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Claudy Siar : ''Je reprends mes fonctions à la radio le 4 juin''
02/05/2012
 

Claudy Siar revient sur le bilan de son action à la tête de la délégation interministérielle à l'outremer et sur les attaques dont il est victime de la part de certains membres de la communauté...
 
Par Paul Yange
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Bonjour Claudy Siar. Lors de notre précédente rencontre, vous aviez dit que vous quitteriez vos fonctions de délégué interministériel à l’issue de l’élection présidentielle. Est-ce toujours le cas ?

Tout à fait. Je ne suis pas homme à dire quelque chose que je ne ferai pas. J’ai dit au moment de ma nomination que je savais à quel moment je commençais et je savais à quel moment je finirai. A un moment donné je me suis dit : « est ce que je ne vais pas quitter mes fonctions avant le 1er tour de l’élection présidentielle ?». (NDLR : l’interview a été réalisée avant le 1er tour de l’élection présidentielle).

Au regard de ce que sont les sondages et de ce que disent certains (« oui Claudy Siar c’est un ralliement à Nicolas Sarkozy »), tout ce qu'on a pu entendre de fantasmes de la part de certains...Je me suis dit les sondages n’étant pas bon je ne voulais pas partir maintenant car certains auraient fait une lecture du genre « les rats quittent le navire ». Et juste après l’élection présidentielle, d’autres auraient dit : « il dit qu’il a démissionné, on l’a juste foutu dehors ».

J’ai donc décidé que je quitterai mes fonctions en mai, et je peux annoncer ici que je reprendrai mes fonctions à RFI le lundi 4 juin. Ce que j’ai dit au départ, c’est ce que je fais aujourd’hui et il n’y a aucune ambiguïté à ce sujet.

Quel bilan faites-vous de votre action en tant que délégué interministériel d’autant que vous avez occupé ce poste pendant moins d’un an ? Avez-vous eu le temps d’agir concrètement ?

Je dis toujours aux uns et aux autres qu’il y a des choses très symboliques et très fortes qui correspondent à mes engagements concernant la volonté d’organiser cette communauté, que ce soit à travers la fédération nationale des associations d’outremer qui n’est pas encore terminée, le Club des médias d’outre-mer de l’hexagone, nous travaillons également sur la création de l’observatoire d’outre mer face aux discriminations ; Je suis venu expliquer aux uns et aux autres qu’une communauté qui n’est pas organisée ne peut pas créer le rapport de force. Et moi connaissant ma communauté, je savais ce que je devais faire.

Je suis venu expliquer aux uns et aux autres qu’une communauté qui n’est pas organisée ne peut pas créer le rapport de force. Et moi connaissant ma communauté, je savais ce que je devais faire


On a travaillé sur des choses essentielles aussi comme sur la précarité, la pauvreté des personnes les plus en difficulté. J’ai créé le programme solidarité qui au départ a été raillé par certains observateurs et journalistes. Finalement aujourd’hui, tout le monde dit « bravo » au projet solidarité. J’ai travaillé aussi en faveur des jeunes diplômés qui ont les capacités, mais que la couleur de leur peau ou leur faciès privent de postes qui leur reviennent. On a mis en place le dispositif nos « Outremer ont des talents » en partenariat avec « nos quartiers ont des talents ».

Nous avons travaillé sur l’égalité des chances entrepreneuriales avec le forum que nous avons fait et qui va donner naissance à la première entité représentative de ces chefs d’entreprise d’Outremer. Je suis entrain de faire un 2ème volet qui aura lieu mi-mai, où nous allons faire se rencontrer des entrepreneurs (pas seulement originaires d’Outremer) qui sont en grande partie des entrepreneurs noirs, originaires du pacifique, qui vont rencontrer des financeurs, pour financer leurs projets, leur donner la possibilité de passer à un stade supérieur de leur activité et c’est important.

