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Antillais : ce "cousin privilégié de l’Africain"
08/07/2009
 

A la suite du "malentendu africain antillais", Jose Lemoigne interrogé par Pape Cissoko, revient sur ce sujet qui avait fait couler beaucoup d'encre...
 
Par Pape Cissoko
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Les réactions sur grioo.com montrent que des intellectuels ou des hommes de cultures nous lisent et contribuent même si leurs arguments ne nous convainquent pas toujours. José LEMOIGNE en citoyen téméraire a signé avec son nom et avancé ses idées, certains ont dénoncé ses propos et de la façon la plus virulente mais avec respect. Au fil des réactions chacun a reconnu la pertinence réciproque et un jeune de quinze ans Louis BELLA a retenu cette belle issue. ( Voir le malentendu antillais et africain) : C’est dire que c’est parce que nous n’échangeons pas que nous avons du mal à nous comprendre.

Grioo fidèle à sa tradition, à savoir l’exercice libre de la pensée de chaque auteur et sa soumission à la critique constructive, a donné la parole à ce polymate d’antillais breton ou de breton noir pour donner sa pensée sur la question antillaise. Educateur et directeur au sein de la Protection judiciaire de la Jeunesse au ministère de la Justice notre homme est aussi un Poète, un chanteur-compositeur et ce n’est pas fini, il est romancier. Il a rencontré et côtoyé les intellectuels antillais de Césaire à Zobel en passant par GLISSANT et Chamoiseau. Métis né d’une martiniquaise et d’un breton il est l’ « entredeux » puisqu’il a quitté son île natale à trois ans ce qui a fait sa première expérience de l’exil. Véritable homme-orchestre de la culture, ce touche à tout nous intéresse et voici ce qu’il dit.

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En quoi l’Antillais est-il ressemblant ou différent de l’Africain, son "frère historique"...

José Le Moigne :Parler ainsi me semble très réducteur si l’on tient compte de la multiplicité des origines du peuple caribéen. J’opterais pour ma part plus volontiers pour le vocable de cousin, non pas historique, mais privilégié car, que nos ancêtres aient été esclaves ou non, nous partageons avec l’Afrique l’horreur de la traite. Le voyage au fond de la cale négrière, que je considère pour ma part comme l’acte fondateur de l’identité antillaise, nous unit et nous sépare. J’y vois tout à la fois un trait d’union et une barre de fraction.

Historiquement, l’homme antillais, qu’il soit d’origine européenne, africaine, indienne, chinoise, syrienne ou libanaise, et j’en passe beaucoup, s’est construit sur l’exil, volontaire ou subit, dans un espace réduit qui pousse tout à la fois à la haine et à l’assimilation, ce que l’on nomme aujourd'hui phénomène de créolisation. Quel qu'il soit, l’homme antillais fantasme ses racines. Je n’exclus pas du raisonnement le blanc béké et ses quartiers de noblesse pour la plupart largement usurpés. Cependant, comment ignorer que la majorité de notre peuple est descendante d’esclaves africains.

Lorsque mon ami Mongo Béti, le grand écrivain camerounais m’écrivais : "Je m’étonne, chaque jour, après tout ce que nous avons subis, que nous soyons encore là", il parlait du peuple noir dans son histoire, pas des Africains ni des Antillais.
Jose Lemoigne


Nous sommes donc très proches par la culture mais également très éloignés par la culture. Il faudrait sur ce point de très larges développements dont la place n’est pas ici. Je me bornerais donc à souligner l’importance de l’oralité, représentée par le conteur dans la culture créole et le griot dans la culture africaine. Par extension il me parait que ce cousinage s’entend aussi à la littérature, sauf que les histoires, et les milieux où elles se déroulent ne sont pas les mêmes. Des siècles, des océans et le métissage sont passés par-là. Cousins très proches donc, mais pas frères.


Comment, selon vous, favoriser une saine rencontre entre Antillais et Africains qui nourrissent un certain « ostracisme » ou des préjugés ?

Je ne pense pas pour ma part qu’il y ait ostracisme. L’Antillais est un homme comme les autres. Quand il se regarde dans son miroir il se voudrait plus beau qu’il n’est, plus évolué que ses ancêtres réels ou supposés. Ainsi en était-il dans la Bretagne urbaine de mon enfance où l’on tapait joyeusement sur le « plouc », c'est-à-dire le paysan, le cousin qui nous nourrissait au propre comme au figuré.

