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Hissen Habré, doit-il ètre extradé vers la Belgique?
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Imhotep
Grioonaute 1


Inscrit le: 25 Mar 2004
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MessagePosté le: Lun 05 Déc 2005 10:33    Sujet du message: Répondre en citant

Lu sur le site tchadien www.ialtchad.com, Forum - Sujet: L'Affaire Hissein Habre.

L'auteur de l'article ci-dessous est l'un des plaignants

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AFFAIRE HABRE: LES FAUSSES RAISONS DE MONSIEUR SARR

J’aimerais revenir à l’article de Monsieur Sarr, Sociologue Sénégalais de son état, intitulé: “Livrer Habré constituerait une suprême ignominie”, paru dans “TchadForum”, en date du 2 Novembre 2005. Je ne sais pas si Mr Sarr prend le soin de peser les mots qu’il emploie, ou si tout simplement il affectionne les superlatifs et les gros mots. Mais quand j’ouvre mon dictionnaire de Français “Le Petit Robert”, voici la définition que l’on y donne du mot ignominie: “Déshonneur extrême causé par un outrage public, une peine, une action infamante. Honte, infamie, opprobre. Caractère de ce qui déshonore.” Alors, ignominie pour qui? Pour le Sénégal ou pour Habré? Pour ma part, cela me semble un bien trop grand mot, pour l’appliquer à l’extradition de Mr Habré. Car, soyons clairs une fois de plus: extradition ne veut pas dire échafaud. Et si quelqu’un voudrait bien le comprendre dans ce sens, pour des raisons que nous ignorons, nous lui dirons qu’il commet là une grave faute. En effet, ce n’est surtout pas pour cela que nous souhaitons, comme la majorité des tchadiens et des personnes faisant preuve d’un minimum de bon sens, l’extradition de Mr Habré. Non, c’est tout simplement pour que le sieur affronte la justice de manière juste et équitable. Un point, c’est tout.

Pour en revenir donc au terme ignominie, ce n’est pas l’extradition de Mr Habré qui pourrait être une ignominie. Mais voyez-vous, Mr Sarr, vous qui semblez tout ignorer du Tchad - et surtout du Tchad profond de Mr Habré - la vraie ignominie sans conteste (je suis persuadé qu’au fond de votre sens humain intrahissable, vous le reconnaissez tout de même), ce sont ces milliers de veuves et d’orphelins, “fabriqués” par la faute de celui qui était censé être comme un père pour la nation tchadienne. La vraie ignominie, ce sont ces nombreux jeunes filles et garçons, qui ne peuvent plus dire papa, parce qu’un jour lugubre, quelqu’un, dans les bagnes de la DDS (Direction de la Documentation et de la Sécurité – la tristement célèbre police politique de Habré), a décidé de mettre fin aux jours de ce papa. La vraie ignominie, ce sont ces mères, ces femmes encore jeunes, privées de la chaleur humaine de leur époux bien-aimé. La vraie ignominie, ce sont même parfois ces veufs, à qui on a enlevé leur épouse à leur amour, pour une raison qu’ils ignorent encore jusqu’à aujourd’hui. La vraie ignominie, ce sont ces personnes humaines (mais le sont-elles encore?) qui ont pu en faire atrocement souffrir d’autres, tout en en rigolant. La vraie ignominie, ce sont ces gens à qui on a méchamment appliqué des décharges électriques; sauvagement enlevé à vif les ongles avec des pinces baignées de sang. La vraie ignominie, c’est le fameux “Arbatachar” – comprenne qui pourra, car je vous serais très reconnaissant de m’épargner la douleur de le décrire à ceux qui l’ignoreraient. La vraie ignominie, c’est le tuyau d’échappement d’une voiture, dans la bouche d’un supplicié, alors que le moteur en vrombit. La vraie ignominie, ce sont ces corps décharnés, ces squelettes vivants que l’on a découverts avec horreur et stupeur, le jour où le tyran est tombé. La vraie ignominie, ce sont ces cellules inhumaines, plus qu’exiguës, sans lumière, où sont entassées, les unes sur les autres, des cadavres avec, des excréta avec, des personnes humaines, comme vous et moi, jeunes et vieux, des mères et des pères de famille, cher Monsieur Sarr. Si cela ne vous émet guère, qu’est-ce qui pourrait encore le faire ?! Je crois que je peux m’arrêter ici, même si la liste est loin d’être exhaustive. La vraie ignominie, c’est tout cela; ce sont toutes ces atrocités, toutes ces tortures ; c’est toute cette bêtise humaine et plus encore…Et que certains aimeraient – de quelle conscience se prévalent-ils donc ? - purement et simplement, faire passer à pertes et profits.

En lisant cet article de Mr Sarr, il y a des passages qui retiennent l’attention, plus que d’autres, comme celui-ci: “Au demeurant, au nom d’une prétendue compétence universelle, la Belgique exige du Sénégal de lui livrer l’ancien Président du Tchad…Oh bien sûr, la fameuse compétence universelle belge ne peut en aucune manière s’exercer contre des Blancs!”. Pour moi, toujours la même rengaine - absolument puérile: les Occidentaux qui n’arrivent pas à faire appliquer les lois internationales chez eux, s’en prennent à nous autres nègres, pour que nous, nous les appliquions.

A mon humble avis, le vrai débat est ici malhonnêtement contourné ; le vrai débat ne se situe pas à ce niveau, sauf à vouloir malicieusement l’esquiver et l’escamoter. La vraie question à se poser est simplement la suivante: est-ce seulement nécessaire d’attendre que ce soit les Occidentaux qui viennent nous rappeler que nous avons besoin de justice? Avons-nous besoin d’attendre que ce soit eux qui nous indiquent le chemin, parce que nous faisons manifestement preuve de manquement? Bien sûr que non. Nous aurions dû nous-mêmes nous occuper de nos problèmes de justice; le fait est que nous ne le faisons pas ; la vérité est que nous refusons de le faire. Nous voulons y déroger, pour éviter à un ancien Chef d’Etat d’affronter la justice. C’est cela la vérité inavouée qu’il faut dire haut et fort. On aurait dû arrêter Habré nous-mêmes (Africains et Sénégalais); on ne l’a pas fait. Maintenant qu’une justice internationale veut bien le faire, nous refusons, nous nous barricadons. Il est donc, on ne peut plus clair, que nous refusons que Habré affronte la justice, non pas pour une quelconque raison de fierté et de dignité africaines, mais tout simplement parce que nous ne voulons pas le voir devant quelque justice que ce soit. Avouons-le ! Avouons donc ce qu’en réalité nous voulons ou ne voulons pas!

Mais à la réflexion, après tout, qu’est-ce qui devrait avoir la primauté : notre prétendue dignité d’Africain, ou le besoin réel et la nécessité pressante de justice et de paix ? Car, sommes-nous si dignes, en tuant nos semblables, en volant, en pillant les caisses de nos Etats? Sommes-nous si dignes en bafouant les libertés fondamentales de nos populations ? Sommes-nous si dignes en dirigeant les pays africains avec une politique fondée généralement sur le népotisme, le tribalisme, le régionalisme, et même le confessionnalisme, et par-dessus tout la gabegie? Sommes nous si dignes en voulant protéger des justiciables, simplement parce que le contraire ne nous arrangerait pas? Sommes-nous si dignes en voulant jouer de malice, d’hypocrisie et d’irresponsabilité, au lieu d’affronter nos problèmes avec sincérité, lucidité et courage ?

Quant aux personnes éprises de justice et de paix, elles souscrivent à l’extradition de Mr Habré, sans état d’âme; sans se demander s’il s’agit là d’une justice “blanche” ou “nègre”, occidentale ou africaine. Non pas parce qu’elles cultiveraient une haine quelconque contre Habré, comme certains s’échinent à le faire croire; pourquoi haïr ? Mais simplement parce que pour la plupart des esprits normaux et lucides, la justice est le chemin par excellence du droit et de la paix. Il faut donc que justice soit rendue. C’est pourquoi, ces mêmes personnes se soucient sincèrement aussi du fait qu’il faut qu’il s’agisse d’une justice impartiale et équitable. Voilà tout. Notre conviction profonde, ce n’est pas que Habré soit purement et simplement dispensé de procès. Non! Mais ce n’est pas non plus qu’il soit traité de quelque manière inhumaine que ce soit. Non! Loin de nous une telle bassesse. On ne règle pas les problèmes de justice avec de la barbarie et de la sauvagerie ; c’est indigne. Notre souhait le plus véritable, c’est donc que l’on puisse assurer à Mr Habré et à ses complices, un procès juste et équitable. Voilà ce que nous voulons. Et, il n’y a point de contradiction qui transparaisse ici, je crois.

Un autre passage de cet article, qui ne peut passer inaperçu : « …Pour la bonne cause, des prétendus témoins et victimes furent recrutés, pitoyables individus qu’on promène à grands frais ; selon les occasions, à Dakar, Paris, Bruxelles et New-York, en vue de crier justice. Des businessmen autoproclamés défenseurs des droits… ». Ecoutez-moi cela ! Mais écoutez-moi donc cela ! Comme s’il n’y avait aucune victime authentique de Habré nulle part ! Comme s’il n’y aurait pas de soif intrinsèque et réelle de justice, en dehors de l’argent ! Tout le monde serait donc tout simplement corrompu. C’est trop bas, c’est vraiment grossier ; et je vous laisse à vous-même le soin de vos propres et sincères commentaires…

Encore un passage, et pas des moindres : « …Pour la majorité des Tchadiens, Habré représente l’homme de la situation, capable d’éviter au pays la descente aux enfers. Raisons suffisantes pour que Paris et Tripoli jettent dans la balance leur poids pour neutraliser l’homme qui, dans un passé récent, leur a donné du fil à retordre. » Pour la majorité des Tchadiens ? Ah bon !? Lesquels ? C’est très intéressant, tout ça ! Où sont-ils? En êtes-vous si sûr, Mr Sarr ? Ou, voulez-vous simplement vous essayer à l’outrecuidance malsaine et insolente, de vous exprimer en lieu et place de cette majorité de Tchadiens, qui justement pense le contraire de Mr Habré ? Si l’on vous suit en peu ; si l’on extrapole un peu, vous n’êtes pas très loin de penser le plus sérieusement du monde, qu’avec Habré, les Tchadiens avaient connu ni plus ni moins qu’un véritable paradis. Et que maintenant, ils seraient tous des nostalgiques de cette époque ? Ce n’est peut-être pas tout à fait impossible, car il paraît que le peuple a la mémoire essentiellement courte. Mais dans le cas d’espèce, cela m’étonnerait fort, vous savez !

A tous ceux qui croient sincèrement que le peuple tchadien regrette Habré, je suggère juste un tout petit exercice, très facile ; comme je l’ai déjà proposé ailleurs. Allez au Tchad, prenez donc de manière transparente un petit échantillon représentatif de la population tchadienne, et posez la question à cet échantillon s’il souhaite oui ou non que Hissein Habré redevienne son Président. Comme cela, on saurait la réponse. Ainsi, vous éclaireriez du coup votre lanterne aussi bien que la nôtre. De cette façon, vous mettriez fin au débat. Mais en attendant, revenons-en à cet article qui nous préoccupe aujourd’hui…

Et Mr Sarr de clore son article de la plus belle manière qui soit: « Que Dieu le Tout-Puissant, dans cette ténébreuse machination, préserve le Sénégal de tout acte d’infamie vers lequel les ennemis de l’Afrique cherchent à le conduire. » D’accord. Un souhait très louable, il faut en convenir. Après tout, qui voudrait se rendre coupable d’infamie ? Sauf que je constate – et je ne serais pas étonné que vous pensiez la même chose - qu’on pourrait tout aussi bien ajouter : « Que Dieu le Juste et le Vrai, puisse nous aider, pour que la Vérité et le Droit viennent à la lumière et soient dits, afin que justice soit rendue ».

Dr Apollos Derguedbé NEBARDOUM
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Imhotep
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MessagePosté le: Lun 05 Déc 2005 10:33    Sujet du message: Répondre en citant

Amadou Tidiane Wone : Le petit télégraphiste de Hissène Habré !

Seuls les combats qu’on ne mène pas sont certains d’être perdus. Rien n’arrêtera les victimes tchadiennes dans leur quête de la vérité et de la justice, une aspiration universelle. Ni les hurlements ritualisés des professeurs de morale, ni la prose des africanistes de circonstance et autres polémistes de comptoir qui rivalisent d’ardeur pour défendre Hissène Habré, lequel est pourtant conscient des faits qui lui sont reprochés. Le plus irritant c’est que parmi eux se trouve une personnalité comme Amadou Tidiane Wone. Monsieur est d’un bel esprit. Réactif sur quasiment tous les sujets, l’ancien ministre est connu pour l’abondance de ses tribunes dans les journaux sénégalais. Dans l’une de ses saillies intitulée «Respecter la justice sénégalaise » parue récemment dans « Le Quotidien », M.Tidiane Wone s’est évertué à minimiser - sinon nier - la responsabilité du dictateur dans les crimes graves perpétrés au Tchad durant son magistère entre 1982 et 1990, au nom de son amitié avec Habré. C’est dire !

Cher Tidiane Wone, dans la logique de cet argument spécieux, je me demande si vous ne faites pas déjà partie du cercle peu enviable des amis du Libérien Charles Taylor et de l’Ethiopien Mengistu Haïlé Mariam. Le bilan macabre du premier est éloquent selon Amnesty international : 200.000 morts, 700.000 réfugiés et 1,4 millions de personnes déplacées. Sur le tableau de bord politique du second figurent 100.000 morts au milieu des années 1980, dont 1823 victimes identifiées. A vous lire, sans doute, avez-vous connu aussi Samuel Doe, Idi Amin Dada, Mobutu Sese Seko… vu ce penchant obsessionnel pour l’amitié des tyrans.