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Kathleen Cleaver à l'époque des Black Panthers  
Kathleen Cleaver à l'époque des Black Panthers
 

Nous avons également travaillé sur la mémoire, l’histoire, et si ça n’avait été que pour ça, j’aurais accepté d’être délégué interministériel. Nous avons reçu, Kathleen Cleaver l’ex-femme d’Eldridge Cleaver des Black Panthers ici à la délégation, sous les ors de la république, dans le cadre du « Black History Month » qui était organisé par une association de Rennes et par Maboula Soumahoro. Une conférence de presse a eu lieu, suivie d’une diffusion du film d’Agnes Varda. Tout le monde a pu poser des questions à Kathleen Cleaver, ça ne s’était jamais fait dans ce pays et moi je voulais le faire…

J’étais arrivé en disant que j’étais déterminé à faire sortir de prison le plus vieux prisonnier de France qui était Martiniquais. Alors que tout était bloqué à l’Elysée, au ministère de la justice, les portes se sont ouvertes. Les avocats m’ont appelé de Martinique. Ils sont venus à Paris et ont rencontré par mon entremise les personnes qu’il fallait. Malheureusement, le 7 août dernier, Marny a décidé de mettre fin à ses jours. C’est vrai qu’après 48 ans de prison, l’injustice était tellement flagrante…

Je donne quelques exemples, mais il suffit d’aller sur le site www.ultramarins.gouv.fr pour voir toutes les actions que nous avons menées dans tellement de domaines. On a permis de financer 80 projets portés par des originaires d’outremer. J’ai voulu aller très vite même si je ne confonds pas vitesse et précipitation. Il y a aussi le dossier téléphonie mobile où je me suis fait tous les ennemis de la terre. Tous les opérateurs de téléphonie mobile me détestent, mais également des responsables des services de l’Etat parceque j’ai voulu remettre en cause un système qui traite nos territoires d’outremer comme des territoires étrangers à l’Hexagone, et ça n’est pas acceptable. Ça veut dire que des populations qui ont connu l’esclavage, les discriminations, la disparité de traitement, sont celles surlesquelles on fait les plus grandes marges, qui paient leur téléphone le plus cher et sont soumis au rooming comme si elles étaient dans un pays étranger ? A quoi cela sert-il que la France dise dans sa constitution qu’elle est une et indivisible ?

Ce qui est assez drôle, c’est ce que je suis une cible pour une petite partie du microcosme des soi-disant militants de notre communauté. Je parle de la communauté afro en général, pas seulement des originaires d’Outre-mer



A quoi cela sert-il que la France dise qu’elle a 80% de sa biodiversité grâce à l’outremer , qu’elle est sur trois continents, qu’elle a le plus grand nombre de kilomètres carré de côtes maritimes…Il faut arrêter une telle hypocrisie. Ce que je condamne, c’est que la France ne se représente qu’à travers l’Hexagone et la Corse.
Je me suis battu avec les chaînes de télévision et les médias en général pour qu’ils représentent la France telle qu’elle est. TF1 le fait épisodiquement chaque soir et chaque midi et présente deux régions d’outremer. France 2 fait un bulletin spécifique pour l’outremer le matin et le soir, après le dernier journal du Soir. M6 m’a dit qu’elle le ferait, mais ne le fait pas. Les médias refusent car dans leur imaginaire nous ne sommes pas français.

Nous sommes les confettis de l’ancien empire colonial français, et c’est ça la réalité. Pour beaucoup ce ne sont que des terres de villégiature peuplées de nègres et de métisses et de tout ce que l’on veut. Lorsque je suis arrivé, je savais que je devais me battre contre ça. Je savais que je devais être une locomotive pour les idées de celles et ceux qui font le même constat que moi. Mais je suis devenu une cible pour une partie des miens. Heureusement que Fanon a tout écrit sur dans les « Damnés de la terre » ou dans « Peaux Noires, masques blancs ».

Quand vous dites que vous êtes devenu une cible, vous faites allusion à quoi exactement ?
Ce qui est assez drôle, c’est ce que je suis une cible pour une petite partie du microcosme des soi-disant militants de notre communauté. Je parle de la communauté afro en général, pas seulement des originaires d’Outre-mer. Mais Lorsque je suis dans la rue ou en public quelque part, que ce soit sur la scène de Bercy ou ailleurs, les gens m’applaudissent, veulent faire des photos avec moi, me remercient pour mon combat, me disent que les gens écrivent des « conneries » mais qu’ils savent qui je suis.

