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Un diplomate français livre des secrets de la guerre

 
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essama
Grioonaute 1


Inscrit le: 20 Nov 2005
Messages: 146

MessagePosté le: Sam 25 Fév 2006 11:21    Sujet du message: Un diplomate français livre des secrets de la guerre Répondre en citant

Un diplomate français livre des secrets de la guerre

Le Courrier d'Abidjan - 2/24/2006 5:24:13 PM

Dans un ouvrage anonyme, un journaliste français révèle des pans cachés de la crise ivoirienne. Il évoque les relations détestables de De Villepin avec Gbagbo, et dénonce les attitudes «d’administrateur colonial» de l’ancien chef de la diplomatie française. Il explique comment Licorne a été créée pour empêcher au Nigeria d’aider la Côte d’Ivoire à «traiter» les rebelles. Et ce n’est pas tout…


Quand sera-t-il possible de reconstituer de manière fiable les aspects les plus cachés de la crise ivoirienne ? Quand les témoins des conclaves les plus secrets passeront-ils à table ? Contrairement à d’autres crises africaines, la controverse ivoirienne livrera visiblement ses secrets assez rapidement. Après la «Grande Muette» française, qui s’est exprimée à travers un livre («Ivoire nue» de l’ancien porte-parole de Licorne, Georges Peillon), des confidences à la presse et des dépositions dans les tribunaux, la diplomatie hexagonale commence à parler. De manière moins courageuse.
Réfugié derrière le pseudonyme de Jean-Saint Iran (traduction du nom de l’écrivain Saint-John Perse), un diplomate français a récemment fait paraître, aux Editions Privé, un livre «Les Cent Semaines», qui relate l’action de Dominique de Villepin aux Affaires étrangères. Cet ouvrage lève un coin de voile sur un certain nombre d’aspects de la crise ivoirienne.
L’on apprendra par exemple qu’avant le 19 septembre 2002, les relations entre le président Laurent Gbagbo et Dominique de Villepin étaient détestables. Les premières rencontres, dans leurs nouveaux rôles, entre l’ancien opposant et l’ex secrétaire général de l’Elysée, sont désastreuses. «En juillet 2002, Villepin accomplit un assez long périple en Afrique. Mais il ne passe que quelques heures en Côte d’Ivoire, et Gbagbo sort de leur rencontre outré et indigné. Lui qui a enseigné l’histoire et qui se targue d’être un latiniste et un helléniste de bon niveau a dû subir un cours de belles lettres de la part de Villepin. Gbagbo n’aura dès lors de cesse de se plaindre de Villepin à Chirac, au point de devenir pour Villepin une cause de friction avec le président français. Au fur et à mesure que la crise ivoirienne va se développer, Gbagbo va passer vis-à-vis de Villepin de l’irritation due à ce qu’il considère comme une attitude hautaine et blessante à son égard, à une authentique interrogation sur la personnalité de Villepin. Gbagbo demandera à plusieurs de ses interlocuteurs, y compris Chirac, pourquoi Villepin le déteste, puis finira par rejoindre le club relativement fourni de ceux qui s’interrogent sur la santé mentale de Villepin». DDV, fou ? Oui, aux yeux de Gbagbo. C’est pourtant lui que le président ivoirien devra se coltiner régulièrement, dès le déclenchement de la crise.
Plus important, le livre de «Jean Saint-Iran» explique que c’est d’abord dans l’objectif d’éviter un soutien nigérian à la légalité ivoirienne, pour des obscures raisons relevant du «complexe de Fachoda» (consistant à voir le péril anglo-saxon partout) que Paris organise, dans la plus totale improvisation, l’opération Licorne. : L’armée française est envoyée sur place le 26 septembre (2002, NDLR), officiellement pour protéger les ressortissants étrangers et permettre l’évacuation de ceux qui le souhaitent. C’est l’opération Licorne. En fait, Paris réagit dans l’urgence. «Constatant les tergiversations françaises des tous premiers jours, Gbagbo se tourne vers la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Ce regroupement ouest-africain a comme particularité d’avoir dépassé les clivages issus de la colonisation. Il rassemble États francophones et États anglophones, dont le géant de l’Afrique qu’est le Nigeria. Et le Nigeria annonce son soutien à Gbagbo, président légal et élu de Côte d’Ivoire. À Paris, les diplomates sont plutôt favorables à l’idée de laisser le Nigeria faire la police des événements ivoiriens. Villepin éructe : l’Anglais est derrière tout cela et il faut que la France ait pris le contrôle de la situation avant la réunion de la CEDEAO, prévue pour le 29 septembre. Et de fait, l’armée française s’installe sur une ligne est-ouest qui coupe la Côte d’Ivoire en deux. Au nord, les rebelles, au sud, Abidjan et la Côte d’Ivoire officielle. La situation se bloque. Le 17 octobre est signé un cessez-le-feu dont la France garantit le respect. Mais à Paris comme à Abidjan, personne ne voit comment sortir de la crise. Le 19 octobre, Chirac est à Beyrouth pour le Sommet de la francophonie. Plusieurs chefs d’Etat africains viennent le voir pour exprimer leur surprise et leur incompréhension : que veut la France ? (...) Chirac comprend le message et demande à Villepin de concevoir un plan de sortie de crise. En attendant, pour rassurer ses interlocuteurs, il déclare solennellement : "Je n’imagine pas que l’on puisse aller à la partition de la Côte d’Ivoire"», révèle l’auteur. Il reste que c’est justement ce schéma de partition de la Côte d’Ivoire que l’interposition française a garanti… Paris s’est débrouillée dans les intrigues à tel point qu’elle chemine aujourd’hui avec Obasanjo, contre lequel elle avait levé une armée.
«Jean-Saint Iran» lève aussi le voile sur les méandres de la «séquestration» de Dominique de Villepin par les patriotes au palais présidentiel de Cocody. Il avoue, dans son élan, que l’attaque d’hélicoptères à Menakro avait endommagé une position rebelle, alors que Paris criait qu’elle avait ciblé des civils. «Fin décembre, alors qu’officiellement règne un précaire cessez-le-feu, un hélicoptère gouvernemental piloté par un mercenaire tire sur une position rebelle. Tout peut de nouveau s’embraser. Villepin décide de partir immédiatement pour la Côte d’Ivoire. Son but est de finaliser une conférence de paix entre les différents groupes. Il faut maintenant avancer sur ce dossier, car Jacques Chirac souhaite que tout soit aplani avant le Sommet franco-africain prévu pour la mi-février. Chirac est alors en pleine tourmente irakienne et il ne veut pas que la situation ivoirienne perturbe sa manœuvre onusienne sur l’Irak. Villepin a conscience qu’il faut agir vite et bien car il commence à percevoir un certain agacement présidentiel. D’autant que plusieurs personnalités bien en cours de la "Françafrique" viennent se plaindre à Chirac des méthodes du ministre des Affaires étrangères. Michel Dupuch, qui fut ambassadeur quatorze ans en Côte d’Ivoire, se dit surpris de n’avoir jamais été consulté. Sans parler de Pierre-André Wiltzer, le ministre de la Coopération, qui n’est convié à aucune des réunions sur la crise ivoirienne et le fait savoir à Matignon et ailleurs. Le 3 janvier 2003, Villepin décide de partir pour Abidjan. Son but : annoncer la tenue en France dans les deux semaines d’une conférence de paix qui doit être décisive. Reçu par Gbagbo dans la résidence présidentielle, il accapare la parole, tranche, parle sans réplique. Gbagbo reste incrédule devant une telle grossièreté et une telle arrogance. Quelqu’un qui assiste à la scène racontera que Villepin se comporte envers les Africains "comme un commandant de cercle, un chef de canton ou un administrateur colonial." Gbagbo, déjà passablement irrité par l’attitude générale de Villepin, manque s’étrangler quand il comprend que Villepin va le quitter pour aller voir les chefs rebelles à Bouaké, une bourgade du centre du pays dont ils ont fait leur capitale. Donner une telle légitimité aux responsables de l’insurrection lui paraît scandaleux. Pendant que la tension monte entre les deux hommes, les Ivoiriens organisent à l’extérieur une manifestation "spontanée" d’indignation anti-Villepin. Quand celui-ci sort pour regagner l’ambassade de France voisine, il se trouve nez à nez avec une émeute plus ou moins contrôlée directement dirigée contre lui. Pendant une heure, il fait face, livide et muet (…), (et) semble incapable de toute réaction. Gbagbo, qui a l’impression quasi physique d’avoir pris le dessus, calme la foule et le raccompagne jusqu’à l’entrée de l’ambassade de France. Le 4 janvier, Villepin est de retour à Paris. Il a obtenu l’accord de tous les belligérants pour venir discuter en France du processus de sortie de crise.
