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Amina N'Diaye Leclerc : certains n'ont pas souhaité parler de Kédougou qui ternit l'image de Senghor
04/04/2007
 

Fille d'un ancien ministre emprisonné sous Senghor, Amina Leclerc, artiste peintre revient sur son exposition consacrée aux détenus politiques de Kédougou et sur les réactions suscitées
 
Par Paul Yange
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Amina N'diaye Leclerc  
Amina N'diaye Leclerc
 

Pouvez-vous vous présenter à nos internautes ?

Je m'appelle Amina N'Diaye Leclerc, j'ai 54 ans et je me consacre à la peinture. Je suis métisse franco-sénégalaise et je suis la fille de Valdiodio N'Diaye, Ministre de l'Intérieur du Sénégal au moment des indépendances africaines, injustement emprisonné par Senghor en 1962 avec l'équipe de Mamadou Dia. Ils ont été accusés de fomenter un coup d'état.

Vous avez organisé à Toulouse, puis au Sénégal une exposition sur le thème de la violence. Est-ce par volonté de revenir sur cet épisode de la vie politique sénégalaise sous Senghor que fut l’arrestation et l’emprisonnement de certains de ses adversaires politiques parmi lesquels votre père ?


L'image que Senghor veut donner de lui ne correspond pas à la réalité
Amina N'diaye Leclerc



Mon exposition n'avait pas pour thème la violence, ce qui est un thème très général qui pourrait bien entendu correspondre à ce que j'ai exprimé dans ma peinture. Mais en réalité, je souhaitais évoquer le cas très précis de l'incarcération des détenus politiques à Kédougou, ce qui est une violence en soi bien évidemment. L'incarcération de mon Père à Kédougou pendant 12 longues années a forcément marqué toute mon adolescence d'autant plus qu'il m'a été interdit de le voir pendant dix ans. Je dénonce là une forme de torture qui est contraire aux droits de l'homme et du citoyen.

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Leopold Sedar Senghor  
Leopold Sedar Senghor
 

Vous avez affirmé que des médias ne vous avaient pas laissé vous exprimer car vous égratigniez l’image de Léopold Sedar Senghor et cela les gênait. Pouvez-vous revenir sur cet épisode, et de quels médias s’agit-il ?

Je ne désigne pas tous les médias puisque j'ai produit un film sur mon Père "Valdiodio N 'Diaye, l'Indépendance du Sénégal" diffusé sur TV5 et CFI à plusieurs reprises ainsi que sur la chaîne Histoire. Mon film a été sélectionné à Cannes par la Francophonie en 2000 et je l'ai présenté à de nombreux journalistes. La presse française n'a pas souhaité relater cet épisode qui ternit l'image de Senghor. Lorsqu'il est mort, seule la radio France Culture a rappelé à quel point il avait été impitoyable avec les détenus de Kédougou.

Le journal "Le Monde" a préféré rester très évasif malgré l'interview que je leur ai accordée à Cannes et malgré la sortie du DVD, distribué par la Médiathèque des 3 Mondes. Quant à Arte, ils ont refusé de diffuser le film sous prétexte qu'ils avaient déjà un film sur Senghor et un autre sur Sékou Touré je crois, on avait l'impression qu'ils disaient que 2 films sur des africains c'était largement suffisant....


Le Monde est resté évasif, Arte a refusé de diffuser le film
Amina N'Diaye Lecler



Vous êtes vous-même émotionnellement impliquée dans cette affaire puisque votre père a été fait prisonnier sous Senghor. Pensez-vous pouvoir analyser les choses de façon objective ?

Je ne pense pas que le souci d'un artiste relève de l'objectivité. Il y a une réalité douloureuse que j'ai vécu avec ma famille et lorsque je peins cette réalité que je porte en moi, elle se traduit tout naturellement dans ma peinture, révélant ainsi mon inconscient, mes douleurs certes mais aussi mes joies. Peu importe que je sois objective ou pas, l'important est dans la vérité que je transmets. La vérité d'une peinture relève de l'émotion, elle envahit celui qui la regarde s'il adhère à cette oeuvre, même si l'histoire de cet autre est différente. Kédougou a existé, ce n'est pas une fiction et ma peinture reflète la réalité objective de ce que j'ai ressenti.