On ne le dira jamais assez, votre ami est une figure emblématique de l’une des pires dictatures du continent africain. Il a installé au Tchad une terreur permanente. Pour tout Tchadien ayant vécu sous le régime du l’Unir (Union nationale pour l’indépendance et la révolution-parti unique) dans les années 1980, Hissène Habré symbolise la négation de l’humain. Avec l’appui de sa puissante police politique composée de 8000 personnes, la Dds (Direction de la documentation et de la sécurité), il a savamment organisé de graves et constantes violations des droits de l’Homme. De nombreuses pétitions d’Amnesty international ainsi que les rapports de Human Rights Watch et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme de l’époque en témoignent. Par période, Habré a procédé à des arrestations collectives et des meurtres massifs à l’encontre des groupes ethniques dont les leaders furent perçus comme des menaces à son régime. La féroce répression a ciblé les Sara en 1984, les Hadjaraïs en 1987 et les Zaghawas en 1989.

Quelle que soit l’ethnie, chaque famille tchadienne compte au moins une victime directe ou indirecte de l’ancien dictateur. J’ai vu ma part de l’abominable. Sous mes yeux, en 1986 au sud du Tchad, les gardes pénitenciers transportaient des pères de famille arbitrairement arrêtés aux alentours des champs, à quelques encablures de mon village. Ils sont passés par les armes et ont été enterrés dans les fosses communes. Puisque les crépitements de balle alertaient les paysans, les jours suivants la méthode a changé. On administrait aux prisonniers déjà ligotés un gobelet de produit phytosanitaire . Ils mouraient l’instant d’après. Aucun peuple n’est disposé à accepter cette barbarie.

D’une ville à l’autre, les méthodes de tortures étaient plus sophistiquées les unes que les autres. A N’djaména, dans les geôles de la Dds, à proximité de la présidence de le République, on pratiquait « l’arbatcahar », cette torture consistant à lier les bras et les pieds du prisonnier. Après lui avoir passé un tuyau d’eau dans la bouche, le détenu, suspendu à une barre de fer, est lâché sur le plancher en béton. L’eau ingurgitée par contrainte jaillissait de ses différents orifices avant qu’il ne meure asphyxié. Votre ami et frère Hissène Habré était bien au courant de ces horribles sévices infligés non seulement aux tchadiens, mais aussi à des personnes étrangères dont des Sénégalais. Bien plus, il donnait des instructions à travers un talkie-walkie à ses agents formés à cette violence bestiale. En un mot, Hissène Habré a persécuté. Il a indistinctement décimé femmes, hommes et enfants en tant de paix. Après ces forfaits, par quelle alchimie voudrait-on nous faire croire que Monsieur Habré est accusé à tort ? La guerre contre la Libye présentée comme une raison pouvant justifier ou dédouaner les dérives d’un pouvoir autocratique ne peut prospérer. Le conflit n’a pas duré huit ans. Comment expliquer les graves violations des droits de l’Homme généralisées et incessantes commises par l’armée après le conflit avec la Libye ?

Sans exagération aucune, il apparaît que sur les 40.000 morts et les 200.000 personnes torturées au Tchad (chiffres extraits du rapport d’enquête publié par la Commission nationale tchadienne en 1992), on peut dire que la responsabilité morale de Hisséne Habré est établie. Il faut donc laisser une justice indépendante faire son travail pour asseoir ou non sa culpabilité. De quoi avez-vous peur M. Wone ? Les ONGs n’ont pas le pouvoir de statuer sur le sort de l’ancien président du Tchad. Elles jouent leur rôle d’utilité publique. Elles contribuent indéniablement aux efforts de progrès moral de l’humanité. Pourquoi y voir forcément une quelconque idéologie ? Alioune Tine qui fait un travail remarquable n’a pas besoin des conseils d’un toubab pour définir des actions pertinentes visant à approfondir l’Etat de droit au Sénégal et en Afrique ! L’extradition de Hissène Habré en Belgique n’est pas synonyme de la guillotine. Bruxelles offre une excellente occasion à l’ex-dictateur, votre ami, de se défendre et de s’expliquer sur les accusations portées contre lui par ses victimes. Je puis vous assurer que dans notre pays, la plupart des compatriotes sont unanimes à reconnaître que la réconciliation des cœurs à laquelle vous tenez tant n’est pas incompatible avec l’impératif de justice. Bien au contraire, c’est l’impunité des bourreaux qui risque, à la longue, d’attiser la haine et réveiller les velléités revanchardes.

De grâce, cher Tidiane Wone et autres amis sénégalais, vous poussez des cris d’orfraie pour dénoncer l’immunité d’un conseiller pédophile dans l’espace présidentiel au Sénégal, l’amnistie des présumés auteurs de l’assassinat de Maître Babacar Seye… comprenez que l’impunité est un fléau nuisible pour l’avenir des démocraties africaines, y compris le Sénégal. Prenez-y garde. Je crois dans l’absolu que, face à l’étendue des crimes et supplices subis par les Tchadiens, il n’y aucun argument qui vaille pour défendre le bourreau. Je suis d’accord avec vous sur l’idée de juger en Afrique nos dirigeants. Or, dans le cas d’espèce, cette option n’est pas envisageable pour la simple raison qu’extradé au Tchad, votre ami ne bénéficiera pas d’un procès équitable. Alioune Tine a raison de vous dire que cette alternative est irréalisable parce que N’djaména n’a pas demandé son extradition. En plus, il y a des risques que Hissène Habré soit liquidé par son successeur qui a une part de responsabilité dans cette affaire. Au regard donc de cet obstacle majeur, pourquoi les victimes ne devraient pas aller voir ailleurs après le refus du Sénégal de juger Habré ? En quoi la dignité africaine sera châtiée si les juridictions belges jugeaient Habré? Bien au contraire, en livrant Habré, l’image un peu « craquelée » de votre vitrine démocratique sera redorée. Qui est plus, à travers le jugement de Habré, les associations de la société civile veulent enterrer sans linceul cette tradition baroque de l’immunité des gouvernants. Désormais un président, un ministre ou un agent de l’Etat soupçonné de crimes graves, comme dans le cas de H. Habré, peuvent être poursuivis en vertu de la compétence universelle des tribunaux nationaux. Ce n’est pas un fantasme juridique, n’en déplaise aux fervents défenseurs du dictateur tchadien !

Mises à part vos raisons émotives, sachez, M. Wone, que tous les arguments juridiques militent en faveur de l’extradition de Hissène Habré. La Convention des Nations unies contre la torture ratifiée par le Sénégal et la Belgique établit en son article 8, la base juridique de l’extradition entre les Etats parties. A quelques heures du verdict de la chambre d’accusation, je pense qu’il faut faire confiance aux juges et à la clairvoyance du président Abdoulaye Wade et non se laisser divertir par les élucubrations du petit télégraphiste et ami de Hissène Habré.

Daniel Bekoutou
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Imhotep
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MessagePosté le: Lun 05 Déc 2005 10:37    Sujet du message: Répondre en citant

AFFAIRE HABRE: A QUAND UN DEBAT SIMPLEMENT CITOYEN?

Il est absolument triste et amèrement regrettable de continuer à faire le constat que nous autres Tchadiens n’avons de cesse à avoir un mal fou à nous débarrasser de nos vieux démons dichotomiques Nord / Sud, Musulmans / Chrétiens, quand il ne s’agit que purement et simplement de débats qui engagent toute la nation tchadienne, parce que déterminant son avenir. Cela est d’autant plus triste que ce manquement origine de la classe de Tchadiens supposée avoir été à l’école du savoir, supposée avoir formé l’esprit à la critique et à l’objectivité, supposée être au-dessus de la mêlée, supposée indiquer la voie de la raison et non de la passion au reste de nos compatriotes qui n’ont pas eu ce même privilège: la formation à l’école du savoir, à l’objectivité et à l’esprit critique. Cela est donc d’autant plus regrettable que l’émanation en est l’élite même: la classe des intellectuels. Arrivé à ce point, je dois avouer qu’il faut parfois négocier avec soi-même et redoubler de courage, afin de garder l’optimisme par delà tout, pour notre cher pays.

Car, lorsque l’on veut engager un débat citoyen, il y en a d’un bord comme de l’autre, et pas des moindres, qui essaient de le transformer en un pugilat “Sudiste contre Nordiste”, “Musulman contre Chrétien”. Est-ce peut-être parce qu’un certain chef d’Eat Tchadien s’était proclamé en son temps “l’Oeil des Musulmans au Tchad”? N’importe quoi! Comme si le Tchad avait besoin d’un “Oeil des Musulmans” et puis d’un “Oeil des Chrétiens”; d’un “Oeil des Sudistes” et d’un “Oeil des Nordistes”. Si l’on devait absolument parler d’œil, je suis de ceux qui croient que le Tchad a besoin d’un “Oeil des Tchadiens tout court”, de Aouzou à Mbaïbokoum, et de Rig-Rig à Adré. Voilà le type de leader dont le pays a besoin.

Si je ne puis accepter qu’on parle d’un problème du Tchad sous un angle simplement citoyen (intégrant toutes les composantes de la nation tchadienne); si je crie à la vendetta ou à la haine “nordiste”, chaque fois qu’un Tchadien du nord, tente objectivement de mettre en lumière les insuffisances et/ou les fautes d’un compatriote du Sud; si je crie à la méchanceté et à la haine “sudiste”, chaque fois qu’un compatriote du Sud met en évidence la culpabilité et/ou les manquements d’un Tchadien du Nord, cela ne révèle-t-il pas clairement un esprit sectaire, incapable d’admettre objectivement la critique, plus soucieux des intérêts de ce qu’il estime comme étant “son” groupe, au détriment d’une attitude et d’un sentiment plus altruistes, pour ne pas dire plus patriotiques, engagés plutôt pour le bénéfice du plus grand nombre, déterminés à lutter plutôt pour le bien de tous, de tous les Tchadiens sans exclusion?

C’est ainsi que selon certains compatriotes, nous les supporters des victimes de Habré ne serions tous que des sudistes et le serions donc simplement parce que Habré vient du Nord du Tchad? Nous aurions donc eu une attitude différente envers la question de son extradition et de son jugement, s’il avait été un compatriote originaire du Sud? Aujourd’hui donc, il n’y aurait aucun Nordiste pour supporter les victimes de Habré, parce que, après tout, Habré vient du Nord? Je dois dire qu’il n’y arien qui m’attriste et me désole plus que ce genre de raisonnement. O Tchad, O Patrie!

Comment le répéter suffisamment? Ou bien on ne nous écoute pas, ou bien on ne croit pas une seule de nos déclarations? Nous n’avons aucune intention de traquer qui que ce soit; nous n’avons aucune haine contre qui que ce soit. Nous ne voulons traîner à l’échafaud qui que ce soit: nous sommes par principe énergiquement opposés à cela. Nous voulons tout simplement que justice soit rendue. Pour que demain ne soit pas un éternel recommencement d’hier; pour que demain ne soit plus comme aujourd’hui.

Nous ne nous battons pas contre un Nordiste, chers frères; Nous ne nous battons pas contre un musulman, chers frères croyants. Il ne s’agit ni d’un problème d’origine géographique, ni d’un problème de religion. Nous nous battons simplement contre l’impunité; nous nous battons uniquement contre l’injustice; nous nous battons en réalité contre l’indifférence. Nous nous battons tout premièrement pour un lendemain meilleur au pays, en ce qui a trait aux questions de Liberté et de Droits de l’Homme – mais aussi de manière tout simplement générale.

Si demain, un autre Tchadien se rend coupable de crimes contre l’humanité, nous allons considérer son dossier de la même manière, à la même loupe, et avec le même engagement. Si hier, un autre Tchadien s’est rendu coupable de crimes contre l’humanité, aussitôt que le cas aura été formellement identifié, aussitôt que les victimes auront porté plainte; aussitôt que les témoins se seront manifestés, nous nous rangerons au côté des victimes pour les défendre, et non pas au côté du bourreau. Croyez-nous, on s’en fout royalement de l’origine géographique de celui-ci. Nous ne regarderons donc point à l’origine régionale ou culturelle ou ethnique de ce Tchadien. Que Dieu nous en préserve. Car personne n’a décidé de naître au Nord ou au Sud; personne n’a choisi d’être Sara ou Gorane ou Kenga ou Massa, ou Zaghawa ou Kanembou; ou que sais-je encore…Nous nous contenterons donc uniquement et strictement de sa citoyenneté: tchadienne. C’est vraiment largement suffisant. Ne croyez-vous pas?

Nous ne faisons pas cela par un quelconque souci du “politiquement correct”, loin s’en faut. Non, nous faisons cela par véritable conviction intime. Nous faisons cela par un sincère élan du cœur. Nous croyons en l’homme, nous croyons en la fraternité entre les Tchadiens; nous croyons fermement en la citoyenneté tchadienne. Il ne faut donc pas que les tchadiens soient traités et considérés en fonction de l’espace et du temps; en fonction de leur origine géographique et temporelle au Tchad. Non, Il faudrait qu’ils soient traités uniquement en fonction de la notion suivante: leur citoyenneté. C’est notre credo; et nous sommes persuadés que ce credo est largement partagé par nos compatriotes tant du Nord que du Sud; Daza ou Ngamabaye, Toupouri ou Moundang, Boulala ou arabe, Foulbé ou Mbororo, Bornon ou Baguirmi, Kabalaye ou Kim, etc. Tous ces compatriotes épris de paix et de concorde, pétris de patriotisme, ayant foi en l’altruisme sont intimement convaincus que ce pays ne peut se bâtir que si tous, nous travaillons résolument pour et dans la citoyenneté. En cela, nous sommes parfaitement d'accord avec tous celles et ceux -y compris nos détracteurs - qui rejettent le sectarisme. Car c’est la plus grosse épine aux pieds de la nation tchadienne, en marche encore hésitante pour son développement et son épanouissement.

