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Le docteur Pierrette Herzberger-Fofana
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frauen-ohne-grenzen.org |
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Vous êtes originaire du Sénégal, vous avez effectué une partie de vos études en France avant de vous retrouver en Allemagne. Pouvez-nous dire ce qui a guidé votre choix vers ces pays?
Je souhaitais devenir professeur d’ allemand et il me semble que le pays de Goethe et Schiller était le lieu indiqué pour apprendre convenablement la langue. Par amour pour Goethe "Les souffrances du jeune Werther" que j’ avais lus au lycée, à cause de l’intérêt que je portais au pays "des philosophes, des penseurs et poètes". Apres une année passée en Hypokhâgne en France, j' ai décidé d' aller étudier en Allemagne.
Vous êtes titulaire d’un doctorat en philosophie, vous avez étudié la sociolinguistique, la culture et la littérature. Qu’est qui a vous poussé à vous spécialiser dans ces différents domaines?
L'amour pour les Belles Lettres, la littérature en général et les sciences sociales
Vous êtes actuellement enseignante et chercheuse à l’université Erlangen-Nuremberg en Allemagne. En quoi consiste vos activités au quotidien?
Enseigner ; à continuer mes recherches dans mes différents centres d'intérêt : genre, littérature et dialogue Allemagne-Afrique
En tant que femme noire et Africaine, avez-vous été victime de préjugés et a t-il été difficile pour vous de vous adapter à la vie en Allemagne ? Comment situez-vous la place que les étrangers ou les immigrés d’origine africaine occupent dans la société allemande?
Personnellement, je n'ai pas eu de difficultés à m'adapter, peut-être parce que je suis moi-même originaire de plusieurs pays à la fois (Cap-Vert, Guinée, Mali). Tout étranger est victime de préjugés qui plus est lorsqu’on est femme. Mais il faut avouer que le comportement de certains Africains et surtout de certaines femmes Africaines en Allemagne ont contribué parfois à entacher toute la communauté noire et accentuer un climat de suspicion et de méfiance vis-à-vis des Africains. Durant la campagne électorale, j'ai été victime de menaces de mort et d'attaques de la part des Skinheads mais il s'agit en fait de jeunes délinquants qui voulaient se faire remarquer et se rendre intéressants.
La place des immigrés d' origine africaine en Allemagne n' est pas très reluisante. Ceci est dû à plusieurs facteurs. Le facteur historique est non négligeable mais également les vagues migratoires ne comprenaient pas toujours les meilleurs éléments d'Afrique et ceci a favorisé à bien des égards, les réactions vives que nous avons connues durant la dernière décennie. La récession économique à la suite de la Réunification a réveillé les démons qui sommeillaient chez certains concitoyens allemands.
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Pierrette Herzberger-Fofana a reçu le Grand Prix de la recherche scientifique du Président de la république du Sénégal en juin 2003
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En 1996, vous avez été candidate au poste de maire pour la ville d’Erlangen en tant que candidate des Verts. Quel bilan tirez-vous de cette expérience?
Ce fut une expérience enrichissante dans tous les domaines d'autant plus que j'ai amélioré le score. Je tiens à préciser que le parti des "Verts" m’a sollicité et m'a demandé de poser ma candidature, c'était donc tout d’ abord une reconnaissance de mon engagement et de mes diverses activités culturelles dans le sens du dialogue Afrique-
Allemagne. Ce n’est donc pas une fonction que j'ai briguée, suite aux querelles intestines de parti. Tout d’ abord, j’ ai découvert la ville dans laquelle je vis depuis longtemps sous ses différents aspects et avec d'autres yeux. Certains quartiers m'etaient inconnus. Surtout j’ai appris à associer ces quartiers avec les problèmes sociaux auxquels ils sont en proie. Sur le plan personnel, c'était une expérience nouvelle, car je n'avais jamais imaginé qu' un jour, je ferai de la politique en Allemagne. Je pense que cela va inciter d'autres jeunes femmes d’origine étrangère à s’engager où elles vivent et non à rêver d’un retour hypothétique en Afrique où elles commenceront de grandes actions pour l'humanité.
Vous êtes membre de diverses associations de promotion de la cause des femmes africaines et notamment de l’association FORWARD-Germany qui lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF). Pouvez-vous nous présenter ces différentes associations?
Je suis la Présidente du groupe AFARD-Europe : Association des Femmes Africaines pour la Recherche et le Développement /Association of African Women for Research and Development) et sa représentante en Europe(AFARD/AAWORD).
L’ AFARD/AAWORD est l’unique association panafricaine du continent qui s’ adonne à la recherche scientifique en rapport avec le développement. L'association a été créé en 1976 à Lusaka (Zambie) par une poignée de femmes-chercheurs depuis elle comporte près de 2000 membres. Des scientifiques venus de tous les pays d'Afrique ont décidé de promouvoir la recherche en travaillant en commun sur des projets.