"Fêlures"  
"Fêlures"
 

Vous avez effectué votre exposition au Sénégal où le sujet est encore sensible. Avez-vous bénéficié de toute la liberté que vous désiriez pour montrer cette exposition ?

J'ai eu une liberté absolue, je tiens à le dire. Le Ministre de la Culture, Monsieur Mame Biram Diouf, m'avait proposé une exposition sans savoir quel thème je choisirais d'aborder. J'ai écrit au Président de la République Monsieur Abdoulaye Wade pour lui dire que je serais heureuse d'exposer à Dakar, mais qu'il fallait qu'il soit averti que le thème que je comptais aborder, comme je me préparais à le faire à Toulouse, serait Kédougou.

Il a accepté que je vienne montrer mon travail et que, par là, je rappelle un aspect de la personnalité de Senghor que beaucoup de gens ignorent. Monsieur Wade est lui-même au fait du dossier de ce qu'on appelle " les événements de 1962 ", puisqu'à l'époque il assurait la défense des inculpés, aux côtés de Maître Robert Badinter. Il connaît donc parfaitement le rôle trouble de Senghor dans cette affaire.

On a l’habitude d’appeler des artistes comme vous, qui veulent transmettre un message moral « artistes engagés », et on considère, en occident notamment, que « l’engagement » nuit à la qualité artistique...Qu’en pensez-vous ?

Je ne savais pas que l'engagement pouvait être perçu comme un frein! Au contraire lorsque dans la peinture vous exprimez votre vraie conviction, l'oeuvre sera d'autant plus forte! Regardez ceux qui n'ont rien à dire, ils font de la déco, ce n'est plus de l'art. Le propre de l'art c'est quand même d'exprimer votre ressenti et si vous ne ressentez rien, difficile de dire...On peux dire en image, on peux dire en écrivant ou en photographiant, je ne vais pas énumérer toutes les formes artistiques que l'on peut utiliser. Mais toutes cherchent à exprimer une idée qui trotte dans votre tête, de façon consciente ou inconsciente d'ailleurs mais l'idée est toujours derrière l'oeuvre.

"Allégorie de liberté"  
"Allégorie de liberté"
 

Pouvez nous décrire quelques uns de vos tableaux et ce qu’ils représentent, le message qu’ils véhiculent selon vous ?

Je vais vous parler de « l'allégorie de la liberté ». C'est une très grande toile brute de 3M50 sur 2M70. On voit un personnage immense qui occupe toute la toile. Il est debout à la verticale, il a des mains que l'on devine agressives, on dirait un personnage féminin. Je veux montrer que la liberté c'est un combat que l'on doit livrer debout et qui remplit toute une vie.

C'est une des conditions de l'homme, en tout lieu et à toute époque. Aujourd'hui, plus que jamais malgré les progrès de l'humanité. Il y aura toujours un homme dont le désir sera de soumettre un autre homme. Je pourrais ajouter ou une autre femme....pour être quand même féministe à juste titre. Liberté des femmes, c'est un vaste sujet mais la peinture renvoie à toutes ces perspectives. Multiples et variées. Sur la gauche du tableau la symbolique du camp de détention.

L'arbre c'est celui que chacun d'eux a planté en arrivant. Le mot "livres " renvoie au lien avec l'extérieur et à leur immense culture. L'immense croix exprime l'interdiction d'exister. L'emblème du Mali en rouge pour rappeler que les hommes enfermés à Kédougou ont été les artisans de la Fédération du Mali. Ces hommes se sont battus pour l'indépendance de leur pays et ils se retrouvent eux-mêmes incarcérés. Quelle étrange destinée! Vous verrez aussi des journaux qui évoquent les tirailleurs sénégalais qui libèrent la France. Eux, ont libéré leur peuple en obtenant l'indépendance. Dans tout inconscient un mot en rappelle un autre.

Incarcération (1)  
Incarcération (1)
 

Quand je lis le mot libération je pense à une autre libération celle de mon Père. Il y a un grand K ( comme kédougou ) et des chiffres qui s'étirent pour évoquer le temps, 12 ans à kédougou, dans la solitude la plus totale. Isolés du monde. Voilà avec des symboles j'essaye d'évoquer quelques moments de vie. Vous lirez mon tableau tout à fait différemment si je ne l'explique pas. Et c'est cela que j'aime. Que chacun s'approprie l'oeuvre pour créer son propre imaginaire.

Quelles remarques ont fait les visiteurs de vos expositions en les voyant ?

