Posté le: Lun 03 Oct 2005 11:11 Sujet du message: Lu sur Libe
Sébastien Peyrat, docteur en sciences de l'éducation, décortique les conflits :
«Il existe un mode de justice propre à la cité»
Par Nicole PENICAUT
lundi 03 octobre 2005 (Liberation - 06:00)
n dit les jeunes des cités «sans repères et sans loi». Sébastien Peyrat, docteur en sciences de l'éducation, explique qu'il n'en est rien. Ce chercheur qui travaille sur les questions du droit, de la norme et de la justice chez les jeunes des cités du 93 (Seine-Saint-Denis) s'est intéressé aux modes de règlement des conflits à l'intérieur des «groupes» de jeunes.
Comment se gèrent les conflits internes aux jeunes des cités ?
L'usage de la force est le premier mode de règlement, que ce soit à l'intérieur du groupe des jeunes de la cité ou avec d'autres jeunes, d'autres cités, voire avec les institutions telle l'école. C'est un mode de justice propre à la cité qui, finalement, a disparu assez tard de notre droit. Les jeunes apprennent très tôt que le monde de la cité est organisé et hiérarchisé et ce sont les plus âgés qui forment les plus jeunes à l'usage de la force. Lorsqu'il y a un conflit entre jeunes à l'intérieur de la cité, on le règle donc d'abord par la force.Les deux protagonistes vont se battre devant témoins au milieu d'un cercle. Dès le premier sang, on les sépare. La force du groupe des jeunes est incarnée par leur nombre. Il est donc inconcevable qu'un membre du groupe disparaisse. Les bagarres internes finissent alors rarement par des blessures pouvant mettre en danger la vie des protagonistes.
La force serait donc la seule arme ?
Les amis des deux protagonistes peuvent les pousser à discuter. Et même participer à la discussion en endossant des rôles calqués sur ceux des tribunaux. Certains vont se faire procureurs ou avocats. D'autres juges. Dans la cité, les jeunes se connaissent bien. Untel y est connu pour être menteur, un autre voleur, ou intelligent, beau parleur etc. Ainsi, quand un jeune a un problème avec un prof, c'est le beau parleur qui est désigné pour aller parler pour lui. On sait à qui confier le rôle de juge, pour trancher les conflits, le rôle d'huissier pour s'assurer de la véracité de quelque chose ou celui d'expert pour les jeunes ayant déjà connu des faits similaires. Les jeunes qui s'improvisent «juges» disent le «droit de la cité» et chacun doit s'y rallier. Celui qui perd le conflit doit se soumettre. Il y a même une publicité du jugement dans la cité. Le groupe va raconter partout comment l'affaire s'est soldée. Pour juger ces conflits, les jeunes se fondent sur les faits et en se basant sur la personnalité et l'histoire des protagonistes. Car, selon eux, on ne peut juger quelqu'un sans le connaître. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils se méfient de la justice institutionnelle qui, disent-ils, se fait à la tête du client. Dans la cité, il y a, au contraire, une véritable personnalisation des jugements.
Ces «jugements» conduisent-ils à des sanctions ?
A l'extérieur de la cité, la sanction est toujours la même : la force. Mais à l'intérieur, oui, il y a une échelle des peines. La première, la plus légère, c'est la rumeur. On va faire courir le bruit qu'Untel a volé le sac d'une vieille dame (c'est mal vu dans la cité). Deuxième niveau de peine, plus élevé : les coups physiques. Si un jeune raye la voiture d'un grand, il va se prendre des coups dont la violence est proportionnelle à la faute commise. Troisième niveau de peine : l'exclusion du sous-groupe affectif auquel on appartient. Dans ce cas, le jeune exclu continue de dire bonjour, de serrer la main des autres, mais on ne lui parle plus. Il se retrouve tout seul. Ça peut être le cas après une dénonciation. La possibilité est limitée de réintégrer un autre sous-groupe. Il perd alors l'immunité de la cité : s'il a un problème on lui dira de se débrouiller seul. Enfin quatrième niveau de sanction : l'exclusion du territoire de la cité. C'est la peine la plus dure. On harcèle le jeune en cause et sa famille, (dégradation de la voiture, vol dans l'appartement, agressions physiques), jusqu'à ce qu'il déménage. C'est très rare. Mais je l'ai déjà vu.
Et si un jeune de la cité a été tué?
