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Venance Konan
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grioo.com |
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Bonjour Venance Konan, pouvez-vous nous donner votre vision de ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire de 2002 jusqu’à maintenant ?
Il y a eu une rébellion qui en réalité était un coup d’Etat qui a été tenté par un groupe de personnes, qui a échoué et s’est transformé en rébellion parceque la Côte d’Ivoire n’avait pas d’armée. Ceux qui ont tenté de prendre le pouvoir comme on l’a su après étaient moins de cent personnes. Ils ont occupé Bouaké et Korogho, ont tenté d’occuper Abidjan, mais ça n’a pas marché. Ils se sont donc repliés sur Korogho. L’armée n’a pas su répondre, n’a pas eu les moyens. Ils ont réussi à attirer vers eux les désoeuvrés qui traînaient dans les villes, quelques soldats qui avaient des raisons de se plaindre et voilà comment c’est devenu une rébellion.
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En 2002, ceux qui ont tenté de prendre le pouvoir comme on l’a su après étaient moins de cent personnes |
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| Venance Konan |
Du coup nous n’arrivons pas à nous en sortir. Tout tourne maintenant autour de la prise et de la conservation du pouvoir. Il y a quelqu’un (Laurent Gbagbo NDLR) qui est pouvoir et qiu ne veut pas le lâcher, il y a des personnes à côté qui veulent ce pouvoir. Tout tourne autour de ça et le grand oublié c’est la Côte d’Ivoire, c’est le peuple ivoirien. On a essayé de régler la crise par les négociations, Linas Marcoussis, Accra 1, 2, 3, Prétoria...mais on en est toujours là car personne ne veut céder le moindre pouce de pouvoir.
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Les élections devaient avoir lieu fin novembre et il s’avère que ce délai n'a pas été tenu. Est-ce que cela vous surprend ?
Pas du tout. Je suis convaincu que les principaux acteurs politiques ne souhaitent pas que l’élection ait lieu. La Côte d’Ivoire organise des élections depuis les années 50. Comment se fait-il qu’en 2008 on n’arrive pas à organiser des élections ? N’oubliez pas que les élections devaient avoir lieu en 2005, avant d’être reportées en 2006, 2007, 2008 et ce sera reporté en 2009. Je suis convaincu qu’en 2009 il n’y aura pas plus d’élections que les années précédentes. Il y a une personne qui est au pouvoir qui a réussi à prolonger son mandat de trois ans sans passer par les urnes et qui a tous les pouvoirs. Il n’y a même plus d’assemblée nationale pour contester les décisions (elle existe nominalement mais ne siège plus).
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Les principaux acteurs politiques ivoiriens ne souhaitent pas que l’élection ait lieu |
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| Venance Konan |
Le budget a été voté par ordonnance, ou plutôt décidé par le chef de l’Etat qui s’est octroyé si j’en crois la Lettre du continent 71 milliards de Fcfa de fonds de souveraineté (environ 108 millions d’euros NDLR) qu’il gère à sa guise. Je me souviens que lorsque M Bédié était au pouvoir et qu’il avait 15 milliards de francs cfa de fonds de souveraineté, c’est Monsieur Gbagbo qui hurlait que c’était scandaleux. On ne peut pas dire que les 71 milliards servent à acheter des armes puisque la Côte d’Ivoire est sous embargo. Il n’y a pas de raison que M Gbagbo laisse tomber ce pouvoir.
De l’autre côté, il y a M Soro Guillaume qui est premier ministre tout en conservant le pouvoir qu’il a sur le Nord du pays, et il n’y a pas de raisons non plus qu’il veuille des élections.
Voyez-vous une issue à la situation actuelle ?
Je suis honnêtement très pessimiste. On avait commencé les opérations d’enrôlement le 15 septembre officiellement, il y a eu des violences, de casses, toutes choses qui sont dues au fait que certains ne veulent pas voir les choses avancer. J’ai bien peur que l’on aille vers des affrontements généralisés pour que la Côte d’Ivoire s’en sorte...
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Il y a donc encore un risque élevé de vraie crise, malgré les apparences...
Je crains que le pire ne soit devant nous. Les problèmes fondamentaux qui nous ont amené à cette crise n’ont pas été résolus. On l’a oublié. Il y a des problèmes d’identité. Une partie de la population ne sait pas à quel pays elle appartient, cela date de l’époque de l’Ivoirité de M Bédié. A Marcoussis, le problème a été posé clairement. Il y a des descendants d’immigrés qui sont en Côte d’Ivoire, et qui sont parfois à la troisième génération, qui n’ont plus de liens avec le pays de leurs ancêtres, mais sont considérés comme des étrangers alors qu’ils veulent être ivoiriens.
