TITRE Ils n'ont plus de repère ; et sans repère, on se perd

Le soleil n'éclaire plus le monde paysan plongé dans les ténèbres de la mendicité par un régime aux abois qui a fini d'exécuter à la perfection l'une des dispositions de ce qui semble être sa lettre de mission à la tête du pays : tuer, entre autres secteurs du développement, l'agriculture. Face à ce chaos, tous les miroirs se sont cassés et mes yeux caressent tristement mon pays où nos gouvernants confirment, chaque jour, leur incompétence sur son trône de bassesses et de violences : violence verbale, violence physique. L'électricité n'éclaire plus le peuple. Elle ne fait plus marcher l'économie. Mais cela est le cadet de leur souci. Face à cette situation, ils choisissent de promouvoir le mensonge à la place des véritables solutions de sortie de crise, le mensonge qui est en train de devenir dans ce pays la marchandise la mieux vendue. Les sociétés nationales sont en banqueroute à cause du favoritisme et de leur promptitude à pomper dans les caisses de façon frauduleuse pour alimenter leurs comptes bancaires personnels ou entretenir leurs clientèles politiques.

L'espoir n'éclaire plus le cœur de ma jeunesse livrée de plus en plus au chômage ; elle compte ses chances avec des miettes de pain parce que son pays est livré au pillage systématique des tyrans. Avec ces derniers, on assiste à un film dans lequel tous les coups sont permis. Cette situation m'attriste.

Ils assènent des coups à notre Constitution quand bon leur semble par le biais de l'Assemblée nationale pour mieux conforter leurs calculs politiques malsains. Holà ! Holà ! Honorables députés, j'ose espérer que vous n'allez plus nous refaire le coup de la loi Ezzan qui a brillé de par son impopularité. Au nom de votre honorabilité, ne malmenez pas une nouvelle fois notre chère Constitution pour nous pondre un futur président de la République par procuration avec ce machin de revenant qu'on appelle Sénat qui ne fera que pousser notre économie, déjà comateuse, à manger les pissenlits par la racine. Nous voulons choisir démocratiquement notre futur président de la République dans les règles de l'art.

Ils assènent des coups à notre pouvoir judiciaire en l'invitant parfois, de façon maladroite, à des prises de position injustes et injustifiées dans le débat politique. Ils assènent des coups au pouvoir exécutif en le dénaturant par le recrutement d'individus inaptes à exercer la fonction ministérielle, ce qui se traduit dans l'exercice de leur fonction par des bavures à tout bout de champ ou des changements de gouvernement ou de ministre lassants. Ils assènent des coups à nos finances publiques avec des scandales financiers à coups de milliards à la pelle. Ils assènent des coups au panier de la ménagère avec l'inflation des prix des denrées de première nécessité. Ils assènent des coups aux étudiants qui réclament de meilleures conditions d'études telle que la réalisation d'un équilibre entre le nombre d'étudiants et les infrastructures d'accueil.

Ils assènent des coups aux citoyens qui veulent exercer leur droit à la marche ou au sit-in tel que autorisé par la Constitution. Ils assènent des coups à notre diplomatie à l'intérieur et à l'extérieur du pays, en parachutant des farfelus à des postes très stratégiques ou en prononçant des discours qui agressent nos voisins. Ils assènent des coups à la presse et aux leaders d'opinion, en instrumentalisant la police qui ne fait qu'exécuter les ordres à cause de son statut. Ils assènent des coups au calendrier électoral. Ils s'assènent des coups entre eux ou convient leurs adversaires politiques au combat par la voix de leur leader qui n'hésite pas à traiter ces derniers de froussards et à les inviter à marcher jusqu'au palais. Heureusement que cette opposition n'a pas répondu à son invitation à la confrontation qui ne peut être que fatale inutilement à notre chère République.

L'alternance est une arête dans la gorge de l'histoire de mon pays. Mon peuple ne mérite pas cela. Bravo pour les routes, les ponts, la Porte du Millénaire et les intentions. Mais mon peuple a besoin de manger, de se soigner, de faire bénéficier à ses enfants d'un bon système éducatif, d'une bonne politique agricole, industrielle, de l'emploi et du logement. Mon peuple a besoin de transparence dans la gestion de ses deniers. Mon peuple a besoin de sécurité, d'eau et d'électricité ; bref de toutes ces nécessités qui participent à l'amélioration de sa vie quotidienne.

Au soir du 19 mars 2000, beaucoup de Sénégalais comme moi ne pouvaient pas croire que ce peuple allait passer du désespoir à la déception. Beaucoup de Sénégalais comme moi ne pouvaient pas croire que nos nouvelles élites allaient porter les habits de véritables marchands d'illusions. Ils s'agitent devant les foules et s'excitent dans les honneurs préfabriqués. Politiciens sans éthique, le bonheur d'avoir la conscience tranquille fuit les caves de leur cœur. Que mon peuple se réveille ! Ces véritables tacticiens du gain facile qui le gouvernent, n'ont plus de repère. Et sans repère, on se perd. «On ne participe pas à la chasse à l'éléphant en se contentant de regarder passer son cadavre devant sa case.»

Tafsir Ndické DIEYE Ecrivain sénégalais Auteur de romans policiers dont : "Ces fossoyeurs de la République" Editions Mélonic Québec Canada/ Juillet 2005

Merci Monsieur Dieye Marvel