Digressions sur le Togo
Par hbg, jeudi 3 août 2006 à 18:29 :: Réflexions et ... digressions :: #1253 :: rss
Faure Éyadéma en visite à Paris.
Son conseiller, qui fait pourtant l'objet d'un mandat d'arrêt international, aussi.
Selon Libération du 14 Juillet 2006, Gnassingbé Eyadéma, l'ancien dictateur du Togo, décédé en Février 2005, était « un ami personnel » de Jacques Chirac, selon les termes du président français.
Après avoir donné des assurances verbales sur le respect de l'opposition, son fils Faure, le nouveau dictateur togolais qui s'était auto-proclamé à l'issue d'un scrutin de Février 2005 marqué par une explosion de violences et des fraudes massives, sera reçu en France le 7 Septembre.
Toujours selon Libération, jusqu'à présent l'Élysée attendait officiellement des gestes d'apaisement de la part des autorités de Lomé, plaidant notamment pour l'ouverture d'un dialogue national qui serait parachevé par l'organisation de législatives « propres ».
Cette procédure bien huilée permet à l'Élysée de soutenir sans aucune gêne un gouvernement qu'elle considère – et dans son esprit, que tout le monde doit désormais considérer - comme devenu « démocratique », et au Togo d'entériner définitivement les résultats des élections truquées de 2005 (voir ma note sur les objectifs de ce processus - visant à faire reconnaître ce type de gouvernement par le plus grand nombre - à propos des événements du Tchad).
http://www.grioo.com/blogs/hbg/index.php/2006/07/28/1228-digressions-sur-le-tchad
Dans cette pièce de théâtre, chaque acteur joue un rôle bien précis : Paris fait mine d'être en froid avec Lomé eu égard aux événements passés (mais il faut quand même se rappeler que la France avait été la première à reconnaître le résultat de ces pseudo-élections), et le nouveau dictateur ne se presse plus de venir à Paris chercher ses directives (ce qui n'empêche pas des délégations officielles de le faire discrètement).
Une première étape aurait été franchie avec la signature, par la majorité de l'opposition togolaise (1), d'un accord politique « de base » portant, notamment, sur la mise en place d'une commission électorale indépendante.
Comme chacun peut le voir, non seulement il ne s'agira que d'élections législatives (autrement dit pas question de revenir sur les présidentielles), mais comme dit précédemment, il faut réellement savoir qui fait partie de l'opposition : un exemple, Edem Kodjo, ancien opposant, et actuel Premier ministre n'en fait pas partie. Cette distinction est importante puisque le principal adversaire du régime, l'UFC d'Olympio, a refusé de parapher ce texte, parlant d'« escroquerie ».
Lorsqu'on se rappelle que c'est Éyadéma père qui a assassiné Sylvanus Olympio (le père de Gilchrist), premier président élu démocratiquement du Togo (diplômé de la London School of Economics, l'une des plus grandes écoles britanniques après Oxford et Cambridge), on rêve éveillé à l'idée de voir que du point de vue de l'Élysée, il faudrait désormais considérer le Togo comme une démocratie, parce que quelques chefs d'opposition ont signé un texte.
C'est oublier un peu vite que l’opposition ne se réduit pas à quelques leaders de partis d’opposition (qui peuvent d'ailleurs parfois ne représenter qu'eux-mêmes), ou aux partis d’opposition ou à une coalition regroupant quelques-uns de ces partis, mais rassemble l’ensemble de tous ceux qui refusent le régime de dictature et veulent sa fin, c'est-à-dire la majorité de la population.
Parmi ceux-là, certains ont adhéré à des partis d’opposition pour contribuer à la lutte pour la démocratie dans un cadre politique. D’autres se sont mis dans des organisations associatives telle que la Ligue togolaise des droits de l’homme, ou dans des syndicats indépendants. D’autres encore ont cru devoir rester à l’écart de toute organisation, d’autres enfin attendent et se contentent de regarder, comme des spectateurs. Mais tous sont malgré tout des opposants, parce qu’ils veulent la fin de la dictature.
Enfin pour illustrer le fait que l'Élysée aime bien le Togo, on peut indiquer que selon l'Hebdo de Marseille n°287 du 26 Avril 2006, le mandat d'arrêt international contre Charles Debbasch, conseiller spécial du dictateur togolais et condamné en France pour escroquerie, mandat qui avait été « lancé par la cour d'appel d'Aix en Provence n'a jamais été transmis à Interpol, pourtant seul organisme capable d'agir au Togo... ». De plus malgré sa condamnation définitive en Mai 2005, il aurait continué à toucher son salaire de la part du Ministère de l'Éducation nationale jusqu'à la parution de cet article, en Avril 2006. Bref Charles Debbasch échappe toujours à la justice et a même séjourné en France sans être inquiété.
(1) il faudrait quand même en savoir plus sur le terme « majorité de l'opposition », car l'opposition via les partis politiques est surtout constituée de l'Union des Forces du Changement (UFC) de Gilchrist Olympio, du Comité d'Action pour le Renouveau (CAR) de Yawovi Agboyibo et de la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA) de Léopold Gnininvi.
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