Les gens ont trouvé que j'aurais pu être beaucoup plus violente compte-tenu des conditions de détention à Kédougou. Mais moi, personnellement, je trouvais mes oeuvres suffisamment violentes. Elles correspondent à ce que je ressens aujourd'hui. Je n'ai pas de haine, heureusement, sinon ma vie serait un enfer. Il y a une sérénité qui transparaît dans mes tableaux en général, ce qui prouve que je ne règle pas des comptes mais que je me contente d'exprimer ce que j'éprouve, ce que je suis. C'est comme une thérapie en quelque sorte. J'ai été contente de voir que les Sénégalais se retrouvaient à travers la symbolique que j'ai utilisée dans mes toiles.

"Incarcération'" (2)  
"Incarcération'" (2)
 

J'ai entendu un commentaire fait par un artiste de renom : il expliquait notamment pourquoi mes chiffres étaient transcris de façon irrégulière pour évoquer le temps qui passe, les années défilent selon le moral du prisonnier tantôt excellent tantôt au plus bas. Il montrait aussi les graffitis que l'on trouve sur tous les murs des prisons...

Un autre visiteur m'a dit :" mon père a passé 2 ans en camp de concentration, il aurait été très ému par vos oeuvres ". Vous savez la peinture c'est un travail de grande solitude avec de nombreux moments de doute, alors, quand, parfois, vous entendez certains commentaires qui vous touchent ils vous permettent de continuer et d'aller plus loin.

Finalement avez-vous le sentiment d’avoir réalisé un travail de mémoire utile pour vous, mais aussi pour le Sénégal ou vos ambitions n’allaient pas aussi loin ?

J'ai tenté de faire partager une émotion, j'espère que j'y suis parvenue et si on parle à nouveau de ce moment sombre inscrit dans l'histoire du Sénégal, c'est bien. C'est un travail de mémoire que j'ai entrepris avec un film dans un premier temps, avec une exposition de peinture aujourd'hui. Pourquoi ai-je entrepris cela? Je n'en sais rien, c'était comme si cela était nécessaire et indispensable à la fois.

Je considère que l'art n'a pas à raconter sa petite histoire de famille. Il doit aller au-delà pour rendre compte à tous et en cela devenir universel. J'ai rendu hommage à mon père, pour ce qu'il a été, un grand homme qui a su se battre pour l'indépendance de son pays en disant un "non" retentissant au Général de Gaulle en août 1958. Il est sorti grandi de l'épreuve Kédougou, en cela il est un exemple pour tous.

 
 

Mon père a été victime d'un complot fomenté par Senghor et ses amis. Je considère que le Sénégal s'est privé ainsi de grandes compétences, je pense à une phrase de Robert Badinter "Finalement ce qu'il est advenu à Valdiodio c'est dommageable pour lui mais c'est aussi dommageable pour tout le Sénégal". Moi, à travers mon exposition de peinture, j'ai la modeste ambition de rappeler que cette histoire d'enfermement, occultée par Senghor, est bien réelle et qu'elle ne doit pas se reproduire.

L'image que Senghor veut donner de lui ne correspond pas à la réalité. Je considère qu'il est un imposteur et que la vérité doit être dite. On me répond souvent que nombre de dictateurs ont fait pire. Je réponds:

"j'en conviens, néanmoins ils ne prétendaient pas obtenir un prix Nobel ! " Notre continent souffre au quotidien et les rivalités politiciennes, les affrontements, ne peuvent que le retarder dans son évolution. Une démocratie doit se construire tous les jours avec des hommes capables de se donner la main pour le bien de tout un peuple.


Se souvenir de notre histoire, se référer au passé, avec tout ce qu'il comporte en termes d'erreurs et de réussites, ne peut être qu'un moyen positif pour avancer et aller de l'avant. Les Sénégalais l'ont bien compris puisqu'ils ont accueilli mon exposition avec une grande ouverture d'esprit et je voudrais ajouter que j'ai été très touchée de l'accueil qui m'a été réservé. Exposer chez moi, au Sénégal, au Centre culturel Douta Seck, ancienne résidence de Mamadou Dia, transformée en centre culturel, à l'endroit même où il a été arrêté il y a 45 ans, pour moi, c'est une expérience irremplaçable !

       
Mots-clés
afrique   mali   senegal   senghor   
 
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