Toutes celles et tous ceux dont je lis parfois les écrits et les critiques n’étaient pas dans les combats que nous commencions à mener lorsque j’avais 17 ans. Lorsqu’en 1983-84 nous avons commencé à mener autrement les combats, ces gens là n’étaient pas là. Et là il n’y avait rien à gagner, que des coups à prendre. Lorsqu’en 1986-87 je faisais mes premières émissions en parlant de l’esclavage, et que les gens même de ma communauté m’appelaient pour me dire « qu’est ce que tu racontes, ce n’est pas vrai… », à ce moment il n’y avait que des coups à prendre. La loi Taubira n’existait pas. En 1991 lors de ma première manifestation devant Antenne 2 qui était Avenue Montaigne à l’époque, suite à la diffusion de propos insultants contre les Noirs, des propos tenus par Charles Trenet. On était 3000, uniquement des militants mais les personnalités et les intellectuels ne sont pas venus prendre des coups. Personne n’était là pour venir prendre des coups. . Cette histoire m’a coûté très cher.

Lorsqu’en 1983-84 nous avons commencé à mener autrement les combats, ces gens là n’étaient pas là


Lorsqu’en 1993 a eu lieu la première marche de commémoration de l’abolition de l’esclavage dans ce pays, c’est moi qui l’ai organisée, de la place de la république à la place de la Nation. Ceux qui se sont ralliés en 1998 à la marche du 23 mai m’avaient insulté cinq ans auparavant. Donc Je sais ce que c’est de faire des choses et de faire face à l’incompréhension. Moi j’ai dépassé la lecture manichéenne de la société française. J’ai dépassé l’affect, j’ai dépassé mon rejet de la France à cause de l’histoire. Je regarde la France dans son présent, ce qu’elle est aujourd’hui, et cette France là même si elle est dominée par une classe dirigeante d’hommes souvent blancs et catholiques, il n’y a plus aujourd’hui de couleur ou de religion pour être français. C’est une réalité. Et celles et ceux qui résistent à ça devront de toute façon accepter cette réalité

 
 

Les résistances viennent de ce côté là, et viennent aussi de nos comportements. Nous sommes incapables de comprendre comment mener des combats ensemble. Nous sommes tellement faibles qu’il est facile de tirer sur un des nôtres, au lieu de se dire « mais lui a toujours été dans nos combats »ou « Notre frère est entré là, comment pouvons nous faire pour utiliser sa position dans le système ? » Ils ne savent pas

A l’Elysée, j’ai dit au sujet du Sénégal « je ne sais pas ce que vous voulez faire, mais si votre volonté c’est de tout faire pour maintenir Wade au pouvoir, vous avez tout faux… » parcequ’aujourd’hui les gens veulent du changement. C’est ce que perçois à travers mes amis, à travers ma connaissance de ce pays… J’espère que la France ne va pas jouer comme elle a joué dans d’autres pays récemment aux apprentis sorciers…» Je le dis, mais ce n’est pas un mouvement que j’accompagne. C’est moi le militant Claudy Siar qui le dit. Et je l’ai dit. Et donc de voir des attaques contre moi (je sais qui les orchestre et je sais pourquoi) qui relèvent plutôt de la bêtise, de la jalousie...

J'aurais mieux gagné ma vie en acceptant la proposition de Canal+ pour le Grand Journal qu'en étant délégué interministériel
Claudy Siar


Des gens qui se cachent d’ailleurs derrière internet pour insulter, dont les noms ne sont que des pseudos, ou alors des personnes qui existent vraiment et donc je connais les accointances avec les gens du pouvoir qu’ils critiquent aujourd’hui. Lorsqu’ils ont demandé à ces gens des choses et qu’on les leur a donnés, tout allait bien. Lorsqu’on ne leur donne plus ils sont prêts à critiquer et dire que ces gens là sont les pires et les plus terribles. J’ai vu des choses et si je me mettais à parler, je peux vous dire que les quelques militants qui jouent aux gros bras en opposition à la politique de la France, iraient se cacher 10 mètres sous terre. Lorsqu’on m’a dit "regarde cette lettre de tes amis, tient lis ça…" je peux vous dire que c’est vraiment parceque je suis un garçon élégant et gentil que je ne cite pas de nom. Quoique, vu qu’il y a un ouvrage qui se fait autour de moi et qui devrait sortir en septembre, je serai obligé de lâcher certains noms. Parceque je commence à en avoir marre qu’on raconte tout et n’importe quoi sur moi, en disant que je serais complice de cette France qui tue des Africains, des Ivoiriens, je commence à en avoir plus que marre…



Votre meilleur souvenir ici et le pire ?

