metis68 Grioonaute
Inscrit le: 15 Mar 2007 Messages: 81
|
Posté le: Dim 02 Déc 2007 14:07 Sujet du message: Bayrou et l'amnésie coloniale ! |
|
|
PRESSAFRIQUE 09.02.07
Bayrou et l'amnésie coloniale
Suite aux déclarations de Royal et Lang demandant que les crimes de la colonisation française en Algérie soient reconnus par la France, François Bayrou s'est lancé dans une tirade dont il a le secret. Tandis que Ségolène Royal invitait la France à faire son méa-culpa et que Lang déclarait « Il faut réformer les manuels scolaires français (.) qui présentent une histoire idyllique du colonialisme .» invitant à « décoloniser les mentalités » et évoquant la nécessité « d'un devoir de réparation historique », Bayrou a tenu le même discours que les anciens de l'OAS ralliés au Front national en parlant de « grande imprudence » et en ajoutant « Chaque fois qu'on essaie d'instruire le procès, en injuriant ou en insultant ceux qui ont donné leur vie, qui ont participé à ''un effort dont je rappelle qu'il était l'effort de la République et spécialement de gauche, on creuse à nouveau les blessures du pays».
Bien que l'on ne doit se faire aucune illusion sur les capacités critiques du parti socialiste (soit disant humaniste) a effectuer une quelconque remise en cause en profondeur de la politique coloniale et néocoloniale de la France en Afrique noire notamment au Rwanda, ce discours de Jack Lang a le mérite de relancer un débat fondamental au sein de la société française qui est, à l'instar de la Turquie, incapable d'effectuer un travail de mémoire critique à l'égard de son passé. Car il ne s'agit pas de stigmatiser les Français qui ont été obligés d'aller se battre pour l'Algérie française mais bel et bien de critiquer les erreurs du passé pour se démarquer de ces crimes contre l'humanité qui hantent nôtre mémoire collective et qui n'ont jamais été condamnés par le pays prétendu des droits de l'homme au risque de faire croire que la devise des droits de l'homme s'applique de manière relativiste à l'aune de la « race ». Pour panser ces blessures il faut d'abord avoir le courage et les capacités intellectuelles de les penser et donc de les creuser. On ne gagne rien quand l'on s'obstine à nier son passé aussi traumatique soit-il. L'amnésie mène à la reconduction et on sait qu'en la matière la politique africaine du président-Général de Gaulle est porteuse de nombreux crimes contre l'Humanité notamment au Cameroun et de nombreux assassinats politiques en Afrique. Car en Algérie comme dans de nombreux autres pays (Congo, Centrafrique, Cameroun, Madagascar), il y a eu lors de la pacification coloniale des massacres de masse et parfois des massacres à caractère génocidaire qui doivent être absolument condamnés comme tel : des crimes contre l'humanité. Nous savons à l'instar de ce qui se passe en Turquie vis-à-vis de la mémoire du génocide arménien que ces crimes impensés renforcent les défenses réactionnaires et contribuent à stigmatiser les minorités dont les ascendants furent massivement les victimes. Des crimes contre l'humanité légitimés soit disant au nom de la « race et de la civilisation », les deux piliers officiels de la coloniale. Le fait de nommer et de dénoncer ce qui s'est passé c'est déjà lutter contre l'amnésie. Le silence du magistère politique et sa rigidité intellectuelle, l'amnésie entretenue sur ces sujets contribuent à légitimer implicitement ces horreurs coloniales et leurs reconductions comme au Cameroun ou au Rwanda. Comme l'écrivait Hannah Arendt in L'impérialisme (aux origines du Totalitarisme) "Que le racisme soit la principale arme idéologique des politiques impérialistes est si évident que bon nombre de chercheurs donnent l'impression de préférer éviter les sentiers battus du truisme". Or la politique impérialiste française en Afrique se poursuit sous la Vème : soutien aux dictateurs kletocrates, interventions armées pour les protéger, élections truquées et pillage des richesses en s'appuyant sur des accords léonins, c'est à ce jour le lot quotidien de la politique africaine chiraquienne en digne héritière d'une politique coloniale jamais dénoncée pour ce qu'elle porte en elle : le mépris envers les autres cultures au nom des intérêts impérialistes de conquête et de grandeur souverainiste.
C'est cet impensé là, qui permet à un petit candidat de gifler dans une cité un enfant français d'origine mahgrébine (au prétexte de chapardage) et de prendre 3 points dans les sondages et ainsi acquérir une stature nationale. C'est cet impensé qui permet au ministre de l'intérieur français de stigmatiser une communauté en décriant sur TF1 ceux qui "égorgent le mouton dans leur appartement ». Oui visiblement Bayrou est sur la même longueur d'ondes que la droite extrême. La question se pose : mais pour qui roule-t-il vraiment ? Comment peut-on demander une VIème République sans évoquer les conditions coloniales qui ont présidé à la naissance de la Vème par un quasi putch durant la guerre d'Algérie privant les Français et leurs parlementaires de l'accès à l'exécutif et à la politique étrangère ? Depuis les citoyens français sont dans une infantilisation permanente concernant les questions africaines, chasse-gardée des présidents successifs de la Vème. Peut-on ignorer que la contre-partie de la politique néocoloniale criminelle cautionnée par les présidents successifs de la Vème et son système souverainiste aboutit au renforcement du discours racialiste et méprisant à l'égard des Africains dans les médias et au sein du magistère politique ?
Le même qui prétend lutter contre les lobbys militaro-industriels qui contrôlent la presse française serait-il aussi le premier à les courtiser ? On sait que bon nombre de députés UDF ont quitté le navire pour rejoindre la droite dure traditionnelle laissant ainsi plus de marges de manouvres à un centriste soucieux de recueillir les voix du centre et de gauche et ainsi repositionner son image. Mais le programme progressiste salutaire proposé par Bayrou intrigue beaucoup quand on sait qu'il fut l'un des ministres de l'éducation nationale française des plus conformistes. De même, son non positionnement à l'égard de députés UDF qui passent des accords de désistement avec l'UMP pour ne pas être concurrencé aux élections législatives de juin prochain tel que Christian Blanc (source Envoyé Spécial Au coeur de la machine Sarkozy) pose question. Pour qui roule Bayrou ? A-t-il pour mission d'affaiblir l'électorat socialiste en taillant des croupières au centre gauche pour les redistribuer à droite au second tour? Le positionnement de Bayrou sur les crimes contre l'humanité de la France durant la colonisation et le discours de non repentance absolu envers ces peuples est assez caractéristique du discours de la droite traditionnelle et de l'extrême droite de par ses positionnements rigides et parternalistes méprisantes. Ce discours souverainiste avec en corollaire une légitimation implicite d'un discours relativiste sur les droits de l'homme n'inaugure en rien d'un discours tolérant, ouvert, progressiste et humaniste. Le leader du Modem aurait-il montré son vrai visage ? |
|