Si vraiment les uns et les autres s’obstinent ainsi, à réduire cette question de la nécessité de justice en une question de haine contre Habré; en une question simplement de Sudistes contre Nordistes, ils réussissent ici à réaliser quelque chose de terriblement honteux: rendre le débat pollué et insipide. Oui, sans doute; car rabaissé à ce niveau-là, le débat ne peut que perdre tout de sa saveur intellectuelle et didactique, pour s’évaporer dans les méandres de la passion. Mais c’est du déjà vu: c’est souvent de cette manière que la passion arrive à triompher de la raison, en l’amputant malicieusement de toute sereinité. La seule question que l’on a encore la lucidité de poser: de quelle “race” d’intellectuels sommes-nous?

Dans cette affaire Habré, en d’autres termes, voici le son de trompette que l’on aurait souhaité entendre de notre souffle et qui malheureusement pour nos détracteurs n’a pas retenti, et ne retentira pas:
“ Applaudissons tous notre grand homme Habré, chers compatriotes. C’est un homme valeureux et magnanime qui a tellement fait pour le Tchad qu’il ne mérite pas en fait d’affronter la justice pour ces prétendues accusations de témoins qu’on a juste fabriqués pour tromper l’opinion. Afin de l’empêcher de reprendre glorieusement les rennes de notre destinée pour le meilleur, car lui seul peut nous offrir un avenir radieux. Liguons-nous donc tous contre son extradition, car elle est absolument injuste; elle est une manipulation politicienne. Habré mérite tout sauf d’être jugé. Surtout, s’il y a des compatriotes sudistes qui sont d’accord avec son extradition, c’est qu’ils sont contre les nordistes. Chers compatriotes, répétez tous après moi: s’il y a des compatriotes sudistes qui sont pour l’extradition de Habré, c’est qu’ils sont contre le nordistes.”

Bravo! Et c’est ainsi que nous allons construire la citoyenneté!? Et c’est ainsi que nous espérons construire le Tchad de demain!? Bonne chance alors! Car, si c’est sur cette base-là, eh bien moi, je ne suis point partie prenante.

Dr Apollos Derguedbé NEBARDOUM
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MessagePosté le: Lun 05 Déc 2005 10:38    Sujet du message: Répondre en citant

De la réputation du Sénégal ?

Le Sénégal est un pays qui a une image extérieure bien garnie. Le pays se vend à merveille à l’étranger. C’est l’œuvre de ses fils qui sont un peu partout dans les institutions internationales et autres organismes mais aussi dans divers domaines de la vie professionnelle. Eux au moins travaillent pour leur pays ! Quand Houphouët vantait la politique de développement économique de son pays la Cote d’Ivoire, Senghor le Sénégalais lui rétorquait par sa politique d’éducation nationale. Aujourd’hui, nous autres africains constatons bien la différence : en Cote d’ivoire on a fini par se tuer pour du fric alors que le Sénégal, pays pauvre sans aucune richesse notoire mais paisible, attire le fric du monde entier. Une mendicité internationale bien organisée qui lui assure un standing mieux que celui des pays dotés de ressources minières.

Le Sénégal a survécu aux périodes des coups d’Etat et de guerres civiles en Afrique. Le règne sans partage du parti socialiste durant 39 ans (Senghor 20 ans et puis Abdou Diouf 19 ans) est pour quelque chose. Mais évidemment, cela ne s’est pas passé en douceur comme on pourrait le croire. En effet, il y a eu des évènements dramatiques dont les séquelles sont encore vivaces dans l’esprit des Sénégalais.

C’est d’abord l’arrestation et l’incarcération pendant 12 ans de Mamadou DIA, Premier Ministre du Sénégal indépendant, sérieux concurrent de Senghor. C’est aussi l’arrestation et l’exécution de Moustapha LO qui aurait attenté à la vie du Président Senghor. Ou encore l’assassinat de Demba DIOP en 1967.

1981, démission de Senghor de ses fonctions présidentielles sous la pression grandissante des musulmans, c’est aussi l’année de révolte du peuple Casamançais (Animiste et chrétien) contre le pouvoir des nordistes jugé discriminatoire. Amnesty International, Fidh et les ligues sénégalaises des droits de l’homme ont interpellé à plusieurs reprises le gouvernement sénégalais pour des arrestations arbitraires, bavures, tortures et exécutions extrajudiciaires commises par l’armée sénégalaise en lutte contre le MFDC (Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance). Lisez les rapports de ces Ong sur le Sénégal.

La gestion sectaire du pays est à l’origine de cette frustration et puis rébellion. Aujourd’hui, il n’y a que deux partis ou chef de parti d’influence sudiste sur plus de 80 partis légalisés.

Le pouvoir est irréversiblement entre les mains des musulmans qui représentent tout de même 95 % de la population. Mais le conflit casamançais continue toujours.

Le vent de la démocratie qui a soufflé sur le contient africain au début des années 90 n’a pas épargné le Sénégal. En effet, malgré que ce pays ait toujours été présenté comme la vitrine de la démocratie africaine, il ne disposait pas à cette époque d’une presse privée libre, les médias publics (Télévisions et Radio nationale) sont à ce jour encore sous le monopole exclusif du parti au pouvoir, pas de parti politique d’envergure (seul le PDS de Me Wade se débattait contre vents et marées pour maintenir ses cadres, en vain), pas des institutions de contrôle (genre HCC, CENI, …etc.) pour garantir une vie politique réelle. Même les centrales syndicales sont affiliées au parti socialiste au pouvoir. Ce qui explique que toutes les élections organisées dans ce pays ont toujours été contestées, parfois dans la violence. L’armée, la grande muette, est intervenue à chaque fois pour rétablir l’ordre « républicain ».

En 1993, après une élection législative controversée et contestée une fois de plus par le parti de Wade, Maître Babacar SEYE, vice-président du Conseil constitutionnel a été assassiné dans une artère de Dakar. Le conseil constitutionnel s’apprêtait à se prononcer sur ces élections. Les assassins au nombre de trois (03) ont été arrêtés, jugés et condamnés à des peines de plusieurs années. Les commanditaires de ce crime politique ne sont pas connus.

En 1994, lors d’un meeting politique du PDS de l’opposant Wade, ce dernier invite ses militants à marcher sur le palais présidentiel. Résultat : 6 policiers massacrés à coup de machettes et 34 grièvement blessés. Wade est arrêté puis libéré quelques jours plus tard.

Deux ans après son accession au pouvoir, le Président Wade gracie, à la surprise générale, les assassins du Juge qui ont purgé que la moitié de leur peine. D’autres évènements criminels crapuleux se succèdent sous le magistère de Wade, notamment l’agression à mort du turbulent Talla Sylla, président du parti politique Jef-Jel, par les gardes du corps du Président Wade. Ismaila Mbaye, Aide de camp du Président Wade, clairement identifié par l’enquête de la gendarmerie nationale comme étant le cerveau de cette tentative d’assassinat, a été tué dans un mystérieux accident de la circulation. Le dossier est mis au froid au niveau du parquet.

Aujourd’hui, Abdoul Latif Coulibaly, journaliste Sénégalais d’investigation, auteur du livre « Wade un opposant au pouvoir, l’alternance piégée » écrit un livre aussi brûlot que le premier où il démontre avec témoignages et preuves matériels à l’appui, l’implication directe du Président Wade et de ses proches collaborateurs dans l’assassinat du vice-président du Conseil constitutionnel du Sénégal et dans les multiples détournements des deniers publics. La version électronique du livre a été piratée par les services secrets sénégalais et balancée sur Internet dans les forums. L’objectif est de réduire son effet et surtout empêcher l’auteur de le sortir au moment voulu. Face à cette situation, le Président Wade a fait voté à l’assemblée nationale, le 5 janvier 2005, une loi amnistiant tous les crimes politiques commis au Sénégal de 1980 au 31 décembre 2004. Un aveu de taille.

Cette situation n’a fait que retarder les vrais problèmes, genre ceux que connaissent nos autres pays africains. Cependant, la corruption et le détournement des deniers publics sont des faits avérés au Sénégal mais seulement bien camouflés pour justement protéger l’image extérieure du pays. En deux décennies, plus de huit (0Cool banques ont été mises en faillite soit par des hommes politiques, soit par des membres des puissantes confréries musulmanes, portes voix électorales. Des scandales éclaboussent encore le pays notamment avec les licences de pêches officieuses accordées à des armateurs étrangers durant des années par le régime socialiste, la fraude douanière, l’attribution des marchés publics sans appel d’offre (affaire des chantiers de Thies), les participations douteuses et voraces du fils du Président Wade dans la majorité des sociétés d’Etat et dans beaucoup d’autres investissements privés et publics au Sénégal (Affaire de l’avion présidentiel, OCI, DDD, Elton, Senbus, titres fonciers,…etc.).

Le clientélisme politique s’accentue et la tension monte exponentiellement surtout à l’approche des échéances électorales de 2007. La société civile, les Ong, ligues des droits de l’homme, les partis politiques et les chefs religieux ne cessent d’appeler à la modération et à la retenue. La situation est d’autant plus inquiétante qu’aujourd’hui, toutes les confréries religieuses du Sénégal se politisent et disposent d’une branche politique officiellement reconnue. C’est le cas des Tidjanes avec le mouvement des Moustarchines wal moustarchidaties de Moustapha SY, des Mourides avec le parti de Modou Kara Mbacké, des Niassenes avec le parti de Mamoune Niasse…etc.

La démonstration de force de chacune de ses confréries est manifestée à l’occasion des fêtes musulmanes. En effet depuis plus de 10 ans, le Sénégalais fêtent séparément la fête d’aid al fitr (appelée korité) et la fête de la Tabaski. Cette année encore, il y a eu 3 fêtes de korité !

Evidemment, il faut vivre au Sénégal pour connaître toutes ces réalités. L’affaire HH draine forcement beaucoup d’argents. Mais l’affaire en elle-même n’intéresse pas le sénégalais lambda, occupé par d’autres soucis quotidiens. Et surtout que les problèmes tchadiens sont longs et complexes et que le Sénégalais n’y comprennent pas grand-chose. Pour mobiliser les médias donc, les Ong font du porte-à-porte et bien entendu casquent gros à chaque fois. Elles laissent volontairement comprendre que les bailleurs de fonds de cette cabale apprécient à sa juste valeur ce matraquage médiatique contre celui qui les a fait tant humilier dans un passé récent et donc n’hésitent pas à mettre encore plus sur la table. Alors on s’active encore plus en créant des collectifs (COSAHAB), en payant chèrement des insertions dans la presse, en organisant des points de presse bien arrosés pour gueuler fort, en effectuant des visites de proximité, même les syndicats sont associés ! ! !

Il va s’en dire que les plus hautes autorités sénégalaises sont gravement corrompues dans cette affaire. Sinon comment expliquer leur passivité face aux agissements illégaux des Ong et surtout l’interdiction faite à HH de communiquer, rien que sur ces accusations graves contre sa personne, tambourinées depuis 5 ans déjà ? Le Président Wade s’est rendu 10 fois en Libye en 5 ans et Déby est venu au Sénégal 2 fois en 1 année (août 2004 – août 2005). Ca dit long !

M Reed Brody a débarqué au Sénégal dès l’annonce de la demande d’extradition lancée par la Belgique. Il a laissé entendre qu’il est venu chercher Habré. Il a dû quitter bredouille le Sénégal et une fois à l’abri, M Brody n’a pu se retenir de lâcher cette puanteur qui ne sort que de certains trous en affirmant que le Khalife général de la grande communauté Tidjane a été acheté par Habré. Ce grand et influent chef religieux a en effet pris publiquement position pour Habré dans cette cabale. La communauté musulmane sénégalaise a été choquée par ces propos insultants, une première au Sénégal en effet. A en croire des rumeurs, une plainte est bien prête contre le « juif Américain » de Human Right Watch.

Maintenant, pour dire plus clairement les choses, HH ne sera pas extradé en Belgique. Les textes juridiques l’interdisent formellement : d’abord il n’existe pas de traité d’extradition en le Sénégal et le pays demandeur, ensuite la convention de tortures ratifiés par le Sénégal, déjà examiné en 2000 et qui a donné les résultats connus, ne peut s’appliquer sur des faits antérieurs (1982 – 1990) à cause de la non rétroactivité de la loi justement et aussi parce que ces faits sont étrangers au Sénégal. Quant à la fameuse compétence universelle, tout le monde a vu comment cette loi s’est vidée de son sens pour finalement se conformer au tiers-monde sinon aux nègres. Car comment comprendre qu’un petit pays européen, dans tous les sens, s’offre une telle prouesse et ce malgré tous ses crimes odieux qui hantent encore nos esprits. Je rappelle l’assassinat de Patrice Lumumba dont les assassins et les commanditaires vivent leur retraite paisiblement quelque part à Bruxelles ou ailleurs. Je rappelle l’implication de la Belgique dans le génocide rwandais (1 million de morts), l’assassinat du président Juvénile Habyarimana non encore élucidé et tout récemment encore ce petit pays a bataillé ferme pour qu’un de ses ressortissants, le prêtre belge génocidaire, incarcéré au Rwanda en attendant son jugement, ne soit justement pas jugé sur place mais de préférence au pays natal, connaissant les prisons africaines non adaptées à la peau blanche !

