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Bonjour Alain Dolium. Vous avez séjourné aux Etats-Unis dans le cadre du Black Caucus. Pouvez-vous expliquer à nos internautes qui ne le sauraient pas ce qu'est le black caucus ?
J'ai séjourné aux Etats-Unis, en particulier à Washington dans le cadre du congressional black caucus. C'est une organisation qui regroupe des parlementaires à l'origine afro-américains et qui évoque les problèmes liés à la cohésion économique et cohésion sociale. Cette organisation est devenue un élément fort de la vie politique américaine. Elle réunit des parlementaires qui vont bien au delà des afro-américains puisqu'on va y retrouver le multiculturalisme qui caractérise la société américaine. Le black caucus représente aujourd'hui une vigie de l'innovation économique et sociale aux Etats-Unis.
Comment en êtes-vous arrivé à être invité au Black Caucus alors que vous êtes français ?
Effectivement, il faut savoir que les Etats-Unis via leurs ambassades, et notamment celle de Paris, font un travail très approfondi de repérage de ceux qu'ils appellent les futurs leaders dans les domaines économique, politique, social...Suite à ma campagne pour la Présidence de la région Ile de France au nom du Mouvement Démocrate, l'ambassade des Etats-Unis m'a contacté et dans la foulée j’ai rencontré le service politique et le service des affaires publiques.
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Que les Etats-Unis repèrent tous ces talents issus de la diversité de la société française mieux que nos instances gouvernementales donne à réfléchir et nous renvoie à nos propres contradictions |
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Alain Dolium |
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J'ai eu une discussion assez nourrie au niveau politique, et très rapidement, une personnalité de ce service m'a dit que compte tenu de ce que je développais comme propositions, à la fois pour rééquilibrer le pouvoir économique dans le pays, et introduire plus de fluidité sociale, qu'il serait intéressant que je puisse échanger avec des membres de l'administration Obama et participer au Congressional Black Caucus. |
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Barbara Lee, présidente du Black Caucus
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Quels étaient les autres membres de la délégation dont vous faisiez partie ?
Il y avait effectivement plusieurs personnes dans la délégation, des gens comme Rokhaya Diallo, chroniqueuse et présidente des Indivisibles, personnage pour moi emblématique de la promotion intelligente de la diversité, il y a avait également Reda Didi un des membres influents et actifs d'une organisation qui s'appelle "génération engagée". On avait également Kag Sanoussi, secrétaire général de la charte de la diversité...
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Nous sommes spécialistes de l'endogamie sociale dans notre pays |
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Alain Dolium |
D’une manière générale Il y avait un aéropage de personnes travaillant sur les questions de cohésion sociale et de cohésion économique, issues de la diversité ou non. En effet il y avait une délégation emmenée par Aurélie Ganga qui est présidente du Cercle du Caucus des Diversités Européennes, qui traite de la diversité au sens large, ne s'arrêtant pas aux critères ethno raciales. Je suis également parrain de cette organisation. Aurélie Ganga avait amené une délégation d'étudiants en sciences politiques, de toutes origines, pour pouvoir assister à cet important événement de la vie démocratique américaine.
Qu'avez vous retenu de ces échanges auxquels vous avez assisté, et quels sont les temps forts qui vous ont marqué ?
Premièrement, ce que j'ai retenu dans l'ensemble c'est que les parlementaires aux Etats-Unis sont très accessibles. Il y a une facilité à pouvoir dialoguer avec les parlementaires et les membres du congrès qui est très surprenante pour nous Français tant on a l'impression ici que les hommes politiques -et j'en suis un- sont inaccessibles autant dans la forme que dans le fond. |
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Alain Dolium et Jesse Jackson
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Deuxièmement, les échanges étaient extrêmement concrets. Aux Etats-Unis, la politique c'est concret, ce qui vous change également quand vous êtes homme politique français d’une nouvelle génération et doté d’un héritage social différent. On parle objectifs précis, stratégie de moyens, approche budgétaire rigoureuse, résultats, process de contrôle,…Bref c’est très concret. Comme on dit aux USA "I’m in charge" Notez que cette expression n’a pas d’équivalent en France et surtout dans la classe politique.