A Marcoussis, il avait été décidé d’accorder la nationalité ivoirienne à ceux qui étaient nés avant 1972 car c’est à partir de 72 que le code de la nationalité a changé. Avant ce changement, c’était le droit du sol qui prévalait. Quand M Banny a voulu donner la nationalité à ces personnes à travers les audiences foraines, il y a eu des violences et finalement on a laissé tomber ce processus. Le problème n’a donc pas été résolu.
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Les problèmes fondamentaux qui nous ont mené à cette crise n’ont pas été résolus |
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| Venance Konan |
Il y a les problèmes fonciers. Aujourd’hui encore il y a des conflits sanglants dans l’ouest de la Côte d’Ivoire et ce problème n’a pas été résolu.
Il y a la violence qui s’est généralisée dans le pays. L’école n’offre plus de perspectives d’avenir à qui que ce soit. Il y a l’impunité qui est devenue une sorte de mode de gouvernement chacun fait ce qu’il veut. IL y a des étudiants qui ont tué leur camarade qui s’appelle Habid Dodo, ils ont violé une fille et il n’y a pas eu la moindre sanction. On baigne dans un climat d’insécurité, dans un climat d’impunité. La pauvreté se généralise. Aujourd’hui il est dangereux de se retrouver sur les routes à partir de 18 heures à cause des « coupeurs de route », il y a des armes qui circulent, le Nord qui échappe à tout contrôle de l’Etat...Quand je vois ce tableau là, je me dis que le pire est encore devant nous.
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Est-ce qu’on peut dire que la Côte d’Ivoire va moins bien aujourd’hui que sous Houphouët-Boigny ?
C’est dommage à dire mais c’est évident. Depuis Houphouët-Boigny rien n’a avancé dans le pays. Aujourd’hui on ne vit que sur les acquis d’Houphouët-Boigny. On n’a construit ni routes, ni hôpitaux, ni écoles…Tout ce qui existe en Côte d’Ivoire, à quelques exceptions près, date de l’époque d’Houphouët-Boigny. Et même tout ce qu’il a laissé est entrain de se dégrader.
Aujourd’hui les candidats à la présidentielle sont des poids lourds : Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara. On aurait pu penser que ces poids lourds brigueraient la présidence sans pour autant mettre en danger la Côte d’Ivoire. Pensez-vous que leurs affrontements politiques seront dangereux pour le pays ? Y a-t-il quelque chose à espérer d'eux ?
Tout le monde sait que nos problèmes viennent de l’animosité entre ces trois hommes. Je suis persuadé que si l’un des trois est vainqueur d’une présidentielle, le pays replongera dans la crise. Ils ont accumulé tellement de rancunes sur leurs noms…que je ne vois pas l’un ou l’autre gouverner dans la tranquillité.
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Si Gbagbo, Ouattara et Bédié aimaient la Côte d'Ivoire, ils se retireraient et laisseraient une autre génération prendre le relais |
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| Venance Konan |
J’ai déjà dit et écrit que s’ils aimaient le pays, ils se retireraient et laisseraient une autre génération prendre le relais. Mais comme ils n’ont pas cette sagesse là, et qu’ils ont le plus de moyens, c’est eux qui sont candidats. De toute façon, il n’y aura pas d’élections. Nous ivoiriens devrions avoir la sagesse de dire à ces messieurs « vous avez suffisamment servi la Côte d’Ivoire, retirez-vous avec tous les avantages que vous voulez. » Mais comme nous n’avons pas cette sagesse là, nous allons droit dans le mur.
Comment voyez vous le rôle d’un pays comme la France en Côte d’Ivoire ?
La France n’a pas joué le rôle qu’elle devait jouer et s’est retrouvée dans une situation inconfortable. Lorsque la crise a commencé, elle aurait dû choisir son camp, ne l’a pas fait, s’est retrouvée au milieu, accusée de toutes parts. La France comme la communauté internationale gagneraient à nous laisser résoudre nos problèmes si elles ne veulent pas agir concrètement et de façon franche.
Cela fait six ans que la crise dure, l’ONU est là avec des moyens considérables, mais on a vu son impuissance. L’ONUCI n’a pas fait bouger la situation d’un iota, idem pour la force licorne. On finit par se demander ce qu’elles font sur place.
 Vous pouvez lire la 2ème partie de l'interview de Venance Konan sur la situation actuelle du continent africain
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