à l’encontre du « Leader nouveau ». Il y en a qui, dans leurs prières quotidiennes, demandent même à Dieu de venir faire le ménage...
Concédons que les frustrations de Kpatcha et son souhait de voir son demi frère libérer le plancher puissent être conçues comme un « projet » de coup d’Etat ; mais après toutes ces séances de déballage, le public qui y a assisté, l’opinion nationale et internationale peinent à trouver la tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat, et encore moins le flagrant délit. « Vous ne voyez rien. Ce qu’on reproche en réalité à Kpatcha, c’est le flagrant délit d’intention d’atteinte à la sûreté de l’Etat », se gausse un confrère.
Les certitudes, les aberrations du dossier, l’obscurantisme de Pétchélébia…
Il faut le remarquer, le procès n’a pas permis de se faire une religion claire sur cette affaire, de savoir si oui ou non il y a un complot de coup d’Etat, qui a même connu un début d’exécution. Ce qui a été par contre manifeste, c’est cette volonté affichée de trucider le député cette nuit du 12 avril 2009, avec l’intervention de Félix Kadanga et sa troupe. Qui en voulait tant au « Gros » ? On ne le saura jamais, du moins pas avec ce procès. Mais intérieurement chacun peut se faire une idée de ce détracteur de l’ombre, surtout que le patron de la Force d’intervention rapide (Fir) avait laissé entendre avoir reçu l’ordre de la « hiérarchie », et que la hiérarchie directe composée à l’époque des généraux Zakari Nandja et Béréna Gnakoudè l’aurait même châtié pour cette intervention. Il ne reste que le chef suprême des armées, Faure Gnassingbé. Est-ce alors lui qui aura ordonné l’opération « Base arrière 3 », qui aurait prévu une ambulance, plutôt un corbillard pour embarquer le corps du député, direction le caveau familial à Pya ? Question pour un champion !
Ce qui est aussi constant, ce sont les tortures subies par les détenus à l’Agence nationale de renseignement (Anr). Presque tous ont fait l’objet de ces traitements inhumains, cruels et dégradants pourtant proscrits par la Constitution et les instruments internationaux ratifiés par le Togo, et avaient un nom à la bouche : le Col Massina Yotroféï. « Je viens de l’enfer, j’ai rencontré le démon, j’ai refusé de lui serrer la main ; il a un visage, son c’est Massina Yotroféï », avait lâché à la barre le Capitaine Dontéma. Des propos assez illustratifs des affres subies et qui avaient entraîné la chair de poule dans l’assistance. Des cas de tortures que le juge Abalo Pétchélébia et son bras droit d’avocat général Komlan Missité ont essayé de minimiser, ce qui leur a valu des malédictions de la part de certains détenus.
Il a été également noté de la part du juge une certaine volonté d’étouffer la vérité. Plein de noms ont été cités dans cette affaire, comme le gourou de l’Anr, le commandant de la Gendarmerie, dont la comparution à titre de témoins était nécessaire pour la manifestation de la vérité. Le Colonel Yark Daméhane aurait pu dire à la barre, si oui ou non ses éléments, juridiquement habilités pour ce genre d’intervention, étaient sur le terrain cette nuit du 12 avril 2009 et ont appelé en renfort Félix Kadanga, comme cela est allégué par ce dernier. Un certain Bawa Zack, employé à l’Ambassade des USA au Togo a été aussi cité par Kpatcha Gnassingbé, comme celui qui l’aurait piégé. Tout compte fait, il est évident que ce monsieur devrait édifier beaucoup sur cette affaire. Le bon sens aurait voulu que ces gens cités comparaissent. Mais Abalo Pétchélébia n’a pas trouvé utile de le faire ainsi. D’ailleurs il a aidé ceux-là qu’il a consenti appeler, Atcha Titikpina et Félix Kadanga, tout condescendants, à évacuer les questions qui leur étaient posées. Ce dernier a pété les plombs et même annoncé le verdict avant l’heure. « Kpatcha essaie de s’en sortir, mais il ne s’en sortira pas ! », a-t-il hurlé à la barre, sans aucun reproche du président de la Cour.
Point n’est besoin de revenir sur les vices de procédure, les irrégularités monstres, les exceptions soulevées par les avocats, les scandales judiciaires bénits par Abalo Pétchélébia. Car ils crèvent les yeux. Le député est jugé sans levée de son immunité, en toute méconnaissance de la loi. Abalo Pétchélébia a balayé du revers de la main l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par les avocats tout au début du procès et a décidé de joindre toutes les exceptions au fond et ouvrir les débats, contre toute logique. Et pourtant selon les connaisseurs du Droit, une affaire pénale est avant tout une question de procédures, et quand la forme est viciée, le fond n’a plus aucune valeur. Comme d’ailleurs l’a prouvé l’affaire DSK.
Au demeurant, les Togolais ont du mal à croire à un coup d’Etat, et ce n’est pas de leur faute. Ce n’est non plus parce qu’ils voient en Kpatcha Gnassingbé un saint, surtout qu’avril 2005 est encore vivace dans les mémoires. Mais juste parce qu’on peine à les convaincre, et il y a trop de zones d’ombre dans ce dossier. Pourquoi avoir choisi de juger une telle affaire en premier et dernier ressort et ne laisser aucune chance de recours ? Pourquoi tant de forfaitures autour d’un dossier que l’on sait clair ? Pourquoi empêcher les médias privés de couvrir pleinement le procès et sevrer les populations d’informations, un droit reconnu par la Constitution ? Pourquoi vouloir coûte que coûte condamner des gens dont on peine à prouver la culpabilité ? Pourquoi soumettre des inculpés à des tortures et leur soutirer des aveux pour une affaire de coup d’Etat qu’on dit claire et où il y a eu tentative et flagrant délit ? Pourquoi… ??? Pourquoi… ???
Tino Kossi
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