Le ou les responsables identifiés sont susceptibles de subir le même sort en représailles à sa disparition et donc à l'affaiblissement du groupe en général. En revanche, voler, insulter, détériorer des biens, tagger tout cela est légitime dans la cité car il s'agit de la manifestation des règles de la cité (langage, comportement, etc.). Lorsque cela touche des gens extérieurs à la cité, c'est même perçu comme le juste retour des souffrances que la société fait subir. C'est pour cette raison que les jeunes des cités adoptent un comportement en adéquation avec ce que l'on dit d'eux, c'est-à-dire un comportement violent (verbalement essentiellement) et provocateur lorsqu'ils sont à l'extérieur de leur territoire. Ils utilisent les discours entendus dans les institutions pour renforcer leur identité «de cité». Celle-ci doit ressembler à l'image qu'on colle sur elle. Il y a une volonté de faire peur aux gens extérieurs aux cités, à ces «bourgeois» qui sont perçus comme des étrangers dont les règles sont injustes. Ces «bourgeois» sont d'ailleurs jugés responsables des souffrances sociales subies par les jeunes de ces lieux de stigmatisation, de relégation et de ségrégation que sont les cités.
Inscrit le: 18 Juil 2005 Messages: 1281 Localisation: première à gauche
Posté le: Lun 03 Oct 2005 18:14 Sujet du message: Re: Lu sur Libe
koora a écrit:
Sébastien Peyrat, docteur en sciences de l'éducation, décortique les conflits :
«Il existe un mode de justice propre à la cité»
Par Nicole PENICAUT
lundi 03 octobre 2005 (Liberation - 06:00)
n dit les jeunes des cités «sans repères et sans loi». Sébastien Peyrat, docteur en sciences de l'éducation, explique qu'il n'en est rien. Ce chercheur qui travaille sur les questions du droit, de la norme et de la justice chez les jeunes des cités du 93 (Seine-Saint-Denis) s'est intéressé aux modes de règlement des conflits à l'intérieur des «groupes» de jeunes.
Comment se gèrent les conflits internes aux jeunes des cités ?
L'usage de la force est le premier mode de règlement, que ce soit à l'intérieur du groupe des jeunes de la cité ou avec d'autres jeunes, d'autres cités, voire avec les institutions telle l'école. C'est un mode de justice propre à la cité qui, finalement, a disparu assez tard de notre droit. Les jeunes apprennent très tôt que le monde de la cité est organisé et hiérarchisé et ce sont les plus âgés qui forment les plus jeunes à l'usage de la force. Lorsqu'il y a un conflit entre jeunes à l'intérieur de la cité, on le règle donc d'abord par la force.Les deux protagonistes vont se battre devant témoins au milieu d'un cercle. Dès le premier sang, on les sépare. La force du groupe des jeunes est incarnée par leur nombre. Il est donc inconcevable qu'un membre du groupe disparaisse. Les bagarres internes finissent alors rarement par des blessures pouvant mettre en danger la vie des protagonistes.
La force serait donc la seule arme ?
Les amis des deux protagonistes peuvent les pousser à discuter. Et même participer à la discussion en endossant des rôles calqués sur ceux des tribunaux. Certains vont se faire procureurs ou avocats. D'autres juges. Dans la cité, les jeunes se connaissent bien. Untel y est connu pour être menteur, un autre voleur, ou intelligent, beau parleur etc. Ainsi, quand un jeune a un problème avec un prof, c'est le beau parleur qui est désigné pour aller parler pour lui. On sait à qui confier le rôle de juge, pour trancher les conflits, le rôle d'huissier pour s'assurer de la véracité de quelque chose ou celui d'expert pour les jeunes ayant déjà connu des faits similaires. Les jeunes qui s'improvisent «juges» disent le «droit de la cité» et chacun doit s'y rallier. Celui qui perd le conflit doit se soumettre. Il y a même une publicité du jugement dans la cité. Le groupe va raconter partout comment l'affaire s'est soldée. Pour juger ces conflits, les jeunes se fondent sur les faits et en se basant sur la personnalité et l'histoire des protagonistes. Car, selon eux, on ne peut juger quelqu'un sans le connaître. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils se méfient de la justice institutionnelle qui, disent-ils, se fait à la tête du client. Dans la cité, il y a, au contraire, une véritable personnalisation des jugements.
Ces «jugements» conduisent-ils à des sanctions ?
A l'extérieur de la cité, la sanction est toujours la même : la force. Mais à l'intérieur, oui, il y a une échelle des peines. La première, la plus légère, c'est la rumeur. On va faire courir le bruit qu'Untel a volé le sac d'une vieille dame (c'est mal vu dans la cité). Deuxième niveau de peine, plus élevé : les coups physiques. Si un jeune raye la voiture d'un grand, il va se prendre des coups dont la violence est proportionnelle à la faute commise. Troisième niveau de peine : l'exclusion du sous-groupe affectif auquel on appartient. Dans ce cas, le jeune exclu continue de dire bonjour, de serrer la main des autres, mais on ne lui parle plus. Il se retrouve tout seul. Ça peut être le cas après une dénonciation. La possibilité est limitée de réintégrer un autre sous-groupe. Il perd alors l'immunité de la cité : s'il a un problème on lui dira de se débrouiller seul. Enfin quatrième niveau de sanction : l'exclusion du territoire de la cité. C'est la peine la plus dure. On harcèle le jeune en cause et sa famille, (dégradation de la voiture, vol dans l'appartement, agressions physiques), jusqu'à ce qu'il déménage. C'est très rare. Mais je l'ai déjà vu.