Mais le bilan de l’expédition à Abidjan n’est guère reluisant. Bongo, le président gabonais, appelle Chirac pour lui dire, au nom des dirigeants africains, combien le comportement de Villepin leur est insupportable. Les députés de la majorité présidentielle, qu’il méprise ostensiblement, relaient ces plaintes. Ils l’accusent d’être un exalté et la presse parle d’"homme malade". On le qualifie de fébrile et Dominique Strauss-Kahn se gausse de cette diplomatie "cheveux au vent, du haut de la colline"».
Le livre du diplomate français montre Villepin sous les traits d’un dangereux apprenti-sorcier, surpris des effets de son «médicament» de Marcoussis sur l’opinion ivoirienne. «(…) A l’annonce du contenu de ces accords qui prévoient un Premier ministre au-dessus des partis et un ministre de l’Intérieur et un ministre de la Défense favorables aux rebelles, Abidjan s’embrase. Une foule surexcitée fait le siège des bureaux de l’ambassade. Les militaires français et les diplomates organisent la protection des locaux en liaison téléphonique avec l’ambassadeur qui est encore en France. À Abidjan, la nuit avance, la tension demeure et les gendarmes français sont au bord de la rupture. Le chargé d’affaires appelle l’ambassadeur à Paris pour lui demander ce qu’il faut faire. Perplexe, celui-ci lui conseille d’appeler le ministre chez lui. Villepin le prend au téléphone et lui assène quelques phrases ronflantes sur la grandeur de la France et la dure mission du diplomate puis raccroche. Le jeune chargé d’affaires en reste quelque peu interloqué. Prenant conscience de l’incongruité de son comportement, Villepin rappelle quelques instants plus tard. Il mesure alors au travers des propos du jeune diplomate l’étendue du désastre. Il change de ton, se fait plus humain, au point de tutoyer son interlocuteur. Approché par l’ambassadeur depuis Paris, les officiels ivoiriens comprennent que tout cela va trop loin. L’émeute est reprise en main et la nuit s’achève sans que l’ambassade ne soit prise d’assaut. (…) À Paris aussi, la crise n’est pas franchement terminée pour Villepin. Le 2 février marque même un tournant dans sa relation avec Chirac en raison de l’affaire ivoirienne. Jusqu’à présent, même aux pires moments, jamais les deux hommes ne s’étaient affrontés. Malgré l’échec de la dissolution, malgré les propos peu amènes de Bernadette Chirac, malgré les doutes, Chirac avait toujours ménagé Villepin, avait toujours donné l’impression de tout lui passer, de tout lui pardonner. Or, en ce dimanche d’hiver, Chirac crie et menace. Le dossier ivoirien a été mené en dépit du bon sens. Chirac accuse Villepin d’avoir manqué de recul, de s’être laissé guider par son aversion pour Gbagbo. Villepin prend conscience qu’il a perdu son pouvoir sur Chirac, que maintenant il va lui falloir se montrer plus docile et plus prudent. Et surtout, il décide de se retirer rapidement du dossier ivoirien. Désormais, il laisse faire la machine du Quai et les militaires. (…)»
On connaît la suite. La machine du Quai d’Orsay se condamne à l’impuissance et le lobby militaire le plus colonialiste, incarné par Michèle Alliot-Marie, prend le dessus. Chirac, qui se retranchait derrière De Villepin et jouait les modérés, devient le plus hystérique de l’anti-Gbagbo à Paris. Quant à Villepin, désireux de se donner une stature internationale pour la suite de sa carrière, il décide de faire ami-ami avec un président ivoirien qu’il est aujourd’hui suspect de ne pas haïr de toutes ses forces en France. «Depuis le fiasco de Marcoussis, les relations entre Laurent Gbagbo et le locataire de Matignon ont évolué. "Villepin a allumé un incendie et maintenant il joue au pompier.", résume avec acidité Guy Labertit, le Monsieur Afrique du PS, très proche du président ivoirien.
Après avoir plongé l'armée française dans le bourbier de l’opération Licorne, après s'être fâché à mort avec Laurent Gbagbo et avoir assisté au rapatriement forcé de milliers de Français d'Abidjan fuyant les "Patriotes", Dominique de Villepin a, semble-t-il, revu son analyse de la situation.
En mai 2004, Dominique - le ministre de l'Intérieur prend le contre-pied de Dominique-du-Quai et se réconcilie avec Gbagbo. Grâce à la médiation de son missi dominici en Afrique, maître Robert Bourgi, l'ennemi juré d'hier devient le pivot de la "real politik" de demain. Aujourd'hui, Laurent et Dominique "s'appellent pour un oui, pour un non, se chahutent et rigolent au téléphone.", raconte un de leurs amis communs. Comme le révélait L'Express, Villepin a même dédicacé son chef-d'œuvre littéraire, Éloge des voleurs de feu, au président ivoirien, c'est dire...
"Il est devenu réaliste. Ce rapprochement lui permet aussi de marquer sa différence avec Sarkozy qui, en bon libéral, est plus proche d'Alassane Ouatarra, l'opposant traditionnel de Gbagbo.", explique Guy Labertit. Trois ans après la partition de fait du pays, entérinée par l'interposition de l'armée française, il est un peu tard pour choisir l'un des camps… La situation s'est enlisée et aucune issue n'est en vue. Pire, ce revirement du Premier ministre s'inscrit en faux avec la politique de Jacques Chirac qui, explique un cacique de l’ex-RPR, "espère revenir à des relations franco-ivoiriennes à l'ancienne, comme au temps d'Houphouët, en misant sur le retour de Henri Konan Bédié." Le mois dernier, l'ancien président de Côte d'Ivoire, renversé en 1999, est revenu sans enthousiasme au pays, poussé par la vieille garde de l'UMP.»
Toujours dans l’objectif de se relégitimer en Afrique, l’actuel Premier ministre français a courtisé ardemment Thabo Mbeki, il y a plus de deux ans. Il a été sévèrement éconduit, nous raconte «Jean Saint-Iran». «La diplomatie française mène donc assez systématiquement une entreprise de séduction à l’égard de l’Afrique du Sud. C’est à sa demande instante qu’en février 2003, Chirac a invité au Sommet franco-africain le président du Zimbabwe, alors même que sa politique d’expulsion des fermiers blancs l’avait mis au ban des nations. Villepin concocte un voyage en Afrique du Sud pour la fin juin. Le 26, il fait un discours devant le Parlement sud-africain, rappelle les grands principes, les Huguenots venus peupler ce territoire, puis passe aux entretiens politiques. Les Français vont de surprises en déconvenues. Mis en garde contre Villepin par Laurent Gbagbo et certains chefs d’État de l’Afrique francophone, les Sud-africains se montrent intraitables dans les négociations sur le devenir de la Côte d’Ivoire. Le communiqué commun signé à l’issue de la visite est une sorte de camouflet pour Villepin.
Il déclare que les deux pays s’engagent à soutenir les pouvoirs légitimes issus des élections, qu’il souhaite le respect de la souveraineté nationale de chaque pays africain et que les problèmes africains doivent être réglés en priorité par les Africains eux-mêmes, au besoin en demandant en cas de conflit à un pays africain de jouer le rôle de médiateur. Pour ce qui est de la présence française en Afrique, le message est clair : on ferme. Comme le titrera plus tard un bimensuel spécialisé sur les problèmes africains : "Bye, bye la France". Villepin revient de Pretoria et du Cap non seulement sans s’être vraiment réintroduit dans le jeu ivoirien, mais encore en ayant entériné implicitement le processus de repli de la France hors d’Afrique. Amorcé avec la dévaluation du franc CFA en janvier 1994, ce repli devait cesser avec son arrivée au Quai. Madagascar, Abidjan, Pretoria, Afrique adieu, tu enfouis moins la conscience des hommes que les ambitions du locataire du Quai d’Orsay.» DDV compte-t-il sur le président ivoirien pour se réconcilier avec l’Afrique du Sud ? En tout cas, il ne manque pas d’appeler le président Gbagbo autant que faire se peut. Avant-hier, il lui donnait du «cher Laurent» à propos de l’affaire de Youssef Fofana, le «tueur de Bagneux» intercepté par la police ivoirienne, alors qu’il cherchait à se planquer dans son pays d’origine. Il disait également devant les caméras des télévisions, en France, qu’il était en contact avec le numéro un ivoirien. Ce virage à 180° témoigne-t-il de la «santé mentale» de l’impétrant ou des projections auxquelles il procède à propos du chef de l’Etat ivoirien et de la manière dont il pourrait l’aider à devenir son homologue ? Au secours, Laurent, explique-nous «l’âme et la psychologie» villepinesque !