La troisième chose qui m'a beaucoup impressionnée est la qualité des débats, avec très peu d'effets de manche, d'exercices rhétoriques, on est véritablement là pour rentrer dans le cœur des sujets relevant à la fois du logement et de la mixité sociale, relevant du développement des TPE et des PME à travers le Small Business Act, relevant de la cohésion sociale avec comme élément structurant la diversité, et effectivement la nécessaire évolution de l’affirmative action. Ce sont des sujets importants pour le présent des Etats-Unis, et encore plus pour son futur avec une administration Obama qui est très entreprenante.
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L'accessibilité des parlementaires américains est très surprenante pour nous Français |
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Alain Dolium |
Par ailleurs, il y a eu à titre personnel pour moi deux moments forts : lorsqu'on m'a convié à ce Congressional Black Caucus en marge de cet événement, on m’a fait rencontrer des membres de l'administration Obama sur les questions d’aménagement du territoire et j’ai découvert des approches très innovantes en matière de mixité sociale. J’ai eu l’occasion également de m’entretenir longtemps avec le révérend Jesse Jackson, membre influent du parti Démocrate, sur la situation politique aux Etats Unis De plus, on m’a invité à participer à un débat sur la place des minorités visibles en France. J'ai participé à ce débat, avec des échanges pertinents avec les membres du congrès. |
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Prestation de serment de membres du Black Caucus
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Ce qui a été frappant lors de ce débat c'était de voir la réaction et la perception de l'administration Obama et des membres du congrès sur la manière dont la question de la diversité est actuellement traitée en France. En fait les Américains s’étonnent qu’un pays avec une histoire comme celle de la France peine à reconnaître son caractère multiculturel. En plus tout cela se passait début septembre, nous étions en plein dans l'actualité Rom et on y est encore. En réalité il y a des pays qui regardent très bizarrement la France car ils se demandent si cette problématique avancée comme une priorité n'est pas un trompe l'œil pour masquer des problèmes de fond :
est ce que nous serons capables de relancer notre économie, quelle politique économique allons nous mettre en œuvre...Les Etats-Unis ont besoin de le savoir puisque la France est un pays important de la zone Euro. Je pense qu’en arrière plan ces membres du congrès, se sont demandés si cela ne masquait pas notre incapacité à prendre en compte notre multiculturalisme, et d'autre part d'en faire un véritable levier en matière d'innovation, économique et sociale.
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La globalisation peut-être une opportunité (...) si et seulement si la France se remet en mouvement et ne reste pas sur des vieux schémas qui ne profitent qu’à une petite caste de privilégiés (...) Ceci est l’ambition du Think Thank Echelle Humaine qui fera des propositions concrètes avant la fin de cette année |
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Alain Dolium |
Quand vous avez aujourd'hui, l'ambassade des USA qui fait un travail précis, scrupuleux, détaillé, sur des talents issus de la diversité, au sens large, des gens qui n'ont pas forcément le pédigrée social des entrepreneurs du Cac 40. Des gens qui n'ont pas forcément un héritage politique et qui sont dans les partis politiques, des gens qui n'ont pas eu forcément une fortune de départ pour monter un groupe média...Quand vous avez l'ambassade des Etats-Unis qui repère tous ces talents issus de la diversité de la société française mieux que nos instances gouvernementales cela donne à réfléchir et nous renvoie à nos propres contradictions. Notamment celle qui consiste à se priver d’une partie des talents du pays sous prétexte qu'ils sont nés du mauvais côté du périphérique, soit socialement à classer dans la France d’en bas ! |
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Les membres du Black Caucus
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Les USA, avec une histoire certes différente, nous disent implicitement nous sommes passés d'une société [américaine] en proie à d’énormes difficultés quant aux relations raciales...(même s'il y a encore des problèmes) à une société reconnaissant son multiculturalisme et désirant aller vers une ère post raciale. L’élection de Barack Obama peut constituer un pas significatif pour atteindre cette ère post raciale.
