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Lettre ouverte au Ministre de l'Intérieur

 
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Adina
Grioonaute régulier


Inscrit le: 22 Nov 2004
Messages: 341

MessagePosté le: Mar 06 Déc 2005 14:34    Sujet du message: Lettre ouverte au Ministre de l'Intérieur Répondre en citant

Lettre ouverte au Ministre de l’Intérieur de la République Française,
à l’occasion de sa visite en Martinique.


DE LOIN.
Par Edouard GLISSANT et Patrick CHAMOISEAU


M. le Ministre de l’Intérieur,

La Martinique est une vieille terre d’esclavage, de colonisation, et de néo-colonisation. Mais cette interminable douleur est un maître précieux : elle nous a enseigné l’échange et le partage. Les situations déshumanisantes ont ceci de précieux qu’elles préservent, au cœur des dominés, la palpitation d’où monte toujours une exigence de dignité. Notre terre en est des plus avides.

Il n’est pas concevable qu’une Nation se renferme aujourd’hui dans des étroitesses identitaires telles que cette Nation en soit amenée à ignorer ce qui fait la communauté actuelle du monde : la volonté sereine de partager les vérités de tout passé commun et la détermination à partager aussi les responsabilités à venir. La grandeur d’une Nation ne tient pas à sa puissance, économique ou militaire (qui ne peut être qu’un des garants de sa liberté), mais à sa capacité d’estimer la marche du monde, de se porter aux points où les idées de générosité et de solidarité sont menacées ou faiblissent, de ménager toujours, à court et à long terme, un avenir vraiment commun à tous les peuples, puissants ou non. Il n’est pas concevable qu’une telle Nation ait proposé par une loi (ou imposé) des orientations d’enseignement dans ses établissements scolaires, comme aurait fait le premier régime autoritaire venu, et que ces orientations visent tout simplement à masquer ses responsabilités dans une entreprise (la colonisation) qui lui a profité en tout, et qui est de toutes manières irrévocablement condamnable.

Les problèmes des immigrations sont mondiaux : les pays pauvres, d’où viennent les immigrants, sont de plus en plus pauvres, et les pays riches, qui accueillaient ces immigrants, qui parfois organisaient leur venue pour les besoins de leurs marchés du travail et, disons-le, en pratiquaient comme une sorte de traite, atteignent peut-être aujourd’hui un seuil de saturation et s’orientent maintenant vers une traite sélective. Mais les richesses créées par ces exploitations ont généré un peu partout d’infinies pauvretés, lesquelles suscitent alors de nouveaux flux humains : le monde est un ensemble où l’abondance et le manque ne peuvent plus s’ignorer, surtout si l’une provient de l’autre. Les solutions proposées ne sont donc pas à la hauteur de la situation. Une politique d’intégration (en France) ou une politique communautariste (en Angleterre), voilà les deux orientations générales qu’adoptent les gouvernements intéressés. Mais dans les deux cas, les communautés d’immigrants, abandonnées sans ressources dans des ghettos invivables, ne disposent d’aucun moyen réel de participer à la vie de leur pays d’accueil, et ne peuvent participer de leurs cultures d’origine que de manière tronquée, méfiante, passive : ces cultures deviennent en certains cas des cultures du retirement. Aucun des choix gouvernementaux ne propose une véritable politique de la Relation : l’acceptation franche des différences, sans que la différence de l’immigrant soit à porter au compte d’un communautarisme quelconque ; la mise en oeuvre de moyens globaux et spécifiques, sociaux et financiers, sans que cela entraîne une partition d’un nouveau genre ; la reconnaissance d’une interpénétration des cultures, sans qu’il y aille d’une dilution ou d’une déperdition des diverses populations ainsi mises en contact : réussir à se situer dans ces points d’équilibre serait vivre réellement l’une des beautés du monde, sans pour autant perdre de vue les paysages de ses horreurs.

