|
|
|
Le pape de la négritude s’est éteint après quatre vingt quatorze années de vie politique et intellectuelle au service de la négritude et de la République. La vie de Césaire, depuis son enfance en passant par Louis Le Grand, Normale Sup et la Martinique en tant que maire et penseur, symbolise la complexité d’une pensée qui est articulée autour de l’universel à partir des problématiques grecques et latines de sa culture et de son identité noire car nègre il est et nègre il restera toujours dans nos cœurs et dans nos actions.
« Nègre je suis, nègre je resterai », avait-il dit. Cette déclaration symbolise la pensée riche et complexe, voire paradoxale d’Aimé Césaire qui très tôt avec Senghor et Damas Gontran ont affirmé le concept de la négritude à la fois comme véhicule de l’identité noire et mise en action de cette identité au plan politique.
La négritude retrace la verticalité de la pensée d’Aimé Césaire en tant qu’intellectuel et homme politique, verticalité que doit revendiquer le nègre au nom de l’universel en tant que homme pensant et agissant. Le concept de verticalité a permis à Aimé Césaire dans son discours sur le colonialisme de comprendre et d’expliquer la psyché collective dans laquelle l’identité noire était enfermée. Dans la tragédie du Roi Christophe, Césaire a montré les contraintes, les écueils, les abandons et les lâchetés qui menaçaient l’identité noire malgré sa verticalité. |
|
La mort de Césaire doit être un moment de tristesse temporaire. Ce qui nous fait le plus souffrir, c’est la séparation et non sa mort car celle-ci nous grandit et nous met en face de nos responsabilités dans un monde qui se transforme et au sein duquel le noir est quelquefois perdu en tant qu’entité géopolitique quand il s’agit des Etats africains ou en tant qu’individu.
Aimé Césaire poète, intellectuel, homme politique était un espace de contraintes fortement marquées mais qui n’a jamais perdu de vue la valorisation de l’identité noire en tant que concept et en tant que mission pratique. A la différence de certains écrivains ultramarins qui introduisent la césure entre l’Afrique et l’Outremer au nom de la créolité, Césaire a toujours milité pour l’homogénéisation de la négritude comme protocole de l’universel, unifiant les noirs du monde entier en identifiant l’Afrique comme la matrice originelle de leur provenance. Césaire était l’apôtre de l’universel mais aussi de la révolte. Césaire était révolté car il a, à la différence de Senghor (sans les opposer car ils étaient complémentaires), dénoncé les méfaits du colonialisme et créé le concept de négritude repris par Senghor. |
Pourquoi dire que Césaire a le premier créé le concept de négritude ? Il s’agit de continuer le message complexe de Césaire au nom de l’universel et de la révolte en démontrant que la tragédie du Roi Christophe continue aujourd’hui à guetter les populations antillaises et africaines qui malgré leur négrité, voire négritude, s’ignorent, se regardent en chien de faïence dès lors qu’il s’agit de revendiquer l’identité noire et que cette revendication passe des faits historiques douloureux comme la colonisation ou l’esclavage.
Célébrons la mort de Césaire comme l’accomplissement ultime de notre identité noire que nous devons faire progresser comme l’avait toujours voulu Césaire, l’universel, le révolté, le latiniste, l’intellectuel, l’homme politique qui tout en critiquant le modèle philosophico-idéologique et politique français a toujours estimé que l’identité noire, pour s’épanouir, devait faire progresser la République.
Césaire demeure un nègre inconsolé. En reprenant le titre de l’ouvrage écrit par Roger Toumson et Simone Henry-Valmore, on peut penser que Césaire était insatisfait de la situation des Noirs dans le monde. La réalité est beaucoup plus complexe car, au-delà de son insatisfaction réelle sur la condition du Noir, Césaire était, à travers sa poésie et son action politique, conscient que le Noir fondamental, qu’il était, avait construit un modèle politique et actionnel pour le Noir de demain. |
Pour nous, nègres de demain, la mort de Césaire ne doit pas être inutile. Les nègres appartenant à l’universel césairien ( antillais, africains, noirs d’Amérique latine, afro-américains et d’ailleurs) doivent trouver des protocoles de débat et de compromis sur les problèmes qui les divisent et qui les empêchent de travailler réellement ensemble comme naguère (et malgré leurs oppositions) le firent Senghor l’Africain, le Sénégalais, Césaire le Martiniquais et Damas Gontran le Guyanais. Ces problèmes de division sont la colonisation, l’esclavage, la créolité et d’autres perçus au plan individuel.
Césaire est mort, sa mort ne doit pas être portée en perte mais en profit pour l’identité noire, une identité qu’il a toujours voulue verticale, active, tournée vers les autres et non lacrymale. La révolte de Césaire était une révolte passionnée et dynamique.
Dans sa tombe, je l’entends nous dire ceci : ne pleurez pas, poursuivez mon œuvre et celle de Senghor et de Damas Gontran. Sommes-nous capables d’entendre ce message et de l’adapter au monde du 21ème siècle pour le bien-être de l’identité noire ?
Lucien Pambou
Professeur de Sciences économiques
Cofondateur et premier secrétaire général du CRAN
Président de l’association DEDIP développement, diversité, partage
www.dedip.org
Conseiller municipal d’Alfortville depuis mars 2008
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Donnez
votre opinion ou lisez les 0 réaction(s) déjà écrites
Version
imprimable de l'article
Envoyer
l'article par mail à une connaissance
Partager sur:
Facebook
Google
Yahoo
Digg
Delicious
|
|
|
Les dernières photos publiées sur Grioo Village |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Top |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|