Mère Evé Grioonaute
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Posté le: Dim 15 Juil 2007 13:39 Sujet du message: Africare jusqu'au 28 juillet |
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Je suis allée voir la pièce Africare au Tarmac de la Villette jeudi soir.
J'ai été bouleversée. Cette pièce raconte le Congo RDC par des témoignages filmés sur place qui dialoguent avec 6 comédiens de 3 villes différentes : Kinshasa, Kisangani et Bukavu dont un ancien enfant soldat. Ces hommes et femmes qui ont fui la guerre ou qui l’ont faite, cette femme qui raconte le viol et l’enfant qu’elle a du mettre au monde, ce chœur de prostituées, ces 3 rescapées de camps de soldats qui ont été violées et violées encore, ces shégués qui parlent de leur rue, ces handicapés survivants, qui VIVENT ! Ils ne pleurent pas, ils ne se lamentent pas, ils regardent aujourd’hui et peut-être demain, en sachant qu’ils doivent faire avec ce qu’ils ont traversé, mais que la vie ne peut pas s’arrêter à ce qu’ils ont vécu. Et le mythe d’Icare avec ces gamins de Kin qui l’étudient en classe. Les comédiens dansent, chantent, s’emmêlent dans ces filets de pêche où sont accrochées les plumes, labyrinthe, ces plumes et cette cire pour fuir ce monde qu’on ne peut fuir…
Je suis retournée samedi avec mon fils et deux de ses potes, 12 ans chacun, ils étaient tout étonnés de ce monde dont ils entendent vaguement parler parfois aux infos ou par les parents et ça leur a fait un drôle d'effet des voir des shegués, les enfants des rues du Congo, raconter leur quotidien, alors qu'ils ont le même âge. Ou cette femme qui raconte qu'à 10 ans elle a dû fuir sa famille car ils tombaient tous malades les uns après les autres et l'ont accusée d'être sorcière. "Chantmé !" disait l'un d'entre eux.
Dans le bus au retour, l'un des gamins me dit "Tantie, c'est vrai, d'habitude je préfère aller au cinéma voir des films genre Spiderman, là c'est vrai que tu nous avais dit que c'est un truc qui fait pas seulement rire, mais la prochaine fois que tu me proposes une sortie c'est sûr que je viendrai". Ma récompense !
Mais, il y a une autre chose qui m'a attristée en allant voir cette pièce, c'est la couleur du public. Les deux soirs, respectivement un couple afro, c'est tout. Et pourtant à la Bastille, il y avait du monde ! Et au concert de Koffi et Werra à 100 euros l'entrée le 21 prochain, il y aura du monde !
J'ai parlé avec le délégué de production, José Bau Diyabanza, qui a sa compagnie à Kin et fait du théâtre social, il m'a raconté les risques pris pour aller filmer dans l'est du pays, sans savoir quel accueil leur serait réservé, j'ai été bouleversée par ce chant qui disait que celui qui est tué est un homme, celui qui tue est aussi un homme, le soldat est aussi un homme, le corps cramé qu'on était en train de trainer à l'image était aussi un homme…
Dépêchez-vous, c'est au Tarmac à la Villette tous les soir sauf les dimanches jusqu'au 28 juillet. Les places sont à 16 ou 12 euros (étudiants, demandeurs d'emploi), 8 pour les jeunes. (on les trouve à 12 euros sur billetreduc.com)
www.letarmac.fr
Voici un article du Soir pour compléter :
Citation: | Tant de douleurs, de drames, mais aussi tant de vie, d'espoir, d'énergie. C'est un concentré du Congo d'aujourd'hui qui sera présenté ce mercredi soir en première belge au Festival au Carré à Mons. Africare, mis en scène et imaginé par Lorent Wanson, est un spectacle magnifique, bouleversant, profondément humain. C'est aussi le résultat d'une folle aventure créatrice, d'un pari osé, mais payant.
« J'ai eu avec moi un producteur, Daniel Cordova, directeur artistique du Manège.mons, qui a été assez intrépide pour me dire l'an dernier : Pars deux mois au Congo, ce pays que tu ne connais pas. Prends ce que tu prends, fais ce que tu veux », racontait Lorent Wanson il y a deux semaines à Kisangani, où a eu lieu la première mondiale.
Lorent Wanson a donc parcouru ce pays pendant l'été 2006, pour écouter, absorber, ressentir l'histoire récente. A Kinshasa, Bukavu et Kisangani, il a en outre auditionné de nombreux acteurs, pour finir par en choisir six, deux par ville. « Ces six acteurs sont les ambassadeurs de tous les autres, poursuit Lorent. Ces témoins qui se sont racontés. Pour que ces 130 personnes qui d'habitude n'ont pas la parole puissent participer au spectacle, nous sommes allés les filmer chez elles. »
Pudeur, respect, tendresse
Prostituées, enfants des rues, combattants démobilisés : le metteur en scène belge a recueilli ce qu'ils avaient à dire, l'a réécrit de façon plus concentrée, plus poétique, avant de leur soumettre le fruit de son travail, en général accepté avec enthousiasme. A la manière des choeurs antiques, ces groupes se racontent donc par vidéo interposée.
La vidéo, magnifiquement utilisée, permet aussi de faire venir chaque soir sur scène Jocelyne, qui fut accusée d'être un enfant sorcier, KZD, qui faillit perdre la vie dans la Guerre des six jours à Kisangani, ou encore Odile, qui fut capturée et transformée en esclave sexuelle par des combattants. Chacun des six acteurs a « son » témoin, virtuel mais incarné sur scène grâce à un mode de projection particulièrement imaginatif, avec lequel il dialogue de façon très troublante. Face à tant de drames, l'émotion est évidemment palpable, mais Lorent Wanson, tout en pudeur, respect, tendresse, n'en rajoute pas.
La musique et la danse sont également essentielles. Avec des moments étonnants et somptueux lorsque, sur la musique de Bach, les six dansent à la congolaise, ou que David Kawama Kazembe, le danseur de la troupe, fait un solo contemporain.
Si le spectacle s'appelle Africare, c'est parce qu'il propose une adaptation librement africaine du mythe d'Icare. Le labyrinthe évoque ainsi le trafic démentiel et chaotique de Kinshasa ou les méandres du drame congolais, et l'aventure du jeune Icare, qui vole trop près du soleil, ressemble à celle de ces jeunes gens qui tentent le difficile parcours de l'émigration clandestine. |
Source : http://www.lesoir.be/culture/scenes/theatre-le-festival-au-carre-2007-07-03-538043.shtml |
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