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Vous êtes peintre, vous êtes sculptrice : comment ces deux voies, apparemment distinctes, sont-elles devenues jumelles sous vos doigts ? Avez-vous une préférence ?
L’envie de créer des sculptures m’est venue de la peinture puisque, au départ, j’ai été formée par mon père, le peintre David Makoumbou. Depuis l’âge de 7 ou 8 ans, j’étais tout le temps dans son atelier, après l’école. Au début, c’était par jeu, mais ensuite j’ai très vite assimilé son expérience. C’est au début des années 2000 que j’ai de plus en plus ressenti le besoin de ressortir les personnages de mes toiles en trois dimensions.
J’étais assez satisfaite de mes peintures, mais je me sentais capable de créer des sculptures pour pouvoir rendre mes représentations plus vivantes. Je trouve qu’entre ma peinture et ma sculpture, il y a une assez grande complémentarité puisque je peins également mes sculptures. Je n’ai pas vraiment de préférence entre les deux, mais je dois reconnaître que je pense avoir créé une œuvre plus particulière et originale en sculpture.
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Je souhaite que nos sociétés africaines, et congolaise en particuliers, prennent mieux en compte la création artistique et la culture en général comme moyen de développement intellectuel et social pour le bien-être des populations. Egalement comme moyen de valoriser le pays à l’étranger pas seulement par les seules ressources financières qu’engendre l’intérêt de l’exploitation de nos sous-sols et de nos forêt |
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Rhode Makoumbou |
D’où vous vient cette passion pour l’art ?
Quand je regardais mon père peindre, j’étais fasciné par la maîtrise qu’il avait pour transposer au niveau pictural les scènes de marché ou les paysages de nos forêts tropicales. Il arrivait à me faire ressentir la réalité sur une toile, jusqu’à presque me faire entendre les sons particuliers de nos marchés et sentir les odeurs caractéristiques de la forêt. Comme je suis quelqu’un de nature curieuse qui observe beaucoup ce qui m’entoure, je me suis assez vite sentie capable de pouvoir également faire la même chose que lui. Vers l’âge de 10 ans, j’ai réalisé mes premières peintures sur toiles. J’étais surprise par les notions de perspective qui me permettait de réaliser des avant et arrière-plans sur la surface plane de la toile. Le mélange et l’ajustement des couleurs me fascinaient également pour transposer la réalité avec une esthétique expressive. |
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Sculpture : Porteuse d'eau et de bois
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Avez-vous reçu une formation particulière ? Quels sont les artistes qui vous ont inspirées ? Avez-vous des modèles ?
La formation, c’est essentiellement mon père qui me l’a transmis. Mon modèle, c’est lui. A la maison, nous n’avions pas la possibilité d’acheter des livres d’art. J’ai évidemment rencontré d’autres artistes, amis de mon père, et vu quelquefois les œuvres de l’Ecole de Poto-Poto1. Au niveau de la sculpture, un artiste qui m’a donné le déclic d’également en faire, c’est le grand sculpteur sénégalais Ousmane Sow dont j’avais vu un reportage à la télévision.
Vous avez entamé une carrière internationale depuis quelques années, dans quels pays notamment avez-vous exposé vos œuvres ? Quelle a été la réaction du public devant vos œuvres ?
J’ai déjà exposé dans 17 pays en Afrique, en Europe et en Amérique. La réaction est très souvent favorable. Ce qui me fait le plus grand plaisir, c’est quand des personnes voient mes œuvres en réalité pour la première fois dans une exposition et qu’ils me disent les avoirs vus déjà à la télévision ou dans des revues. Je peux donc me dire que j’ai acquis un style qui m’est propre et que l’on n’oublie pas si vite. C’est déjà une grande faveur pour un artiste.
L’art en général, la peinture en particulier passe pour quelque chose qui n’est pas à la portée de tout le monde. Le déchiffrage ou la lecture des tableaux nécessite une certaine initiation. Qu’en est-il de vos tableaux ?
Oui, c’est vrai. La compréhension d’une œuvre d’art demande une certaine initiation qui malheureusement fait très souvent défaut dans l’enseignement général de nos écoles. Dans ce sens, j’ai volontairement décidé d’aller au-devant du public pour créer un dialogue, surtout celui qui n’a pas l’habitude de visiter des expositions. J’ai déjà commencé en mars 2010 par une exposition itinérante dans les rues de Brazzaville qui a remporté un grand succès. Je vais poursuivre cette expérience même dans des zones reculées du pays. Mon mot d’ordre est « Si vous ne venez pas à l’art, l’art viendra à vous ». Au niveau de mes œuvres, j’ai toujours essayé d’avoir un style assez compréhensif qui ne demande pas un très long discours. |

Est-ce que vos œuvres appartiennent à un courant, est-ce que vous appartenez à une « école » ?
Je pourrais dire que mon style s’inspire des courants réalistes, expressionnistes et cubistes européens tout en partant d’une expression liée aux arts traditionnels d’Afrique, en particulier de l’art statuaire.
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J’ai déjà exposé dans 17 pays en Afrique, en Europe et en Amérique. La réaction est très souvent favorable (...) J’ai réussi en partie ma carrière artistique parce que j’ai pu créer avec détermination et imagination une œuvre assez originale qui apporte des valeurs positives sur ma propre culture à échanger et à partager avec les publics des autres pays, même si l’affirmation de mon africanité dans mon art a souvent été un handicap dans les milieux très élitistes et sectaires du monde de l’art occidental qui défend une certaine uniformisation des codes esthétiques 'mondialistes' à la mode... |
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Rhode Makoumbou |
Vos sculptures font parfois plusieurs mètres de hauteur, quel est le sens de cette philosophie de la grandeur ?