Si chaque nation n’est pas habitée de ces principes essentiels, les nominations exemplaires sur la base d’une apparence physique, les discriminations vertueuses, les quotas déculpabilisants, les financements de cultes par une laïcité forcée d’aller plus loin, et toutes les aides versées aux humanités du Sud encore victimes des vieilles dominations, ne font qu’effleurer le monde sans pour autant s’y confronter. Ces mesures laissent d’ailleurs fleurir autour d’elles les charters quotidiens, les centres de rétention, les primes aux raideurs policières, les scores triomphants des expulsions annuelles : autant de réponses théâtrales à des menaces que l’on s’invente ou que l’on agite comme des épouvantails, autant d’échecs d’une démarche restée insensible au réel.
Aucune situation sociale, même la plus dégradée, et même surtout celle-là, ne peut justifier d’un traitement de récurage. Face à une existence, même brouillée par le plus accablant des pedigrees judiciaires, il y a d’abord l’informulable d’une détresse : c’est toujours de l’humain qu’il s’agit, le plus souvent broyé par les logiques économiques. Une République qui offre un titre de séjour, ouvre en fait sa porte à une dignité humaine à laquelle demeure le droit de penser, de commettre des erreurs, de réussir ou d’échouer comme peut le faire tout être vivant, et cette République peut alors punir selon ses lois mais en aucun cas retirer ce qui avait été donné. Le don qui chosifie, l’accueil qui suppose la tête baissée et le silence, sont plus proches de la désintégration que de l’intégration, et sont toujours très loin des humanités.

Le monde nous a ouvert à ses complexités. Chacun est désormais un individu, riche de plusieurs appartenances, sans pouvoir se réduire à l’une d’elles, et aucune République ne pourra s’épanouir sans harmoniser les expressions de ces multi-appartenances. De telles identités-relationnelles ont encore du mal à trouver leur place dans les Républiques archaïques, mais ce qu’elles suscitent comme imprécations sont souvent le désir de participation à une alter-République. Les Républiques « unes et indivisibles » doivent laisser la place aux entités complexes des Républiques unies qui sont à même de pouvoir vivre le monde dans ses diversités. Nous croyons à un pacte républicain, comme à un pacte mondial, où des nations naturelles (des nations encore sans État comme la nôtre) pourront placer leur voix, et exprimer leur souveraineté. Aucune mémoire ne peut endiguer seule les retours de la barbarie : la mémoire de la Shoah a besoin de celle de l’esclavage, comme de toutes les autres, et la pensée qui s’y dérobe insulte la pensée. Le moindre génocide minoré nous regarde fixement et menace d’autant les sociétés multi-trans-culturelles. Les grands héros des histoires nationales doivent maintenant assumer leur juste part de vertu et d’horreur, car les mémoires sont aujourd’hui en face des vérités du monde, et le vivre-ensemble se situe maintenant dans les équilibres des vérités du monde. Les cultures contemporaines sont des cultures de la présence au monde. Les cultures contemporaines ne valent que par leur degré de concentration des chaleurs culturelles du monde. Les identités sont ouvertes, et fluides, et s’épanouissent par leur capacité à se « changer en échangeant » dans l’énergie du monde. Mille immigrations clandestines, mille mariages arrangés, mille regroupements familiaux factices, ne sauraient décourager la juste posture, accueillante et ouverte. Aucune crainte terroriste ne saurait incliner à l’abandon des principes du respect de la vie privée et de la liberté individuelle. Dans une caméra de surveillance, il y a plus d’aveuglement que d’intelligence politique, plus de menace à terme que de générosité sociale ou humaine, plus de régression inévitable que de progrès réel vers la sécurité…
C’est au nom de ces idées, du fait de ces principes seuls, que nous sommes à même de vous souhaiter, de loin, mais sereinement, la bienvenue en Martinique.

Edouard GLISSANT
Patrick CHAMOISEAU
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MessagePosté le: Mar 06 Déc 2005 14:55    Sujet du message: Répondre en citant

mouais ca m'etonne pas de la part de ces leche botte de defenseurs de la speudo creolité

ils ont du entendre le refus de Césaire
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kilowatt
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MessagePosté le: Mar 06 Déc 2005 15:26    Sujet du message: Répondre en citant

[hs session] Ok pour la signature ! j'étais sur les nerfs a cause de la censure et de l'arrogance de certaines! Donc je l'enlève puisqu'elle n'est pas très fine et du meilleur gout, même si je n'en pense pas moins de ces gens qui veulent jouer les conscients alors qu'ils sont encore trouillards et aliénés.