Cela dit, si je pense légitime, eu égard aux souffrances endurées, au humiliations subies, à ce qui est aujourd'hui, du moins symboliquement, une réalité psycho géographique, de parler de l’existence d’un peuple noir, je crois aussi que la prise de conscience de ce que nous avons le devoir d’apporter à la communauté des hommes devrait nous rassembler. Inutile de s’étendre. Du Jazz à Barack Obama, en passant par la littérature, la danse, les arts de toute sorte, l’histoire du siècle passé et celle de celui qui commence, bruissent de notre présence.

je ne pense pas que l’on puisse trouver d’autres réponses que dans l’appropriation de sa propre culture. Un peuple, et je parle de la Martinique, qui a donné au monde Césaire, Glissant, Zobel, Fanon, et Kassav’*(Sans oublier Chamoiseau, Confiant et tant d’autres) devrait pouvoir le fixer dans les yeux sans se poser trop de questions.
Jose Lemoigne



Certains Antillais refusent de transmettre ce qu’ils savent de leur histoire, même récente, par honte ou je ne sais quoi, BUMIDOM ou migration antillaise vers la métropole. Le beau film « L’avenir est ailleurs » est un bel outil pédagogique dans ce sens pour combler l’ignorance et instruire les plus jeunes

Je n’ai pas vu ce film, mais je crois profondément à la nécessité de transmettre. Cela dit, il faut bien admettre que le colonialisme, sous toutes ses formes, favorise plus la honte que la fierté. En tant que travailleur social, j’ai œuvré toute ma vie avec des mots. En écrivant, je ne fais pas autre chose. La parole est l’outil pédagogique le plus proche, le moins artificiel. Il est donc du devoir de quiconque la maîtrise de s’en servir en toutes circonstances. Le cinéma est aussi une manière de parler, mais encore faut-il que l’incitation soit là

 
 

Les Antillais, dit-on, sont dans une tourmente identitaire qui engendre certaines difficultés relationnelles ou d’estime de soi. Qu’en pensez-vous ?

Pour les raisons que j’ai indiquées plus haut, un antillais est par définition un être en quête identitaire. Il me semble que les mouvements littéraires et artistiques récents ont donné des réponses. Ici encore je ne pense pas que l’on puisse trouver d’autres réponses que dans l’appropriation de sa propre culture. Un peuple, et je parle de la Martinique, qui a donné au monde Césaire, Glissant, Zobel, Fanon, et Kassav’*(Sans oublier Chamoiseau, Confiant et tant d’autres) devrait pouvoir le fixer dans les yeux sans se poser trop de questions.

La méconnaissance de l’histoire par certains antillais, "nos ancêtres les Gaulois", l’esclavage et la participation des Africains à celui-ci, ne sont-ils pas des éléments qui favorisent la haine des Antillais vis-à-vis des Africains. Soyons plus directs, se connaître, est-ce la voie directe pour mener une existence sereine et s’inscrire dans la civilisation de l’universel ?

Qu’est-ce que la civilisation de l’universel ? À mon sens notre existence est subordonnée à nos différences et se définie par la tolérance qui doit nécessairement accompagner cette réalité. Suis moins Antillais parce que je puis, en toute légitimité, mon père étant blanc, affirmer « Mes ancêtres les Gaulois » ? Je me suis toujours méfié des formulations lapidaires et caricaturales. Bien sûr que tout Antillais noir ou métis de noir a dans la tête cette question : « Quel Africain a vendu mon ancêtre ? », mais chacun sait que l’histoire des hommes est loin d’être pavée de roses.

De là à nourrir de la haine me semble très excessif. Pour ma part, mes amis Africains sont nombreux et nous nous comprenons, bien au-delà des mots, dans des manières d’être communes. Lorsque mon ami Mongo Béti, le grand écrivain camerounais m’écrivais : « Je m’étonne, chaque jour, après tout ce que nous avons subis, que nous soyons encore là », il parlait du peuple noir dans son histoire, pas des Africains ni des Antillais.


Vous partagez l’idée d’Edouard Glissant sur le « tout monde », une nouvelle culture qui occulterait les choses anciennes, la tradition, l’histoire. Quelle est votre compréhension de cette idée Glissanniène ?

Il ne me semble pas que Glissant propose une nouvelle culture déconnectée des valeurs anciennes ou de l’histoire, mais une nouvelle vision du monde libérée des césures. L’œuvre de Glissant est profondément inscrite dans l’univers antillais. Il suffit de relire « Le quatrième siècle », « La case du commandeur », « Mahogany », et bien sûr « La lézarde » pour en être convaincu. Mais, il ne faut pas confondre le « Pays rêvé » et le « Pays réel ». Comme Glissant, je ne crois plus en l’identité-racine mais à l’identité-rhizome qui permet le marcottage, la diversité dans la fidélité, une forme d’unité qui n’est pas le clonage

Maryse Condé disait que l’éducation est l’outil indispensable pour réconcilier l’Antillais avec lui-même. Est-ce pertinent ?

