Vendredi 3 août 2007, 9 H 2Mn, je reçois un message d’un grand frère et ami Shérif Makhfous depuis Thiadiaye, ma ville Natale. Shérif, un inconditionnel de Idrissa JADIS. Hé oui JADIS car, quand les pluies de la trahison tombent, mieux vaut éviter d’être mouillé. Un message court… Hélas ! Très court : « Tafsir, Avec l’attitude très ingrate de Idy, … je vais décrocher. » Quel réveil affreux ! Je lui avais pourtant dit un jour, alors que je venais de serrer la main de Idy chez lui pour la deuxième fois sans rien lui dire, mais en le regardant dans les yeux, après sa sortie de prison, que son leader est énigmatique. Comme beaucoup de sénégalais, j’avais participé à ma manière, au combat pour son élargissement avec ma plume parce que, pour moi, son arrestation et tout le brouhaha qui l’a accompagnée n’étaient pas justifiés. Il fallait le dénoncer. Mais le doute avait commencé à m’habiter depuis ce jour là. Le regard… très limpide lorsque je lui avais serré la main chez lui pour la première fois avant son incarcération était devenu, après, très énigmatique. Mon observation peut être fausse évidemment.

Shérif, je vais relire pour toi le dernier acte du cinquième tableau de la scène trois de l’œuvre célèbre de Sartre intitulée « Les Mains sales » : « Comme tu tiens à ta pureté, mon petit gars ! Comme tu as peur de te salir les mains. Eh bien, reste pur ! A qui cela servira-t-il et pourquoi viens-tu parmi nous ? La pureté, c’est une idée de fakir et de moine. Vous autres, les intellectuels, les anarchistes bourgeois, vous en tirez prétexte pour ne rien faire. Ne rien faire, rester immobile, serrer les coudes contre le corps, porter des gants. Moi, j’ai les mains sales. Jusqu’aux coudes. Je les ai plongées dans la merde et dans le sang. » Shérif, je pense qu’une bonne compréhension de ce texte pourrait te servir. La politique, c’est aussi cela dans la définition que lui donne la plupart de ses nouveaux adeptes : la fin justifie les moyens ou plutôt, la faim justifie les moyens.

Shérif, ton leader nous a vendu, depuis longtemps, des déchets politiques sous les habits de la vertu. Ce qu’il ignore peut être, malgré son intelligence que je ne conteste pas, c’est que dans son peuple, existent d’autres intelligences qui savent lire entre les lignes parce que, loin d’être amnésiques, elles savent utiliser la lampe de leur patience pour ne point patauger dans certains pièges très sournois, certains complots ourdis contre le peuple. Aucune explication fusse-t-elle assaisonnée de versets du Saint Coran, de proverbes bien de chez nous, de citations venues d’ailleurs ou de clin d’œil fait à nos valeurs ne pourra venir à bout du dégoût constaté chez les uns et les autres suite au comportement acrobatique et louche de ton leader… Excuse-moi, de ton ex leader. Il est inconstant. Il est tout ce qu’il reprochait à Djibo Ka et à certains transhumants et anciens compagnons de Wade revenus au bercail.

Ces leaders qui excellent dans le jeu de Yoyo politique et le discours démagogue doivent de temps en temps se regarder dans un miroir. Le peuple, quant à lui, doit arrêter de faire dans le suivisme aveugle, les applaudissements irréfléchis, les prises de parties passionnelles… Dans ce duel entre Wade et Idy, nous sommes, tous, les dindons de la farce. Il nous revient donc de leurs faire comprendre que nous avons tout compris et que nous n’allons pas nous laisser faire comme des moutons de panurge. Nous avons compris que ce qui se trame, c’est la succession du président. Ce qui se trame, c’est comment pourront-ils pérenniser le règne de leur parti avec son corollaire de médiocrité érigée en système de gestion. Wade Idy, Qui est le bon ? Qui est le mauvais ? Pour qui ? Pourquoi ? En tout cas, mon peuple lui, n’a que faire de ce genre de sujet. Ca suffit ! Il a faim. Il a besoin de travail. Il a besoin d’électricité. Il a besoin de se soigner. Il a besoin d’un système éducatif de qualité. Il a besoin qu’on arrête de voler et de gaspiller ses deniers. Il a besoin d’une baisse des prix des denrées de premières nécessités. Il a besoin d’institutions respectables dirigées par des hommes fiables. Il a besoin de justice, de démocratie… Shérif, connaissant ton engagement d’hier à tout donner pour les succès de Idy, je mesure à sa juste dimension l’ampleur de ta déception. Mais tu n’es pas le seul. Je suis dégoûté quand j’entends notre cher président dire que, son problème avec Idy, eux seuls le savent et ne le diront pas. Et le peuple dans tout ça ? Lui à qui on fait croire tantôt à des problèmes de sous, tantôt à un Idy blanc comme neige ? Et ce dernier aussi semble se plaire à ce jeu sordide. Demain, ils vont nous pondre un discours pour justifier le mariage Rewmi-PDS, le retour « triomphal » de Idy et de ses acolytes aux affaires et des griots des temps modernes iront dans les médias pour légitimer le forfait fait au peuple.

Nous sommes les statistiques qui permettent aux politiques de bien négocier leur part du butin. Nous sommes des faire-valoir pour eux, secouons nous pour leur prouver le contraire en leur exigeant de ne point nous livrer un quatrième président de la République par procuration. Si Idy ou un Untel veut nous gouverner, qu’il gagne une élection présidentielle transparente. La facilité est souvent synonyme de banalité. Mon peuple n’en a point besoin. Shérif Makhfous, je te quitte en te faisant la remarque suivante : ici j’ai de plus en plus l’impression que Jean-Louis Barrault n’a pas tout à fait tort de dire que la dictature, c'est « ferme ta gueule » ; la démocratie, c'est « cause toujours » et pendant ce temps, on se fabrique une santé financière avec tes ressources comme on le sent. J’avais décidé de ne plus perdre du temps à écrire sur ce cinéma sarcastique et immonde mais, en recevant ton message ce matin, je n’ai pas pu résister à l’envie de t’écrire ces lignes, à toi et à mon peuple.

Tafsir Ndické Dièye Ecrivain sénégalais. Mail : ndickedieye@yahoo.fr