Maintenant entre Tchadiens, l’acharnement des Sudistes sur cette affaire est tout simplement honteux et puant. Surtout quand on sait que ce même Habré a pardonné dans un premier temps les crimes odieux commis durant les 19 ans de leurs deux règnes (Tombalbaye 1960-1975 et Malloum 1975-1979). Ensuite il a pardonné le pogrom des musulmans dans les villes du Sud du Tchad en 1979 et 1980 par les militaires et les politiques qui se nomment Kamougué, Kotiga, Tokino, Ngakinar, Alingué, Kassiré, Djogo, Mamari, la liste est longue, mais aussi par les populations Saras agissant tels des Interamwés pour massacrer sauvagement des innocentes personnes parce que tout simplement musulmanes. Et enfin, Habré a permis la réintégration de ces mêmes criminels sudistes dans la communauté tchadienne en les nommant à des postes ministériels et de direction des sociétés, en les responsabilisant dans l’armée et dans la fonction publique. Habré a donc blanchi et réhabilité les génocidaires sudistes. C’est un fait historique qu’ils ne peuvent pas nier.

En conclusion, au lieu d’œuvrer pour assurer un avenir meilleur à leurs progénitures traitées ailleurs de racailles à kartcheriser, ils se contentent de leur misérable situation de réfugiés économiques, à roder autour des Ong caritatives et catholiques et se permettent de remuer dans la plaie. Aujourd’hui, le régime fantoche de Déby vit ses derniers souffles. Sachez que nous, les partisans de Habré, nous sommes mobilisés pour faire échouer toutes vos besognes puériles. Nous combattrons vos Ligues douteuses et s’il le faut nous poursuivrons vos criminels tapis dans l’ombre. Concernant nos frères Sénégalais, nous les soutenons déjà et les informons régulièrement et largement d’abord sur vous les sudistes et ensuite sur le cas du Tchad en général. J’invite moi aussi les frères et sœurs à se mobiliser contre cet appel sectaire, malhonnête et haineux de ces messieurs.

Abderahmane Ahmat
Etudiant à Dakar
Abderah2005@yahoo.fr
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Imhotep
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MessagePosté le: Lun 05 Déc 2005 10:40    Sujet du message: Répondre en citant

AFFAIRE HABRE :
PAS DE VRAI PARDON SANS SINCERE CONTRITION

La question de l’extradition de l’ancien Chef d’Etat Tchadien, Mr Hissein Habré, a soulevé une polémique, non pas inattendue, mais à beaucoup d’égards bien nourrie. Chacun y est donc allé de sa verve et de sa plume, essayant soit de défendre l’accusé, soit de l’incriminer au maximum ; selon que l’on croit ou non que le sieur est fautif. Pour ma part, je continue à m’intéresser à l’affaire, en tant que citoyen tchadien, soucieux d’un avenir meilleur pour mon pays, fait de justice, d’équité, de bonne gouvernance, d’égalité des chances pour tous les citoyens du pays ; et surtout préservé d’une culture barbare d’impunité ou de culpabilité collective, telle qu’elle a été distillée depuis un certain nombre d’années déjà.

C’est à ce titre que je ne puis m’empêcher de réagir vigoureusement aux propos de Mr Amadou Tidiane WONE, ancien Ministre Sénégalais, propos parus sur le site d’Alwihda, en date du 29 Octobre 2005 et stigmatisant Mr Alioune TINE de la RADDOH (Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme), un autre Sénégalais, qui lui, se bat avec bien des personnalités diverses pour l’extradition et le jugement de Mr Habré en Belgique. Mr WONE y prend la défense de Hissein Habré, devenu son ami, d’une manière très sentimentale – que ne ferait-on pour un ami, cela se comprend donc – mais surtout à la fois simpliste et brutale, ce qui se comprend moins pour un haut dignitaire de son rang et d’un pays qui s’appelle, tenez-vous bien, le Sénégal.

Parmi ceux qui s’évertuent à défendre Hissein Habré – hormis ses avocats, puisque ceux-ci sont en général payés chèrement pour faire un travail professionnel, peu importe qu’ils aient la conviction intime ou pas de l’innocence de leur client – on peut grossièrement distinguer trois groupes, pour des besoins de simplification. Premièrement : ceux qui sincèrement croient que Mr Habré n’a commis absolument aucun mal et qu’on l’accuse vraiment injustement. Si je dois faire confiance à mon intuition, cela m’étonnerait fort que ce groupe soit constitué d’un nombre écrasant de personnes informées et lucides. Deuxièmement : ceux qui croient qu’il a commis juste quelques fautes en tant que Chef d’Etat et donc détenteur d’un grand pouvoir – somme toutes négligeables à leur avis - et que l’on pourrait très bien passer l’éponge là-dessus sans grand dommage. Après tout, se pourrait-il qu’ils se disent : quel chef d’Etat n’a pas commis le moindre tort ? Pourquoi donc s’acharner sur Habré? Il se pourrait que des personnes proches de l’ancien Président pensent ainsi. Troisièmement : ceux qui croient qu’il a commis de graves fautes, des crimes même, soit par omission et négligence, soit par préméditation, donc activement et consciemment, parfois même consciencieusement ; carrément des crimes contre l’humanité, et que pour cela, il faudrait bien que la justice l’entende un jour.

Je ne suis ni du premier, ni du deuxième groupe ; pas la peine de vous dire que j’appartiens donc logiquement au troisième. Par contre, je ne sais pas exactement où classer Mr WONE. Je ne lui ferais pas l’insulte de le classer dans le premier groupe, mais à la lecture de son plaidoyer en faveur de Mr Habré, j’ai de la peine à le voir objectivement dans un autre groupe ; il semble donc bien mériter le premier. Pour appuyer ma perception, permettez-moi de vous reprendre certains de ses propos. Par exemple, parlant de la persistance de Mr Alioune TINE pour l’inculpation de son ami Habré, Mr le Ministre écrit : « …Tout cela au bon plaisir d’organisations dont on peut se demander de quelle légitimité elles tirent leur prétention à poursuivre une personnalité dont elles ont déjà décidé de la culpabilité. ». On pourrait en dire plus, mais pour faire court, rétorquons simplement à Mr le Ministre de quelle légitimité il tire lui-même sa propre prétention à ignorer le témoignage de nombreuses victimes qui sont déjà passées par Dakar pour convaincre l’opinion publique de ce pays, et continuent à le faire ? De quelle légitimité tire-t-il sa propre prétention à innocenter si facilement Habré ? Mr le Ministre, si vous voulez accorder le bénéfice du doute à votre protégé, sachez que l’on peut tout aussi bien l’accorder aux plaignants. Mais c’est vraiment trop de concession ici, car en réalité, des preuves d’accusation existent, et il semble qu’elles soient vraiment crédibles.

Un autre passage : « Je sais, l’on me parlera de l’universalité de la justice…l’on évoquera les « droits de l’Homme », devenus la panacée et dont les militants seraient l’incarnation de la vertu. ». En d’autres termes, si certains militants des droits de l’homme sont fautifs du moindre mal, cela suffirait pour que les victimes de quelque bourreau que ce soit, ne soient jamais entendus ; moins encore que l’on entende le coupable. J’exagère à peine, et vous laisse la latitude d’autres commentaires…

Un autre passage encore plus croustillant : « Revenant sur le fond de l’affaire Habré, comme sur toutes les affaires politiques qui ont endeuillé des familles et blessé l’Humanité, l’attitude la plus conforme à la quête d’une pacification et d’une réunification des cœurs et des esprits, c’est le pardon et la réconciliation. L’Afrique du Sud l’a expérimenté sous nos yeux, sous la houlette d’un homme exceptionnel qui doit demeurer le phare des nouvelles générations d’africains, Nelson Mandela…Il ne faut jamais cependant attiser la haine et l’esprit de revanche. Il faut aider à l’accouchement de la grandeur en l’homme et non orchestrer une vendetta aux conséquences imprévisibles sur l’unification nécessaire du peuple tchadien… » Voilà qui est bien dit ! Je dois vous avouer humblement qu’en dépit de la gravité et de l’incongruence de ces propos émanant d’un Monsieur de ce rang, au lieu de m’attrister, je n’ai pas pu m’empêcher d’éclater de rire d’abord, avant de me ressaisir ; parce que c’est tout simplement insoutenable ! En d’autres termes, ce que nous devons comprendre de la part de Monsieur le Ministre: « chers victimes de Habré et de sa DDS (Direction de la Documentation et de la Sécurité – la tristement célèbre police politique de Habré), soyez des hommes, soyez grands, restez stoïques, ne soyez pas si revanchards. Ne voyez-vous pas vous-même qu’en voulant traîner Habré en justice, vous vous rabaissez ? Ne vous rendez-vous pas compte que vous cultivez ainsi la haine ? Vous devenez en fait moins que des hommes, ce faisant ! Vous contribuez ainsi à diviser le peuple tchadien et à empêcher sa nécessaire unification ! Voyons donc chers frères Tchadiens, un peu de bon sens ! Soyez des Mandela ! Devenez de vrais Mandéla, chers victimes de la DDS ! Pardonnez ! Pardonnez vite ! Pardonnez en fermant les yeux ! Allez donc vers la réconciliation ! »

Vous savez quoi ? Moi je trouve tout cela à la fois pathétique et honteux. Pathétique, parce que voilà un Monsieur fidèle en amitié, qui essaie de défendre par tous les moyens, légitimes ou pas son protégé d’ami. Honteux, parce que dans sa tentative de contorsions désespérées – c’est vraiment le cas de le dire – celui-ci saute littéralement du coq à l’âne ; et cela fait plutôt pitié. Comparer la situation d’apartheid dû au racisme anti-nègre, vécue par nos frères d’Afrique du Sud, aux atrocités commises par Habré et sa DDS pendant le règne de celui-ci ! Ce n’est pas décent. Non pas en termes de teneur seulement, mais surtout sous l’angle de la nature des choses. Car il me semble que l’on confonde ici deux situations aux racines totalement différentes. A moins…A moins seulement que l’on veuille insinuer qu’il y avait une raison raciste (selon quelle acception donc?) derrière les assassinats et les traitements inhumains infligés aux victimes de la DDS, et qui pourtant provenaient de toutes les régions et de toutes les ethnies du Tchad. Monsieur le Ministre s’aventure ici à parler de choses qu’il ignore parfaitement. Son cher ami Habré, en lui parlant de son peuple comme il l’écrit ( « …celui que je fréquente et qui me parle de son combat, de son peuple… »), aurait-il oublié de lui fournir certains détails ?

Parler de revanche quand les victimes et tous les gens saints d’esprit veulent seulement parler de justice, voilà un amalgame tordu et maladroit, trop maladroit pour être vrai : peut-être en réalité, une confusion délibérée, pour attendrir les esprits faibles et manipulables à merci? Quelle compréhension Monsieur le Ministre WONE se fait de la notion de pardon ? Qui a jamais parlé de haine ? Les victimes, elles ont peut-être souffert de haine – certainement de barbarie sinon. Mais en ce qui concerne Mr Habré, où est-on allé chercher la notion de haine ? Si l’on veut que la vérité soit dite, si l’on veut que justice soit faite ; parce que l’on souhaite que réparation soit faite ; parce qu’on ne voudrait pas que les souffrances et les douleurs indescriptibles d’aussi nombreuses victimes soient purement et simplement passées à pertes et profits, doit-on pour cela être accusé d’incitation à la haine ? Qu’est-ce que c’est donc encore que cette barbarie des temps modernes, qui se cache derrière des allures prétendument civilisées, et qui se manifeste ici par le refus de traduire en justice un tyran, qui a martyrisé son peuple, « fabriqué » des veuves et des orphelins?

Comme la plupart de mes compatriotes qui sont des victimes indirectes de Habré et de sa DDS, je n’ai pas de haine contre le sieur, même si je suis en parfaite colère contre le système qu’il a institué – que dis-je institutionnalisé – et qui a conduit à la mort, à une mort atroce tant de mes compatriotes. Je n’ai pas de haine contre Habré. Par contre, j’ai une soif très prenante de justice. Et si le procès de Habré pourrait contribuer à étancher cette soif, je trouve légitime de le réclamer. Il ne faudrait donc pas systématiquement voir derrière le désir de faire extrader Habré et de le faire juger, la manifestation d’une quelconque haine.

Répétons-le à satiété, nous n’avons pas de haine contre Habré ; nous avons seulement une grande soif de justice. Et il ne faut pas faire preuve de malice et de malhonnêteté, en voulant coûte que coûte interpréter cela comme une velléité de revanche. Pas de haine contre Habré. Par contre ce que nous lui souhaitons, c’est de faire preuve de ce même courage dont il a usé pour faire torturer…Qu’il fasse donc encore montre de courage pour affronter dignement la justice, et qu’après il se ressource de ce même courage pour demander pardon, s’il advient qu’on le déclare coupable. La vérité, rien que la vérité ; la justice, rien que la justice. Pour que cela serve, ne serait-ce que d’exemple. Pour que demain ne soit pas un éternel recommencement d’hier ; pour que demain soit meilleur qu’aujourd’hui. Car, il faut bien un jour ou l’autre que nous arrivions à rompre avec cette culture ambiante de l’impunité, génitrice d’autres atrocités insoupçonnées.

Que dire, que penser de ceux qui, comme Monsieur le Ministre WONE, ne comprennent pas, n’acceptent pas cette possibilité d’extradition pour que justice soit rendue ? Eh bien, soit que placés dans des conditions idéales, ils auraient bien pu être les complices des bourreaux ; soit qu’ils se moquent éperdument de la souffrance des victimes, parce qu’incapables d’empathie à leur égard et ne pouvant pas faire l’effort, somme toute humain, de se mettre à la place d’autrui, obnibulés qu’ils sont par leur sympathie à l’égard de leur cher Hissein Habré, devenu à leurs yeux un vrai agneau – pour les besoins de la cause !