En 1995, lors de l'assemblée générale à Pretoria, j’ai été élue pour mettre sur pied le groupe Europe. J'en profite pour appeler toutes Africaines-chercheurs vivant en Europe à joindre notre association. Nous menons des recherches sur le terrain dans différents domaines. Nous publions un bulletin "Echos". Parmi nos membres qui sont souvent des consultantes internationales, nous avons des femmes de renom dans le domaine scientifique. Nous avons crée depuis 1999 "Le Youth Leadership" afin de préparer la relève et ainsi nous accueillons les étudiantes en année de doctorat. Elles peuvent faire un stage non rémunéré au siège de Dakar (Sénégal), et participer au séminaire d'été prévu pour les futures chercheurs.
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FORWARD-GERMANY est une association affiliée à FORWARD (London, USA) qui lutte contre les violences et en Allemagne spécialement contre les mutilations génitales qui affectent des jeunes filles et femmes émigrées originaires des pays qui pratiquent cette coutume. Nous faisons un travail de sensibilisation au niveau des communautés, et auprès du public allemand par une exposition itinérante conçue par des artistes nigérians, par des séminaires, et des conférences. FORWARD s'élève également contre le racisme. Je suis membre du conseil d'administration qui est composé de Femmes blanches et d'hommes et femmes noirs qui oeuvrent ensemble pour éradiquer en terre germanique les MGF. Nous n'entreprenons pas de croisade en Afrique, car il existe suffisamment d' associations sur le terrain mais nous essayons avec l' aide de toutes les bonnes volontés de mettre fin à une tradition qui aujourd' hui a perdu de sa valeur.
Nous soutenons actuellement un projet en Ogaden pour les petites filles en payant leurs frais de scolarité et en contre partie les familles s' engagent à ne pas les exciser En Allemagne, les cas d’ infibulations sont beaucoup lus nombreux que ceux de clitoridectomie. En effet le groupe d'Africaines issues de la Corne de l' Afrique : Ethiopie, Erythrée, Somalie forment la majeure partie des émigrées
excisées- Nous avons initié un projet pour les jeunes filles nées en terre germanique afin de les sensibiliser et celles qui sont venues petites, nous essayons de les orienter- si elles le désirent et le demandent vers des cabinets médicaux qui pratiquent la défibulation.
Je vais publier avec la présidente un recueil de documents les mutilations d' un point de vue littéraire. Nous acceptons encore les communications en français car nous n' en avons pas reçu assez alors que les collègues qui écrivent en anglais nous en ont fait parvenir suffisamment. L'Anthologie sera publiée à New York aux éditions Africa World Press
Bien que basée en Allemagne, séjournez-vous souvent sur le continent africain et essayez-vous d’y entreprendre des actions?
Je vais souvent en Afrique d’ abord pour des raisons familiales et ensuite car je suis invitée à prendre part à des conférences dans divers pays. Lorsque je suis en Afrique je participe à la vie culturelle du pays. J' avais organisé un voyage d' études avec des étudiants et des professeurs allemands qui avait reçu un écho favorable de la part de l'université. Durant quinze jours, ils ont découvert ainsi une parcelle de la culture africaine à travers le Sénégal.
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La majeure partie des africaines excisées en Allemagne proviennent de la corne de l'Afrique
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En tant que spécialiste de la littérature et de la culture africaine, est-il selon vous possible de promouvoir les livres et de la lecture sur le continent africain?
Oui, mais c'est une tâche ardue, car le livre ne fait pas partie des habitudes culturelles. En outre, la plupart des familles sont aux prises avec des problèmes d'intendance. Les livres sont relativement chers pour une bourse à revenus moyens. Les gouvernements, les associations culturelles en général et féminines en particulier entreprennent des actions qui sont fort louables dans ce domaine. L'année dernière par exemple durant les fêtes de Noël, le président de la république avait lancé un spot publicitaire pour promouvoir la lecture. Ce spot passait tous les jours aux grandes heures d'écoute à la télévision (RTS). C'était une initiative concrète et intéressante pour inciter les enfants et les adolescents à la lecture.
Vous êtes aussi mère de famille. Sachant le rôle habituellement important qu’occupe la femme africaine dans un foyer, comment conciliez-vous vos activités professionnelles et votre vie familiale?
Lorsque vous êtes obligé de travailler, vous parvenez toujours à concilier les deux, car il n'y a pas d'autres possibilités sinon vous abandonnez. En Europe, nous n'avons ni la famille élargie, ni les domestiques à bon marché, alors on apprend à s'organiser. C'est une question d'organisation, de tempérament et de discipline.
Vous avez reçu plusieurs distinctions honorifiques et notamment deux de votre pays natal (Kwanzaa Award , Evanston (USA), Chevalier de l’ordre du Mérite National de la république du Sénégal en 1998 et Grand Prix de la recherche scientifique du Président de la république du Sénégal en juin 2003). Que représentent-elles pour vous?
La consécration de mes efforts et de mon travail assidu dans les domaines qui me sont chers.
Si de jeunes africain(e)s veulent imiter votre parcours, que leur diriez-vous?
Je paraphraserai Lafontaine et je dirai "travaillez, prenez de la peine..."
Et surtout ne vous découragez, les résultats viendront.
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