Trois semaines après l'ouragan qui a dévasté la Nouvelle-Orléans
Vent de désespoir chez les Noirs de Louisiane
Katrina a réveillé la fracture raciale entre les Blancs et les
laissés-pour-compte du rêve américain.
Par Christian LOSSON
samedi 17 septembre 2005 (Liberation - 06:00)
Louisiane envoyé spécial
Sur les murs, un canevas brodé main interroge : «A combien d'ici est
le paradis ?» La question arrache un maigre sourire à Lilly
Schaffer, «aussi dévastée que La Nouvelle-Orléans». Lilly, 70 ans,
veut croire qu'il ne s'agit pas que d'un «cauchemar». Perdue dans un
centre catholique décati, où dorment des «évacués», elle a «atterri»
à Gramercy, à 50 kilomètres de sa cité ensevelie, comme «Pompéi»,
dit-elle. Gramercy, bourgade aux pelouses tondues court et à
l'épicier aux regards hostiles. Lilly Schaffer, elle, a «échappé au
pire» en embarquant ses quatre petits enfants, et ignore toujours où
sont ses deux fils. Elle est noire, comme les quarante familles
hébergées, comme le vieillard à ses côtés, qui ne dira qu'un
mot : «Honte». Elle raconte sa vie «d'avant», ses 500 dollars
mensuels, sa «souffrance» pour boucler les fins de mois, son
évacuation alors qu'elle avait de l'eau jusqu'au cou. Elle «garde en
elle» les «images des Noirs cloîtrés comme des bêtes pendant quatre
jours». Puis parle de «l'héritage», les discriminations. «Raciale et
sociale» : «Tout cela est mélangé depuis longtemps.»
«Assistés comme en France»
Dans son dos, Seth, un Blanc qui «gère» le centre, grimace. C'est un
gars du coin, qui fait du business dans les piscines et qui s'est
battu pour que les «enfants noirs réfugiés» aillent à l'école.
Ce «catholique» qui tend la main à «ses prochains», croit «au bon
samaritain». Mais il prévient : «Le problème de ces gens-là, c'est
qu'ils sont assistés, comme en France. Ils attendent tout du
gouvernement.» Ce genre de sorties, Dorian Browder, une Noire de 48
ans, les connaît «trop bien». «On est encore esclaves dans nos
têtes, résignés, faute d'éducation, c'est tout. Si, au Mississippi
ou en Alabama, le racisme peut être encore frontal, ici, il est
rampant. Comme un serpent. Venimeux.» Enseignante en littérature à
La Nouvelle-Orléans, elle a trouvé refuge dans un motel de Baton
Rouge, et s'épanche sur cette «réalité qu'on ne veut pas voir : la
fracture raciale» ; doublée, dit-elle, de la «violence sociale». Une
évidence, à ses yeux, maquillée par l'image carte postale de la
ville-jazz, mais que l'ouragan Katrina a révélée aux yeux du
monde. «Ce qu'on a vu, c'est pas uniquement l'effondrement de
digues, c'est l'effondrement du mirage du rêve américain.» A ses
côtés, James Ackerson, 55 ans, ancien du Vietnam, acquiesce en
silence. Puis raconte : «J'ai attendu trois jours sur le toit de ma
baraque, à agiter les mains sous le tourbillon des hélicos. Ils
évacuaient en priorité les Blancs du quartier d'à côté. Je me suis
vu crever comme un chien. Mon fils m'a sauvé en barque, et conduit à
l'hôpital. On m'a parqué dans un coin. J'ai dû voler pour survivre.»