Mr le Ministre semble insister particulièrement sur les vertus du pardon ; de prime abord, personne ne peut penser sérieusement le contraire. Mais il oublie en même temps que ce faisant, il se contredit grossièrement, lui qui semble convaincu intimement que Habré est innocent…Voilà qu’il réclame à cor et à cri qu’on lui pardonne. Mais lui pardonner quoi donc ? Je croyais qu’il était sans reproche, votre Habré, Mr le Ministre, puisqu’il a fait sur vous l’effet d’un parfait agneau divin, comme on peut le percevoir, à la manière dont vous parlez de lui : « J’ai pour ma part connu Hissein Habré après avoir pris sa défense publiquement sans l’avoir rencontré auparavant. Il y a cinq ans. Il est devenu un ami, un frère. Je parle donc de quelqu’un que j’ai appris à connaître et à aimer…Celui que je fréquente et qui me parle de son combat et de son peuple, ne ressemble en rien à celui que l’on dépeint dans les journaux.» D’accord. Mais d’où vient donc que subitement on doive lui pardonner des choses?!

En réalité, Mr WONE, et en essayant de décrypter vos idées, si Mr Habré s’est bien comporté avec vous, cela suffirait pour le laver de tous ses péchés, et pour surtout ne pas le poursuivre en justice. Cela suffirait à effacer tout, n’est-ce pas ? Mais décidément, Mr le Ministre fait exprès ou quoi ? Il aurait donc fallu que Habré se comporte avec vous en tortionnaire, en autocrate, bref en vilain pour que les accusations portées contre lui de crimes contre l’humanité fussent vraies. S’il a été gentil et large avec vous ; s’il a été courtois et humain ; s’il n’est plus le même Habré de 1982 à 1990 ; s’il n’est plus le demi-dieu de N’djaména et du reste du Tchad, c’est donc que la DDS n’a jamais existé ; c’est donc qu’il n’a jamais rien su de cette DDS ; c’est donc que personne n’ a été torturé là ; c’est donc que personne n’y est mort ; c’est qu’en réalité on en veut à Habré pour rien. Ce Monsieur est trop bon pour avoir été le cerveau et le commanditaire de ces atrocités et de ces barbaries d’un autre âge. Belle démonstration s’il en est ! Mais qui croyez-vous pouvoir convaincre ? Qui croyez-vous arriver à rallier à votre cause? Des Sénégalais peut-être? Des Tchadiens ? J’en doute fort, à part un cercle assez restreint composé des gens de sa famille et de ses complices probablement.

Comment peut-on pardonner quoi que ce soit à quelqu’un qui n’a rien fait, Mr le Ministre ? Mais arrêtons cette polémique puérile et revenons-en à des sentiments meilleurs…Mettons que Habré n’est pas si innocent qu’on veut bien le dire ; que l’on a plein de choses à lui reprocher, de graves choses, de très graves choses même, des choses de l’ordre du crime, de l’ordre carrément du crime contre l’humanité…Car les preuves, les plaignants en ont des tas de crédibles et d’accablantes. Donc, admettons que Habré n’est pas si innocent et envisageons alors la possibilité de lui pardonner ses crimes. Alors, cette possibilité doit s’inscrire à mon sens, dans un processus normal de pardon, avec le respect scrupuleux des étapes intermédiaires, et non pas tomber comme par enchantement du ciel, comme une providence inouïe décrétée par Mr le Ministre WONE. Car, que je sache (puisque je suis croyant moi aussi), la volonté de Dieu n’est point qu’un être humain en fasse souffrir d’autres, sous quelque prétexte que ce soit, si j’ai bien compris quelque chose de ce que l’on peut oser appeler le cœur de Dieu.

Le pardon, disais-je doit s’inscrire dans un processus rigoureux, comme cela a été fait en Afrique du Sud, pour emprunter cet exemple vôtre, Mr le Ministre, même s’il n’emporte pas mon adhésion et ne me convient donc guère. Il doit au moins passer par quatre étapes : l’éclatement de la vérité ; la reconnaissance par l’accusé du tort commis à autrui et des préjudices y afférents ; le mea culpa de l’accusé qui doit ainsi faire sincèrement acte de contrition. C’est alors seulement que le coupable prononce la demande de pardon. En dernier ressort, il appartient à la victime, soit d’accorder le pardon, soit de le refuser. Eh oui, elle n’est pas obligée d’accorder le pardon, quand bien même il serait plutôt souhaitable qu’elle le fasse. Vous voyez donc, Mr le Ministre, que vous avez allègrement brûlé plus qu’une étape et d’importantes étapes. J’espère seulement que c’est vraiment par ignorance et non pas à dessein. Mais j’en doute, puisque vous savez bien qu’en Afrique du Sud, les étapes oh combien nécessaires et précieuses de ce processus rigoureux ont été respectées : ce n’est pas pour rien que l’on a mis sur pied là-bas la « commission vérité et réconciliation ». N’allez donc pas trop vite en besogne. Ne demandez pas l’absolution pure et simple de Mr Habré, avant l’heure.

Sachez que si le pardon peut à la fin se révéler comme une grande vertu de la justice, la justice, elle, ne peut tout simplement pas faire l’économie de la vérité, comme vous l’auriez souhaité.

Moi je ne suis pas avocat, je suis médecin. Quand il y a un abcès quelque part et qu’il a bien mûri (le pus s’est effectivement collecté dans une poche), la seule solution pour le guérir consiste à prendre un bistouri et à inciser la poche pour pouvoir vider le pus. Tant que le pus n’est pas vidé, on risque des complications pour le patient. Or, au lieu de cette incision radicale pour vider le pus, ce que vous préconisez reviendrait à caresser l’abcès avec une pommade antiphlogistique : ça ne marche pas ! Ce que vous nous proposez en voulant escamoter ces étapes indispensables du processus de pardon est tellement désinvolte que cela confine non seulement à un manque de considération pour le respect de la souffrance des victimes, un manque de respect pour la mémoire des nombreux disparus, mais une véritable insulte contre la nation tchadienne. En tant que citoyen de ce pays, je n’accepte pas que vous nous traitiez de la sorte.

A tous ceux qui veulent protéger Habré et qui ne voudraient surtout pas qu’il affronte la justice, je fais une proposition très simple. Vous êtes tellement convaincus que Habré est innocent ; c’est votre droit le plus absolu. Il y en a d’autres qui croient le contraire, et dont je fais partie ; c’est aussi leur droit le plus inaliénable. Chacun campe sur ses positions ; il faudrait bien que l’on nous départage, c’est-à-dire donc une tierce partie. Cette tierce partie s’appelle la justice : ça ne peut être que la justice ! A votre place, si j’étais tellement convaincu de l’innocence de mon protégé, qu’aurais-je à craindre de la justice ? Rien du tout – ou presque ! Car, s’il est vraiment innocent, il pourra toujours être acquitté. La seule chose pour laquelle je devrais me battre dans ce cas, ce serait l’assurance infaillible pour mon protégé d’avoir droit à une justice équitable et impartiale ! Voilà le vrai enjeu du débat ! La question ne devrait donc pas être de savoir si oui ou non Habré doit affronter la justice, puisque de toutes les façons, il y a des plaignants avec un dossier assez crédible. La question principale devrait être de savoir si oui où non on pourra assurer à Habré un procès impartial et équitable. C’est tout ! Laissons Habré passer devant une justice équitable et impartiale, et si tant il est que le sieur est innocent, cette justice va l’acquitter ; et s’il s’avère qu’il est coupable, elle va le condamner en fonction du degré de gravité de ses fautes. Pourquoi tourne-t-on donc inlassablement autour du pot, alors que c’est si clair ?! Je me demande parfois si la crainte des supporters de Mr Habré de le voir affronter la justice ne cache pas plutôt et en réalité une situation embarrassante : ils sentent confusément quelque part que leur protégé n’est pas si « clean » ; il pourrait ainsi fort bien être coupable, alors ils ont peur de le voir condamné par la justice. C’est évident ! Pour éviter donc un tel risque, ils ont trouvé la parade qu’il faut : absoudre Habré avant l’heure. Et alors, on y va de sa bonne prêche : surtout pas de haine, pardonnez, il y va de la réunification de votre pays le Tchad ; il y va de la grandeur des hommes de ce pays qui doivent tous désormais être des petits Mandéla.- selon la bonne interprétation des propos de Mr WONE. Mon Dieu, tout est bon pour obtenir ce que l’on veut ! Même s’il faut qu’au passage on nous prenne pour des imbéciles. Où sommes-nous, chers compatriotes !

Je ne voudrais pour rien du tout paraître insolent et irrespectueux à l’égard de qui que ce soit, mais pour sa propre gouverne, et en cette affaire, j’aimerais tout de même rappeler à Monsieur le Ministre WONE, cette histoire que l’on raconte un peu partout en Afrique de l’Ouest. Peut-être même que l’un ou l’autre de mes lecteurs en a déjà entendu parler. Un jour, un ressortissant d’un pays d’Afrique de l’Ouest (dont je me fais la politesse de taire le nom), vendeur ambulant d’objets d’arts et autres articles de curiosité, rencontre un touriste européen. Il lui tend un très beau lézard dont il vante les qualités et les mérites. Le touriste est bien sûr tout épaté et donc ainsi appâté; et notre ami vendeur de lui dire qu’il ne s’agit pas de n’importe quoi ; qu’il tenait là dans ses mains le petit du crocodile. Il suffirait donc de bien le nourrir pour qu’il grandisse progressivement et devienne un bon crocodile à mettre juste dans un marigot. C’est là une aubaine à ne pas rater, se dit certainement notre touriste. Peu importe si ce petit lézard coûte cher ; on s’en fout, c’est tout de même le petit du crocodile. Pas n’importe quoi ! Notre vendeur fait alors monter les enchères ; et ainsi il réussit à vendre à notre pauvre touriste d’européen ce lézard de rien du tout, à un prix défiant tous les pronostics. Un coup bien réussi, c’est peu dire ! Le sens de la persuasion ? Bien sûr. Par la ruse et le mensonge. Clairement. Alors, j’aimerais simplement dire à Monsieur le Ministre WONE que les Tchadiens sont loin d’être tous des touristes européens à qui l’on vendrait un minable lézard pour un crocodile. Surtout pas les intellectuels Tchadiens.

Dans une tout autre rubrique, je constate que la plus grande faiblesse de nous autres intellectuels africains, bientôt un demi-siècle après les indépendances, tout Ministre que nous sommes ou pouvons avoir été, c’est de toujours interpréter nos relations avec l’Occident et surtout l’Europe, sous l’angle permanent et quasi-morbide de la dialectique colonisé/ colonisateur, opprimé/oppresseur ; comme si cela seul suffirait à tout expliquer de nos innombrables déboires. C’est probablement cela qui justifie ce que le Ministre écrit : « Pour ce qui a trait au respect des conventions internationales et des « Droits de l’homme » dont on nous rebat les oreilles, les urgences sont là sous nos yeux, en Irak, en Palestine, en Afghanistan, dans la plupart des démocraties de façade qui sévissent encore en Afrique et à travers le monde. La première puissance du monde et ses protégés refusent de ratifier la plupart des conventions internationales qui vont dans le sens de leurs intérêts. Il y a sur ce front assez de boulot pour Human Rights Watch et compagnie ».

Ok, mais je note simplement que le Ministre affectionne décidément les amalgames et adore les confusions de genre par-dessus tout. Ce qu’il dit n’est pas faux, c’est même vrai ; mais ce n’est pas pertinent du tout : ce n’est pas à propos ! C’est comme si du jour au lendemain je me disais, tant que mon voisin ne balaie pas chez lui, ce serait trop que de me demander de balayer chez moi quand-même. Drôle de raisonnement pour être propre, n’est-ce pas !

Ainsi donc, et à mon avis, tant que nous autres africains ne ferons pas l’effort de sortir de ce genre d’enfermement morbide, mi-schizophrène, mi-paranoïaque par rapport au monde extérieur qui nous entoure, notre lucidité face aux délicats enjeux et défis de notre développement et de notre progrès va indubitablement en souffrir – pour le plus grand malheur des générations d’Afrique à venir. Il en va de même de nos attitudes et prises de position irrationnelles et rétrogrades, face à des besoins importants et impérieux de justice.

Dr Apollos Derguedbé NEBARDOUM
dnebardoum@itg.be

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MessagePosté le: Lun 05 Déc 2005 10:44    Sujet du message: Répondre en citant

Affaire Hissein Habré :
La réputation et la crédibilité du Sénégal en jeu

J’ai lu hier l’intervention du docteur apollos Deguedbe Nebardoum sur ialtchad.com s’indignant de ce que les intellectuels tchadiens ne réagissaient pas à la campagne de blanchissement de Hissein Habré menée depuis quelques semaines par quelques intellectuels(sic) sénégalais. J’étais tombé sur la réaction de Nebardoum en cherchant, après avoir lu l’article de Amadou Sarr publié sur lequotidien.sn et «kiosqué» par ialtchad, à rassembler les autres articles à la même odeur afin d’en faire une synthèse avant de réagir.