Le meilleur souvenir je pense que c’est la venue de Kathleen Cleaver ici parceque je me suis nourri et construit, pas seulement à la pensée mais aux actions. C’est également le « Noël pour tous » qu’on a fait dans le cadre du programme solidarité, où 840 enfants de familles défavorisées ont reçu des cadeaux. Cette opération a été un moment heureux parceque lorsqu’on voit les enfants jouer (ils étaient 380), faire des ateliers avec Dédé Saint Prix, avec Patrick Cheval sur les contes, les activités peinture, cache-cache, Josiane Balasko, Harry Roselmack, Jocelyne Beroard etc

Il y a eu aussi un autre moment, la signature avec Corsair Fly et Air Caraïbes des conventions pour permettre aux personnes les plus en difficulté, qui n’ont plus les moyens de rentrer chez elles en vacances ou définitivement en Guadeloupe, Martinique Guyane Réunion Mayotte de bénéficier de billets d’avions gratuits, je dis bien totalement gratuit. Ca correspond à la mission que je me suis donnée en tant que délégué interministériel.

Les pires moments ne sont pas les attaques, mais c’est lorsqu’on dit ou écrit des choses fausses à votre sujet. Il y a une volonté de destabilisation. Lorsqu’on n’est pas d’accord avec moi, ça ne me gêne pas. Lorsque vous écrivez des choses fausses, tout comme ce journaliste qui écrit que j’étais au meeting de la Concorde [de l’UMP] parceque quelqu’un a supposé que j’étais là. C’est une façon de vous discréditer, en disant que je ne voulais pas être au carré outremer, mais au carré VIP. Vous imaginez le fantasme. Lorsqu’un journaliste vous dit « je suis désolé, je vais modifier », mais qu’il garde la même phrase en disant juste « mais personne ne l’a vu », c’est de la manipulation et c’est ce genre d’épisodes qui sont gênants.


 
 

Le meilleur épisode pour moi c’est d’avoir compris où nous en étions dans nos têtes et dans nos actions. Je peux vous dire que nous sommes loin de remporter la bataille car nous sommes incapables de nous travailler ensemble, de se respecter. S’il y avait un vrai respect mutuel, 50% des combats seraient remportés. Et je suis très heureux d’avoir accepté cette mission car ça m’a permis de voir qui étaient les miens, même si j’avais une petite idée à ce sujet…

Je pense que j’aurai probablement un regret puisque je suis entrain de lancer toute une consultation pour une politique de quotas en France car je pense que c’est la seule solution pour faire évoluer les choses. On est sur une égalité républicaine (je prends la France à son propre jeu) mais qui est pour moi une parité ethnique. Il y a une parité « hommes-femmes » dans les conseils d’administration, on va chercher une parité ethnique en France. On va voir ce que va dire le conseil constitutionnel. Même si le projet est retoqué, pour la première fois dans ce pays, puisque je représente l’Etat, je fais constituer un collège de préfiguration qui sera composé de près 100 personnes. Toutes réfléchiront et poseront des bases très claires pour une politique de quotas en France. Ensuite, je dirai au prochain président de la république, M Le Président, voilà ce que souhaitent les non blancs dans ce pays. J’élargis, ce n’est pas l’outremer, mais tous les Non Blancs.

Notre pays subit deux crises : une crise économique, comme le reste du bloc occidental. Une crise identitaire qui est tout aussi importante. Il faut faire en sorte que désormais cette classe dirigeante regarde la France telle qu’elle est. Et ce sont les gens de chez moi, qui ont la même histoire et la même couleur de peau qui viennent dire « je ne suis pas tout à fait d’accord, oui mais non… la méritocratie…»
Eh on va arrêter les conneries. Je ne veux pas faire en sorte que se reproduisent les générations sacrifiées. On va arrêter. Je pense que je n’irai pas jusqu’au bout de cette action en tant que délégué interministériel, mais je continuerai à mener le combat et j’irai jusqu’au bout...

Les ministères n’en ont rien à faire des gens d’Outremer en règle générale




Y a-t-il eu un décalage entre l’idée que vous vous faisiez de votre mission et l’exercice que vous en avez eu ?

