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''Parler vrai pour l'Afrique'', le livre d'entretiens de Denis Sassou Nguesso
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Parler vrai pour l’Afrique (1), un livre d’entretien de Denis Sassou Nguesso (avec le journaliste Edouard Dor) que je me suis procuré, de passage dans un « kiosque Relay » de la gare de l’Est de Paris, fait partie de ces livres politiques dont le contenu non seulement ne reflète nullement le titre mais mine la conscience morale.
Cet ouvrage de 262 pages, structuré en quatre parties, intervient dans le cadre d’une stratégie de « marketing politique international » et « défense », pour essayer d’améliorer l’image de ce chef d’Etat indésirable autant dans l’opinion publique (inter)nationale que dans le milieu des ONGs de défense de la démocratie, des droits humains, et de lutte contre la corruption et « les biens mal acquis ». Il n’y a pas mieux pour y arriver, dans ce cas, que le genre « autobiographique ».
C’est-à-dire là où un homme politique se raconte comme ici : "si je suis un homme public [...] il est normal que [je] parle de moi, de mon engagement, de mon parcours, de mes activités, de mes idées, de ma politique [car] j’ai observé qu’on ne le faisait pas toujours avec le souci de vérité" (p.15) Mais comment procéder ? je découvre que l’auteur frise le comble de l’imposture, en mentionnant un "Avant propos de Nelson Mandela" sur la première page de couverture. Puis la manipulation se confirme au travers de la quatrième de couverture faite essentiellement de ce "vrai faux avant-propos" de Nelson Mandela. L’imposture, la démagogie et la tentative de manipulation apparaissent alors sous les lignes dans ce livre "autobiographique" qui se termine par certains extraits de discours politiques de celui qui ne rêve (cyniquement) d’un "Congo modernisé" (p. 217) que pour s’y éterniser (comme "[président de] la nouvelle espérance").
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Le "marxiste", "anti-colonialiste" "sympathique" d’Hier, après le coup d’Etat de 1979, dont l’image traversait l’esprit de Mandela qu’il cite Aujourd’hui, est devenu un des dictateurs les plus redoutables de la fin du xxè siècle et de ce début du XXIè bien qu’il se dise démocrate et soucieux des libertés publiques et individuelles |
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Daniel Noumbissie Tchamo |
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Denis Sassou Nguesso et Jacques Chirac
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Voici ce que dit cet avant propos qui est attribué à Mandela : "Je reconnais dans le président Denis Sassou Nguesso un homme qui n’est pas seulement l’un de nos dirigeants africains, l’un de ceux qui ont présidé aux destinées de l’Organisation de l’Unité africaine, mais également l’un de ceux qui ont soutenu, de façon inconditionnelle, les revendications de nos combattants pour la liberté, et qui ont œuvré, sans relâche, pour libérer de leurs chaînes les peuples opprimés et contribué à leur redonner dignité et espoir.
Nous n’oublions jamais ses efforts continuels en faveur de la libération des peuples d’Afrique australe. Nous n’oublierons jamais le négociateur qui a accueilli, à Brazzaville, la conférence internationale ayant conduit à l’indépendance de la Namibie, ainsi qu’à la reconnaissance de l’ANC par le régime de l’apartheid et à la libération de tous ses prisonniers. C’est aussi à cet homme-là que je rends hommage." Comme on peut le constater ces propos de Mandela plus ou moins justifiés sont fort « datés ».
De prime abord, je me demande pourquoi avoir préféré ses « propos » d’il y a 13 ans (1996-2009), mais rapportés ici pour faire tenir lieu d’avant-propos à une vraie préface de Mandela (2009). L’instrumentalisation à des fins politiciennes s’avère manifeste. Pourquoi utiliser les propos datés et de circonstance, de l’icône politique africaine comme caution morale d’une « biopolitique » que Mandela ne serait pas près à soutenir aujourd’hui publiquement, au risque de se perdre, encore moins ce livre à lui co-dédicacé (une dédicace à un grand homme ne fait pas d’une basse œuvre un chef d’œuvre ni de son auteur un grand homme) ? |
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Denis Sassou Nguesso et Nicolas Sarkozy
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Pour s’en tenir uniquement à l’action politique de l’auteur, notons que de 1996 à 2009 beaucoup de sang humain a souillé les plages et les rues du Congo : « les disparus de Beach de Brazzaville » par exemple. Des milliers de Congolais ont pris involontairement le chemin de l’exil entrainant pour unique bagage symbolique le souvenir d’un beau et riche pays pétrolier devenu un champ de ruine des guerres civiles voulues entre autres par la « volonté de puissance narcissique » de l’actuel président avec l’aide de « Elf Aquitaine », (prolongement de l’Etat français en Afrique au travers d’une diplomatie parallèle) de l’époque même s’il s’en défend. Des journalistes d’investigation poussés à l’exil, la psychose des Brazzavillois craignant l’éternel retour du temps des guerres civiles...