De toute façon je ne reste pas sur ce forum car je n'aime pas trop les modérateurs qui confondent leurs idées et la modération en croyant que la modération sert a faire prévaloir leurs idées. [/hs session]
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Inscrit le: 19 Juil 2005
Messages: 281

MessagePosté le: Mar 06 Déc 2005 21:16    Sujet du message: Re: Lettre ouverte au Ministre de l'Intérieur Répondre en citant

Adina a écrit:
Lettre ouverte au Ministre de l’Intérieur de la République Française,
à l’occasion de sa visite en Martinique.


DE LOIN.
Par Edouard GLISSANT et Patrick CHAMOISEAU


Les problèmes des immigrations sont mondiaux : les pays pauvres, d’où viennent les immigrants, sont de plus en plus pauvres, et les pays riches, qui accueillaient ces immigrants, qui parfois organisaient leur venue pour les besoins de leurs marchés du travail et, disons-le, en pratiquaient comme une sorte de traite, atteignent peut-être aujourd’hui un seuil de saturation et s’orientent maintenant vers une traite sélective.


C'est un peu ce que j'ai pu comprendre du discours de chirac en Afrique quand il dit favoriser l'immigration des cadres et autres diplomés africains et ce devant la barbe de nos présidents qui décidement ne comprennent rien à rien !!! Et dire que certains y voient une bonne nouvelle! On vide un continent de ses cerveaux tout comme on le faisait durant la traite avec des nègres jeunes et bien portants capable de travailler dans les champs !!! Evil or Very Mad Evil or Very Mad Evil or Very Mad


Adina a écrit:
Mais les richesses créées par ces exploitations ont généré un peu partout d’infinies pauvretés, lesquelles suscitent alors de nouveaux flux humains : le monde est un ensemble où l’abondance et le manque ne peuvent plus s’ignorer, surtout si l’une provient de l’autre. Les solutions proposées ne sont donc pas à la hauteur de la situation. Une politique d’intégration (en France) ou une politique communautariste (en Angleterre), voilà les deux orientations générales qu’adoptent les gouvernements intéressés. Mais dans les deux cas, les communautés d’immigrants, abandonnées sans ressources dans des ghettos invivables, ne disposent d’aucun moyen réel de participer à la vie de leur pays d’accueil, et ne peuvent participer de leurs cultures d’origine que de manière tronquée, méfiante, passive : ces cultures deviennent en certains cas des cultures du retirement. Aucun des choix gouvernementaux ne propose une véritable politique de la Relation : l’acceptation franche des différences, sans que la différence de l’immigrant soit à porter au compte d’un communautarisme quelconque ; la mise en oeuvre de moyens globaux et spécifiques, sociaux et financiers, sans que cela entraîne une partition d’un nouveau genre ; la reconnaissance d’une interpénétration des cultures, sans qu’il y aille d’une dilution ou d’une déperdition des diverses populations ainsi mises en contact : réussir à se situer dans ces points d’équilibre serait vivre réellement l’une des beautés du monde, sans pour autant perdre de vue les paysages de ses horreurs.

Si chaque nation n’est pas habitée de ces principes essentiels, les nominations exemplaires sur la base d’une apparence physique, les discriminations vertueuses, les quotas déculpabilisants, les financements de cultes par une laïcité forcée d’aller plus loin, et toutes les aides versées aux humanités du Sud encore victimes des vieilles dominations, ne font qu’effleurer le monde sans pour autant s’y confronter. Ces mesures laissent d’ailleurs fleurir autour d’elles les charters quotidiens, les centres de rétention, les primes aux raideurs policières, les scores triomphants des expulsions annuelles : autant de réponses théâtrales à des menaces que l’on s’invente ou que l’on agite comme des épouvantails, autant d’échecs d’une démarche restée insensible au réel.
Aucune situation sociale, même la plus dégradée, et même surtout celle-là, ne peut justifier d’un traitement de récurage. Face à une existence, même brouillée par le plus accablant des pedigrees judiciaires, il y a d’abord l’informulable d’une détresse : c’est toujours de l’humain qu’il s’agit, le plus souvent broyé par les logiques économiques. Une République qui offre un titre de séjour, ouvre en fait sa porte à une dignité humaine à laquelle demeure le droit de penser, de commettre des erreurs, de réussir ou d’échouer comme peut le faire tout être vivant, et cette République peut alors punir selon ses lois mais en aucun cas retirer ce qui avait été donné. Le don qui chosifie, l’accueil qui suppose la tête baissée et le silence, sont plus proches de la désintégration que de l’intégration, et sont toujours très loin des humanités.