Avant de m’occuper au fond des arguments avancés par monsieur Sarr, je voudrais, en guise de préliminaire, dire quelques mots de cette campagne pro-Habré et de l’attitude des tchadiens :

1) Il est curieux que, pour un problème qui a dépassé les frontières tchadiennes et sénégalaises, le seul support de Hissein Habré vienne du Sénégal. Mais on comprend cette situation quand on sait que le pays de la Teranga est la terre qui a accueilli Habré après sa chute et où il a investi des milliards de francs CFA qui lui ont fait, sans conteste, des obligés. Alors, lorsque monsieur Sarr évoque une campagne anti-Habré qui serait financée par les détracteurs de l’ancien dictateur, je me demande simplement si ce n’est pas la une arme qui pourrait plutôt être utiliser contre lui et les autres personnes de même acabit qui font chorus pour que Hissein Habré demeure impuni. Heureusement que ces «intellectuels» ne représentent qu’eux-mêmes et leurs intérêts cachés et non l’opinion des sénégalais ;

2) Les arguments utilisés par les acteurs de cette campagne sont difficile à classer intellectuellement : tantôt on invoque le panafricanisme, le néocolonialisme, tantôt on s’abrite derrière l’hospitalité et l’islam. Pour nous Tchadiens, pour les victimes de la DDS, pour toute la communauté des défenseurs des droits de l’homme à travers le monde et, je le suppose, pour tout homme sensé, l’affaire Habré est une affaire judicaire, point ! nous pouvons ergoter, discutailler longtemps sur les arguments non juridiques, et nous aurions perdu du temps, de la salive ou de l’encre alors que le problème de fond demeurera : Des êtres humains, beaucoup d’êtres humains ont été tués et on cherche à faire payer ceux qui se sont rendus coupables de ce crime odieux. D’ailleurs, les vrais champions du panafricanisme, ceux qui ont une voix autorisée à l’échelle continentale dont Alpha Oumar Konaré par ailleurs Président de la Commission de l’Union Africaine, se sont ouvertement prononcés pour que monsieur Habré réponde de ses crimes ;

3) Les tchadiens sans distinction vivent encore soit directement soit indirectement les séquelles des bavures du règne de Habré. Pour eux, il ne s’agit pas d’un jeu de l’esprit, un loisir que d’élucubrer sur les péripéties judiciaires de l’Affaire Habré ;

4) Les tchadiens ne se sentent pas seuls concernés par l’affaire Habré, accusé d’actes de torture et de crimes contre l’humanité qui sont des crimes du droit international et, comme tels, doivent interpeller la conscience de toute l’humanité ;

5) De grâce, que l’on arrête de se mettre a la place des tchadiens pour dire si Habré a été un bon homme d’Etat ou pas.

Ces quelques observations préliminaires étant faites, je voudrais maintenant m’atteler plus spécifiquement à décortiquer l’argumentaire de monsieur Amadou Sarr.

Monsieur Sarr s’appuie sur le fait que la justice belge a montré ses limites faces à des accusés plus puissants tels que Ariel Sharon et Georges Walker Bush, respectivement Premier Ministre Israélien et président des Etats-Unis d’Amérique. Il exhibe aussi le fait que l’on s’acharne contre monsieur Habré seul tandis que ses complices aujourd’hui au pouvoir à N’djamena ne sont pas inquiétés. Sarr accuse alors la Belgique de néocolonialisme et invoque le panafricanisme du Sénégal qui est interpellé afin de barrer la route au soi-disant impérialisme juridique de la Belgique, petit Etat européen aux mains rouge du sang de Lumumba et d’autres africains, qui s’érige en donneur de leçons de justice et de droits de l’homme.

Je ne vois pas franchement où se situe le prétendu néocolonialisme puisque la Belgique n’a pas l’intention d’imposer quoi que ce soit sur le Sénégal. Jusque-là, à moins que Monsieur Sarr me fournisse la preuve du contraire, tout se situe dans les procédures reconnues par le droit international : Monsieur Habré est accusé par des victimes belges devant la justice belge et un mandat d’arrêt en bonne et due forme a été émis contre monsieur Habré, lequel mandat a été remis, avec les courtoisies diplomatiques requises, aux autorités sénégalaises, à charge pour elles d’y donner suite ou non. Cela se pratique entre toutes les nations civilisées et ne devient pas du néocolonialisme simplement parce que l’Etat qui demande l’extradition est européen et l’Etat qui abrite la personne à extrader est africain.

Parlant de la compétence de la justice belge pour connaître de l’affaire Habré, je rappellerais à Monsieur Sarr qu’en Droit international, la compétence est essentiellement déterminée par l’un quelconque des principaux éléments suivants : la nationalité (soit le criminel, soit la victime a la nationalité de l’Etat), la territorialité (compétence de l’Etat sur le territoire duquel le crime a été commis), et l’universalité. L’universalité concerne des crimes qui, de par leur ampleur, sont considérés par le droit international comme étant une offense à la communauté de Etats dans son ensemble et obligation est faite à tout Etat où se trouve le criminel soit de le juger, soit de l’extrader vers un autre Etat qui est disposé à le juger (aut debere, aut judicare : extrader ou juger). Ces crimes universels incluent la torture, les crimes de guerres, les crimes contre l’humanité, la piraterie, etc.

Deux au moins des crimes reprochés à monsieur Habré relèvent de la compétence universelle : la torture et les crimes contre l’humanité. Bien sur, la loi belge sur la compétence universelle a été amendée, mais cet amendement est intervenu pendant que la justice était déjà saisie de l’affaire Habré et elle ne peut donc pas rétroagir. Et même si elle devait rétroagir, elle laisse une fenêtre pour le cas où des citoyens belges seraient des victimes. Or, justement, certaines des victimes, tchadiennes au moment des faits, sont présentement des citoyens belges. Le fait qu’elles n’étaient pas belges au moment des faits est d’ailleurs inopérant puisqu’une fois devenues belges, elles ont continué à subir les effets physiques et psychologiques des actes de torture pratiqués sur elles par le régime Habré.

Le fait qu’Hissein Habré seul soit poursuivi tandis que les autres criminels ne soient pas inquiétés ne saurait être un argument pour absoudre monsieur Habré. Il est évident qu’en huit ans de terreurs, de nombreuses personnes ont pu, dans l’ombre de Hissein Habré, se rendre coupables de crimes et d’actes de torture, mais doit on tous les juger en Belgique ? Peut-être que Monsieur Sarr n’en est pas informé, mais il y a des procédures suivant leur cours au Tchad même contre ceux qui, sous Habré, ont commis des actes de tortures. Cette pratique n’est pas différente de ce qui se passe au niveau international avec par exemple le Tribunal Pénal International pour le Rwanda qui ne juge que les plus hauts responsables du génocide de 1994, laissant aux tribunaux nationaux la tâche de s’occuper des subalternes. Et juger Habré en Belgique s’avère être la solution la plus sage vu que les conditions d’un procès équitable ne sont pas réunies au Tchad où la sécurité même de Monsieur Habré ne peut pas assurée. De plus le Sénégal s’est déclaré incompétent pour le juger. Alors, doit-il rester impuni ? Le bon sens me dit que «non» !

Parlant de Monsieur Idriss Deby, sa qualité de Président en exercice le met un peu à l’abris des poursuites pour le moment mais rien ne dit qu’une fois avoir quitté le pouvoir, il n’aura pas à répondre des actes qui lui sont reprochés.

Monsieur Sarr évoque la Charia qui interdirait à un pays musulman de porter atteinte à la sécurité et à la tranquillité de son hôte. Je ne suis pas musulman et, à ce titre, J’attends sur ce point l’intervention d’autres musulmans pour confirmer ou infirmer cette grave affirmation. Je sais au moins que l’islam sanctionne les musulmans qui, sans raisons valables, versent le sang d’autres musulmans. Et les actes reprochés à monsieur Habré ont été commis sur des musulmans et des non-musulmans de manière indiscriminée.

Le fait que Bush et Sharon, par la puissance de leurs Etats arrivent à braver la justice internationale ne doit pas conduire des Etats qui se présentent comme les bons élèves du droit international et des droits de l’homme comme le Sénégal à bafouer le droit et la justice internationale. Je suis convaincu que les dirigeants sénégalais, dans leur sagesse, entendront la voix de la raison et du droit et feront la sourde oreille à cette campagne qui veut qu’on passe purement et simplement une croix sur la vie de 40.000 personnes. Le Sénégal n’en sortira que grandi. La crédibilité du Sénégal comme terre des droits de l’homme et sa réputation de leader africain se jouent dans l’affaire Habré.

Nadjita F. Ngarhodjim, Juriste, N’djamena, Tchad.
nfngarhodjim@francophone.net


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MessagePosté le: Lun 05 Déc 2005 10:49    Sujet du message: Répondre en citant

L'article ci-apres me parait le plus equilibre, plus constructif et qui propose une issue de sortie en inscrivant le proces Habre dans le sens de l'histoire mouvementee du Tchad. Ces articles, je l'espere, pourront nous aider a voir un peu plus clair sur la problematique tres complexe de "l'Affaire Hissein Habre" en dehors de l'approche Blanc/Noir mais sous la perspective des victimes d'abord, car c'est d'elles qu'il s'agit en premier lieu. Ceux qui auront le courage de lire tous ces articles seront eclaires sur de nombreux points dans cette affaire.

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Que cherchons nous en jugeant Hissein Habré ?
Par MBAIHORNOM BRUNO (Nouvelle version)

Tout observateur attentif ne se fera point d’illusion : la convergence d'indices à laquelle nous assistons montre clairement que nous nous acheminons lentement vers une comparution possible de Hissein Habré devant les juridictions internationales, notamment belges. La détermination de l’ensemble de la communauté mondiale et celle des compatriotes victimes de ses dérives autoritaires en témoignent. Mais la question qui nous habite à l’heure actuelle est de savoir quels sont les buts réels que nous voulons atteindre par ce jugement historique que la société civile et toutes les personnes de bonne volonté réclament à cor et à cri en dépit du torpillement du Sénégal. Autrement dit, quelle est la condition sine qua non à remplir pour bien tirer profit de ce procès unique en son genre en Afrique? Qu’est-ce qu’il convient légitimement d’en attendre ? Quelles sont les perspectives politiques d’un tel procès pour notre pays et pour l’Afrique considérée à tort ou à raison comme le continent par excellence de l’impunité ?

Dans cette modeste réflexion, nous procéderons d’abord à une analyse critique des responsabilités qui ont conduit aux massacres sans précédent de nos compatriotes. L’enjeu principal de cette analyse, une fois circonscrite dans son contexte historique, sera de montrer pourquoi et comment nous en sommes arrivés là. Ensuite, nous proposerons que ce célèbre procès, s’il a effectivement lieu, soit placé sous le signe d'une approche politique du pardon. Nous prônons cette approche comme une voie possible d’une conversion authentique des cœurs pour une nouvelle société tchadienne fondée sur l’amour, le pardon, la rigueur, l'efficacité, le partage et l'entente mutuelle.

I. RESPONSABILITES EXTERIEURES ET INTERIEURES DES MASSACRES.

I.O. Constat introductif

Les enquêtes menées par l’Association des Victimes des Crimes et Répressions Politiques(AVCRP) que dirige le courageux Ismaël ACHIM ont abouti à un résultat effroyable : 40.000 morts! Un tel chiffre pour une population de moins de 10 millions d'habitants est énorme. C’est proprement un massacre. On peut parler d'une catastrophe humaine sans la moindre intention d’exagérer. Pire, les responsabilités de ces exterminations, aussi bien extérieures qu'intérieures, ne sont pas clairement établies jusqu'à ce jour. Nous essaierons d'y réfléchir dans les lignes qui suivent.

I.1 RESPONSABILITES EXTERIEURES.

Mener une réflexion sur les responsabilités des arrestations, des tortures et autres exactions extrajudiciaires de l'époque Habré est une tâche des plus délicates. En effet, il est toujours difficile de cerner avec exactitude l'identité des coupables qui, on le sait, sont nombreux. Cependant, à partir des indices, des expériences individuelles et collectives, des textes historiques et de l'armement gigantesque qui faisaient la force redoutable de Habré, nous sommes en mesure de déduire quelque chose de crédible, de plus proche de la réalité. Car, il est évident que les arrestations, les tortures et autres exactions extrajudiciaires ont eu lieu. Elles se pratiquaient au vu et au su de tous. Mais, avant de revenir plus en détail sur les responsabilités de cette période sombre de l'histoire de notre pays, il est éclairant d'en établir le contexte.

Celui que nous considérons aujourd'hui comme le dictateur sanguinaire est non seulement le produit de la guerre froide mais aussi et surtout de l’histoire particulière de notre pays que violences politiques et arbitraires de toutes sortes ont profondément marquée. Mais le plus important est de souligner que Habré était le protégé de certaines grandes puissances occidentales qui l’avaient conduit au pouvoir en 1982 pour des raisons militaires et stratégiques. Nous fondons cet argument sur le fait qu’il est difficile de comprendre autrement tout l’arsenal militaire qui faisait sa puissance. Il est vrai que le Tchad était en ce moment en guerre contre la Libye qui, le considérant comme "son prolongement naturel", avait annexé une partie de son territoire. Il est aussi vrai que des rébellions contre le régime Habré surgissaient ça et là dans le pays, surtout au Sud. Ce qui favorisait la prolifération des armes et pourrait éventuellement justifier la dotation d'un pays d'armes pour la défense du régime Habré.

Mais cela ne constitue pas une explication suffisante pour rendre compte de tout cet immense armement. Les intérêts que Washington et Paris visaient à s’assurer, en ce qui concerne la période de la guerre froide, étaient surtout de contrer les visées impérialistes de l’Union soviétique sur l’Afrique Centrale par le truchement de la Libye. Il leur fallait donc un régime-maison, manipulable, au Tchad, pays stratégiquement important pour maîtriser cette partie de l'Afrique. D'où le soutien sans faille à Habré.

