Au lendemain du vent d'Est qui au début des années '90 a balayé le mur de Berlin, et ébranlé les forteresses des partis uniques pour ouvrir la brèche au multipartisme en Afrique subsaharienne, des espoirs nouveaux sont apparus dans l'esprit populaire. On a cru pourvoir tout changer, et à coup de conférence nationale par ci, de soulèvement populaire par là, et déjà d'élections dites pluralistes, démocratiques et transparentes, la politique semblait vouloir retrouver en Afrique Noire toutes ses lettres de noblesse. Mais c'était sans compter avec le jusqu'au-boutisme des dirigeants en place, désireux de perpétrer contre vents et marées un système qui profitait surtout à leur clique plutôt qu'au peuple qu'ils dirigeaient. Les années fastes d'une aide au développement à profusion ainsi que le cours élevé des matières premières alors exportées, avaient réussi à présenter l'illusion de républiques en bon état de marche. Mais une fois que la crise conjoncturelle mondiale a frappé aux portes du sous-continent, on n'a pu que faire le constat de la difficulté que ces états avaient à maintenir l'outil de fonctionnement, à défaut de pouvoir le renouveler. Les barrons du régime alors habitués à s'en mettre plein les poches, ont étalé toutes les limites de leur culture socio-économique quand il s'est agi de redynamiser des systèmes qu'ils ont eux-mêmes contribué à asphyxier, à l’heure dite de la globalisation !!!!

Au jour d'aujourd'hui, la démocratie semble marquer le pas en Afrique subsaharienne. Les espoirs suscités autrefois ont quasiment disparu, grâce à un processus d'usure savamment orchestré par les états-gouvernements qui continuent le plus souvent à diriger leur pays comme à l'époque du parti unique. Seulement, ils se targuent d’une certaine légitimité acquise par les urnes, ignorant le plus souvent les critiques du restant de la classe politique dénonçant fraudes et autres malversations émaillant chacune des consultations électorales. Et les opérateurs économiques dans leur ensemble flirtent souvent avec la classe dirigeante, quand ils ne sont pas carrément leurs pourvoyeurs de fonds. Le parti unique renaît donc de ses cendres, plus fort que jamais, parce qu’il n’y a plus localement de contre-pouvoir. Le débat contradictoire est faussé, et une pseudo-liberté d’expression vient parfois entretenir l’illusion de la contestation.

Face à ce constat d’échec de l’opposition classique, qui n'a pas suffisamment tenu compte de la capacité et la volonté de nuisance des pouvoirs en place, il faudrait trouver une autre alternative... Le combat étant difficile à mener à l'intérieur du pays, autant le faire à l'extérieur. L'heure de la diaspora aurait-elle donc sonné!?...

L'approche serait simple... Travailler sur le long terme, en sensibilisant autant que faire ce peut, les jeunes générations du Nord.

Le but... Négocier avec ces jeunes générations, la nature future des rapports plus égalitaires entre le Nord et le Sud, qui se verront alors appliqués tels quels dès que l'un d'entre ces jeunes sera aux affaires.

Les moyens... Faire un travail de recherche poussé sur les 4 siècles de la Traite Négrière, puis sur la colonisation, et aussi les ingérences déstabilisatrices dans les affaires internes africaines, avec tous les excès et les complicités étatiques et individuelles que ces phénomènes ont drainés. Avec ce dossier, préparer des instructions à déposer devant tous les tribunaux des républiques eurasiquaines (Europe-Asie et Amérique) "incriminées", avec l’espoir d’un verdict de culpabilité... La facture potentielle à payer en guise de dédommagement ne serait pas réglée, mais plutôt servirait de moyen de pression et de conviction idéal, gage de rapports rééquilibrés à l'avenir.

Les travaux de recherche et de finalisation de ces dossiers devraient s'étaler dans le temps et dans l'espace, et se faire avec la contribution de toutes les compétences nécessaires (juristes, historiens, philosophes, artistes, hommes de science, etc.) Chacun pourrait y participer, simplement en collectant les infos auprès des vieillards de sa famille, pendant qu'ils sont encore en vie.