Par Théophile Kouamouo
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Soundjata Kéita
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MessagePosté le: Sam 25 Fév 2006 11:23    Sujet du message: Répondre en citant

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essama
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MessagePosté le: Sam 25 Fév 2006 12:02    Sujet du message: Répondre en citant

Désolé, j'avais pas vu.
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essama
Grioonaute 1


Inscrit le: 20 Nov 2005
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MessagePosté le: Sam 25 Fév 2006 12:08    Sujet du message: Répondre en citant

Troupes françaises, hors d’Afrique !

Le néocolonialisme français à l’œuvre en Côte d’Ivoire

Lorsque les troupes françaises sont entrées en Côte d’Ivoire en septembre 2002, en pleins préparatifs de l’ invasion de l’Irak par les impérialistes américains et britanniques, nous avons lancé en première page de notre journal : « Troupes françaises, hors de Côte d’Ivoire ! » à côté de « Défense de l’Irak contre l’attaque impérialiste ! » Nous avons dénoncé l’hypocrisie de l’impérialisme français qui se plaignait bruyamment de l’« unilatéralisme » américain dans la guerre contre l’Irak alors qu’il envoyait lui-même – « unilatéralement » et sans aucun mandat de l’ONU – des milliers de soldats en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire est sous occupation coloniale française. Depuis cet article qui date de janvier 2003, l’ interventionnisme de la France sur le continent africain s’est amplifié de manière considérable, reflétant une intensification accrue des rivalités interimpérialistes dans le monde post-soviétique. Le Parisien titrait le 14 juin « Le grand retour de la France en Afrique » et publiait une carte montrant une présence militaire substantielle un peu partout sur le continent avec un total de 11 000 soldats déployés : au Sénégal, au Libéria, en Côte d’Ivoire, au Tchad, en République centrafricaine (RCA), à Djibouti, au Congo et au Gabon. Bien sûr contrairement à ce titre, la France n’est jamais sortie d’Afrique ; mais les épisodes comme celui-ci indiquent bien une amplification des rivalités interimpérialistes sur ce terrain. Il est d’ailleurs significatif que dans cette liste seule l’intervention en République démocratique du Congo était sous mandat de l’ONU ! Lequel mandat de l’ONU signifie simplement le permis de tuer impunément. Nous disons : Troupes françaises hors d’Afrique !

L’Afrique subsaharienne est une région dévastée économiquement, où le revenu par habitant est en chute libre, où les guerres civiles se sont généralisées partout sur le continent à quelques exceptions près, qui abrite 70 % de l’ensemble des victimes du sida dans le monde sans parler des autres endémies qui se sont pérennisées telles que la tuberculose, l’onchocercose (cécité provoquée par un parasite), etc. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, qui est pourtant le pays le moins pauvre de cette partie de l’Afrique, la mortalité infantile est énorme : 181 enfants sur 1 000 meurent avant d’atteindre leur cinquième anniversaire ! Et en général les conditions d’hygiène sont déplorables : en zone urbaine, moins de la moitié des ménages disposent d’un approvisionnement en eau courante dans leur logement et un tiers ont accès à l’eau par des robinets ou des puits publics ; quant à la zone rurale, c’est seulement deux tiers qui ont accès à l’eau potable sous quelque forme que ce soit et plus de deux tiers n’ont aucun type de toilette (voir Georges Photios Tapinos et al., La Côte d’ivoire à l’aube du XXIe siècle, Karthala, 2002). En moyenne en Côte d’Ivoire il y a un médecin pour environ 12 000 personnes et un infirmier pour 4 000. Par ailleurs la Côte d’Ivoire est le pays le plus touché par le virus VIH/sida en Afrique de l’Ouest, avec un taux de prévalence du VIH de 10 à 14 % des adultes ; les estimations indiquaient 800 000 cas en 1997 avec 85 000 nouveaux cas cette année-là, ce qui amènerait le nombre actuel à plus d’un million sur les 16 que compte la Côte d’Ivoire ! Avec la guerre civile et ses conséquences sur l’augmentation des viols et des déplacements de populations, ces estimations risquent d’être très en dessous de la réalité. En ce qui concerne les femmes, leur oppression est particulièrement criante : la polygamie est largement répandue bien qu’officiellement interdite et le crime de l’excision est courant surtout parmi les populations rurales du nord, du centre et de l’ouest de la Côte d’Ivoire ; certaines informations font état d’un taux de plus de 40 % de femmes qui l’ont subie. Si l’Afrique est dans une telle situation c’est d’abord le résultat de 100 ans de colonialisme suivis de 40 ans de néocolonialisme aux mains de l’impérialisme.

La destruction contre-révolutionnaire de l’URSS a, de plus, eu un impact particulièrement profond dans cette partie du monde. S’il y a une région dans le monde qui a souffert de la catastrophe de la chute de l’Union soviétique, c’est bien l’Afrique. A bien des égards, l’existence de l’Union soviétique et sa victoire dans la Deuxième Guerre mondiale avait fourni un contexte favorable aux mouvements indépendantistes d’Afrique et d’ailleurs ; la Révolution chinoise de 1949 et la résistance des peuples indochinois – c’est particulièrement important pour la France – contre l’impérialisme avaient encouragé ces mouvements. Pendant la guerre froide les pays africains disposaient d’une certaine ouverture pour parfois manœuvrer entre l’impérialisme d’une part et l’URSS d’autre part, pour obtenir certaines concessions de la part des impérialistes. Un exemple d’une telle concession vis-à-vis de la Côte d’Ivoire était la Caistab (Caisse de stabilisation et de soutien des prix des produits agricoles), un système de prix garantis au producteur, mis en place depuis de nombreuses années par le président-dictateur Félix Houphouët-Boigny. La Caistab déterminait chaque année le prix payé aux producteurs locaux en fonction de la fluctuation des prix internationaux, renflouant la caisse en cas de prix mondiaux plus élevés et déboursant une compensation en cas de prix mondiaux plus bas. Comme les prix mondiaux étaient relativement élevés pendant plus de vingt ans, la Caistab a surtout eu pour résultat de générer des milliards de recettes permettant à l’oligarchie abidjanaise de s’enrichir affreusement sur le dos des producteurs. Mais quelquefois, la Caistab a permis de limiter les conséquences des chutes brutales des prix mondiaux. Aussi la Caistab a été la première cible de la Banque mondiale et du FMI dans les années 1990 : sous le slogan de la libéralisation du commerce, ils ont imposé sa destruction en 1999.

Cette marge a maintenant été brutalement supprimée et ces pays sont livrés à un impérialisme encore plus arrogant et plus brutal et les rivalités interimpérialistes ont été attisées. Cela a amplifié les conflits existants et en a généré de nouveaux. Aujourd’hui il n’y a pratiquement pas un seul pays de la région qui ne soit confronté à des conflits de nature ethnique, religieuse ou autre. Il est parfaitement évident que pour faire face à des pénuries aussi graves que celles que connaît l’Afrique, la seule perspective envisageable est celle d’une économie planifiée à l’échelle internationale.

Etant donné sa position particulière de force sociale installée dans le ventre de la bête impérialiste française, le prolétariat français a une responsabilité toute particulière vis-à-vis de ses frères de classe dominés par « notre » bourgeoisie. C’est ainsi que le Deuxième Congrès de l’ Internationale communiste en 1920, qui a établi les fameuses « 21 conditions d’admission des Partis dans l’ Internationale » stipulait dans sa 8e condition :

« 8. Dans la question des colonies et des nationalités opprimées, les Partis des pays dont la bourgeoisie possède des colonies ou opprime des nations, doivent avoir une ligne de conduite particulièrement claire et nette. Tout Parti appartenant à la 3e Internationale a pour devoir de dévoiler impitoyablement les prouesses de “ses” impérialistes aux colonies, de soutenir, non en paroles mais en fait, tout mouvement d’émancipation dans les colonies, d’exiger l’expulsion des colonies des impérialistes de la métropole, de nourrir au cœur des travailleurs du pays des sentiments véritablement fraternels vis-à-vis de la population laborieuse des colonies et des nationalités opprimées et d’entretenir parmi les troupes de la métropole une agitation continue contre toute oppression des peuples coloniaux. »

Il y a une deuxième raison qui fait que ce qui se passe en Côte d’Ivoire revêt une importance cruciale pour les révolutionnaires en France : c’est l’importance stratégique de la question immigrée pour le prolétariat français. Les Africains originaires d’Afrique de l’Ouest, qui sont des centaines de milliers en France, constituent une proportion significative de l’immigration dans ce pays ; elle a un rôle stratégique à jouer dans la révolution socialiste ici. Les événements de Côte d’Ivoire ont un impact direct et profond sur tous les pays de cette région de l’Afrique et par voie de conséquence ils produisent des ondes de choc dans cette partie du prolétariat de France qui constitue une cible privilégiée pour notre propagande.