Ce dernier, une fois installé au pouvoir, détenait le droit de vie et de mort sur ses concitoyens. Son ardeur de vengeance en filigrane de sa politique équilibriste était renforcée et mise en pratique grâce au silence coupable de ceux qui avaient pourtant les moyens d'y mettre un terme. C'est pourquoi, les violations massives des droits de l’homme, les humiliations, les frustrations et autres crimes économiques se multipliaient. Ce qui revient à dire que nous avons été, durant l’époque de Habré, les victimes de la guerre froide et de la poursuite d'autres intérêts économiques et politiques. La guerre froide nous montre que les responsabilités extérieures sont à la mesure des disparitions massives des Tchadiens. Qu'en est-il de la participation des compatriotes eux-mêmes?

I.2 LES RESPONSABILITES INTERIEURES

A ces causes extérieures de l'intensité des violences exercées sur la population tchadienne, violences que l'impunité n'a fait qu'exacerber, il convient d'ajouter les responsabilités intérieures: celles des compatriotes, c'est-à-dire les responsables politiques, militaires et autres de l’époque. Deux axes historiques permettent d'en établir les contours.

a) D'abord le régime Tombalbaye

Pour bien comprendre la quintessence de ce qui s'était passé sous Habré, il est utile de remonter au premier régime pour y déceler les germes de la violence. En effet, le premier gouvernement de l'époque dite indépendante était souvent accusé d'avoir isolé la partie septentrionale de notre pays. Mais posons la question de savoir d'où venait cette "marginalisation".

a.1 Les populations musulmanes ont participé à leur marginalisation.

Les faits historiques révèlent que nos compatriotes du Nord avaient refusé non seulement d'envoyer leurs enfants à l'école du colonisateur mais aussi toute forme de collaboration avec lui. Celui-ci n'avait eu d'autre choix que de s'établir dans le "Tchad utile", expression malheureuse pour désigner le sud, plus ouvert à l'instruction coloniale et partant à la culture française. De modestes écoles et industries y étaient construites et rendaient possible un semblant de développement. Un déséquilibre entre les deux parties du pays était apparent et provoquait un profond sentiment d'injustice chez nos compatriotes du nord qui, du coup, oubliaient que leurs propres parents avaient une part de responsabilité dans leur situation en les enfermant dans l'ignorance.

L’anthropologue Claude Arditi le démontre avec une lucidité particulière dans son article "Les conséquences du refus de l’école chez les populations musulmanes du Ouaddaï au XXème siècle."

Les populations musulmanes du Tchad et particulièrement celles du Ouaddaï ont manifesté de diverses manières leur refus du pouvoir colonial et de ses institutions. La scolarisation en français s’est heurtée à l’hostilité des élites politico-religieuses qui ont préféré envoyer leurs enfants poursuivre leurs études dans les universités des pays arabes. La non-reconnaissance de la validité de leurs diplômes dans un Tchad indépendant et exclusivement francophone est à l’origine d’une opposition politique des diplômes en arabe regroupés à l’intérieur de divers mouvements politiques luttant contre le parti unique et le développement économique exclusif du Tchad méridional. Les populations, en majeure partie Sara qui y vivaient avaient, quant à elles, mieux accepté l’école et le christianisme et avaient par conséquent investi les sphères du pouvoir étatique à l’octroi de l’indépendance.

Prenant subitement conscience de l’importance de cette même école qu’ils avaient boycottée, nos compatriotes septentrionaux emploient tous les moyens, y compris les plus illégaux, pour « rattraper » le retard accumulé :

L’achat des diplômes, devenu courant depuis 1990, constitue l’un des multiples aspects que revêt le conflit nord-sud. Cette pratique permet de rattraper en partie, par des moyens illégaux, le retard scolaire accumulé par les populations musulmanes et leurs donne ainsi la possibilité d’accéder à des postes de responsabilité dans la sphère étatique.

Arditi conclut son analyse radioscopique sur des conséquences dramatiques de cette attitude dénouée de toute vision politique lucide :

Le refus de l’école qui a caractérisé le comportement des populations musulmanes du Ouaddaï à l’époque coloniale, ainsi que de nombreuses sociétés d’Afrique subsaharienne, s’est révélé lourd de conséquences socio-économique et politique pour le pays.

C'est dans ce contexte de déséquilibre se révélant pernicieux à l'indépendance que Tombalbaye était arrivé au pouvoir. Mais ses administrateurs envoyés dans le Nord prirent le relais du colonisateur et se conduisirent comme de nouveaux colons à l’égard de leurs compatriotes et non comme leurs gestionnaires avisés. Non versés dans les coutumes locales, peu préparés à ces genres de responsabilités, ils avaient souvent la main lourde à l'égard de leurs compatriotes. Ce qui explique les massacres parfois incompréhensibles des populations sans défense et autres injustices criantes qui avaient fini par enfouir dans les mémoires des haines rentrées, lesquelles avaient donné des fruits vénéneux pendant le règne de Habré.

Ces injustices et autres erreurs politiques du premier régime ont conduit Abatcha et ses collaborateurs à créer le Frolinat en juin 1966, mouvement politico-militaire dont l’un des objectifs majeurs était d’abord la défense de leurs parents dont la sécurité était mise à mal. Même si cet homme intègre et charismatique n’avait pas pu conduire son mouvement au pouvoir, ses convictions politiques étaient largement partagées par l’ensemble de ses compagnons d’armes et de ses co-régionnaires. Il suffit, pour s’en convaincre, de se rappeler comment Habré, de la Libye où il assumait ses fonctions pour le compte du Tchad, a réussi à intégrer le mouvement et à s'y imposer par la suite.

Ce qui est certain, c’est que Habré et ses compagnons d’armes étaient venus au pouvoir avec d'énormes préjugés négatifs: ils étaient remplis d’un ardent désir de venger leurs parents et leur région. Ils étaient habités par des haines rentrées. En cela, on peut légitimement considérer son régime comme étant une réplique de celui de Tombalbaye. Ce qui nous permet de dire qu'avec Habré nous avons fait l’expérience d’un cercle vicieux et infernal.

a.2 Une marginalisation survalorisée comme fond de commerce politique.

Cependant, il n'est pas juste d'exagérer cette dite marginalisation qui était, certes, une réalité, du moins pendant la colonisation, mais tellement survalorisée par la suite qu'elle a justifié toutes les dérives dictatoriales de nos gouvernants. L'analyse de Michel N'gangbet Kosnaye est à ce propos éclairante:

Il est inexact de dire que le pouvoir de Tombalbaye a mené d'une manière délibérée une politique de déséquilibre au profit d'une région. Pour étayer cela, on peut ressortir de nombreux projets: route triangulaire Fort-Lamy/Abéché/Fort-Achambault, chemin de fer Douala/Tchad/Bangui/Fort-Lamy, cimenterie de Léré, etc.

Bien plus, les massacres du régime Tombalbaye n'étaient pas l'apanage du Nord dans la mesure où tous ceux qui représentaient une menace pour son régime étaient systématiquement mis en prison ou tués, y compris les ressortissants du Sud. Se rappeler les arrestations de Ahmed Kotoko ( en septembre 1961, de Jean-Baptiste en janvier 1962 et 1963 et de Toura Ngaba en juillet 1962) pour s'en convaincre. Se rappeler aussi le yo ndo dont Tombalbaye profitait pour mettre à mort certains ressortissants du Sud, considérés à tort ou à raison comme étant des obstacles à la mise en place de sa politique.

Ce coup d'œil rapide à l'époque de Tombalbaye nous permet de constater que les germes de divisions étaient inconsciemment et maladroitement semées. Il nous ouvre aussi l’intelligence des massacres des populations sous Habré.

b) Le régime Habré.

Il existe un lien évident entre le régime de Tombalbaye et celui de Habré. Les violences et autres sévices exercés sur les populations sans défense constituent leur point commun majeur. Habré, connu pour son penchant divisionniste et équilibriste, voulait "arrêter" le progrès du Sud pour rendre possible celui du Nord. La plupart de ses affirmations et de son programme politique, bien que quasiment inexistant, le démontrent.

Cela dit, quand on parle de régime, on évoque, sans la nommer, la sphère publique, c’est-à-dire un grand nombre de personnes. Le régime Habré était un système, le pire, dont les roues étaient tournées grâce à un groupe, c’est-à-dire à une chaîne de responsabilités savamment mise en place et orchestrée. En effet, les forces de déshumanisation, les bras vigoureux et les intelligences mal éclairées s'étaient spontanément et volontairement mises à son service. Voilà pourquoi, il faut faire la part des choses à ce niveau en précisant que Habré, en tant qu'il est le garant de la sécurité de ses concitoyens, est le principal responsable moral et politique des violences que nous avons connues sous son régime. Cependant, il n'en est pas le seul responsable social. Bien plus, nous avons constaté des silences intérieurs étonnants, assimilés à une option de réalisme politique, mais exprimant un manque de courage politique. Ces deux dimensions de la responsabilité intérieure nous obligent à adopter une grille de lecture d'une tout autre nature que celle qui est couramment proposée, notamment l'empressement à ne se contenter que de l'aspect juridique et judiciaire du procès.

II. L'APPROCHE POLITIQUE DU PARDON.

La dimension politique du pardon est une démarche importante permettant de trouver une profonde assise d'intégration sociale. En effet, dans des situations où beaucoup de personnes sont impliquées dans des massacres et autres crimes économiques, comme c'est le cas au Tchad, la justice pure et dure ne fera qu'aggraver le fossé entre les différentes populations pourtant appelées à vivre en bonne intelligence. Tout en réparant les fautes, la justice cherchera à donner raison à certains groupes et tort à d'autres. Or, le vrai problème à l'heure actuelle à notre humble avis est de trouver un mécanisme politique d'intégration qui, tout en sanctionnant, guérit les cœurs et rend possible une réconciliation nationale, véritable ciment de la coopération sociale. Le pardon politique, en tant qu'il est cet élément intégrateur, s'impose.

Le pardon est une réalité essentiellement anthropologique, souvent survalorisée par les religions. Les fondements chrétien et islamique qui existent chez nous en témoignent. Ils mettent en lumière que le fait de pardonner à l'autre des torts qu'il a commis s'inscrit avant tout dans une dynamique de relation interpersonnelle. Cette tension interpersonnelle vise à trouver un terrain pour permettre de continuer une vie commune paisible. C'est une démarche à répétition susceptible de corriger les heurts pour rendre possible une vie harmonieuse. De ce fait, le pardon, bien que affaire de personne à personne, peut connaître des formes politiques et sociales pour les raisons suivantes.

Dans le cas de Habré, nous ne sommes plus dans le cadre d'une relation interpersonnelle. Il s'agit au contraire d'un domaine public où les responsabilités de beaucoup de gens sont à établir. Autrement dit, nous sommes dans un cadre de l'impossible pardon dans la mesure où, en rigueur de termes, le pardon ne s'effectue qu'entre deux personnes. Il y a donc comme un blocage, un enfermement qui empêche de tendre résolument vers la possibilité de l'être-ensemble. Car, le vrai pardon, du moins en ce qui concerne la conception religieuse, se réalise entre deux personnes. C'est pourquoi, l'approche politique du pardon s'avère nécessaire s'agissant de la sphère publique.

II. 1. LA DIMENSION POLITIQUE DU PARDON

Nous entendons par approche politique du pardon un mécanisme politique plus englobant et dont le premier objectif est de transcender le cadre de l'impossible pardon. Car, ne pas le franchir reviendrait à avouer notre incapacité à nous pardonner et ainsi à surmonter nos différends qui ont constitué ce passé maléfique. Or nous défendons ici l’idée selon laquelle aucune société ne peut effectivement et volontairement accepter de vivre sous la domination d’un passé fait de violences, d’arbitraires, de crimes économiques, à moins de se laisser dominer par lui. Le pardon délie constamment les personnes du mal qu’elles ont commis. Sans le pardon qui les libère d’un passé honteux et maléfique qui les entrave, l’action commune chez nous sera mise à mal, en quelque sorte paralysée ou même rendue impossible. Le mal, quelle que soit sa gravité, ne doit pas emprisonner l’avenir d'un pays en l'enfermant dans des haines et des divisions de toutes sortes. Cela dit, trois raisons fondent à justifier la dimension politique du pardon.

D'abord, l'approche politique du pardon est la seule capable de nous aider à souligner, lors de la comparution de Habré devant les juridictions internationales, le nécessaire lien entre la justice et le pardon. Car s'il est évident qu’il n’y a pas de vraie justice sans vrai pardon, il est tout aussi clair qu'il n’y a pas de vrai pardon sans vraie justice. Il existe donc un lien naturel, intrinsèque et indispensable entre ces deux dimensions importantes de la réconciliation. Ensuite, l'approche politique du pardon s'impose du fait que de nombreuses personnes, surtout nationales, sont directement impliquées dans ces massacres. Qui faut-il honnêtement juger ? Les cerveaux du système? Les bras mis à son service? L'extérieur? Voilà les vraies questions qui doivent être établies en lien avec ce procès historique. Enfin, la plupart des victimes et même des coupables ne sont plus là pour, soit accorder le pardon, soit en recevoir.

C'est pourquoi, nous devons adopter l'approche politique du pardon pour réfléchir de manière adulte sur les relations difficiles entre nous et proposer des solutions concrètes pour les résoudre en profondeur. Une telle démarche est susceptible de nous conduire à un pardon effectif et authentique de ceux qui ont fait de nombreux torts au Tchad. Il ne s'agit pas d’un pardon naïf, stratégique, voire machiavélique qui vise à tromper l’adversaire afin de le prendre au piège et de l’éliminer aussi bien physiquement que sur le plan de la dignité humaine. Il ne s'agit pas non plus de renoncer à juger Habré. Ne pas le juger encouragera l'impunité, l'un des grands maux de notre pays, une des grandes faiblesses de tous les systèmes tchadiens de gouvernement depuis l'indépendance. Il est intolérable qu’un individu, fut-il président de la République, en arrive à massacrer son peuple. Il est inadmissible d’ériger les dénis de justice, l’arbitraire, les viols systématiques et l’impunité en système de gouvernement. Mais si nous souscrivons à cette démarche légitime, c’est pour la dépasser et aller plus loin. Pour davantage creuser ce thème vital, il convient maintenant d'insister sur le caractère particulièrement difficile du pardon.

