Entre Généalogie et Histoire... Petit résumé sur la pratique des ndâb!
Par Kapro, lundi 2 octobre 2006 à 17:58 :: Généalogie :: #1377 :: rss
Précis sur les Ndâb, pour en définir les contours tout en rappelant quelques formes courantes..
Je vais faire un résumé de la situation sur les Ndèh, Ndap ou Mkouh, avec quelques explications et des exemples courts. Il faut déjà retenir que toutes les formes sont additives et complémentaires , entendu qu'elles sont ajoutées les unes aux autres, avec toutefois un ordre de préséance.
Le Ndap peut être :
- Généalogique (en relation avec l'ascendance et la filiation)
- Contextuel (en rapport avec une circonstance de la vie, comme les jumeaux, ou en liaison avec un nom)
- Géographique (traduisant l'appartenance à un quartier, à une commune)
- Corporatiste (en relation avec la fonction, la profession, ou la confrérie à laquelle on appartient)
- Intégrateur (on le donne à un étranger pour marquer son acceptation dans la famille, son entrée dans la sphère familiale)
- Honorifique (distinction faite par un membre de la cour (Roi, notable) en rapport avec un acte posé de son vivant, en relation avec la bravoure, etc.)
Le classement donné ci-dessus peut aussi traduire l'ordre dans lequel le ndap apparaît. Toutefois, la préséance voudrait que ce soit la dernière forme qui soit la plus importante, et donc celle qu'on utilisera pour désigner avec le plus de respect un individu.
De toutes les formes du Ndâb, c'est sans doute la généalogique qui comporte la dimension la plus profonde de la culture Bamiléké, dans le sens qu'elle renvoie à la fois à l'organisation sociale et à la cosmogonie de ce peuple. En effet, si on devait définir le système de filiation auquel le ndèh généalogique renvoie (lien), on dirait qu'il s'agit d'une filiation bilinéaire assymétrique et limitée en pivot.
Au départ, la forme généalogique est définie avant même la naissance de l'enfant. Le ou les Ndap généalogiques de l'embryon sont immuables, et fixés par la filiation de son père et de sa mère. Le ndèh généalogique s'appuie sur le droit de sang!!!! Ainsi, tous les garçons d'une même mère porteront le même Ndap dès leur naissance, tout comme les filles d'un même père.
La filiation est dite bilinéaire parce qu'elle tient compte à la fois de l'ascendance patrilinéaire (agnatique)
et celle matrilinéaire (cognatique). Ainsi, une fille portera à la fois des Ndâb relatifs à ses lignées paternelle et maternelle. Le garçon ne portera que des ndèh qui lui viennent de sa mère!!!! Et ceci constitue la première assymétrie!
Un autre aspect de l'assymétrie réside dans le fait qu'au départ, seul un homme peut être un ancêtre de référence, un dépositaire des armoiries en quelque sorte. Mais si l'homme est le dépositaire des armes de la famille, il ne peut pas les "exhiber" en les portant officiellement comme Ndèh, à moins d'être le représentant vivant de la référence, et donc son successeur officiel! Tous les autres hommes de la descendance, qui ne sont pas LE représentant vivant des armes, sont réduits au rôle de vecteur, de porteur caché des ndâb. Il faut alors qu'ils aient une fille pour que celle-ci exprime au grand jour les armes l'ascendance de leur père. Et dans le même temps, l'homme qui est le porteur caché des armes de sa lignée agnatique (patriarcale) est par contre porteur officiel des armes de sa lignée maternelle, parce que sa mère a auparavant révélé ces armes là!!!!! En résumé, l'homme porte au grand jour ce qu'il ne peut plus trasmettre!!!! Et en même temps, un homme transmettra ce qu'il n'a pas su exhiber!
Ainsi donc, les ndâb se transmettent indéfiniment, et de manière pseudo-cachée, tant qu'on a une lignée continue d'hommes. Mais le ndèh n'est revélé au grand jour que par la venue d'une fille dans la descendance.