Le lien concret qui existe entre d’une part le prolétariat ivoirien et plus généralement africain et, d’autre part, le prolétariat français a été clairement démontré avec les charters de sans-papiers africains que le gouvernement revanchard de droite organise à un rythme d’enfer depuis plusieurs mois, en amplifiant l’arsenal de mesures racistes mis en place par les gouvernements précédents, notamment celui de Jospin. Rien qu’au premier semestre de 2003, 16 893 personnes ont été expulsées et 57 « vols groupés » ont été réalisés. Abidjan était l’une des principales destinations des premiers charters ; avec le premier charter Sarkozy on a vu à Abidjan des travailleurs ivoiriens, notamment ceux de l’ancienne compagnie Air Afrique, se mobiliser sur l’aéroport pour protester contre ces vols y compris en se confrontant aux forces combinées des flics français et ivoiriens. On peut imaginer l’effet qu’aurait dans les deux pays une action commune organisée à la fois à Paris et Abidjan pour empêcher ces expulsions : en France on empêcherait les avions de décoller et à Abidjan on les empêcherait d’atterrir s’ils arrivaient à voler.

La Côte d’Ivoire : bastion de l’impérialisme français dans cette région de l’Afrique

Du triple point de vue militaire, économique et politique, la Côte d’Ivoire est la pièce maîtresse de l’impérialisme français en Afrique de l’Ouest. Près de 4 000 soldats français y sont en opération et c’est là aussi que sont installés le plus grand nombre de ressortissants français sur le continent. Au cours des 40 ans d’indépendance formelle du pays, la domination politique de la France n’a jamais été réellement mise en cause. Celle-ci a trouvé en Félix Houphouët-Boigny – ministre du gouvernement français de 1956 à 1960 (pendant la guerre d’Algérie) et président-dictateur de Côte d’Ivoire de 1960 à sa mort en 1993 – un serviteur plus que zélé. Ainsi dès l’indépendance en 1960, Houphouët-Boigny s’oppose par son vote à l’ONU à l’indépendance algérienne qu’il présente comme un problème intérieur de la France. Il organise le soutien des Etats francophones africains à la France. Et plus tard il jouera systématiquement le rôle de gendarme régional au service de l’impérialisme français.

Et aujourd’hui l’impérialisme français et ses grands groupes installés sur le territoire ivoirien ont d’énormes intérêts financiers dans le pays. Selon l’hebdomadaire Jeune Afrique Economie (n° 346, 4-17 novembre 2002), « ce ne sont pas moins de 5 000 milliards de francs CFA [50 milliards de francs] que l’Hexagone brasserait par an en Côte d’Ivoire. Soit environ 75 % de la richesse produite. » Selon ce même journal, le secteur bancaire était encore récemment à 76 % entre les mains de la Société Générale, du Crédit Lyonnais et de la Belgolaise ; ce sont des entreprises françaises qui détiennent les activités sur l’eau, le téléphone et l’électricité. Le secteur du Bâtiment et travaux publics est largement dominé par Bouygues, l’activité portuaire par Bolloré qui gère aussi le chemin de fer entre Abidjan et Ouagadougou et qui contrôle ainsi les économies enclavées du Sahel ; la Compagnie fruitière détient 50 % du marché de la banane et de l’ananas ; enfin TotalFinaElf détient 25 % du capital de la Société ivoirienne de raffinage, laquelle contrôle plus de 50 % des marchés malien et burkinabè et se prépare à étendre davantage son marché. Au-delà de ces questions économiques, il faut souligner le rôle politique que jouent les ex-colonies françaises pour renforcer les positions de la France dans le jeu des rivalités interimpérialistes. Par exemple au moment du vote des résolutions sur la guerre d’Irak au Conseil de sécurité où siégeaient la Guinée et le Cameroun, ces derniers ont été démarchés pour voter pour la position de la France.

La Côte d’Ivoire constitue aussi un pôle économique régional important ; son PIB représente 40 % de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), qui comprend la Côte d’Ivoire, le Niger, le Mali, le Sénégal, le Togo, le Bénin et le Burkina Faso. Tous ces pays utilisent la même monnaie : le franc CFA. Le franc CFA est une monnaie créée comme satellite du franc français et maintenant de l’euro. La France en garantit la convertibilité en devises internationales en contrepartie d’un contrôle quasi total des transactions extérieures : la Banque de France détient en effet 65 % des réserves de change des pays de la zone CFA. En janvier 1994 la France décidait de dévaluer massivement le franc CFA lui faisant perdre 50 % de sa valeur. Avant la dévaluation 1FF s’échangeait contre 50 FCFA et après la dévaluation il en valait 100. Les conséquences de la dévaluation du FCFA ont été catastrophiques pour les économies locales et un bonus pour l’impérialisme français : la valeur de la force de travail des travailleurs africains travaillant pour les société françaises a été du jour au lendemain divisée par deux.

Grâce aux richesses agricoles dont dispose la Côte d’Ivoire avec ses vastes étendues de terres très fertiles ainsi qu’avec les cours mondiaux favorables du cacao et du café, le produit national a connu une croissance impressionnante dans les années 1960 et 1970 atteignant 16,5 % par an en 1977. La Côte d’Ivoire est ainsi devenue première exportatrice mondiale de cacao (assurant 45 % des exportations mondiales) et quatrième exportatrice de café. Elle exporte également une quantité substantielle de bananes, d’ananas et d’huile de palme, de même que du coton, du sucre de canne, du bois et du latex. Le port d’Abidjan se classe au premier rang dans toute l’Afrique de l’Ouest pour le transport par conteneurs. Dans le cadre d’une économie néocoloniale, tous ces « progrès » sont à relativiser très fortement puisqu’ils n’étaient pas un signe de développement économique. Loin de là, la structure économique qui était basée sur l’agriculture et qui maintenait l’industrie à l’état embryonnaire restait très fragile ; de ce fait la croissance de l’économie ne se traduisait pas par l’amélioration des conditions de vie des travailleurs (par exemple le taux de scolarisation des enfants dans l’enseignement primaire n’atteignait pas 70 % en 1992 et ne l’atteint toujours pas aujourd’hui).

Dès 1978 les prix des deux productions clés (cacao et café) chutent de 30 % et, 10 ans plus tard, la dette extérieure dépassait les 8 milliards de dollars. A Abidjan on voit effectivement la décrépitude et la misère qui dévastent les quartiers pauvres. Les bus Renault cédés par la RATP une fois qu’ils ne sont plus aux normes à Paris commencent là-bas une nouvelle vie qui peut parfois durer des dizaines d’années ! Une autre chose qui frappe c’est le grand nombre de Français en poste dans les administrations comme conseillers dans les ministères et souvent bien plus près des centres de décision que les responsables ivoiriens eux-mêmes. En même temps on est frappé de voir dans les quartiers d’affaires autant de tours plus impressionnantes les unes que les autres (plus de 20 étages parfois), autant de villas extraordinairement luxueuses sur la Riviera, un grandiose pont nommé Giscard d’Estaing¼

Mouvement de rébellion et clivage nord-sud

Le clivage nord-sud doit être compris sur plusieurs plans. Sur un premier plan évidemment il y a la simple accessibilité physique des zones du point de vue des colons : il leur a été plus facile d’atteindre et de « pacifier » les zones proches de la mer. Alors que les opérations étaient beaucoup plus risquées s’agissant des populations des zones éloignées des côtes. C’est ainsi que les zones côtières de la Côte d’Ivoire, du Nigéria, du Cameroun, du Bénin, du Togo, du Ghana, etc., qui ont eu un contact plus direct et prolongé avec les colons, sont à dominante chrétienne alors que les zones nord sont à dominante musulmane dans ces pays. De même les pays comme le Niger ou le Mali, qui sont enclavés et n’ont aucun accès à la mer, sont presque exclusivement musulmans. De ce fait les zones côtières ont généralement bénéficié d’un volume plus important d’infrastructures économiques et sont relativement plus prospères aujourd’hui en comparaison avec les zones plus arides et moins équipées du nord.

Mais il y a surtout le rôle direct du colonisateur français qui a organisé très consciemment l’oppression spécifique des populations du nord en particulier les Burkinabè – anciennement appelés Voltaïques. Pour mettre en valeur la Côte d’Ivoire, riche en ressources naturelles mais peu peuplée et où s’était installée une population de colons planteurs français, la France a eu recours à la population de Haute Volta – aujourd’hui Burkina Faso. Elle a fait cela grâce au régime de travaux forcés qui était mis en place par l’impérialisme français et maintenu pendant au moins une vingtaine d’années. Des millions de Burkinabè d’ethnie mossie ont été embarqués de force vers la Côte d’Ivoire et dans d’autres zones de colonisation pour travailler dans les plantations mais aussi pour les travaux d’infrastructure. Après les indépendances, cette migration vers la Côte d’Ivoire s’est poursuivie compte tenu du dénuement total dans lequel le Burkina était laissé. Ce petit pays de 10 millions d’habitants est dépourvu de toute potentialité industrielle et les populations sont censées survivre par l’agriculture ; mais le pays est aride à 80 % et il ne pleut que 2 mois par an ! Les gens s’occupent de leurs champs pendant ces deux mois, mais que peuvent-ils donc faire pendant le reste de l’année ? Eh bien ils émigrent chaque année par millions en Côte d’Ivoire où ils travaillent dans les plantations cacaoyères et caféières en tant que travailleurs saisonniers, ne revenant chez eux qu’au moment de la saison des pluies. Le lien entre le nord de la Côte d’Ivoire et le Burkina est substantiel.