II. 2 LE PARDON EST DE L'ORDRE DU DEFI.

Il faut admettre en effet que le pardon est difficile, surtout quand les membres de nos familles sont tués ou pris dans des pièges que d’autres leur ont tendus. Les assassinats, les massacres et autres violences dont nous avons été victimes ont fait naître en nous des frustrations, des déceptions profondes. Beaucoup ne se sont jamais remis de ces torts. Raison pour laquelle nous pensons que l’une des sanctions qu’on doit infliger surtout au régime Habré, c’est-à-dire à l’Etat, serait de prendre particulièrement en compte les enfants nés entre 1982-1990. L’Etat a infligé des torts irréparables à beaucoup d’entre nous, surtout aux enfants nés dans cet intervalle et dont les parents ont été tués. Nous parlons d’État parce que ce que Habré a fait, il l’a fait en tant que chef de l’Etat. Il faut prendre cet argument au sérieux. L’Etat doit donc dédommager ces enfants de manière particulière. En effet, il n’est pas rare de constater que la simple évocation de ce passé, surtout de cette période, réveille chez eux, plus que chez tout compatriote, de violents sentiments de vengeance. Je me rappelle par exemple qu’à 11 ans, j'avais couru sous les balles de Habré et de ses mercenaires avec ma nièce au dos. Celle-ci continue toujours à me poser des questions sur ce qu’elle a appelé « ce jour -là». J’en garde moi aussi un souvenir douloureux.

Mais ces blessures ne doivent pas nous empêcher d’entreprendre ensemble. Nous devons plutôt les transcender et reconnaître que l’exigence d’un avenir commun doit l’emporter sur le ressentiment, si légitime soit-il. Nous devons continuer à entreprendre ensemble comme sont en train de remarquablement le réaliser la France et l'Allemagne dont les rancœurs ont été très profondes comme chacun le sait . C'est dans cette direction que se situe la vérité de notre avenir commun. En effet, ce pardon politique, comme tout vrai pardon, sera le seul véritablement capable de nous aider à éviter d’enfermer et de réduire telle ou telle catégorie, telle ou telle personne dans leurs actes afin de lui donner une nouvelle chance. Nous touchons là l’essence même du pardon qui évite d’enfermer autrui dans son mal et l’ouvre à des possibilités nouvelles. Jacques Fédry affirme la même chose dans son article intitulé "Le respect du langage":

Nous refusons de nous soumettre à la mort lorsque nous ne réduisons pas le malade à sa maladie, le malfaiteur à son crime, la personne aimée à ses infidélités. Réduire une personne à son acte, n'est-ce pas encore une autre façon de réduire le tout à la partie?

Ces mots de Fédry veulent dire en réalité qu’une telle réduction peut entraîner l'exclusion sociale. Celle-ci à son tour risque de mettre en danger la paix sociale. Car, ce procès, qu’on le veuille ou non, n’est pas seulement celui d’un individu, fût-il chef suprême de cet extraordinaire système répressif que nous pourrons utilement et avec raison comparer à celui de Pol Pot. C’est au contraire un procès d’un système et même d’une époque, celle des dictatures sanglantes que la Chère Afrique a connues.

Voilà pourquoi nous pensons que ce procès Habré devra être un acte collectif de mémoire thérapeutique du passé. En clair, il devra être un temps de purification commune, un moment de nous rappeler ensemble les frustrations, les écœurements, les haines semées un peu partout en Afrique et surtout au Tchad en vue d’en avoir horreur et de les éviter à l’avenir. C’est donc un retour critique et prudent sur soi et sur le passé mais pour le transcender. Plus précisément, il s’agira d’une relecture objective et judicieuse d’un passé maléfique, honni, un passé noir mais que nous sommes condamnés à accepter et tolérer si nous voulons construire ensemble. Mais comment relire efficacement un tel passé à l’occasion de ce procès ? L’exemple animé par l’incontournable Madiba Mandela nous y aidera.

II.3 L’EXPERIENCE REUSSIE DE VERITE ET RECONCILIATION SUD-AFRICAINE.

Le modèle sud africain, tout à la fois étonnant et fascinant, nous permet de saisir l’approche politique du pardon que nous prônons. La Commission Vérité et Réconciliation est le fruit de 27 ans de prison de MANDELA. Après sa sortie de prison, le père de la nation arc-en-ciel était conscient que son premier défi le plus urgent était la réconciliation de tous les Sud-Africains avec eux-mêmes et avec leur passé maléfique, résultat de la redoutable politique d'apartheid, de sinistre mémoire et dont Malan est le père fondateur en 1948.

Certes, cette célèbre Commission, sous la houlette des hommes exceptionnels que sont MANDELA et TUTU, n’est pas un modèle transposable puisque les réalités historiques et politiques ne sont pas les mêmes. Nous pouvons cependant nous en inspirer pour réfléchir sur notre propre pays. La raison en est simple. Le modèle sud-africain relève davantage de la thérapie que de l’acte judiciaire, ce qui va admirablement dans le sens de notre projet. Il s’apparente au mémoire de deuil qui consiste à accepter le passé fait de dénis de justice et de douleur pour mieux le transcender. Mais- et c’est ce point qui nous intéresse- elle est aussi mémoire d’une promesse, celle de ne plus recommencer, celle d’éviter à jamais de se livrer aux pillages, aux massacres et autres viols pour ouvrir sur l’avenir, cet avenir fait de nouvelles possibilités d’une vie fondée sur la justice, le partage plus juste des ressources matérielles, de respect intégral des droits de l’homme.

Ces différences historiques et culturelles entre notre pays et celui de MANDELA ne doivent pas faire oublier que le fond du problème est fondamentalement le même : l’utilisation arbitraire du pouvoir pour massacrer les faibles et ceux qui ne partagent pas la même vision que soi ; faire germer dans les cœurs les haines, les divisions. Mieux - et c’est cela l’essentiel - l’Afrique du Sud a su faire un travail de mémoire thérapeutique sur elle-même pour mieux surmonter ces haines et rancunes, les divisions et autres malentendus qui constituaient les risques majeurs d’enfermement. Ce même travail de mémoire nous est possible et nécessaire. Mieux, nous sommes sinon condamnés, du moins capables de le réaliser si nous voulons faire du Tchad un pays de paix et d'harmonie sociales. Il suffit, pour cela, de nous appuyer sur nos valeurs culturelles, religieuses et humaines.

Pourquoi ne pas par exemple constituer de petits groupes dans tous nos villages et villes qui, sous la conduite des hommes moralement irréprochables, parlent franchement de notre passé et proposent des solutions concrètes? Cette proposition est peut-être difficilement réalisable étant donné le peu de moyens dont notre pays dispose. Mais tout est question de volonté politique. Il est possible de trouver un mécanisme politique simple, moins coûteux qui nous permette de dialoguer avec notre passé.

Certains pensent par ailleurs que les clivages religieux chez nous sont inconciliables. Nous pensons plutôt le contraire. Le christianisme, l’islam et la religion traditionnelle sont plutôt irréductibles. On ne peut pas et ne doit pas chercher à réduire l’un à l’autre. On peut cependant créer les conditions de possibilité qui permettent à ces entités religieuses indépendantes de se respecter et de mieux vivre en bonne intelligence. C'est par exemple ce qu'a essayé de faire John Rawls, un des monuments de la philosophie politique américaine et mondiale.

III. LA SOLUTION DE JOHN RAWLS

Pour Rawls, le Christianisme, l'islam et les religions traditionnelles sont des doctrines compréhensives raisonnables. Celles-ci ont chacune une conception du bien propre. Elles ne peuvent être mieux saisies, mieux vécues que dans le cadre du pluralisme politique. Pour le philosophe américain, ce pluralisme politique n'est possible que dans ce qu'il appelle le consensus par recoupement. Pour le démontrer, il part d'une question originelle profonde:

Comment est-il possible d’arriver à une société stable et juste dont les citoyens libres et égaux sont néanmoins profondément divisés par des doctrines en conflit et même incommensurables

Pour répondre à cette question charnière du consensus par recoupement, Rawls affirme que la reconnaissance de la diversité des visions du monde, traduite dans les cultures, les religions et autres valeurs humaines, tout en jouant le rôle d'intégration, est une nécessité impérieuse.

Cette reconnaissance crée la confiance mutuelle entre les citoyens et provoque la stabilité et la paix, fruits de leur adhésion aux causes communes de la nation. C’est dire que l’unité sociale et la stabilité ne sont possibles que lorsque les citoyens, politiquement actifs, soutiennent, par leur obéissance et leur ferme désir d’être ensemble, les doctrines compréhensives raisonnables qui forment le consensus, valeur incontournable d'une société qui se veut démocratique.

Ce consensus est cimenté sur les valeurs politiques que Rawls a analysé comme suit:

Les vertus de la coopération politique qui forment un régime constitutionnel possible sont de très grandes vertus. Je veux dire par exemple la vertu de la tolérance, et le fait d’être prêt à rencontrer les autres à mi-chemin, la vertu de la raisonnabilité, et le sens d’équité. Quand ces vertus sont largement répandues dans une société et soutiennent sa conception politique de la justice, elles constituent un très grand bien public, une part du capital politique. Ainsi, les valeurs qui entrent en conflit avec la conception politique de la justice et les vertus qui la soutiennent peuvent être surmontées parce qu’elles entrent en conflit avec les conditions même qui rendent possible la coopération sociale équitable sur la base du respect mutuel.



On comprend bien que la préoccupation initiale de Rawls est orientée vers une exigence ferme, celle de n'utiliser que les valeurs politiques pour résoudre les questions essentielles touchant les droits et devoirs de la personne. C'est dire que dans une société fondamentalement pluraliste comme celle du Tchad, personne ne doit avoir recours aux valeurs autres que politiques pour résoudre les questions ayant trait à la dimension publique.

L’accent que Rawls met sur les valeurs politiques, notamment dans son célèbre ouvre témoigne de leur indispensabilité. Autrement dit, il fait remarquer que les valeurs du politique, c’est-à-dire l’égalité, la liberté politique et civile, l’égalité équitable des chances, les valeurs de la réciprocité économique et les bases sociales du respect mutuel entre les citoyens, sont d’abord des valeurs effectivement fondamentales et que, par conséquent, on ne peut pas les marginaliser aisément. Elles sont incontournables dans la mesure où elles gouvernent le cadre de base de la vie sociale et précisent les termes fondamentaux de la coopération. Celle-ci doit être marquée par le dialogue dont l’un des espaces les plus ouverts à N’djamena est le Centre Al-Mouna où les jeunes peuvent, s’ils le veulent, discuter librement des problèmes sérieux de leur pays. Nous devons encourager ces genres d’initiatives.

CONCLUSION
Concluons en précisant avec Rawls que le consensus PR permet d’élaborer les principes grâce à une concordance entre la conception politique et les manières de voir compréhensives, mais grâce aussi à la réussite de la reconnaissance publique des valeurs politiques. Cela signifie au fond que son idée nous permet de comprendre comment un régime constitutionnel caractérisé par « le fait du pluralisme » pourrait assurer, malgré des divisions profondes et grâce à la reconnaissance publique d’une conception politique raisonnable de la justice, la stabilité et l’unité sociale. Une telle base permet d'assumer politiquement les différences religieuses, culturelles et humaines existant en société.

Ceci étant dit et pour en revenir à notre sujet, il faut dire que nous n’avons pas seulement besoin d’une justice. Nous avons véritablement besoin de justice et de pardon pour transcender de manière significative notre passé maléfique et ainsi atteindre une vraie réconciliation avec nous-mêmes. Si nous cherchons simplement à juger Habré pour nous venger des torts qu’il nous a infligés, nous n’aurons pas su tirer profit de ce jugement. Nous pouvons nous satisfaire d’avoir réussi à le juger. Mais rien ne nous garantit que les massacres au Tchad cesseront. Or il serait plus utile de trouver, en plus de ce jugement, quelque chose qui nous permette d’arrêter définitivement ce cercle infernal. Si c’est seulement l'étroite perspective de la justice qui nous habite, nous risquons de rater lamentablement l’occasion historique qui nous sera offerte pour nous engager résolument sur la voie du pardon et de la réconciliation. Le pardon politique est le meilleur chemin qui nous aidera à transcender la culture de la violence qui s’est fortement enracinée dans notre pays.

Tel serait le but ultime que nous devrions atteindre après le jugement de H. Habré : saisir l’occasion que nous donne ce procès pour transcender nos divisions, nos haines, notre passé fait d’injustices de toutes sortes pour bâtir un Tchad plus humain. C’est une question dont dépend la paix durable au Tchad. Nous devons, par ce procès, prendre véritablement conscience que le monde a changé, que les hommes et les femmes sont en train de cultiver une conscience mondiale plus sensible aux violations des droits humains. Ce procès doit être l’occasion pour chaque fille et chaque fils du Tchad de s’interroger personnellement : qu’ai-je fait du Tchad ? Que dois-je faire pour le Tchad ? Que ferai-je pour le Tchad ? En clair, si ce procès convainc chaque compatriote d'abandonner la voie de la violence aveugle et de se dire PLUS JAMAIS POUR MOI DE VERSER LE SANG DE MES COMPATRIOTES, nous nous dirions que le Tchad a gagné!

Par MBAIHORNOM BRUNO
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