Mais le plus important de tous les moyens, c'est la NATURALISATION. En effet, on ne compte plus les pays du Nord qui pour pallier à un déficit démographique certain mettent en ouvre des politiques rarement officialisées, pour colmater les brèches dans les flancs de leur pyramide des âges. Accessoirement, ces appels « cachés » faits aux migrants du Sud ou de l’Est, permettent souvent de redynamiser une population active qui localement se fait rare, quand elle ne brille simplement pas par son manque de motivation ! Quitte à payer des impôts en Euramérique, et surtout à y voter, autant que cela serve aussi la cause de notre terre natale!!!

Au rythme où vont les choses, les subsahériens seront bientôt représentés à tous les niveaux de la société euraméricaine, au sein du tissu socio-économico-politique. Chacun devrait alors penser, à chaque fois qu'une occasion lui sera présentée, à sensibiliser.

La naturalisation euraméricaine implique certes des droits, mais aussi des devoirs. Voter serait un droit, tandis que payer ses impôts en serait un devoir… Mais au-delà de ces transactions directes entre le citoyen et l’état, qui sont du ressort politique ou économique, il y a un volet socio-culturel qui doit être pris en compte. La naturalisation constitue la fondation la plus solide pour une complète intégration. Toutefois, on ne peut entendre par intégration la négation du soi, ou alors le refus de la diversité. Celle-ci enrichie quand elle est savamment prise en compte, et on peut avoir une société pluriculturelle soudée dans son moule national, avec tous les citoyens qui s’inscrivent dans le respect de la constitution !

Mais à l’heure de la mondialisation et du village planétaire, il est désormais acquis que le débat politique, économique, social et même écologique, ne peut plus se concentrer dans les limites géographiques d’un état. Face à la toute puissance des multinationales, les politiques et des acteurs toujours plus nombreux de la société civile cherchent à faire un contrepoids, qui viserait à toujours garantir la justice sociale, et à réduire des inégalités qui sont de plus en plus criardes. C’est dans ce registre que le citoyen naturalisé euraméricain, qui est originaire d’Afrique, peut contribuer à modifier autant la perception que le fond des échanges entre le Nord et le Sud. Tout en s’impliquant dans les affaires de la cité où il s’est intégré, il pourrait aussi servir, à-côté des « experts » en la matière, d’intermédiaire ou d’interlocuteur d’appoint, en s’appuyant sur son passé ou sa connaissance du terrain en Afrique. Bon nombre de politiques de coopération ont souvent échoué parce que les choix adoptés en amont au Nord, n’étaient pas en adéquation avec la réalité locale au Sud. Il y va parfois de la sensibilité ou de toute autre approche purement culturelle !

Les récentes confrontations électorales euraméricaines montrent un désir d’implication politique des citoyens issus de l’immigration en progression constante. Ainsi en est-il du sénateur étasunien de l’illinois Barack OBAMA dont le père venait du Kenya – de la secrétaire d’état belge aux familles Gisèle MANDAILA (originaire de la RDC) – de Maka KOTTO député québecois originaire du Cameroun – de Joëlle KAPOMPOLE première sénatrice belge d’origine congolaise – de David LAMMY, député anglais dont les parents venaient de Guyane, etc. Au-delà du clientélisme de certaines formations politiques, qui souhaitent plus colorer leur liste que donner de chance réelle à leurs candidats d’origine africaine, on aura de plus en plus l’occasion de voir de vraies candidatures dites d’ouverture…

En dépit des règles de la diplomatie et du consensus des partis politiques qui donneraient sa chance à un « Africanophone » qui rejoindrait leurs rangs, on n’est pas près d’échapper aux interpellations quasi permanentes de cet élu sur les questions de politique africaine, ou sur le quotidien de ses « cousins » d’Afrique qui vivent souvent le martyr, voient leurs droits les plus élémentaires bafoués, et veulent pourtant croire en un avenir meilleur. L’électorat de la diaspora, même s’il est divisé lors d’une consultation électorale au point de diluer ses voix sur l’ensemble des candidats d’ouverture, se retrouve souvent réuni quand il est question de demander la position des gouvernants euraméricains sur la gestion d’un conflit en Afrique, et particulièrement dans les régions d’origine de ces nouveaux citoyens.