A côté des populations mossies en provenance du Burkina Faso, la partie nord de la Côte d’Ivoire est constituée de Dioulas (terme signifiant originellement « commerçant » en langue malinké) composés en fait de plusieurs ethnies. C’étaient des populations commerçantes qui avaient fait partie des empires du Mali et autres et qui étaient historiquement, culturellement et religieusement totalement séparées des populations côtières. C’est la colonisation qui les a rassemblées par la force dans cette entité appelée Côte d’Ivoire. Il suffit de voir la carte en page 4 pour se faire une idée des principales ethnies et nationalités différentes, qui se retrouvent aussi de l’autre côté des frontières. Ces frontières ont été tracées artificiellement par les impérialistes, qui s’ attachent à diviser pour mieux régner.

L’un des aspects politiques qu’a revêtu le mouvement de rébellion presque immédiatement fut la question de l’« ivoirité ». C’est effectivement cette question qui concentre les tensions existantes dans le pays en raison de la masse de gens concernés et de la profondeur des ressentiments. En Côte d’Ivoire, 26 % de la population est considérée comme étrangère (à titre de comparaison, en France la proportion d’étrangers dans la population est de moins de 6 %) et la moitié d’entre eux sont nés dans le pays ! En Côte d’Ivoire les immigrés n’ont même pas de reconnaissance sur le papier même s’ils vivent et travaillent dans le pays depuis parfois trois générations ou davantage.

L’explosion de la crise de l’« ivoirité » a pris son caractère le plus spectaculaire avec l’exclusion explicite d’Alassane Dramane Ouattara – originaire du nord et ancien Premier ministre – de la participation effective à la vie politique nationale du fait de sa « nationalité douteuse » ! Sous la houlette de Henri Konan Bédié qui venait de prendre la succession de Félix Houphouët-Boigny comme président de la Côte d’Ivoire en 1993, cette exclusion a été formalisée avec la rédaction d’une nouvelle constitution imposant des conditions drastiques pour être reconnu « ivoirien » (y compris de prouver par des papiers qu’on est de père et de mère ivoiriens, dans un pays largement analphabète et où la nationalité ivoirienne n’est elle-même apparue qu’en 1960 avec l’indépendance. Si vous êtes né dans les années 1940 ou 1950, comment dans ces conditions prouver que non seulement vous, mais également votre père et votre mère étaient ivoiriens ?) Alors pourquoi cette fixation sur Alassane Dramane Ouattara, un bourgeois de la pire espèce ayant été plusieurs années vice-président du Fonds monétaire international et Premier ministre de Côte d’Ivoire, bras droit de Félix Houphouët-Boigny et le principal architecte de la campagne de privatisation du début des années 1990 ? Parce qu’Alassane Ouattara est vu comme un symbole de la population musulmane pauvre du nord du pays, classiquement citoyens de seconde zone dans l’imaginaire populaire du sud. Dans ces conditions, voir un Dioula briguer la présidence de la République c’est comme de voir un Maghrébin briguer la même fonction en France sauf que là-bas il avait beaucoup de chances de gagner les élections vu l’énorme proportion d’« étrangers ivoiriens » et le soutien international qu’il avait. C’est ce qui explique que les régimes qui se sont succédé n’ont pas varié sur ce point : le général Guéï, après son coup d’Etat de Noël 1999, a repris le concept de l’« ivoirité » de Henri Konan Bédié et à son tour Laurent Gbagbo l’a également maintenu.

Il y a un autre facteur plus immédiat qui a conditionné la crise de chauvinisme et de xénophobie. C’est le recours à l’agriculture extensive systématiquement suivi par l’économie de plantation depuis toujours. N’oublions pas que l’économie de plantation était au cœur de la prospérité de la Côte d’Ivoire puisque c’est elle qui lui fournissait la presque totalité des revenus d’exportation ; mais elle n’a pu réaliser cela qu’en utilisant l’agriculture extensive qui fonctionne de la manière suivante : on commence avec une superficie donnée que l’on exploite avec un minimum d’investissement ; une fois que le rendement commence à baisser du fait de l’épuisement du sol, on se déporte plus loin vers la forêt, on brûle et on défriche pour obtenir de nouvelles surfaces toutes fraîches où l’on plante de la même manière et ainsi de suite. De la sorte, les superficies exploitées augmentent sans cesse sans vraiment augmenter la productivité des terres. Au fur et à mesure de l’épuisement des terres les plus fertiles, la stratégie extensive est devenue de moins en moins efficace et les conflits fonciers ont commencé à s’intensifier entre différents groupes ethniques. La propriété terrienne était réservée aux colons baoulés (l’ethnie de Houphouët-Boigny) qui en excluaient les travailleurs originaires du Nord ; et le conflit s’intensifia avec la destruction finale de la forêt.

Il faut le dire clairement, il n’existe pas de nation ivoirienne. Toutes les idéologies construites sur ce concept sont réactionnaires et portent en germe le génocide de tel ou tel autre peuple ou groupe de population.

Troupes françaises hors de Côte d’Ivoire et de toute l’Afrique !

On a beaucoup entendu Jacques Chirac et Dominique de Villepin crier sur tous les toits qu’ils « s’opposent » à la guerre en Irak et qu’ils sont, avec Schröder et Poutine, dans le « camp de la paix ». Mais quand il s’agit de sortir les griffes pour défendre leurs intérêts contre les peuples qu’ils considèrent comme leur chasse gardée, ils n’ont franchement rien à envier aux George Bush et Blair.

En septembre 2002, après même pas quatre jours d’insurrection, les troupes françaises étaient envoyées en force en direction de Bouaké, la deuxième ville la plus importante de la Côte d’Ivoire, qui était aux mains des soldats rebelles. Selon le quotidien le Monde (24 septembre 2002), ces troupes étaient dotées d’avions de transport et d’hélicoptères de manœuvre Cougar. Depuis lors la France a sans cesse augmenté le nombre des troupes, les portant à près de 4 000, et étendu la zone d’intervention. Les équipements comportent de l’infanterie, mais aussi des blindés légers, des hélicoptères et même de l’artillerie, sous la forme de mortiers lourds. L’opération baptisée « Licorne » comporte également des bateaux de guerre au large d’Abidjan et des avions de l’aéronavale qui survolent constamment le pays, notamment pour écouter les communications radio.

La présence militaire française est ainsi devenue le facteur principal dans la crise ivoirienne actuelle. C’est elle qui a stoppé la progression des rebelles vers le sud, leur descente sur Abidjan et la prise de contrôle total du pays. C’est elle aussi qui a stoppé la contre-attaque par les forces gouvernementales et imposé le deal de Marcoussis. Etant donné que les belligérants des deux côtés n’ont pas d’autre but que de se positionner comme les meilleurs agents de l’impérialisme contre leurs propres peuples, la France a pour l’instant réussi à s’imposer comme le chef de la partie : elle a supplanté toutes les tentatives diplomatiques régionales de médiation ; elle a réussi à amener les opposants à tenir des négociations sous sa houlette à Marcoussis en région parisienne et même à imposer un gouvernement d’« unité nationale ». Les masses ivoiriennes sont exténuées par cette guerre et par la dégradation économique qu’elle a causée. La majorité des gens ont donc accueilli favorablement la signature des accords. Mais c’est loin d’être gagné : même si les deux parties ont accepté de signer ces accords et accepté le principe d’un gouvernement d’« unité nationale », les frustrations sont immenses, la situation reste extrêmement fragile et les deux parties se lancent continuellement des accusations incendiaires.

Mais le prolétariat français doit savoir que l’interventionnisme militaire français n’est pas dans son intérêt : tout renforcement de la puissance militaire de l’impérialisme en Afrique est synonyme d’une intensification du pillage impérialiste des paysans et du vol des ressources naturelles de ces pays, qui ne fera qu’enhardir la bourgeoisie dans sa campagne d’exploitation contre son propre prolétariat. Le gouvernement capitaliste qui, en France, impose aux travailleurs les privatisations avec leur cortège de licenciements, qui supervise les fermetures d’usines en masse, qui taille dans les retraites, qui fait payer à la classe ouvrière la crise économique, et qui déporte les sans-papiers, est le même qui envoie ses troupes occuper son ancienne colonie afin de perpétuer le pillage des richesses de ce pays par la classe capitaliste. Le lien est tout à fait clair.