Je considère qu’un artiste doit parfois se surpasser en surmontant des difficultés techniques. Je voulais que l’on voie l’Afrique en Grands Caractères. Pour créer l’événement et impressionner, il faut souvent créer des œuvres imposantes ! C’est aussi un peu pour rappeler que notre continent se trouve en face de défis important à relever pour notre temps.
Vous êtes de plus en plus connue sur la scène internationale, mais dans votre pays natal, le Congo Brazzaville, vos œuvres sont-elles promues ou bien votre propre pays, paradoxalement, vous ferme ses portes ? C’est le cas de nombreux artistes, écrivains, peintres et musiciens confondus : célèbres ailleurs, négligés chez eux.
Pour ma part, je dois dire que je suis quand même assez bien soutenue moralement. Beaucoup de congolais(es) sont fiers de moi. Les très nombreux messages que je reçois personnellement du pays et de la diaspora en attestent. Dans le domaine officiel également, je reçois beaucoup d’éloges des responsables du Ministère de la Culture et d’autres Ministères, par exemple des Affaires Sociales ou encore de la Mairie Centrale de la Capitale.
Je suis également soutenue et toujours bien accueillie par tous les Ambassadeurs du Congo que je rencontre dans divers pays, certains m’ont même appelé l’Ambassadrice culturelle du Congo ! J’ai aussi très souvent l’aide de la presse du pays, en particulier le quotidien « Les Dépêches de Brazzaville » qui m’a déjà consacré beaucoup d’articles. Je ne peux donc pas me plaindre, même si je regrette parfois que l’on m’oublie pour représenter officiellement le pays dans des manifestations culturelles internationales depuis 2005, tout en sachant qu’il faut aussi laisser la place à d’autres créateurs. |
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Peinture : ''le marché de nuit''
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Rhode Makoumbou, vous êtes jeune (34 ans), vous êtes une femme, vous venez d’Afrique : ces trois caractéristiques réunies constituent-elles un atout ou plutôt vous avez, bien des fois, eu l’impression qu’elles étaient un handicap au rayonnement de votre carrière artistique ?
En six années d’expérience à l’étranger, je peux considérer que cela a été plutôt un atout pour moi.
Jeune : oui, parce que je montre l’activité d’une nouvelle génération d’africains.
Femme artiste : oui, parce qu’il n’y en a pas beaucoup au Congo et en Afrique.
Femme africaine : oui, parce qu’il y a quand même le côté exotique qui joue en Occident.
Mais je crois qu’avant tout, je réussis en partie cette carrière artistique parce que j’ai pu créer avec détermination et imagination une œuvre assez originale qui apporte des valeurs positives sur ma propre culture à échanger et à partager avec les publics des autres pays, en Europe comme en Afrique. Cela dit, l’affirmation de mon africanité dans mon art a souvent été un handicap dans les milieux très élitistes et sectaires du monde de l’art occidental qui défend une certaine uniformisation des codes esthétiques « mondialistes » à la mode.
Vous représentez souvent la femme dans vos œuvres ; en tant que femme Rhode Makoumbou arrive-t-elle à concilier ses vies professionnelle et privée ? La femme du XXIe siècle vous semble-t-elle une femme épanouie, une femme égale à l’homme ?
Ce n’est pas toujours facile à concilier. La chance que j’ai, c’est d’avoir un mari qui est aussi mon manager et qui est en équation avec ma démarche artistique. Ma plus grande passion dans la vie, c’est l’art. Et le reste prend place autour naturellement et de la façon la harmonieuse possible dans la vie privée.
Cela dit, la vie d’artiste n’est pas facile et demande souvent des privations. Par exemple pour moi, je n’avais pas pu revoir mes enfants pendant quatre ans (entre 2005 et 2009) ! |

Au sujet de la femme africaine, je dirais qu’elle joue un rôle essentiel dans nos sociétés. Pour moi, elle représente la vie, et la vie c’est le poids des responsabilités. Elle a depuis fort longtemps cette accoutumance à se battre tous les jours pour assurer un avenir à ses enfants. Elle est vraiment un atout primordial pour un bon développement en Afrique. Cela dit, le combat sera encore long pour qu’elle accède à des postes clés et qu’il y ait une meilleure parité entre les femmes et les hommes à tous les échelons de la vie sociale, économique, politique et culturelle.
Peut-on avoir une petite idée des prix de vos tableaux et sculptures, pour ceux qui souhaiteraient les acquérir, et où et comment peut-on en faire l’acquisition ?
Pour l’instant les prix commence à +/- 300 € jusqu’à 3000 € pour les sculptures monumentales. On peut les acquérir dans mes différentes expositions, dans mes ateliers de Brazzaville et de Bruxelles, ou dans certaines galeries (Tous les renseignements sont indiqués sur mon site web http://www.rhodemakoumbou.eu).
Si vous aviez un vœu à formuler, quel serait-il ?
Que nos sociétés africaines, et congolaise en particuliers, prennent mieux en compte la création artistique et la culture en général comme moyen de développement intellectuel et social pour le bien-être des populations. Egalement comme moyen de valoriser le pays à l’étranger pas seulement par les seules ressources financières qu’engendre l’intérêt de l’exploitation de nos sous-sols et de nos forêts.
Découvrir l’artiste : www.rhodemakoumbou.eu/
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