Les années et les événements passent, mais le traitement médiatico-politique de certaines sombres affaires lui ne varie pas d'un pouce.
On s'en souvient encore après l'"affaire du RER D" on avait hâtivement estimé que journalistes et politiques de tous bords gèreraient désormais avec prudence. Pour rappel, une jeune femme avait inventé une agression antisémite dans le RER D, pointant des "africains et arabes" qui "l'avaient prise pour une juive" pour la raison pure et simple "qu'elle habitait dans le 15è". La bêtise s'ajoutant visiblement à l'antisémitisme (et oui, les braves africains ont cru qu'elle était juive parce qu'elle habitait dans un arrondissement "pour riches").
Nous nous étions également insurgé du traitement de l'"affaire Rudy" dans laquelle, médias et politiques s'étaient encore une fois engouffrés. L'agression d'un juif ne pouvant qu'être un acte antisémite. Quand la suite de l'enquête a révélé qu'il s'agissait de bagarres entre bande et que Rudy était lui-même connu des services de police et sous contrôle judiciaire, nous avons vainement attendu un mea culpa politico-médiatique qui n'est jamais venu.
Rebelotte il y a deux semaines. Quelques personnes "portant kippa" ont été agressés. Comme à l'accoutumée, surtout en cette période de guéguerre au parti socialiste, les hiérarques politiques sont montés au créneau pour dénoncer "l'intolérable antisémitisme", en rivalisant de superlatifs pour montrer leur indignation aussi sincère qu'un homme politique peut l'être. Tout ceci avant que le moindre élément vienne corroborer la thèse antisémite.
Plus surprenant, et cela n'a pas été monté en épingle par les médias. Sur une radio tout ce qu'il y a de plus "sérieuse", à savoir France Info, un jeune juif de l'arrondissement était interrogé. Et qu'a-t-il dit? En substance que les pouvoirs publics étant "incapables de les protéger", et qu'en réponse ils "devraient monter leurs milices pour se protéger, comme aux Etats-Unis".
Imaginez deux secondes qu'une bande d'"africains" (comprendre: noirs) ou de maghrébins décide de monter sa propre milice pour protéger "les siens". Que se passerait-il? Médias et politiques monteraient au créneau. Rivaliseraient de "républicanisme", crieraient leurs angoisses quant au "vivre ensemble" maltraité et menacé par le "communautarisme".
Dans l'hypothèse où une telle intervention aurait simplement été publiée par une radio du calibre de France Info. Qui semble avoir omis de vérifier que le Bétar et la LDJ (Ligue de Défense Juive) sont des organisations bien réelles, qui sont souvent accusées de violence.
Pour faire bonne mesure, n'oublions pas que la république a failli s'écrouler parce qu'un procès a été reporté (et non annulé: il aura donc bel et bien lieu) parce que l'accusé aurait invoqué le ramadan. La république est sauve si un procès est reporté parce que l'accusé est malade, mais pas pour des raisons religieuses... même si sa pratique religieuse l'affaiblit.
Quoiqu'il en soit, l'actualité semble démontrer qu'à nouveau, en voulant rivaliser d'indignation, politiques et journalistes sont une fois encore partis vite. Uune personne de confession juive figure parmi les suspects de l'agression, au côté de trois personnes d'origine africaine.
D'après la police, tout serait parti d'un jeune homme qui, mis au défi par des amis, a tiré au pistolet à billes en direction d'un groupe de trois personnes.
Les trois jeunes juifs se seraient retournés et auraient vu un groupe de cinq personnes "rigoler".
Une rixe s'en serait suivie, rixe durant laquelle aucune insulte à caractère antisémite n'aurait été proférée, et dans laquelle le groupe de 5 jeunes, plus nombreux, a pris le dessus.
La police estime donc aujourd'hui que le caractère antisémite de l'agression n'est pas avéré. Une confrontation sera organisée aujourd'hui entre les deux groupes de jeunes.
Médias et journalistes feront-ils pour autant un mea culpa? Cela paraît peu vraisemblable, à la prochaine agression présumée ils rivaliseront encore de républicanisme bien pensant, et aucun journaliste, comme à l'accoutumée, ne fera son travail d'interrogation a posteriori.
Et pourtant, à force de diviser les agressions racistes en actes "simplement racistes" (qui sont "graves") et en actes antisémites (qui eux sont "intolérables"), politiciens et journalistes continueront à donner l'impression d'une société à deux vitesses, suivant son appartenance ethnico-religieuse.
Quand un cimetière juif est profané, le premier ministre se rend sur place (ce qui est bien), mais quand c'est un cimetière d'anciens combattants musulmans, seul le secrétaire d'Etat aux anciens combattants est "de corvée".
Et si un noir ou un arabe est victime d'une agression raciste confirmée cela peut valoir une brève dans le JT (si l'actualité n'est pas trop chargée), tandis qu'une agression antisémite est certaine de faire l'ouverture du journal télévisé.
Il est dommage que politiciens et journalistes n'aient pas encore pris conscience du fait que cette différence dans les traitements est susceptible de générer du ressenti, et donc potentiellement du racisme et/ou de l'antisémitisme auprès des jeunes qui s'estiment "laissés pour compte".
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