Un récent article du Monde diplomatique (avril 2003) n’hésitait pas à faire le lien entre l’éruption de l’insurrection et le fait que la plupart des contrats des grands groupes français avec la Côte d’Ivoire arrivent à terme en 2004. L’article explique que Gbagbo avait eu l’idée de lancer des appels d’offres internationaux afin d’attribuer les nouveaux contrats sur une base concurrentielle alors que jusque-là les opérations étaient toujours conclues de gré à gré entre les entreprises de l’ex-puissance coloniale et les ministres corrompus des gouvernements ivoiriens successifs. « Menacées par l’irruption de cette concurrence, les multinationales françaises sont soupçonnées d’avoir encouragé à l’époque le général Guéï (“convié” à Paris quinze jours avant les opérations) à lancer son “coup d’Etat de Noël” en décembre 1999, et d’avoir cherché à fragiliser les gouvernements tentés par un rapprochement avec des intérêts anglo-saxons. » L’impérialisme français voulait donc donner un gros coup de semonce à Gbagbo pour réaffirmer qui est le maître à bord.

L’intervention militaire de la France en Côte d’Ivoire n’est que la continuation d’une série d’autres interventions sur le continent africain où elle a montré qu’elle est prête à tout, y compris au massacre de milliers d’Africains pour protéger ses intérêts ; la liste est trop longue pour l’énumérer ici. Kolwezi au Congo démocratique en 1978 où la célèbre Force d’Action Rapide était envoyée au cœur de cette région du Shaba, hyper-riche, soi-disant pour secourir les étrangers ; au Tchad en 1983 où Mitterrand lançait l’Opération Manta, forte de 3 000 hommes pour soi-disant préserver l’intégrité territoriale du pays face aux attaques rebelles ; au Rwanda en 1994 où l’armée française protégeait les milices sanguinaires Interahamwe de Habyarimana en plein génocide anti-Tutsis¼ et on ne parle pas ici des atrocités des guerres coloniales en Algérie, Madagascar, etc.

Impérialistes et hommes de main régionaux

La presse française a récemment fait état de l’intérêt accru des impérialistes, notamment américains, envers les champs pétrolifères de cette région d’Afrique. Selon la CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement), les réserves pétrolières africaines sont estimées à 8 % des réserves mondiales et les USA sont activement en train de chercher à bâtir une stratégie d’ accroissement de leur approvisionnement pétrolier en Afrique. Le pétrole du golfe de Guinée (Nigéria, Cameroun, Côte d’Ivoire), a plusieurs avantages pour les impérialistes : d’abord ce pétrole est deux fois plus proche par rapport au pétrole du Moyen-Orient : il ne faut que 7 jours pour acheminer le brut jusqu’aux raffineries de la côte est des Etats-Unis. Ensuite les gisements se trouvent majoritairement à des dizaines de kilomètres des côtes, c’est-à-dire à l’abri de troubles et aisément sécurisables par la marine américaine. Les groupes de pression pétroliers américains ont ainsi publiquement demandé l’installation en Afrique de l’Ouest d’un commandement militaire régional et c’est dans ce contexte qu’un gisement de pétrole important a été récemment découvert à Jacqueville, à une trentaine de kilomètres d’Abidjan. Si pendant des décennies les Américains ont laissé les Français faire ce qu’ils voulaient en Algérie, en Côte d’Ivoire et ailleurs, c’était une concession sur la base du consensus antisoviétique ; tout ça est maintenant terminé et on voit la résurgence des conflits interimpérialistes.

Si vous jetez un coup d’œil sur la carte de cette partie de l’Afrique vous pouvez vous rendre compte des forces en présence. Ce que cette configuration montre avant tout, c’est comment l’Afrique occidentale a été un terrain de confrontation majeur entre les impérialismes rivaux, essentiellement la France et l’Angleterre et aujourd’hui les Etats-Unis. On constate que toute l’Afrique orientale et australe, depuis le Caire en Egypte jusqu’au Cap en Afrique du Sud était dans l’escarcelle britannique. Quant à la France, elle s’était approprié le nord du continent ainsi que l’Afrique centrale (du Congo au Tchad en passant par le Gabon, le Cameroun, initialement colonie allemande, et la République centrafricaine). Et c’est à l’ouest du continent que le partage a été le plus serré : c’est en tous cas ce que révèle l’alternance de colonies britanniques et françaises, après redistribution des possessions allemandes : le Sénégal « français » est traversé en son milieu de la minuscule Gambie « britannique » ; la Guinée « française » jouxte deux pays anglophones, le Libéria et la Sierra Leone ; la Côte d’Ivoire est flanquée du Ghana anglophone lui-même bordé par le Togo, ex-colonie allemande récupérée par la France, tandis que plusieurs pays sahéliens relativement peu peuplés (Mali, Niger, Burkina Faso, Mauritanie et Bénin) sont censés faire contrepoids à l’immense Nigéria avec ses 120 millions d’habitants actuels (soit le quart de la population du continent).

Une autre caractéristique importante de ce découpage impérialiste est la façon dont les impérialistes ont taillé à vif dans les peuples pour former des Etats totalement artificiels qui leur convenaient sans la moindre considération de leur identité. Je prendrai un seul exemple pour illustrer ce point : les Haoussas. Ce peuple constitue environ 50 % de la population du Niger, soit environ 6 millions de personnes. Mais les Haoussas constituent également 50 % de la population du Nigéria voisin, soit environ 60 millions de personnes. Eh bien ! la frontière a été tracée lors de la fameuse Conférence de Berlin en 1885 sur la seule base de ce que les deux impérialismes considéraient à l’époque comme satisfaisant leurs appétits respectifs sans aucune considération de l’identité des peuples inclus. C’est ainsi que les Haoussas se sont retrouvés à cheval sur les deux Etats, de part et d’autre de la frontière, l’un français l’autre britannique. Les Haoussas du Nigéria, qui sont musulmans, sont ainsi obligés d’apprendre l’anglais pour communiquer avec leurs compatriotes d’autres groupes tels que les Ibos ou Yoroubas au sud qui parlent une langue différente et sont majoritairement chrétiens. De l’autre côté de la frontière, au Niger, les Haoussas sont obligés d’apprendre le français pour survivre et communiquer avec les Nigériens d’autres tribus. Par contre ils sont considérés comme des étrangers auprès de leurs frères Haoussas, musulmans comme eux, du Nigéria. Ce genre de situation se répète des dizaines de fois dans pratiquement tous les pays africains et c’est le cas en particulier en Côte d’Ivoire. D’ailleurs dans plusieurs tribus transfrontalières de cette région de l’Afrique, les structures traditionnelles ont survécu à ces subdivisions et se maintiennent souvent sans tenir aucun compte des frontières étatiques officielles : les chefs de canton continuent à traverser les frontières pour aller faire allégeance à tel sultan ou tel roi basé géographiquement dans le pays voisin.

Dans le cas du conflit ivoirien, trois ou quatre dictateurs de la région sont profondément impliqués dans ces conflits dont Blaise Compaoré, président du Burkina Faso et Charles Taylor, ex-président du Libéria. L’interconnexion entre les guerres civiles au Libéria et en Côte d’Ivoire a des bases fondées sur les affinités ethniques. Mais aussi les impérialistes les alimentent en soutenant tour à tour et parfois simultanément des seigneurs de la guerre en conflit. Des tueurs à la solde de Taylor (que la France soutenait depuis 1989) sont apparus dans l’ouest ivoirien comme par hasard en pleine négociation de Marcoussis, ce qui a contribué à forcer Gbagbo à signer ces accords. De son côté Laurent Gbagbo appuyait les forces anti-Taylor du LURD (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie) basées dans l’est libérien. Or le LURD avait beaucoup progressé militairement et menaçait d’emporter la capitale : Taylor avait donc une deuxième raison d’intervenir en Côte d’Ivoire : couper les bases arrières du LURD et sauver son propre pouvoir.

Les révolutionnaires n’ont pas pris de côté dans cette guerre fratricide

Les « accords de Marcoussis » ont plus ou moins gelé la situation et le rapport de force, mais ils ne peuvent pas même commencer à résoudre les problèmes. Le conflit peut repartir d’un moment à l’autre et prendre un caractère encore plus sanglant que la première phase qui a causé des milliers de morts. Je voudrais revenir sur la fameuse question de l’« ivoirité ». Dans ses « Notes critiques sur la question nationale », Lénine disait : « Sous le mot d’ordre de la “culture nationale”, la bourgeoisie de toutes les nations [¼] travaille en fait à la division des ouvriers, à l’affaiblissement de la démocratie, se livre à des transactions mercantiles avec les réactionnaires, à qui elle vend les droits et la liberté populaires. » Le concept même de l’ivoirité rentre parfaitement dans cette logique.