Et si un jeune de la cité a été tué?
Le ou les responsables identifiés sont susceptibles de subir le même sort en représailles à sa disparition et donc à l'affaiblissement du groupe en général. En revanche, voler, insulter, détériorer des biens, tagger tout cela est légitime dans la cité car il s'agit de la manifestation des règles de la cité (langage, comportement, etc.). Lorsque cela touche des gens extérieurs à la cité, c'est même perçu comme le juste retour des souffrances que la société fait subir. C'est pour cette raison que les jeunes des cités adoptent un comportement en adéquation avec ce que l'on dit d'eux, c'est-à-dire un comportement violent (verbalement essentiellement) et provocateur lorsqu'ils sont à l'extérieur de leur territoire. Ils utilisent les discours entendus dans les institutions pour renforcer leur identité «de cité». Celle-ci doit ressembler à l'image qu'on colle sur elle. Il y a une volonté de faire peur aux gens extérieurs aux cités, à ces «bourgeois» qui sont perçus comme des étrangers dont les règles sont injustes. Ces «bourgeois» sont d'ailleurs jugés responsables des souffrances sociales subies par les jeunes de ces lieux de stigmatisation, de relégation et de ségrégation que sont les cités.
Ils me font marrer ces gens. Ils ont foutues des gens en cage, maintenant ils les étudient! _________________
"- A quoi est due la chute d'Adam et Eve ?
- C'était une erreur de Genèse."
(Boris Vian / 1920-1959)
Inscrit le: 14 Mar 2005 Messages: 994 Localisation: T.O
Posté le: Lun 03 Oct 2005 18:28 Sujet du message:
Cet article m'a fait mourir de rire,
c'est presque surrealiste, effectivement on dirait un reportage du national geographic sur le comportement des animaux sauvages dans leur milieu naturel
a quand un reportage sur la reproduction en banlieue? _________________ The pussy is free, but the crack cost money (BDP 1989)
Dernière édition par Kennedy le Lun 03 Oct 2005 19:57; édité 1 fois
Plus que le côté anthroplogique, c'est le regard neo-colonialiste qui en ressort qui me choque alors que rappelons le, on parle de la France et pas d'un territoire de l'ex EAF.
A croire que la France est tellement nostalgique de sa grandeur passé, qu'elle a choisi de se créer des colonies à domicile...
Inscrit le: 06 Mai 2005 Messages: 1655 Localisation: Au sein de mon Empire
Posté le: Lun 03 Oct 2005 20:03 Sujet du message:
Le pire c'est que le monsieur a entièrement raison.
Car autant le but de la manoeuvre ne dupera personner, autant la description qu'il fait de ce phénonème est on ne peut plus juste.
Sauf que le but est de nous faire croire que ce n'est pas normal, alors qu'au contraire, il n'est qu'une réaction logique face à un système incapable de résoudre ce type de problèmes. Aussi est-il normal, comme dit-plus haut, pour des animaux mis en cage, de créer leur propres règles de survis.
Aussi, on voit bien l'intérêt pour Libé de conforter sa clientèle dans ses préjugés racistes.
Cela vous prouve, qu'encore aujourd'hui, la science, en l'occurrence la siocologie demeure un outil au service de l'idéologie raciste eurocentrique visant à déshumaniser toute personne n'appartenant pas au canon de la société occidentale, ici française.
Cette guerre nous fut déclarer il y a déjà plusieurs siècles, via bulle papale, philosophes et autant de scientifiques, biologistes, etc.
Etant donner que ces gens là se gardent bien d'appliquer ces mêmes méthodes anthropologiques pour eux-mêmes, il est de notre devoir de kamite de mettre sur pieds une véritable étude blancologique afin d'étudier sérieusement ces drôles de bestioles, leur caractère destructeurs des autres peuples et prédateurs des autres civilisations.
Aussi, plutôt que de perdre notre temps à nous justifier, il ne tient qu'à tout un chacun d'appliquer la même méthode heuristique visant à démythifier cet animal leucoderme qui se considère encore comme le nombril du monde.
Hotep, Soundjata _________________ La vérité rougit l'oeil, mais ne saurait le transpercer
Posté le: Mar 04 Oct 2005 21:03 Sujet du message: ;;;
Ma parole on croirait vraiment un reportage sur des animaux primitifs ! Non mais je rêve. En plus ses "observations" (avec 36 guillemets) sont franchement inexactes. Pourtant ils vivent dans le même pays et à quelques kilomètres du domicile de ce pseudo ethnologue.
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