Révoltée, écoeurée, Dorian reprend : «Et cette police corrompue, qui
a coursé les prétendus pillards au lieu d'évacuer les quartiers ? La
propriété de Blancs vaut-elle plus que la vie des Noirs ?» Entre
colère et amertume, beaucoup d'Afro-Américains déplacés
veulent «mettre à nu» les «plaies de l'Amérique». «Vous avez vu ce
qu'a dit ce salaud de Michael Brown (directeur démissionné de la
Fema, la cellule d'urgence fédérale, ndlr), qu'il avait vu des gens
dont il "ignorait l'existence" ? On était des zombies, peut-être ?»
dit Dorian.
Mettre le cap au nord
Elle refait l'histoire des ghettos noirs qui «explosaient sous la
criminalité», les flics «payés pour surveiller les beaux quartiers».
Puis sort une coupure d'un journal, où le «sénateur noir»
(démocrate, de l'Illinois, ndlr) Barack Obama diagnostique : «Les
gens ont été abandonnés bien avant Katrina : avec des écoles bas de
gamme, un habitat dégradé, des soins inadéquats...» A l'instar de
Reginald Hall, 45 ans, venu à Baton Rouge à l'arrière d'un pick-up
de la police. Il gagnait 1 250 dollars comme videur dans une boîte
de nuit. Et donnait 750 dollars pour son loyer. «Le plus drôle,
c'est que mon proprio m'a déjà appelé : il veut doubler le loyer.»
Il ne reviendra pas, comme Dorian, qui veut mettre cap «plein nord»
comme beaucoup d'autres. Une poignée de Noirs sont, eux, déjà
retournés à La Nouvelle-Orléans.
«La ville aura toujours besoin d'esclaves»
Voici Jarvis Matthew, 22 ans, occupé à une tâche dérisoire :
nettoyer les rues où la putréfaction règne sous les balcons en fer
forgé. Gérant d'un Burger King, il «ne sait même pas combien» il
touchera, mais n'a «pas le choix». Ni d'illusions. «Ils vont tout
raser, faire un Disneyland pour touristes, et nous, on fera le sale
boulot.» Al Morris ne dit pas autre chose. Mais plus
violemment : «La ville aura toujours besoin d'esclaves : conducteur
de bus, femmes de chambres, cuistots...» A 67 ans, il a bien tenté
de se faire évacuer il y a quinze jours, s'est pointé à deux
reprises dans «ces mouroirs pour les pauvres noirs». «Mais on m'a
fouillé à un barrage, comme un trafiquant, les militaires me
demandant de me mettre en slip, j'ai préféré rentrer.» Il est né
ici. Il y mourra. Il est «déjà mort», lâche-t-il. Sa grand-mère fut
esclave dans un champ de coton au Mississippi. Sa mère, morte «trop
tôt», n'a pas eu le temps de connaître autre chose que d'«aller au
fond du bus, debout», à l'époque de la ségrégation raciale. Lui,
musicien, peintre, s'est coltiné «ces Caucasiens (Blancs, ndlr) qui
vous parlent d'un côté, vous maudissent de l'autre».
Mike Howells, professeur de sciences politiques reconverti en
cartomancien de rue, n'a pas vu venir l'ouragan. Mais, activiste
local, il a pressenti autre chose, l'exclusion. Entre 1999 et 2005,
le nombre de logement sociaux a plongé de «14 000 à 7 000». Il est
blanc, et dit : «Pourquoi n'a-t-on pas arrêté de dire que les Blancs
[cherchaient des provisions, alors que] les Noirs pillaient ? J'ai
vu des mômes de 13 ans voler des bus publics pour évacuer leurs
proches. Des héros.» Rien ne changera donc? Même avec un maire ou un
chef de la police noir ? «Des noix de coco : Noirs dehors, Blancs
dedans», peste Al Morris.