Les clivages ethniques étaient présents tout au long de l’histoire moderne de la Côte d’Ivoire, mais Félix Houphouët-Boigny avait réussi à les étouffer en distribuant les coups de matraque. Il distribuait les postes ministériels ou économiques à différentes factions et, comme le veut la règle de politesse, « on ne parle pas la bouche pleine ». Et c’est cela qui lui permettait de diviser pour régner en maintenant un équilibre entre les divers groupes et en empêchant l’émergence de groupes plus puissants que les autres. Et cela lui réussissait tant que la situation économique était bonne. Mais quand la manne économique s’est raréfiée et que les institutions internationales commençaient à pressurer le pays, les tensions ont pris un caractère aigu télescopant très brutalement les questions économiques et politiques. Le système s’est effondré après la destruction de l’URSS et la mort du bonaparte. Fort logiquement les trois régimes qui se sont succédé après Houphouët-Boigny ont maintenu et développé ce principe de l’ivoirité comme moyen de trouver des boucs émissaires à la crise du capitalisme ivoirien : Bédié, Guéï et Gbagbo voulaient tous s’assurer qu’Alassane Ouattara ne serait pas éligible à la présidence tandis que ce dernier cherchait de son côté à préserver sa part du gâteau et il s’est servi de la rébellion quand l’occasion s’est présentée.

Il n’y avait pas, dans cette guerre entre la rébellion et les FANCI (Forces armées nationales de Côte d’Ivoire), de côté à prendre. Il n’y avait pas, en particulier, à soutenir la rébellion même s’ils essaient de présenter leur guerre comme une guerre menée « au nom des opprimés » et qu’ils invoquent en particulier leur lutte contre l’ivoirité. Dans leur déclaration commune en décembre 2002, les trois mouvements indiquaient leur plate-forme commune qui demandait :

Le départ du pouvoir de Laurent Gbagbo ;

L’organisation d’élections générales sous la supervision de la communauté internationale, y compris l’UE [Union européenne] et les « partenaires sociaux et économiques » de la Côte d’Ivoire ;

L’élaboration d’une nouvelle constitution ;

L’élaboration d’une nouvelle loi sur l’identification des personnes ;

La révision de la loi sur le foncier rural ;

Le rejet systématique de l’ivoirité sous toutes ses formes ;

La constitution de commissions d’enquête internationales sur les exactions¼

Il s’agit là clairement d’un programme bourgeois pur et dur avec appels explicites à la mainmise internationale par l’ONU, le FMI, l’UE, etc. : ils entérinent et reflètent la domination impérialiste. Que dire de ce soi-disant rejet de l’ivoirité ? Ces gens-là sont pris la main dans le sac car tout en proclamant ce rejet, ils réclament dans le même souffle l’élaboration d’une nouvelle loi sur l’identification des personnes. Est-ce que la victoire de la rébellion aboutirait à avancer les droits démocratiques des immigrés et des minorités en Côte d’Ivoire ? La réponse est négative. Que feraient-ils en cas de prise du pouvoir ? Avec leur « nouvelle loi d’identification des personnes », ils chercheront inévitablement à dresser les uns contre les autres les différents groupes ethniques et de façon certaine s’attaqueront d’abord aux immigrés. La deuxième question concerne la position vis-à-vis de l’impérialisme. Est-ce que la victoire de la rébellion serait une défaite pour l’impérialisme français ? Ici aussi la réponse est négative puisque, loin de se battre contre l’impérialisme, la rébellion est à ses pieds, pour preuve les accords de Marcoussis ainsi que la coopération avec les troupes françaises sur le terrain. Parlant du rôle de la France, le chef du MPCI (Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire) rebelle affirmait que « La France veut sauver la Côte d’Ivoire ». De l’autre côté Gbagbo menaçait d’offrir la Côte d’Ivoire à l’impérialisme américain si Chirac ne le soutenait pas, lui, au moment même où Bush se préparait à attaquer et occuper l’Irak comme au temps des colonies.

Cette soi-disant « lutte » contre l’ivoirité est donc en fait une « lutte » de rivalité pour savoir qui va contrôler les richesses de Côte d’Ivoire pour les brader à l’impérialisme. Ce n’est pas en luttant pour que tel ou tel présidentiable bourgeois (en l’occurrence Alassane Ouattara) puisse tranquillement faire carrière ou encore pour que tel ou tel groupe de militaires obtienne une part plus grande du gâteau du pillage impérialiste qu’on va défendre les droits des immigrés à vivre et travailler. Le MPCI ne défend et ne peut pas défendre les droits des Ivoiriens d’origine immigrée. Par conséquent dans cette guerre nous ne sommes pour la victoire d’aucun des deux camps.

Pour la révolution permanente

Mais notre perspective ne se résume pas à prendre position dans cette guerre civile qui n’est pas notre guerre. Nous avons une issue à proposer aux masses opprimées et étouffées dans la misère en Côte d’Ivoire et plus largement en Afrique ; et c’est la perspective de la révolution permanente. Pour bien comprendre son applicabilité à la Côte d’Ivoire, il est important de comprendre la place du prolétariat dans ce pays.

La population ivoirienne est estimée aujourd’hui à environ 16 millions ; dans les décennies 1960 et 1970 qui sont aussi celles où la Côte d’Ivoire a connu l’époque de la soi-disant prospérité, c’est le secteur agricole qui avait créé le gros des emplois (près de 80 %). Pendant cette période considérée comme celle du soi-disant « miracle ivoirien » l’emploi moderne a effectivement été multiplié par 2,4 sur 15 ans, passant de 180 000 travailleurs en 1965 à 430 000 en 1980. Mais du point de vue du développement du prolétariat, cette croissance était assez insignifiante puisque le secteur dit « moderne » hors agriculture n’employait que 8 à 10 % de la main-d’œuvre et que le secteur informel en employait 25 %. De plus, les évolutions récentes ont vu diminuer encore davantage les emplois salariés dans le secteur agricole qui est de plus en plus basé sur l’extensif et sur le recours croissant à l’emploi dit « relationnel » ; c’est-à-dire que la main-d’œuvre est familiale ou semi-féodale.

Au niveau de l’emploi urbain, l’informel a largement pris le dessus. Les artisans et petits commerçants privilégient l’emploi de main-d’œuvre peu ou pas rémunérée – apprentis, aides familiaux – là encore au détriment de l’emploi salarié. Il n’y a pas de contrat de travail dans l’informel : si tu as la chance d’être rémunéré tu n’as pas de salaire fixe, mais tu es payé à un taux variable, en fonction des recettes que le petit entrepreneur perçoit. Comme il n’y a souvent pas d’autre choix, on accepte. Aujourd’hui le salariat ne représente guère plus de 10 à 15 % des effectifs totaux du secteur urbain moderne, eux-mêmes représentant moins de 10 % des emplois totaux. Au total donc l’emploi moderne ne représenterait que 1 à 2 % des emplois.

Une grande partie de la population urbaine occupe donc de petits emplois informels. Tel par exemple un jeune homme qui achète cinq paquets de cigarettes à 500 FCFA et qui passe sa journée à les débiter, cigarette par cigarette, à 20 FCFA pièce pour gagner sa journée à 500 FCFA (moins d’un euro) ! Imaginez ça multiplié à des centaines de milliers de fois jusqu’à toucher 25 % de la population urbaine et vous commencerez à comprendre ce que représente l’informel là-bas.

La faiblesse quantitative et qualitative du prolétariat ivoirien est doublée d’une visible absence de concentration. Il n’y a pas d’usine de forte concentration ouvrière à Abidjan ou dans d’autres villes. Ainsi la plus grande entreprise industrielle du pays est une usine textile qui s’appelle COTIVO qui fonctionne depuis 1976. Elle était surnommée « le Mammouth » pour sa taille et ses ambitions ; pourtant elle ne compte qu’un peu plus de 1 500 ouvriers. A titre de comparaison on se rappellera le cas de la Russie d’avant la Première Guerre mondiale ; Trotsky observait que le prolétariat y était davantage concentré que dans les pays avancés : 41,4 % des ouvriers travaillaient dans des entreprises géantes de plus de 1 000 ouvriers contre 17,8 % aux Etats-Unis par exemple ; les grosses usines pouvaient compter jusqu’à plus de 10 000 ouvriers. La seule usine Poutilov par exemple comptait plus de 40 000 ouvriers en 1917. C’est ce type de concentration qui donnait sa puissance sociale au prolétariat russe même au milieu d’un océan de paysans. Quand il a pu se forger une direction révolutionnaire, ce prolétariat russe a été parfaitement capable d’entraîner cette masse de paysans derrière lui et de renverser le système capitaliste.