''Pourquoi parler alors de limitation dans le temps?'' L'officialisation du ndâb chez la fille qui naît marque en même temps la fin de l'expression de la filiation considérée. En effet, une fois révélé chez une fille, le ndâb ne peut plus s'étendre qu'à une génération dans la descendance, puis il est interrompu définitivement!!!!! La fille qui porte les armes de sa lignée paternelle les transmet, une fois devenue mère, à son fils et à sa fille, et le processus prend fin car la forme qui est ainsi donnée à ces enfants ne peut plus êre transmise!!!!
Dans le même temps une fille peut aussi porter les armes qui lui viennent de sa lignée maternelle, avec la particularité que celles-ci ne seront jamais plus transmises!!! Aussitôt révélées, les armes d'une lignée ou d'un ancêtre de référence ne peuvent donc plus être transmises qu'une fois, soit un maximum de 2 relais après officialisation du ndâb chez une fille. Le premier relais est la transmission du père à sa fille, et le second la transmission de cette fille à sa propre descendance (fils et filles), et les choses s'arrêtent ainsi pour l'ancêtre de référence considéré.
La notion de transmission en pivot résulte au final des passages de témoin successifs entre sexes opposés, du père à la fille et de la mère au fils, le cas de transmission de la mère à la fille étant singulier. En effet, les cas de transmission de la mère à la fille ne sont pas toujours systématiques, et il apparaît parfois que cela est régit par le poids des armes reçues. Plus celles-ci sont consistantes, plus il y a des chances qu'il existe une transmission de la mère à la fille!!! En l'occurrence les filiations relatives à la cour ou aux membres imminents de l'entourgae du Roi en font partie.
Le système de ndâb généalogique se double d'une dimension spirituelle quand on observe la construction de celui-ci. En général, l'ancêtre de référence est désigné par un préfixe honorifique suivi de la forme contractée de son nom. Parmi les préfixes, on peut avoir soit un titre spécifiquement donné par un roi ou un membre imminent de la cour (Sah, Souh, comme ami (entendu du Roi)), ou alors Tieh ou Tah (forme contractée de Tiegneu ou Tagni, comme père de jumeaux). En effet, les jumeaux occupent une place hautement symbolique dans la société Bamiléké. On remarquera aussi au passage que l'usage de la contraction est souvent effectué pour le Ndap, et que c'est parfois en retrouvant ou en restituant la forme éclatée et complète qu'on peut mieux circonscrire la filiation d'un individu.
Ainsi donc, un personnage du nom de NONO, une fois anobli, peut être désigné Sah'No (Nono ami du Roi). Si la raison de sa noblesse est son appartenance à une confrérie du type des danseurs de Nkouh'Ngang, alors c'est sur ces filles qu'on lira ce lien. Ses fils ne seront que des vecteurs des armes!!! Les filles seront donc désignées Ngwo Kouh (forme contractée de Ngwo Kouh'Ngang, entendu "fille de celui qui danse le Kouh'Ngang"), ou encore Meh Sah (forme contractée de Meh Sah'No (autrement dit mère de Sah'No). Les fils de ses filles (Ngwo kouh) seront porteurs stériles des armes de leur ancêtre maternel (père de leur mère), et seront désignés sah'No (le choix de la miniscule traduit ici la fin de la transmission du Ndâb).
Si le préfixe "fille de" traduit clairement la continuité de la filiation, le préfixe "mère de" conduit à une sorte de réincarnation, à une réapparition d'un individu disparu!!! La cosmogonie Bamiléké implique justement dans le culte des ancêtres une dimension spirituelle qui veut que les "morts ne soient pas morts"....
