L'éditorial de Claude Imbert
Le bûcher d'une politique
Comment, dans nos banlieues, en est-on arrivé là ? Pas le moment, vous dira-t-on, de répondre ! Dommage ! Car ce drame révèle comme jamais le vice qui, depuis des décennies, ruine notre vie publique : celui d'enfouir toutes les vérités qui fâchent sous l'angélisme ou la jérémiade, celui de préférer le prêche à l'action. Celui, en somme, d'une longue incurie.
Car enfin, le déferlement, depuis trente ans, d'une immigration incontrôlée si étrangère à nos croyances, à nos moeurs et à nos lois avait d'avance compromis le lent travail de biologie sociale que requiert une intégration heureuse, et d'ailleurs nécessaire. Le flux - celui surtout d'Afrique noire - sans cesse grossi par le regroupement familial - voire polygame -, loin d'irriguer calmement la nation, aura constitué ces poches stagnantes où grouillent de mauvaises fièvres. Leur avenir était écrit d'avance. Mais... l'avenir arrive trop tard !
A ceux qui peignaient un échec inévitable on répondit cent fois, mille fois que le fameux creuset intégrateur à la française mettrait bon ordre à ce désordre, et qu'il en irait de l'immigration maghrébine et d'Afrique noire comme, jadis, de l'italienne ou de l'espagnole. Historique aveuglement ! Aujourd'hui, l'avenir se pointe. Il est hideux.
Avec une parentèle le plus souvent étrangère à notre langue, la graine de casseurs se sème, avant 10 ans, par l'échec scolaire et la maraude. Tout autour, dans le confinement et la promiscuité du ghetto, s'élabore un bouillon de contre-culture... On y voit grandir une contre-société avec son « économie » de la drogue et du recel, ses caïds et leur fretin, ses codes, ses territoires claniques. Et désormais l'émulation des cités pour le tableau d'honneur que délivre la télé dans l'Audimat des émeutes.
Dans ces microsociétés vouées aux rixes interethniques, on ne connaît qu'un seul fédérateur : l'enragement de tous contre les agents ou symboles du pays d'accueil. Une rage qu'attise un tourbillon de rumeurs insanes contre quoi la vérité et la « transparence » n'ont guère de chances. Un jeu de guérilla qu'inspirent des Intifadas télévisées venues d'ailleurs.
Enflé par le mimétisme médiatique, c'est alors le harcèlement mi-ludique, mi-criminel de policiers, de pompiers, de médecins. On voit des enfants de 12 à 15 ans incendier des crèches, écoles maternelles, gymnases, transports publics, pharmacies, églises...
C'est miracle que, dans des lieux à ce point gagnés par les foucades tribales, tant de résidents paisibles parviennent encore à vivre leur vie. Beaucoup songent, s'ils le peuvent, à s'en aller. Mais, qui sait ? l'excès, cette fois-ci, de la violence, et sa conversion à l'émeute, les convaincra-t-il de prendre en main leur propre sécurité ? Convenez qu'il faut aux paisibles une sacrée résolution. Car si la police arrête des coupables, la justice, bridée par le Code et le droit des mineurs, les relâche sans tarder. Et l'on voit vite les voyous plastronner et menacer à nouveau.
Aujourd'hui, en tout cas, l'embrasement devrait mettre en sourdine l'ancestrale rhétorique sur prévention et répression. Et remiser, pour quelques semaines, la sollicitude « sociologique » pour les voyous. Les émeutiers et les criminels doivent être arrêtés et châtiés pour ce qu'ils font.
Avoir laissé s'installer le fait communautaire sous ses pires auspices et vouloir y répondre par une politique d'intégration plus conforme, en effet, à la tradition française, voilà la quadrature du cercle ! A voir la somme impressionnante de sang-froid chez les policiers, les pompiers, de dévouement chez les enseignants, les associations communales, les médiateurs, les sportifs et autres animateurs, on devrait ne pas désespérer, ne pas jeter le manche après la cognée. Encore faudrait-il que la nation intégrante ne donne pas le spectacle de ses propres désintégrations. Encore faudrait-il qu'un pacte national rassemble, contre ce brasier, pouvoir et opposition pour l'intérêt commun de la nation. Qu'on cesse, au sein même de l'Etat, d'entortiller le ministre de l'Intérieur. Et de jeter les 35 000 carcasses de voitures incendiées depuis dix mois dans les sacs à malice de la campagne présidentielle !
Le dommage national est considérable. On savait la nation exténuée. Le monde la voit titubante. Derrière les incendies de l'émeute, toute une politique brûle dans un plus vaste bûcher: le chômage y calcine notre « modèle social » et la guérilla urbaine y brûle notre modèle d'intégration. Ces prétendus « modèles », le mensonge et la velléité les ont livrés aux flammes.
Il faudra songer un jour à retrouver et célébrer le génie qui a inventé la formule de pensée unique. C'est la grande maladie du pays. La pensée unique est partout, sur les ondes et dans beaucoup de journaux. Elle mouline toujours les mêmes lieux communs. Elle s'échine, surtout, à enterrer les réalités qui dérangent.
Depuis vingt-cinq ans, elles gisent donc sous des monceaux de tabous et de non-dits, avec la complicité d'une classe politique qui, sur la question des banlieues comme sur tant d'autres, ment effrontément. Là-dessus, la droite n'a pas de leçon à donner à la gauche, et inversement. Les deux n'ont pas su libérer le marché du travail et créer ainsi les emplois nécessaires. Elles ont aussi laissé se déliter l'école républicaine qui fut si longtemps notre matrice.
Dans ce numéro, nous avons pris le parti d'insister sur tout ce qu'on n'ose pas dire. A savoir que nous avons vécu, ces jours-ci, des émeutes raciales « à la française ». Que ce sont surtout des jeunes issus de l'immigration africaine, souvent majoritaire dans les quartiers les plus sensibles de la banlieue parisienne, qui ont mené la danse, pendant les nuits de feu. Que nos cités, de moins en moins pluriethniques, rappellent de plus en plus les ghettos de l'Amérique des années 60.
Pardon d'appeler un chat un chat, mais, même si nous continuons de faire la leçon (sans rire) aux Etats-Unis sur le racisme ou la Louisiane, nous sommes en train de devenir une sorte de contre-exemple. Ou un anti-modèle. Les aides ou subventions annoncées par le gouvernement iront dans un puits sans fond tant qu'on ne saura pas fabriquer des emplois comme ailleurs. Tant qu'on n'aura pas rétabli l'autorité de la famille et de la morale civique. Tant, surtout, qu'on n'aura pas remis sur pied l'école républicaine et laïque qui a fait de nous ce que nous sommes aujourd'hui. Mais pour ce faire, il faudrait que nos gouvernants pensent, enfin, à la prochaine génération, et non à la prochaine élection
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