L’issue heureuse de la situation que vivent les masses ivoiriennes et africaines en général se trouve dans le programme trotskyste de la révolution permanente. Il y a généralement deux pièges à éviter en analysant le rôle du prolétariat africain : d’un côté se contenter de glorifier la combativité de la classe ouvrière nationale et minimiser sa faiblesse objective dans les rapports de force ; de l’autre minimiser l’action du prolétariat national qui n’aurait aucun rôle à jouer sauf à attendre la révolution internationale.

Dans une économie mondiale dominée par l’impérialisme, les pays néocoloniaux d’Afrique n’ont aucune chance de se développer de manière significative. La lutte pour la démocratie et le progrès social sur le continent exige nécessairement la révolution prolétarienne. Par ailleurs, en raison de la faiblesse du prolétariat national et de l’extension de l’impérialisme, un programme révolutionnaire n’a aucun sens s’il est circonscrit à l’échelle de la Côte d’Ivoire. Dans notre article sur le Nigéria en septembre 2002, nous reconnaissons que dans certaines parties du continent africain un prolétariat industriel n’existe que dans des poches marginales ; mais en même temps nous reconnaissons aussi l’existence d’un certain nombre de secteurs stratégiques du prolétariat industriel en Afrique subsaharienne comme par exemple : les ouvriers du pétrole au Nigéria et en Angola, les dockers et cheminots au Kenya ou les mineurs en Zambie et au Congo ; on pourrait ajouter les dockers d’Abidjan et San Pedro. Le défi d’un parti révolutionnaire internationaliste est précisément de transformer ces secteurs en un lien humain avec les mouvements ouvriers proche-oriental et sud-africain qui sont cruciaux pour une perspective révolutionnaire pour le continent entier. Mobilisées contre leurs exploiteurs capitalistes, ces couches d’avant-garde peuvent lancer une lutte visant à émanciper les hommes et femmes opprimés dans toute l’Afrique par la prise du pouvoir par le prolétariat et l’extension de la révolution socialiste vers les centres impérialistes. Il est clair que les impérialistes chercheront à écraser une telle révolution si elle a lieu, et on en connaît déjà les justifications toutes prêtes : « secourir les populations civiles », « stabiliser la démocratie », « préserver les ressortissants français », etc. Le combat pour le pouvoir ouvrier en Afrique subsaharienne doit donc être lié au combat pour le pouvoir ouvrier dans les pays capitalistes avancés. Des centaines de milliers d’ouvriers africains immigrés constituent une composante clé de plusieurs secteurs ouvriers syndicalisés et stratégiques du prolétariat en Europe. Ils constitueront le pont humain nécessaire pour étendre la révolution entre les deux continents. A cette fin la classe ouvrière doit forger une direction révolutionnaire constituée de partis d’avant-garde léninistes-trotskystes, composants d’une Quatrième Internationale reforgée.

Qu’en est-il de la Côte d’Ivoire ? Bien que nous manquions d’informations précises et à jour, il est clair que ces dernières 20 années ont connu une agitation sociale certaine. Au premier plan ça a été surtout le fait des enseignants et des étudiants organisés dans la FESCI (Fédération des étudiants et scolaires de Côte d’Ivoire) qui se battaient surtout pour résister aux mesures antijeunes imposées dans le cadre de l’ajustement sectoriel du FMI et de la Banque mondiale (fermeture des résidences universitaires, suppression de bourses d’étude, etc.). On a également assisté à des mouvements de résistance contre les multinationales telles qu’Air Afrique, basée à Abidjan, où les employés ont essayé de défendre leurs emplois et de résister aux mesures oppressives notamment contre les femmes. Un certain nombre d’informations éparses font état de conflits sociaux ces dernières années : notamment une longue grève au Port autonome d’Abidjan menée par le Synadoci (syndicat des dockers de Côte d’Ivoire) qui s’est soldée par le licenciement de 600 grévistes ; en avril 2002, les travailleurs de la SOTRA (transport urbain) organisés dans le Synarso (syndicat des agents roulants et vendeurs de titres de transport de la SOTRA) observaient un arrêt de travail grandement remarqué.

Un parti ouvrier révolutionnaire chercherait à s’implanter parmi ces travailleurs avec un programme pour rallier l’ensemble des opprimés et avancerait, par exemple : tous les impérialistes, dehors ; contre les fomenteurs de pogromes, pleins droits de citoyenneté ; nationaliser la terre et la donner à ceux qui la travaillent (indépendamment de leurs origines ou « nationalité ») ; exproprier sans compensation les grands domaines côtiers et les grosses entreprises (qui sont d’ailleurs souvent aux mains des impérialistes français) ; contre les pratiques opprimant les femmes comme la polygamie et le crime de l’excision ; sur la question explosive du sida : traitement et soins médicaux de qualité et gratuits pour tous.

En Afrique et dans tous les pays néocoloniaux, la lutte pour la libération des femmes de l’oppression capitaliste et précapitaliste est une question explosive. Les nationalistes cherchent à unifier « la nation » en faisant appel aux institutions traditionnelles et aux symboles culturels qui, étant basés sur la famille et la religion, perpétuent de façon inhérente l’oppression des femmes. Une avant-garde prolétarienne internationaliste chercherait au contraire à être un « tribun du peuple » combattant toutes les formes de l’oppression et de l’arriération sociale. Nos camarades de notre section sud-africaine ont consacré le premier numéro de leur journal (juillet 2001) à des articles sur la crise du sida. Dans l’introduction ils écrivent :

« A chaque pas la recherche pour des traitements contre le VIH/sida a été entravée par le système capitaliste dont le moteur est le profit et par les idéologies arriérées, racistes, anti-homosexuels et anti-femmes que ce système sécrète. [¼] Les tabous répressifs, la culpabilité et la honte sur les questions sexuelles, qui asservissent les femmes dans la famille bourgeoise répressive, jouent un rôle crucial pour saboter toute approche scientifique pour soigner le sida. En Afrique, comme dans d’autres parties du soi-disant tiers-monde, les femmes n’ont souvent qu’un contrôle très limité sur leur cycle de reproduction. Combien d’enfants avoir, avoir des relations sexuelles protégées avec des préservatifs : les femmes n’ont guère leur mot à dire sur ces questions. Le viol, ainsi que d’autres formes de violence sexuelle, contribuent aussi énormément à l’épidémie de sida. »

Ainsi la crise du sida met encore une fois en lumière le fait qu’il n’y aura pas de libération pour les masses opprimées d’Afrique sans des révolutions prolétariennes profondes, qui détruiront le système d’exploitation capitaliste des vautours impérialistes et de leurs agents locaux, et qui ouvriront la voie au développement socialiste.

Parmi nos opposants on notera que la LCR a publié un long article dans Inprecor (« Ajustement meurtrier de la “Françafrique” au néolibéralisme », janvier-février 2003). Posant la question de savoir si Laurent Gbagbo est anti-impérialiste, le journal répond « ce n’est pas évident » ! Ce qui manque, selon eux, c’est « une dynamique alternative (démocratique, non chauvine et anti-impérialiste sans illusions sur l’impérialisme états-unien), pouvant mobiliser le peuple ivoirien contre toutes les fractions en concurrence pour la gestion du néocolonialisme néo-libéralisé. » En d’autres termes ils restent dans un cadre capitaliste. C’est dans Rouge n° 1997 du 19 décembre 2002 qu’ils indiquent leur « solution » à la crise ivoirienne : « Imposer un embargo sur les armes, interdire l’emploi de mercenaires, menacer les propagandistes de l’ethnicisme, les médias de la haine, les recruteurs de milices d’être déférés devant une justice internationale » ! Ils font ainsi appel à l’impérialisme français ; surtout ils cherchent à nettoyer l’image par trop ternie de l’impérialisme français à cause de ses crimes en Afrique, ce qui est parfaitement conforme au vote Chirac qu’ils ont préconisé en 2002, vote qui ne pouvait être autre chose qu’un vote pour la « Françafrique ».

Quant à Lutte ouvrière, elle a un groupe de militants associé, l’UATCI (Union africaine des travailleurs communistes internationalistes). LO a dès le début utilisé le mot d’ordre correct de « troupes françaises dehors ! » Ils ont dénoncé les massacres dont sont victimes les populations minoritaires à Abidjan mais ils le font comme des commentateurs bourgeois qui n’avancent aucune perspective révolutionnaire, en particulier pas la perspective centrale de la révolution permanente. Le point crucial qui manque totalement chez eux c’est le lien avec le prolétariat ici. S’ils ne font pas ce lien c’est que cela imposerait de mettre au centre de la propagande parmi les ouvriers ici la lutte contre la terreur raciste ici.

Effectivement seul un parti véritablement révolutionnaire et internationaliste comme le nôtre dit clairement la vérité à la classe ouvrière et annonce clairement son intention de regrouper l’avant-garde autour d’un programme clair de renversement du capitalisme à l’échelle mondiale. C’est le but de la Ligue communiste internationale.
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