"KIVU AU COEUR DE LA VIOLENCE" de Floribert Mugaruka Mukaniré:Témoignages des atrocités commises au Kivu ces dernières années
Par Hobbysnews le journal du peuple, mardi 30 janvier 2007 à 18:41 :: Général :: #1694 :: rss
Un livre de référence sur le Kivu. Il comprend trois composantes:
Des témoignages sur les atrocités commises au cours des dix dernières années dans le cadre de l'holocauste le plus meurtrier que l'Afrique ait jamais connu. En particulier la relation des sévices subis par l'auteur.
Des récits historiques sur les relations chaotiques entre le Rwanda et le Kivu depuis le XIIIème siècle.
Des informations sur les divers intervenants du conflit, miliciens, armées officielles et officieuses, dirigeants, partis.
Hobby's news remercie vivement notre frère Ernest N'goran pour son apport et espère que beaucoup de congolais liront ce livre merveilleux dont nous vous convions à lire le commentaire et un extrait.
La barbarie est universelle. Elle n'est ni l'apanage de l'Afrique, ni sa spécialité. De Srebrenica à Phnom Penh, du Chiapas à El-Geneïna, on la retrouve sur tous les continents, et à toutes les époques.
Comme les tornades ont besoin de deux éléments, la chaleur et l'eau, la barbarie a besoin de deux facteurs pour exploser : la haine et le silence (celui qui génère l’impunité). Depuis dix ans, l’est du Congo démocratique n’y échappe pas, et en particulier le Kivu, qui subit la tragédie la plus terrible jamais vécue en Afrique.
Floribert Mugaruka Mukaniré a d'une part apporté son propre témoignage, puisqu'il vit au coeur de la zone de violence et qu'il l'a subie au quotidien. Il a aussi réunis les récits de parents, de voisins, d'amis qui témoignent d’horreurs qui dépassent l’imagination. Est-ce un livre de plus pour condamner l'Afrique subsaharienne? Evidemment non! Il n'est pas question de condamner, mais de savoir. Car l'ignorance est le premier alibi des criminels. Veut-on comme au Rwanda entretenir un climat de haine propre aux règlements de compte? Evidemment non ! Qu’on ne s’y méprenne pas, le but n’est pas d’attiser la soif de vengeance des victimes. C’est tout le contraire. Parler, témoigner, révéler, dénoncer, crier, c’est donner aux coupables la conscience de leurs crimes. C’est faire renaître en eux les soupçons d’humanité qui les habitent peut-être encore.
C'est donc un acte positif, qui pose les bases d'un retour à une vie aussi normale que possible pour les populations meurtries. C’est, à coup sûr, priver d’oxygène le feu de la violence.
C'est aussi rendre hommage aux millions de victimes.
Un extrait (attention, lecture difficile)
Extrait du témoignage de Gisèle, habitant à Kaniola, à quelques kilomètres de Walungu, où réside Floribert Mugaruka Mukaniré
Je suis couchée avec, à mes côtés, mon mari et mon fils cadet, âgé de 4 mois. Il est 22 heures quand un violent coup de botte fait voler la porte de la case en éclats. Mon mari met pied à terre, sur des débris de bois, quand une lumière violente illumine la pièce. Les trois autres enfants qui dormaient sur un lit de l’autre côté se réveillent. « Debout ! » ordonne en kinyarwanda l’homme à la torche tandis que la case se remplit de miliciens armés. En entendant cette langue, je comprends avec terreur à qui j’ai affaire : ce sont des Inters ! On assoit de force mon mari près du foyer, adossé au poteau qui soutient la toiture et on lui ligote les mains dans le dos. Je suis ligotée à mon tour, à l’aide d’un pagne, sous l’œil de mes enfants assis sur leur lit. Un des agresseurs remonte le pan du maillot de mon mari sur son visage, pour lui cacher les yeux. Il lui assène un premier coup de couteau dans le dos, entre les côtes. « Soutiens-moi, Gisèle ! » crie-t-il dans un râle, avant qu’un autre milicien lui enfonce son poignard jusqu’au manche dans la poitrine. Un troisième l’achève d’un coup de couteau qui lui déchire le ventre jusqu’au nombril. Ses intestins se répandent sur son bas-ventre. Les miliciens me poussent vers la sortie, pillent tout ce qui peut s’emporter dans notre modeste case, et y mettent le feu, sans s’occuper des enfants, ni du cadavre de leur père. Ils s’attaquent ensuite à la case voisine, où le même scénario se répète. Je vois des dizaines de maisons en flammes, car les agresseurs sont nombreux. Les miens me saisissent pour m’emmener avec eux, ainsi que deux autres femmes et trois hommes chargés de transporter le butin du pillage. À quelques mètres derrière nous, deux de mes enfants âgés de 6 et 4 ans, et qui ont réussi à échapper aux flammes, nous suivent dans ce sentier éclairé par la lune. Aux premières lueurs de la matinée, notre troupe est déjà profondément enfoncée dans la forêt. Soudain, les Inters s’énervent. Ils saisissent Birhanga, un de leurs captifs et attachent ses jambes à une branche avec des pagnes. A-t-il laissé tomber quelque chose ? S’est-il senti mal ? A-t-il eu un geste hostile ? Je n’ai rien vu. Le malheureux a beau se démener, hurler, seul l’écho de sa voix lui parvient de la jungle. Les jambes écartées, les mains liées dans le dos, son sort semble scellé. Trois des Inters lui maintiennent la tête et le tronc tandis qu’un quatrième découpe son caleçon au couteau, et lui en enfonce les lambeaux dans la bouche pour le faire taire. Avec un sourire aux lèvres et un regard amusé, il découpe la chair de Birhanga, du ventre jusqu’au rectum, laissant de côté les organes génitaux. Le bourreau élargit l’anus et tente de séparer les fesses. Ce qui l’amuse le plus, c’est d’enfoncer ses mains dans le bas ventre de l’homme, et de jeter des brassées d’intestin à l’extérieur. Puis il plonge les bras dans le ventre ouvert, arrache les chairs et Birhanga meurt. Les quatre miliciens sont couverts de sang, ce qui semble les exciter joyeusement. « Bon ! Vous les femmes-là ! Couchez-vous ! Vite ! À terre ! » Les hommes s’activent sur moi, j’en dénombrerai sept, qui pataugent dans le sperme les uns des autres. Je suis dans un état second, par-delà la douleur, et ne ressens rapidement que des crampes qui envahissent mon corps. Les deux autres femmes subissent les mêmes atrocités, mais elles ne pourront en témoigner : aujourd’hui, elles ne sont plus. Assis en retrait, dans l’épaisseur du taillis, mes enfants n’ont rien perdu du spectacle. (...)
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