Ray Nagin, le maire (noir) de La Nouvelle-Orléans, a reconnu
dimanche que «la classe sociale et la race» avaient bien joué un
rôle dans «le fiasco de l'évacuation des Afro-Américains». «Peut-on
dire autre chose quand on a vu des Noirs bloqués parce qu'ils ne
venaient pas de Jefferson Parish (quartier blanc, ndlr)?» Lilly
Schaffer répond à la question: «Parce que c'est comme ça. ça a
toujours été comme ça, ici.» _________________ Marre de la négrophobie ambiante des média sionniste
Posté le: Sam 17 Sep 2005 15:54 Sujet du message: Re: Pour Libération, les noirs en France sont des assistés
Jordan a écrit:
Faire parler une personne pour faire passer des idées racistes :
Citation:
«Le problème de ces gens-là, c'est
qu'ils sont assistés, comme en France. Ils attendent tout du
gouvernement.» Ce genre de sorties, Dorian Browder, une Noire de 48
ans, les connaît «trop bien». «On est encore esclaves dans nos
têtes, résignés, faute d'éducation, c'est tout.
C'est ce passage (en gras) que tu trouves raciste de la part de Libération ?
Je trouve que la suite (et notamment l'usage du mot "sorties") va dans le sens contraire.
Ce qui me gêne en revanche, dans le traitement médiatique français, c'est cette sorte de jubilation à montrer les conséquences du racisme aux USA. Le KKK, c'est typiquement américain, mais c'est inconcevable en France. _________________ "Qui a peur de peuples noirs développés ?"
(Mongo BETI, La France contre l'Afrique)
Pour éviter tout malentendu, je précise que je suis blanc.
Pour les "anciens" du Forum, mon prénom n'est pas François. Enfin, je ne suis pas lié à l'association "Tjenbé Rèd".[/color]
Des incendies tragiques à Paris (au moins 39 morts) au cyclone katrina en Louisiane (10.000 morts d’après un bilan encore provisoire) (Nouvelle Orléans, USA), ces images médiatiques ont eu un effet de loupe sur l’insoutenable condition de l’homme noir. Devant cette débauche de scènes humiliantes et insupportables, difficile, en tous cas, de ne pas nier sur le champ la neutralité de la pellicule. Comme si la caméra avait voulu zoomer sur l’individu noir au détriment de ce qu’il représente, de son humanité. La parataxe cathodique qui fonctionne en temps habituel comme un digestif poursuivait là un objectif de toute autre nature : l’assignation de l’homme noir à la caricature honteuse. Le tout dans un emballement médiatique qui n’avait point pour but d’alerter l’opinion publique internationale, mais bien d’enfoncer le clou, d’en remettre une couche. La suite, nous la connaissons. Des commentaires journalistiques ubuesques frisant le mépris. Les victimes noires de katrina, livrées à elles-mêmes, attendant l’aide de l’Etat fédéral qui tardait à venir, sont comparées à des pilleurs et des mendiants, tandis que les rescapés blancs, tentaient, eux, de survivre, comme des héros. Pour les familles africaines endeuillées des incendies parisiens du mois d’août, c’est à une logorrhée journalistique un brin moqueur qu’elles ont eu droit dans une certaine presse écrite. Entre insinuations racistes malsaines et sous-entendus grotesques. Ce qui était en cause ce n’est pas l’incurie de l’Etat par rapport au logement, mais bien la culture et les habitudes des occupants : leur polygamie, leur progéniture nombreuse. Deux poids, deux mesures. Le discours médiatique d’information a pris subitement des allures d’une entreprise de dénigrement de tout un peuple. Mieux, nous avons assisté au meurtre par l’image de cette altérité nègre si dérangeante. Bien sûr les infortunés survivants n’étaient que noirs, pauvres, de couleur sombre, donc une quantité, somme toute, négligeable de l’humanité. Qu’il fallait jeter en pâture, mépriser et dénoncer à la face du monde comme de vulgaires malfrats, de surcroît, quémandeurs. Ce tsunami de clichés a mis à nu, de manière affligeante, l’idéologie raciste, en arrière-plan de ces discours médiatiques, ayant son fondement dans des valeurs dont l’Europe se repaît depuis l’Antiquité.
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