Comment, en comparaison de ce que vous avez vu au Black Caucus, analysez-vous l'attitude des élites de la classe politique française ?
Une anecdote : lors de l’évènement, il y a eu un débat sur la jeune classe politique à l'ère Obama. On nous a fait participer à ce débat. Durant les échanges, j'ai posé à l'animatrice, qui était une sénatrice des Etats-Unis, la question de savoir comment ils faisaient pour favoriser l'émergence d'une nouvelle génération et l'apparition d'une nouvelle classe politique. Et je lui disais pour poursuivre ma question "comment avez vous fait pour vous battre contre le cumul des mandats?".
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Le concept même de cumul des mandats n'existe pas aux Etats-Unis |
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Alain Dolium |
Elle s'est mise à rire en disant qu'elle ne comprenait pas la question car dans leur constitution le cumul des mandats ne peut pas exister. A titre personnel elle jugeait que c’était contraire au besoin d'introduire un maximum de fluidité pour faire émerger des talents politiques qui vont accompagner l'évolution de la société américaine.
C'est une voie qui pourrait donc être explorée en France...
Je pense qu'effectivement que c'est une des solutions pour faciliter l'accès aux espaces institutionnels et politiques en France. Je ne parle pas d’être nommé et bénéficier du fait du Prince mais bien d’être élu. Faire de la politique dans notre pays est trop conditionné par un héritage social, économique et politique. C'est à dire qu'il faudrait pour faire de la politique et plus particulièrement être éligible, avoir fait ses armes depuis sa plus tendre adolescence dans un appareil de parti et suite à cela, appartenir à la France d’en haut et vous seriez compétent pour traiter de la chose publique. |
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Barack Obama lors du dîner de la fondation du Congressional Black Caucus
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Vous seriez même légitime à passer du secrétariat à l’économie numérique au ministère de l’immigration, en cautionnant une politique de droite dure après avoir œuvré au programme présidentiel d’une candidate socialiste prônant une forme de social-démocratie. Or si on estime que c'est ce type de profils qui sont compétents pour traiter de la chose publique, j'ai du mal à comprendre comment on se retrouve dans une telle situation concernant la qualité de vie, l’emploi, les retraites, la fiscalité ou la dette.
Cela veut dire qu'on peut légitimement se poser la question de savoir s'il ne faut pas introduire en politique des gens venant d'univers divers et variés, afin de ne pas reproduire cette endogamie. Nous sommes spécialistes de l'endogamie sociale dans notre pays et c'est en contraste l'image que les Etats-Unis sont entrain de nous renvoyer de nous, avec bien sûr l'élection d'un Barack Obama qui est membre du parti démocrate, qui n'a pas fait toutes ses armes au sein du parti démocrate mais aussi, et surtout, dans la vraie vie.
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il faut se regrouper entre personnes qui comprennent que l'ascenseur républicain ne fonctionne plus pour le dégripper |
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Alain Dolium |
C'est quelqu'un qui a travaillé au sein de la société civile, dans les milieux associatifs, et dont on a estimé que la vision, le projet et la capacité de concrétisation -il est entrain de démontrer un certain nombre de choses- pouvait être tout à fait recevable. Son profil n'était absolument pas gênant bien qu'il ne soit pas un cacique, en tous cas pas gênant pour le peuple américain et c’est bien cela qui compte. |
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Barbara Lee et Barack Obama en janvier 2010
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Aux Etats-Unis le modèle français est-il compris ?
Les Etats Unis ont beaucoup de mal à comprendre le modèle français, tout comme la France a du mal à comprendre le modèle américain puisque les deux modèles résultent d'histoires et donc de cultures différentes. Les vagues d'immigration successives aux Etats-Unis (Italienne, Irlandaise, Est Européenne, même antillaise,…) et l'esclavage ont amené la construction d'une société américaine différente qui fonctionne d'ailleurs beaucoup, à l'inverse de ce qu'on croit quand on ne connait pas les Etats-Unis, autant par communauté d'intérêt que par communauté au sens ethno racial.
