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La diffusion des magazines destinés aux femmes noires explose. Sans militantisme, avec une grande liberté de ton

Leurs titres – «Kissina», «Amina» ou encore «MissEbène» – n’évoquent rien pour le grand public. Eparpillés dans la forêt des magazines féminins, ils passent presque inaperçus. Même papier glacé, mêmes titres accrocheurs: «Les 10 commandements pour ma beauté en vacances»; «Test: je l’aime lui ou sa carte Bleue?» A un détail près, ou plutôt une couleur. Celle des stars, actrices ou mannequins, qui font leur couverture. Contraste avec une presse féminine aux mannequins pâles. Des «magazines pour et par les femmes noires», il en existe une douzaine aujourd’hui en France. Un chiffre fluctuant – ils naissent aussi vite qu’ils disparaissent – mais en constante augmentation. Il y a seulement cinq ans, le choix se limitait à deux titres.
La presse féminine black explose. En témoigne l’apparition de «rayons ethniques» chez certains vendeurs de journaux. «Lorsque j’ai pris la tête du magasin, tous les magazines blacks étaient dispersés, explique le gérant d’un Relay situé gare du Nord, à Paris. Nous avons décidé de les regrouper pour avoir un rayon black bien identifié. Depuis, ça marche énormément.» Son best-seller, c’est «Amina», le «Marie Claire» des blacks depuis plus de trente ans. On le lit de mère en fille pour ses concours de miss, son roman-photo et surtout pour ses portraits de femmes noires qui ont réussi. Le succès d’«Amina» dépasse largement nos frontières: il est diffusé au Canada, aux Etats-Unis, aux Antilles, en Europe et dans toute l’Afrique francophone, où il est le féminin de référence. Informatif mais pas vraiment glamour, ses unes paraissent bien sages à côté des «MissEbène» ou «Divas», dont les couvertures n’ont rien à envier à «Cosmopolitan» ou «Biba». A chacun son syle et son public. «MissEbène» ou «Kissina» pour les dernières tendances de la mode et les stars américaines; «Lady Caprice» pour la musique et la culture urbaine; culture et société avec «Divas» et «CitéBlack», «Pilibo» pour les Antillaises. La presse black a même son gratuit, «FAM» («France Afro Magazine»), distribué dans les salons de coiffure, les instituts de beauté et les restos africains. Les problèmes de beauté ne seraient-ils donc pas universels?

«Nous, nous ne bronzons pas, explique Marie-Jeanne Serbin-Thomas, la rédactrice en chef de "Divas". Et en France nous sommes transparentes. Excepté Naomi Campbell, combien de femmes noires ont fait la couverture d’"Elle" depuis trente ans? Lorsqu’on parle d’une Africaine dans un magazine, c’est qu’elle a été battue, excisée ou violée.» Depuis janvier dernier, l’Institut Panos, une ONG internationale dont l’objectif est d’encourager le pluralisme des médias, s’est attelé à analyser le contenu de l’ensemble de la presse ethnique existant en France. «Entre les médias classiques et la presse du pays d’origine, il y avait un vide, explique Reynald Blion. La presse féminine black apporte une vraie différence en termes de contenu: les vies racontées, les témoignages, les exemples ne sont pas les mêmes. Même si les sujets semblent proches des médias grand public, c’est le mode de traitement qui va être différent. Et par rapport à la presse du pays d’origine, il y a une plus grande liberté de ton, notamment sur les questions de sexualité.»
Le discours est rarement militant, on se méfie de l’appellation «magazine communautaire». «Bien sûr, nous sommes un magazine ethnique, explique Almamy Lô, le directeur de la rédaction de "MissEbène". Nous donnons des conseils de beauté spécifiques pour les peaux mates ou les cheveux crépus. Nous mettons en valeur des auteurs africains ou des sujets qui concernent principalement les Noirs. Mais notre interview du chanteur américain Usher, on pouvait aussi bien la trouver dans "Biba". D’ailleurs, beaucoup de nos abonnés sont des femmes maghrébines. Au-delà d’une couleur, il s’agit plutôt d’un courant, "une sorte de culture commune".»
Phénomène de mode ou véritable prise de parole par une communauté jusque-là largement oubliée dans les médias? Un peu des deux sans doute. L’explosion de la presse féminine black coïncide également avec le développement par de grandes marques de cosmétiques de produits spécialement adaptés aux femmes noires. «C’est la rencontre de deux événements, explique Reynald Blion. Il y a une vraie demande d’information, de prise en compte des sujets propres aux différentes communautés. Comme notamment lors du débat lancé par Calixthe Beyala sur la visibilité des Noirs dans les médias. En même temps, les marques ont pris conscience que les communautés issues de l’immigration étaient un vrai marché.»
Mais les annonceurs restent encore frileux face à une presse qu’ils connaissent mal et dont les chiffres de vente sont invérifiables car aucun de ces magazines n’adhére à un organisme de contrôle de la diffusion comme l’OJD. «En France, en comptant les Dom-Tom, il s’en vend autour de 100000 exemplaires chaque mois pour un marché situé autour de 1 à 1,2 million de lectrices potentielles», estime Jean-Christophe Despres, directeur de l’agence Sopi, spécialisée dans le marketing ethnique. De qualité inégale, la presse féminine black reste artisanale, avec un budget limité et des rédactions réduites. «En France, jouer seulement la carte de l’affinité communautaire ne marche pas. Si les magazines généralistes prenaient en compte ces sujets, l’espace pour ce type de presse serait extêmement réduit.» Mais pour l’instant, le concept prospère: «Genny», un nouveau féminin black, fera son apparition à la rentrée.
Gwénaëlle Barzic

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Vous etes des crazy des fois!