Comment te dire, ô toi, humble vieil homme!
Que de tous les hommes que j’ai aimés,
Tu es au fond de mon âme la baume
Qui console tous mes espoirs brisés...

J’aimais un beau jeune homme de ma race
Qui d’amour ne jurait plus que par moi;
Il m’entourait d’amour et moi de grâce:
Il voulait m’épouser: j’y avais foi....

Ma candeur brillait comme le saint cierge...
Mais avant qu’il me mît alliance au doigt,
Un jour, il découvrit mon beau corps vierge...
M’ayant éteinte, il s’éloigna de moi...

Dans le coeur des miens, j’étais déjà morte;
Comme en plus j’avais germe dans mon sein,
Très honteux, ils me mirent à la porte:
J’étais dans la rue un vent sans dessein...

Je n’ai jamais compris pourquoi les hommes
Peuvent tout faire à leur gré librement:
Et nous, les femmes arabes, nous sommes
Privées de tout dans un grand dénuement...

Aucun homme ne voulait de mon être
Ces moments étaient pour moi les plus durs...
J’ai tenté de plonger par la fenêtre:
Car mon amant cherchait d’autres coeurs purs!

Et ma soeur m’invita chez elle en France.
J’ai eu mon fils seule sans son papa:
Tout homme me veut, mais nul ne me fiance!
Sans mon fils, j’aurai croisé le trépas...

Jules Kébla
"Pleurs sur les dunes", recueil inédit.
2 mai 2001, Paris, Joinville 75019