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« Moussa Kaka, Niamey, RFI ». Voilà une voix que l'on n’a pas entendu depuis bien longtemps, sur les ondes de Radio France Internationale (RFI). Depuis que le journaliste a été arrêté en septembre 2007, et inculpé de « complicité de complot contre l'autorité de l'Etat », pour avoir eu des contacts avec les rebelles touareg. Incarcéré à la prison civile de Niamey, ce correspondant de RFI et de Reporters sans frontières (RSF) au Niger, par ailleurs directeur de la station indépendante Radio Saraouniya, encourt la prison à vie pour avoir fait son travail de journaliste. Puisqu'il ne peut plus parler de son pays, d'autres voix s'élèvent pour dénoncer les conditions arbitraires de son arrestation. Depuis neuf mois, la presse nigérienne et internationale, ainsi que les organisations de soutien, se mobilisent pour obtenir sa libération.
Le 15 mai, la Cour de cassation du Niger a rejeté le pourvoi formé par le journaliste, dans lequel il demandait l'invalidation des écoutes téléphoniques servant à l'accuser, ainsi que sa demande de libération provisoire. L'instruction a été renvoyée à son point de départ.
Retour sur les étapes d'une arrestation spectaculaire
Le 20 septembre 2007, aux environs de dix-huit heures, des policiers en civil interpellent Moussa Kaka dans les locaux de Radio Saraouniya, à Niamey. Le journaliste est conduit à la gendarmerie, son domicile perquisitionné et la police saisit le brouillon d'un reportage envoyé à RFI. À ce moment, aucun motif officiel n'est encore donné pour justifier cette arrestation, la loi nigérienne autorisant la gendarmerie à garder à vue un suspect pendant vingt-quatre heures avant de lui permettre de voir un avocat.
Quatre jours plus tard, Moussa est écroué à la prison civile de Niamey. Le parquet ne lui a toujours pas notifié le motif de son incarcération, comme la loi l'oblige, et il n'a pas été formellement inculpé au terme de sa garde à vue.
Le 26 septembre, Moussa comparaît devant le procureur. Il est inculpé de « complicité de complot contre l'autorité de l'État », sur la base d'un acte d'accusation principalement fondé sur des écoutes téléphoniques du journaliste. Écoutes dont l'accusation ne peut justifier de base légale. Il est accusé d'avoir eu des contacts réguliers avec la rébellion touarègue du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), et notamment avec l'un de ces chefs, Agali Alambo. En effet, depuis l'apparition de ce mouvement rebelle dans le nord du pays en février 2007, Moussa a largement rendu compte des affrontements meurtriers entre le MNJ et l'armée nigérienne, n'hésitant pas à donner la parole à ce chef touareg. Il a obtenu des interviews exclusives et des images de la situation sur le terrain. Adama Harouna, le procureur, lui reproche sa « connivence » avec les rebelles. Il encourt la prison à perpétuité.
Le journaliste nie et dénonce un coup monté. RSF parle d'un acte d'accusation « inconsistant et absurde », soulignant que tout ce qui peut être reproché à Moussa « entre dans le cadre normal de son métier de journaliste ». La presse nigérienne privée, RFI, Amnesty International et la plupart des organisations de défense de la liberté de la presse et des droits de l'homme se mobilisent pour réclamer sa remise en liberté, au moyen notamment d'un appel à signatures (moussa@rsf.org et liberezmoussa@rfi.org).
Fin novembre, le juge d’instruction chargé de l'affaire écarte les écoutes téléphoniques comme élément de preuve de la culpabilité de Moussa, mais le procureur fait appel de cette décision. Au cours de l’audience devant la Cour d'appel, en janvier 2008, les avocats du journaliste font valoir que les écoutes téléphoniques ont été réalisées de manière "secrète, clandestine et anonyme" et qu’elles n’entrent dans "aucun cadre légal".Ces conversations téléphoniques entre Moussa et Agali Alambo sont des échanges professionnels entre un journaliste et sa source. Le 12 février, les magistrats se prononcent : les écoutes versées au dossier sont recevables. La demande de remise en liberté est rejetée, et un autre juge d'instruction est nommé. Retour au point de départ.
Le 12 mars 2008, le président du Conseil supérieur de la communication (CSC), l'organe de régulation des médias, ordonne la suspension de RFI en territoire nigérien, accusant la station d'avoir jeté un « discrédit » sur « les institutions de la République » lors de la journée de solidarité avec Moussa Kaka, deux jours plus tôt. Au cours de cette journée, le jingle « Moussa Kaka, Niamey, RFI » a été largement diffusé sur les ondes. |
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Pourvoi rejeté |
Le 15 mai 2008, la Cour de cassation du Niger a rejeté le pourvoi formé par Moussa, renvoyant l’affaire à son point de départ. Dans ce pourvoi, le journaliste demandait l'invalidation des écoutes téléphoniques servant à l'accuser ainsi que sa remise en liberté provisoire. Mais la plus haute juridiction du pays a estimé que ces écoutes, pourtant réalisées sans mandat judiciaire et par un service non identifié, étaient légales et devaient être intégrées dans le dossier à charge. Moussa Kaka devra par conséquent comparaître devant le doyen des juges d’instruction et être interrogé sur le contenu de ces écoutes. Aucun délai n’a été donné pour la reprise de l’instruction. Il entame aujourd'hui, 20 mai 2008, son neuvième mois de prison.
Depuis le début de l'année 2007, le MNJ, qui réclame plus de droits pour les Touaregs et un meilleur partage des richesses, ébranle la fragile stabilité qu'essaye d'instaurer Mamadou Tandja, le chef de l'État. Irritées, les autorités ont bouclé militairement le nord du pays et fait taire tous les journalistes, étrangers ou nigériens, qui s'intéressaient à cette crise. Moussa Kaka, qui couvre depuis une quinzaine d'années la question touarègue, n'en est pas à sa première arrestation. Il avait été publiquement menacé de mort, le 14 juillet 2007, par le chef d'état-major de l'armée, le général Boureima. RFI avait été suspendue pendant un mois par le CSC, pour avoir « diffusé des informations mensongères » sur le MNJ.
Moussa Kaka est toujours incarcéré à la prison civile de Niamey. Il est bien traité et peut recevoir des visites régulières. Amnesty International le considère comme un prisonnier politique.
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