Au terme d’éducation je préfère celui de Culture. Avec une majuscule. On donne l’éducation, on partage la Culture. Bien sûr, ce ne sont que des mots. Je crois profondément en l’engagement. Chacun de nous est important à la place qu’il occupe. On n’est coupable que de se taire.

 
© rfi.fr  

Vous êtes métis « Antillais-Breton ». Est-ce facile à supporter ? Césaire vous a regardé de travers, mais gentiment lors de votre première rencontre, mais, il a vite compris que la couleur de votre peau n’était pas un obstacle et il même dit de vous que vous êtes un « Martiniquais fondamental ».

J’avais trois ans lorsque j’ai dû quitter la Martinique pour la métropole. C’était avant l’avion. À moins d’avoir de l’argent ce qui était loin d’être notre cas, partir c’était accepter de ne plus revoir le pays. Voilà pourquoi la notion d’exil est profondément ancrée en moi. Je rêve d’une terre que je sais à tout jamais inaccessible.

Oui, ce fut difficile, et au-delà du prévisible puisque notre famille bretonne nous rejeta d’emblée nous réduisant à quelque chose qui ressemblait beaucoup à la misère. J’ai grandi dans les baraques du Brest détruit de l’après guerre et sans la volonté farouche de notre mère j’aurais probablement sombré dans je ne sais quelle dérive. À l’époque, mes sœurs et frères et moi étions les seuls enfants de couleur de la ville. Il me fallait donc acquérir très rapidement les codes de la culture bretonne. Très vite j’ai écris, des poèmes d’abord, et à l’adolescence j’étais déjà considéré comme un poète breton d’avenir.


Je le dis en toute modestie. En même temps il m’était impossible, malgré la distance et le temps, d’écarter à jamais mes origines martiniquaises. Je me suis donc astreint à la même recherche, seul chemin pour ne pas sombrer dans la schizophrénie. Aujourd’hui je pense pouvoir dire que mes deux identités n’en font plus qu’une et je me sens parfaitement à l’aise quand je dois les affronter séparément. Vrai Breton dans mon village bretonnant, vrai Martiniquais lorsque que je suis sur l’île. Poète Breton et écrivain Martiniquais. Voilà sans doute ce que Césaire a voulu dire en me qualifiant de « Martiniquais fondamental ». C’est du moins ainsi que je l’ai interprété.

Quels sont vos sujets de prédilection et que vous voulez dire aux jeunes Antillais et aux gens du monde, sans prétention.

Je n’ai jamais voulu me voir, même lorsque cela m’était facile, en porteur de message. Ce qui m’intéresse c’est l’exemple. C’est de cette façon que j’ai vécu ma vie professionnelle. Avec réussite je crois puis qu'Internet aidant, au bout de 40 ans, un des jeunes dont j’avais la charge (j’étais alors éducateur pour mineurs délinquants et en danger) me fait aujourd'hui savoir qu’une de mes chansons où je dis : Moi j’écris des chansons / Pour ouvrir les prisons …/ l’avait accompagné toute sa vie et l’avait aidé à vivre. Que chacun donc, à la place où il est et selon les moyens dont-il dispose, écrive sa petite chanson et l’offre sans arrière-pensées. Sans angélisme non plus.

Vous êtes un polymathe, un intellectuel qui touche à tout ; la musique, la peinture, l’écriture sont-elles selon vous les meilleures façons de passer des messages ?

Je crois avoir déjà répondu. Disons que, selon la logique des plantations, je suis ce que l’on appelait un nègre à talents. Cela confère des responsabilités.

(*) Kassav’ n’est pas composé que de Martiniquais, mais cela ne change rien à l’exemple.
Merci et j’espère que vos propos permettront et contribueront au rapprochement entre antillais et africains.

Pour mieux suivre cet auteur voici des pistes

Blog de José LE MOIGNE http://lebretonnoir.over-blog.fr/
http://www.potomitan.info

       
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  Antillais et africains le malentendu, ou l’avenir entre les mains des plus jeunes : pour une rencontre des cultures et des peuples
 
Mots-clés
africaines   aimé césaire   antilles   guadeloupe   jose lemoigne   martinique   
 
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