Dans leur liberté dans la pauvreté à l’extérieur, les Congolais observent stupéfaits le train de vie dispendieux du chef de l’Etat et de son clan familial et politique à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Pendant ce temps, les plus mal lotis des 3,6 millions de l’intérieur croupissent dans la misère quand leur président regarde ailleurs et prive l’Etat privatisé des « préfinancements » (des compagnies pétrolières).
Le "marxiste", "anti-colonialiste" "sympathique" d’Hier, après le coup d’Etat de 1979, dont l’image traversait l’esprit de Mandela qu’il cite Aujourd’hui, est devenu un des dictateurs les plus redoutables de la fin du xxè siècle et de ce début du XXIè bien qu’il se dise démocrate et soucieux des libertés publiques et individuelles, comme obstinément répété dans ce livre. Encore que c’est l’un objectif des objectifs majeurs de ce dernier : "faire passer la bête politique pour l’ange" aux yeux de Congolais qui observent en spectateur sa réélection dans une ambiance de haute corruption morale et matérielle. |
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Avec ses pairs africains...
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A ceux et celles qui veulent savoir son bilan politique : il répond « qu’après avoir rétabli la confiance, la sécurité et la paix dans le pays, j’ai remis le Congo sur les rails de la démocratie (en rétablissant des institutions saines et en organisant des élections) et du développement (en stabilisant son économie éprouvée par plusieurs années de guerre civile» (p. 80).
N’allez pas lui demander les auteurs de cette « guerre civile », il répondra qu’il n’y était pour rien. « en aucun cas, il n’y avait, de ma part, une quelconque volonté de prendre le pouvoir par la force, de faire un coup d’Etat ! J’insiste sur ce point. Beaucoup de gens se sont trompés et continuent d’analyser de façon simpliste ce qui s’est passé » (P. 81) Alors chez Sassou Nguesso, l’enfer, c’est les autres : Kolelas, Lissouba et leurs partisans respectifs, « Oxy »( la multinationale américaine)! pas question d’accuser Elf bras séculier de la Françafrique à l’époque.
D’ailleurs qu’est-ce que c’est que la Françafrique pour Sassou Nguesso ? L’auteur de parler vrai pour l’Afrique répond sans ambages : « si elle a existé, nous n’en connaissons, en ce qui nous concerne, nous au Congo, ni la forme, ni la couleur. Elle a peut-être existé. Si elle a eu des acteurs, à vous de les rechercher et d’en discuter avec eux. Ici, en tout cas, nous n’avons jamais su ce que c’était la « Françafrique » ! Si c’était une forme nouvelle de colonialisme, nous avons, au Congo, toujours fortement combattu cela. Nous n’avons jamais eu de base militaire, ni d’accords secrets de défense avec la France. Nous pouvons donc affirmer que, depuis les années soixante jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons eu avec la France que des accords de coopération, dans l’intérêt des parties. |
S’il y a des relations privilégiées, elles ne peuvent être que dans les accords d’Etats. En ce qui concerne le Congo, il n’existe aucun accord avec la France qui pourrait laisser penser que certaines affaires d’Etat seraient gérées de façon occulte, à travers des officines ou des lobbies plus ou moins sordides. Jamais nous n’avons connu ici de situation de ce genre ! » (P. 134) Dans les principes, Sassou pourrait avoir raison. Mais dans les réalités, ces propos sonnent comme du poison envoyé dans la bouche du lecteur/lectrice averti(e) de la situation socio-politique congolaise.
C’est en lisant et interprétant les faits à la lumière des principes que Sassou et encore moins Bongo n’ont jamais gagné un procès contre les chercheurs et les ONGs travaillant sur ce sujet. C’est d’ailleurs pourquoi face aux accusations de "biens mal acquis", il n’est pas allé plus loin dans la riposte que des interviews accordées aux journaux français (Le parisien du Samedi/ 05/09 pour la plus récente) et panafricains (Jeune Afrique du 28 juin au 4 juillet). Cela alors même que "certains de [ses] collaborateurs [l]’ont conseillé d’attaquer en diffamation" (p.187)
Le lectorat aura donc de la peine à trouver du "vrai" dans parler vrai pour l’Afrique qui est une somme de démagogie, de mensonges par omission et de contre-vérités et parfois de "romantisme africain" (très cher à tout dictateur qui veut faire carrière sous les tropiques). Néanmoins, ce livre recèle quelques très beaux sous-titres pour dire peu de choses ou de beaux mensonges, sinon "pourquoi je vais gagner [et gagnerai toujours...]" : Bonjour la dictature sous fond d’imposture!
1. SASSOU NGUESSO Denis, Parler vrai pour l’Afrique, Michel Lafon, Paris, 2009. |
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