Parfois les deux peuvent se conjuguer. A un moment dans l'histoire des Etats-Unis, il y a eu une communauté d'intérêts se fondant sur les difficultés particulières auxquelles était confronté un groupe ethno racial. Les Afro-Américains n'étaient pas considérés comme étant égaux des autres, c’était une infra-humanité soumises aux lois Jim crow, aux lois de la ségrégation. Donc il a fallu se fédérer autour d'un intérêt qui était l'obtention des droits civiques. On a bien le croisement entre un groupe ethno racial et un intérêt.
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Les Américains s'étonnent qu’un pays avec une histoire comme celle de la France peine à reconnaître son caractère multiculturel |
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Alain Dolium |
Il faut aussi savoir que les communautés d'intérêts qui vont mélanger des groupes ethno raciaux différents existent. Ça peut être au sujet de questions relevant de l'économie, de la sécurité, de la santé...En France, nous avons un modèle républicain que l’on ne souhaite pas faire évoluer dans ses fondements car ses valeurs seraient parfaites : Egalité, Fraternité, et Liberté. Il suffirait d'afficher ces trois valeurs pour dire que tout va bien et nous n’aurions pas besoins de communautés d'intérêts, pour faire progresser le pays. |
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Michelle Obama lors d'un discours sur la santé lors de la conférence annuelle de la fondation du black caucus
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ap |
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Or aujourd'hui, nous nous rendons compte que nous sommes dans un pays qui n'a jamais été aussi inégalitaire. L'égalité tend à devenir une valeur mythique. L'ascenseur social ne fonctionne plus, la méritocratie républicaine ne fonctionne plus. A-t-elle vraiment déjà fonctionné quand on regarde le patrimoine de nos élites ?
Alors je dis oui il faut se regrouper entre personnes qui comprennent que l'ascenseur républicain ne fonctionne plus pour le dégripper. A titre personnel, j'ai lancé une organisation qui s'appelle "échelle humaine", qui regroupe des personnes de tous les milieux sociaux, de toutes origines géographiques, de droite, de gauche, du centre... Echelle Humaine est un modèle auquel je crois beaucoup.
La globalisation peut-être une opportunité et pas une fabrique à misère sociale, si et seulement si la France se remet en mouvement et ne reste pas sur des vieux schémas qui ne profitent qu’à une petite caste de privilégiés, qui souvent n’ont pas conscience des difficultés que connaissent une grande partie des Français. Ceci est l’ambition d’Echelle Humaine dont les travaux ont démarré en juillet 2009 et qui proposera des choses concrètes avant la fin de cette année.
Pour finir, on constate qu'aux Etats-Unis, le président peut assister à un congrès du Black Caucus. Pensez-vous qu'une telle chose serait possible en France ?
Il faut savoir que Barack Obama lui même a été membre du Black Caucus en tant que sénateur des Etats Unis. Un président tel que Barack Obama, mais aussi une bonne partie de son administration qui n'est pas comme chacun sait uniquement noire, loin s'en faut, participe au black caucus, pour une seule et bonne raison : c'est que le Congressional Black Caucus est un fer de lance en matière d'innovation sociale et économique.
Ce fer de lance, beaucoup de parlementaires s’en servent pour faire bouger les lignes et amener à un meilleur vivre ensemble. Les parlementaires de tout bord, républicains, démocrates, qu’ils soient blancs, noirs ou latinos regardent de près ce haut événement de la vie politique américaine car ils y puisent des idées pour pouvoir améliorer eux mêmes leurs performances politiques, dans leurs Etats, ou leurs villes. C'est à ce titre que Barack Obama peut y participer lui même.
Le blog d'Alain Dolium : www.alaindolium.fr |
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