Toutefois, il faut noter que les citoyens d’origine africaine nouvellement naturalisés, et particulièrement ceux de l’Afrique Subsaharienne, doivent être éduqués au vote. En effet, ils proviennent généralement de pays où ils n’ont quasiment jamais pris part à une consultation électorale « démocratique », soit parce que c’était un plébiscite de l’autocrate au pouvoir au temps du parti unique, soit à cause d’un scrutin dont la transparence se trouvait bien vite diluée et oubliée face à une profusion de partis politiques qui surfent trop souvent sur la vague ethnique, qui justement irrite et divise !

Le défi de la diaspora s’inscrirait donc dans son aptitude à s’intégrer véritablement dans la société du Nord, où la citoyenneté a été acquise. Mais une telle intégration devra être active, en ce sens qu’il faudra chaque fois que cela sera possible, peser d’un même poids sur les questions de politique de coopération avec le Sud. Le citoyen élit ses gouvernants, et ceux-ci décident de la politique qui engage toute une nation. Si la majorité de la population n’est pas d’accord avec les choix décisionnels de ses dirigeants, elle le fait savoir lorsqu’il y a une consultation électorale ! Le citoyen, par le truchement du vote, a l’occasion de sanctionner ou d’encourager ses élus ; cela est encore plus vrai si le vote est rendu obligatoire. Si la situation politique, économique et même sanitaire en Afrique continue à empirer, tandis que dans le même temps des dignes fils de ce continent s’exilent et arborent de plus en plus des passeports de couleur rougeoyante, alors ces nouveaux citoyens, qui auront eu de toute évidence des conditions de vie plus avantageuses que leurs parents ou autres frères restés dans le chaos, porteront une part de responsabilité indéniable, ne serait-ce qu’au titre de la non assistance à personne en danger, ou plus encore de la complicité d’homicide involontaire…. Le politique de la diaspora, élu ou aspirant à le devenir, doit en plus de ses prérogatives au sein de son parti, s’intéresser aux questions de coopération entre le Nord et le Sud. Le citoyen de la diaspora qui essaie de s’intégrer au quotidien, a lui aussi le devoir de participer autant que faire ce peut à l’essor d’un avenir meilleur au Sud, à travers le monde associatif, par le truchement de groupes corporatistes, ou épisodiquement par le vote le cas échéant.

Mais au-delà de l’implication directe, il existe la possibilité d’alliance avec les autres citoyens qui de toute évidence, ignorent souvent tout de la réalité locale en Afrique. En somme, le devoir d’informer de ce qui est, tel quel, au contraire du cliché qui s’avère dévastateur. Le respect mutuel passe souvent par la connaissance de l’autre, et à ce jeu, qui mieux que les personnes issues de l’immigration pour parler de la « réalité réelle » de leur vécu, avant leur exil…

Le dossier "compromettant" sur le lourd passé de souffrance de nos peuples est méconnu en Euramérique, ou du moins occulté, comme tend à le montrer le terrible article 4 de la loi française du 23 février 2005, sur les aspects "positifs" de la colonisation. C'est à la diaspora de communiquer autour des méfaits historiques qui auraient marqué les rapports Nord-Sud, dans le but de pousser les opinions publiques euraméricaines à faire pression sur leurs politiques, et par ricochet, ceux-ci pour faire bonne figure laisseront choir tous les régimes autocratiques qui prévalent en Afrique.

La jeune et ambitieuse génération, pour autant qu'elle veuille donner une direction plus juste aux affaires au Sud du Sahara, pourra alors avoir les coudées franches pour mettre sur orbite les états Africains restés trop longtemps à la traîne. Et dans cette optique, la jeunesse euraméricaine serait un allié de choix car elle ne voudra pas hériter d'une dette qu'elle n'a jamais consentie; la dette en question étant la facture des méfaits subis par les Africains.

Le pacte serait donc conclu sur le retrait de tout soutien du Nord aux autocrates subsahériens comme gage pour que la diaspora, suivie en cela par les bonnes volontés au Sud, n’usent pas de la justice pour réclamer un dédommagement forcément colossal, au titre des souffrances endurées par leurs ancêtres, et qui ont quelque part influencé leur pertes de repères actuelles. Les Africains ont leur propre "Holocauste", et il ne tient qu’à eux de savoir en tirer partie, pour le bien être des générations à venir !

Le très illustre...