Conakry se meurt.

En écoutant le cri du cœur de monsieur Alioune Tine secrétaire général de la RADDHO sur les ondes de RFI ce 16 janvier à 18h, la parole de Alexis Tocqueville m’est revenue à l’esprit : « Il n’y a que Dieu qui puisse sans danger être tout-puissant. » Tout un peuple pris en otage par un seul homme. Toute cette souffrance, cette peur du lendemain vécue au jour le jour par plus de 10 millions d’africains de la Guinée. Et le silence complice continue de sévir. L’Afrique se tait et se terre dans le fameux prétexte de la non ingérence dans les affaires d’un autre pays libre et indépendant. Si demain, je ne le souhaite pas, tout s’éclate, s’écroule, s’enflamme, ils ne se gêneront pas pour ouvrir tous leur grande gueule pour soi-disant jouer aux sapeurs pompiers. Barrons dès maintenant la route aux hypocrisies d’Etat ! Que l’Union Africaine prenne ses responsabilités avant qu’il ne soit trop tard !

Un dictateur, disait François Mitterrand, n’a pas de concurrent à sa taille tant que le peuple ne relève pas le défi. Mais c’est là où se trouve le danger car le pays risque alors de connaître ses nuits les plus sombres de son existence ; et même s’il réussit à se démettre de son bourreau, ses blessures se referment difficilement. Nous oublions peut être que ce petit pays de 245 857 km² qui s’ouvre sur l’Atlantique a des frontières au nord avec le Sénégal, à l’est avec le Mali, au sud-est avec la Côte d’Ivoire et au sud avec le Liberia et la Sierra Leone., Après avoir subi durant plus de vingt-cinq ans la dictature d’Ahmed Sékou Touré voilà que ça recommence avec monsieur Conté au vu et au su de la communauté internationale.

Ce pays est victime des richesses de son sous sol. Les charognards l’assiègent pour son important potentiel économique, plus d’un tiers des ressources mondiales connues de bauxite, des gisements de minerai de fer considérables, de diamants, d’or, du pétrole de l’uranium, du cuivre, du manganèse et j’en passe. Ces charognards que constituent certaines multinationales, certains pays puissants, s’appuient sur la complicité d’un groupuscule de privilégiés guinéens qui entoure monsieur Conté et pillent atrocement ce pays. Pour ces derniers, rien à faire, il faut que Lansana reste aux commandes jusqu’à la fin de ses jours. Son départ à la tête du pays est synonyme de leur descente aux enfers. Ils ont peur du revers de la médaille et leur volonté de se maintenir met en lambeau la démocratie, la justice et les finances de ce pays.

C’était pourtant prévisible avec ce monsieur. Sous son magistère, les élections commencent à être contestées depuis celles législatives de 1995. En novembre 2001, pour se maintenir au pouvoir au delà de 2003, Lansana Conté organise un référendum constitutionnel. Il augmente le mandat présidentiel qui passe de cinq à sept ans, supprime la limite d’âge ainsi que toute limite au nombre de mandats présidentiels successifs. Le « oui » paraît-il l’emporte avec 98 p. 100 des suffrages, lors d’un scrutin entaché d’irrégularités et contesté par l’opposition unie au sein du Mouvement contre le référendum et pour l’alternance démocratique (Morad). Depuis lors, la démocratie souffre dans ce pays au grand bonheur du camp de Conté et au détriment du peuple.

L’appel de monsieur Alioune Tine doit être entendu par l’Union africaine, l’ONU, les leaders du continent, les sociétés civiles et organisations des droits de l’Homme de par le continent et au-delà, le monde pour que, par la concertation, le dialogue, ils réussissent le pari de barrer la route à l’irréparable dans ce pays. L’homme s’évertue à s’accrocher vaille que vaille au pouvoir avec ses acolytes. Ceux qui prennent leur responsabilité dans ce pays pour dire non subissent les foudres du système mis en place. Alpha Condé en est un exemple patent, lui qui fut condamné sur la base d'« atteinte à la sécurité intérieure de l'État, emploi illégal de la force armée et complicité » en avril 2000. Son seul tort fut d’être l’opposant le plus charismatique au régime du tiran.

Ce pays classé, malgré tout son potentiel économique, parmi les vingt pays les plus pauvres du monde ne sortira pas indemne d’une grève générale qui dure depuis une semaine avec son lot quotidien d’arrestations. Que ceux qui ont la charge, dans ce continent, d’agir pour prévenir les conflits préjudiciables à nos peuples le fassent maintenant dans l’ntérêt du peuple guinéen et du continent. Sinon, ce sera une non assistance à un pays en danger. Au secours ! Conakry se meurt !

                                                                      Tafsir Ndické Dièye
                                                                       Ecrivain Sénégalais
                                                                Auteur de romans policiers dont : 
                                                               Ces fossoyeurs de la République
                                                              Editions Mélonic Québec juillet 2005
                                                                  E-mail : ndickedieye@yahoo.fr