Le monde nous a ouvert à ses complexités. Chacun est désormais un individu, riche de plusieurs appartenances, sans pouvoir se réduire à l’une d’elles, et aucune République ne pourra s’épanouir sans harmoniser les expressions de ces multi-appartenances. De telles identités-relationnelles ont encore du mal à trouver leur place dans les Républiques archaïques, mais ce qu’elles suscitent comme imprécations sont souvent le désir de participation à une alter-République. Les Républiques « unes et indivisibles » doivent laisser la place aux entités complexes des Républiques unies qui sont à même de pouvoir vivre le monde dans ses diversités. Nous croyons à un pacte républicain, comme à un pacte mondial, où des nations naturelles (des nations encore sans État comme la nôtre) pourront placer leur voix, et exprimer leur souveraineté. Aucune mémoire ne peut endiguer seule les retours de la barbarie : la mémoire de la Shoah a besoin de celle de l’esclavage, comme de toutes les autres, et la pensée qui s’y dérobe insulte la pensée. Le moindre génocide minoré nous regarde fixement et menace d’autant les sociétés multi-trans-culturelles. Les grands héros des histoires nationales doivent maintenant assumer leur juste part de vertu et d’horreur, car les mémoires sont aujourd’hui en face des vérités du monde, et le vivre-ensemble se situe maintenant dans les équilibres des vérités du monde. Les cultures contemporaines sont des cultures de la présence au monde. Les cultures contemporaines ne valent que par leur degré de concentration des chaleurs culturelles du monde. Les identités sont ouvertes, et fluides, et s’épanouissent par leur capacité à se « changer en échangeant » dans l’énergie du monde. Mille immigrations clandestines, mille mariages arrangés, mille regroupements familiaux factices, ne sauraient décourager la juste posture, accueillante et ouverte. Aucune crainte terroriste ne saurait incliner à l’abandon des principes du respect de la vie privée et de la liberté individuelle. Dans une caméra de surveillance, il y a plus d’aveuglement que d’intelligence politique, plus de menace à terme que de générosité sociale ou humaine, plus de régression inévitable que de progrès réel vers la sécurité…
C’est au nom de ces idées, du fait de ces principes seuls, que nous sommes à même de vous souhaiter, de loin, mais sereinement, la bienvenue en Martinique.

Edouard GLISSANT
Patrick CHAMOISEAU


MERCI À CES DEUX AUTEURS ANTILLAIS !!! (Beyala serait-elle devenue aveugle ou a-t-elle une vision sélective des choses? ou encore elle attend la prochaine sortie de Dieudo?)

De plus, ces auteurs antillais ne pratiquent pas le différencialisme qui fait tant plaisir à certains. Ils déplorent aussi dans leur message le sort réservé aux africains.

Je regrette simplement que nos gouvernements en Afrique vivent dans un autre monde et ne se sentent même pas concenés par le dénigrement de leurs populations, l'insulte qui leur est faite avec cette loi sur les bienfaits de la colonisation,etc. En insultant les leurs c'est eux mêmes qu'on insulte mais le savent-ils seulement, eux qui décrètent des jours fériés pour que tout le pays se mette au bord de la route pour applaudir chirac!! Evil or Very Mad Evil or Very Mad Evil or Very Mad

c'est la dernière des choses qu'ils auraient dû faire après les événements tragiques de 2005 : incendies, emeutes etc... ils auraient dû faire comme césaire mais comme ils roulent pour chirac de toutes façons Rolling Eyes
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