Le Ndèh contextuel fait allusion à une particularité physique de la personne (à sa naissance par exemple, ou sur le choix de son nom), et selon les cas, ce ndap peut supplanter (donc venir avant et sans l'effacer) le Ndap généalogique que ses frères (pour un garçon) ou ses soeurs (pour une fille) ont eu dès leur naissance. C'est le cas avec des noms propres qui entraînent automatiquement l'apparition d'un Ndèh (tous les hommes du nom de DJOMO à Bangoua sont automatiquement des Yong'Ngoueh), tout comme on peut parfois se voir baptiser du Ndèh de son homonyme.
Le Ndap géographique est en relation avec un quartier. On peut parfois retrouver le nom du quartier
dans la distinction (Ngwoa Mbit, pour toutes les filles du quartier Mbit à Bangangté), ou ne pas le retrouver (Go'Djè, pour les filles du quartier Soung à Bandjoun). En outre ce type de ndèh renvoie parfois à une considération autre, avec prise en compte du droit de sol!!! C'est ce qui se passe à Bandjoun par exemple, où il n'existe pas de ndèh généalogique purs, mais plutôt la forme géographique. Cela découle de l'histoire de la naissance même de Bandjoun, qui s'est opérée par "naturalisation massive" de citoyens pour occuper l'espace conquis. Les hommes à Bandjoun sont tous des ToDjom, tandis que les filles sont des Go'ToDjom, pour autant qu'ils soient nés de parents Bandjoun, et qu'on leur ait fait boire une décoction à base d'une herbe particulière.
Le Ndap dit corporatiste renvoie ici à la notion de profession pratiquée, à la fonction occupée.
Il y a des corps de métiers qu'on distinguait (guérisseur, tisserand, marchand de sel, etc.), ou même des fonctions aussi (guerrier, aide de camp, etc.). Selon les villages, la désignation d'un corps de métier peut varier. En outre, il peut arriver que le corps de métier renvoie directement à un ou plusieurs villages, du fait que les professions évoquées étaient la spécificité de ces groupements. On peut considérer l'exemple d'un guérisseur Bangoua dont le Ndap se déclinait comme le nom d'une plante délicate à manipuler, mais aux vertus étonnantes (Nsang-Ngang, à confirmer!!!!!), ou alors les filles de tisseurs de sac de sel, les Ngwo'Tam (très répandu à Bayagam!!), ou encore les Ngwa'Peh (Filles de celui qui vend du sel pour le Taro, très usité dans l'arrondissement de Bana).
Le Ndap peut aussi être intégrateur, quand on le donne à une personne qu'on adopte, qu'on accepte
dans la famille ou la communauté. On peut le fairre avec la femme d'un fils de la famille ou l'inverse (mari d'une fille de la famille). A Bayangam par exemple, on décline en "Njui X", la femme de celui qui a pour Ndap X. Mais plus généralement, on peut "baptiser" un étranger (gendre ou bru) d'un Ndap qui se rappellera certaines de ses qualités, ou alors du Ndap de son plus proche ami dans la famille, celui ou celle qu'on considère comme le frère ou la soeur qui l'a présenté aux autres.
Le Ndap honorifique est aussi celui qui vient au dessus de tous les autres,
parce qu'il est aussi celui acquis par l'individu sur base de sa prestance, de sa bravoure, bref de son comportement de son vivant!!!!! Ce Ndap est décerné par une autorité traditionnelle (Roi, sous-chef, notable, etc.) C'est le cas pour Mwembo (mon père) Mbeuh (c'est aussi un Ndap généalogique), Soup, etc., qui sont usités à Bangoua.
En principe, c'est aussi le Ndap qui supplante tous les autres, et par lequel on désigne la personne au risque de lui manquer de respect, quand on est au courant.
Ce Ndap peut aussi comporter des attributs externes (chechia, tabouret ou trône, autres accessoires vestimentaires, etc.), que l'honorable peut transporter avec lui, suivant le contexte.
A bientôt, sur les traces de nos ancêtres....
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