Echos du barrage hydroélectrique de Memvele
Par letigre, dimanche 26 novembre 2006 à 18:19 :: Général :: #1504 :: rss
Un aspect des magouilles autour des grands travaux
J’ai eu vendredi un long coup de fil avec un de mes amis au Cameroun. Il me racontait la « petite histoire » d’un barrage au pays des Boulous : Le barrage hydroélectrique de 200MW de Memvele, sur le Ntem. Le projet était en sommeil depuis 1992 du fait de l’absence de financement et de l’opposition des organisations écologiques, qui voulaient protéger le parc de Campo Ma’an. Il a été réactivé depuis 2003, au cours du premier voyage du président Biya en Chine, où il avait obtenu l’accord de principe d’un financement. L’effet d’annonce, largement médiatisé par le pouvoir, voulait adoucir la colère des Camerounais ulcérés par les coupures de courants de cette année là, pudiquement nommées « délestages », qui ont coûté 1 point de PIB au pays. Au cours d’un voyage en France au 1er trimestre 2005, le premier ministre Inoni Ephraim a obtenu de compléter le tour de table de ceux qu’on appelle les « bailleurs » de fonds. (Au Cameroun, dans les journaux, Cameroon Tribune en tête, l’expression n’a pas tout à fait son sens de prêteurs, qui doivent être remboursés, avec intérêt, par le travail du peuple.) Dans la zone, les marchés frontaliers avec le Gabon et la Guinée Equatoriale ne sont pas électrifiés et certaines grandes boutiques, et même les hôtels, fonctionnent avec des groupes électrogènes. L’électrification peut non seulement générer des emplois mais aussi faire fonctionner des structures existantes (télécentres communautaires, centres de santé etc.). Cependant, d’ores et déjà, une meilleure coopération entre les communes, sur intervention de l’Etat, pourrait aider à élargir le réseau d’électricité à toutes les communes. Par exemple, le réseau d’électricité d’Ebebeyin pourrait être élargi à Kye Ossi, ville importante, qui se trouve dans l’immédiate proximité et qui n’est toujours pas électrifiée.
Plutôt que de régler tout de suite ce problème, et d’autres, qui touchent à la privatisation du service public d’électricité, sous les objurgations de la Banque mondiale et des USA, au problème d’Alucam (je vous en reparlerai), le gouvernement à préféré la fuite en « avant ». Au fil du temps, le coût du projet est devenu relativement lourd : 142,3 milliards Fcfa au bas mot, plus vraisemblablement autour de 200 milliards. Avec des financements en provenance de la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (Bdeac), et des bailleurs de fonds internationaux, préqualifies, mais qui restent à choisir parmi ceux ayant manifesté leur intérêt pour le projet. Le démarrage des travaux est prévu, en principe, en 2007. D’où la mobilisation observée au Cameroun, pour pouvoir tenir les délais et rendre l’investissement opérationnel dès l’année 2011.
Echaudé par les difficultés à faire admettre rapidement la faisabilité d’un autre projet d’envergure, le Barrage sur Le Lom et la Pangar, qui fera l’objet d’un autre billet, le gouvernement a décidé de nommer un expert rompu à l’étude du développement durable.
Vous savez que, pour la classe dirigeante, tout ouvrage important, financé par les bailleurs de fonds et sur les nouvelles enveloppes issues du point d’achèvement de l’initiative PPTE, constitue une rente qu’il faut extorquer et se répartir. Mais je n'oublie pas la politique d'enrichissement et de prédation des pays bailleurs ou/et donateurs. J'y reviendrai dans un autre billet!
Or, l’un des seigneurs locaux, n’est autre que très corrompu général Asso’o, très proche « compagnon d’armes » du président.
Ce vieux dignitaire, actuellement aux abois, en raison de l’agitation de la récente campagne anticorruption, qui a épargné l’armée mais qui terrorise ses interlocuteurs habituels, a donc décidé de placer un homme à lui, bien que natif d’un autre village que le sien, comme secrétaire permanent. Il s’agissait de Philémon Mendo, qui, tout frais débarqué d’une université parisienne, s’était vu confier la lourde tache de maquiller les études et le suivi environnementaux, prétextes à la participation de la Banque Mondiale au Pipe Doba Kribi. Asso’o l’a donc fait nommer Secrétaire permanent, poste ad hoc de pilotage du projet, juteux dans la phase largement informelle d’étude. Facilitateur, notre Philemon a largement arrosé les notables à l’entour, distribué généreusement les marchés, tout en continuant son enrichissement personnel, ostensiblement démontré, Mercedes à l’appui. Mais il aurait éconduit à plusieurs reprises son mentor, qui, c’est bien connu, se montre toujours très pressé et très gourmand dans les retours sur « investissement ». Il ne gagne officiellement que 600 000 FCFA et doit économiser bien plus que sa paye, le pauvre ! La vengeance a été rapide et terrible : le 8 septembre, un décret du premier Ministre le remplaçait par Dieudonné Bisso. Le feuilleton n’est pas terminé. A la suite d’un manifeste du 29 septembre des chefs de la région, inquiets de ne plus percevoir leur manne, on s'apprêterait nommer Mendo, qui a fait ses preuves, à un nouveau poste où son savoir-faire ferait merveille! Restent les vrais problèmes locaux, jamais évoqués, sinon par les organisations écologistes : 1) Les expropriations et les déplacements de population sans contrepartie suffisante et immédiate. Profiteront-ils un jour de l'éléctricité et à quel prix? Le projet prévoit un coût de 15,3FCFA le KWH, qui sera largement revu à la hausse. 2) La prostitution crée par la présence des travailleurs isolés de leur famille 3) Les dommages infligés au Parc de Campo 4) Les maladies développées par une grande surface d’eau plus ou moins stagnante, onchocercose, trypanosomiase, etc..
Je reviendrai dans un prochain billet sur les grands travaux et les barrages.
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