Oui mais le décalage est du aux réactions des miens et non de l’idée que je me faisais de la fonction. Et puis le poste de délégué interministériel est un poste de la Haute administration. Le délégué interministériel, à la différence du ministre ou secrétaire d’Etat n’est pas membre d’un gouvernement. Donc c’est pour cela que lorsque certains disent Claudy a rejoint le gouvernement, c’est inexact. C’est pour cela que lorsque tous les cabinets ministériels seront tombés, je serai toujours en poste. Lorsqu’on se donne pour mission de dire « je suis un serviteur de l’Etat » et je suis au service de l’égalité des chances des Français d’Outremer, j’y vois vraiment du militantisme. Et je suis un militant qui va avoir les moyens et les leviers de faire les choses. Pas autant que je le voudrais car j’aurais voulu que la délégation ait plus de budget, soit mieux identifiée, plus respectée, parceque je peux vous dire que c’était une guerre.

Les ministères n’en ont rien à faire des gens d’Outremer en règle générale et parfois il a fallu que j’appelle l’Elysée en disant un tel me fait tourner en bourrique et ne veut pas me recevoir. C’est bizarre, mais dans les 10 minutes qui suivaient, on appelait mon chef de cabinet en disant « oui M. Le ministre va recevoir M. Le délégué… » C’est hallucinant. Mais qu’importe, je sais ce qu’est ce type de combats et il a fallu que je m’adapte. J’ai perdu beaucoup de temps à gérer les réactions des miens alors que ce temps aurait du être mis à profit pour mener des combats.


 
© afp/getty  

Y a-t-il des chantiers que vous n’avez pu faire aboutir concernant l’outremer, mais qui restent de gros dossiers ?

Concernant la téléphonie mobile, J’aurais beaucoup aimé et je l’ai dit en présence d’Eric Besson qui a présidé une de ces réunions, mais également en présence d’opérateurs…tous les services de l’Etat, je leur ai rappelé l’histoire de ces peuples. La dernière grande réunion a eu lieu le 20 mars, et la veille c’était l’anniversaire de la départementalisation. Ça faisait donc 66 ans que la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion étaient des départements français. J’avais dit aux services de l’Etat : nous on peut changer ça en changeant le cadre structurel.
Et je pense que j’aurais du mal à arriver à cela car la gauche et la droite sont responsables. La définition des contours de ces licences spécifiques s’est faite sous la gauche. La droite en a hérité et l’a mise en place. Et très honnêtement ça ne changera.
On m’a proposé de changer les forfaits en proposant des forfaits moins chers. J’ai répondu que ce n’était pas l’aumône que nous demandions, pas l’assistanat, mais l’égalité de traitement, pour donner aux gens la chance de partir sur la même ligne de départ.

La comme par hasard on est toujours derrière la ligne de départ. Ça suffit maintenant. Encore une fois, j’ai été entendu, mais je ne suis pas sûr que j’ai été écouté. On va faire les premières avancées…alors que je leur ai dit écoutez, il suffisait juste de dire qu’au 30 septembre ou au 1er janvier ce sera réglé, que le président le dise et qu’on s’y mette. Etant donné que j’avais identifié ce problème, le président en a parlé lors de ses vœux à l’outremer.
Une fois que je ne serai plus à la délégation, je vais militer très fort contre les inégalités, même si mon propos n’a jamais été un propos édulcoré, j’ai essayé de tenir mon rôle.

Donc le gros chantier c’est la téléphonie mobile. Y en a-t-il un autre ?
La politique de quotas, et puis les autres chantiers sont vraiment des chantiers du quotidien. Vous n’imaginez pas à quel point les originaires d’outremer subissent les discriminations, comment ils sont bloqués dans leur carrière comme sur des questions de congés bonifiés. Les administrations ne veulent pas leur accorder leurs congés bonifiés qui font pourtant partie des acquis sociaux. Au quotidien nous faisons des interventions pour les uns et les autres. Là je fais une intervention pour Abou Traoré, le fameux stewart d’Air France qu’on ne veut pas laisser travailler avec des locks ; Il n’est pas originaire d’outremer, mais c’est une injustice qui fait que je m’occupe de ce problème.
C’est lui maintenant qui doit prendre une décision. Je suis rentré sur tout le monde. Sa défaite à lui c’est la défaite de tout le monde. Les gens voient un Noir en face.


 
© reuters  

Dans cette campagne présidentielle, avez-vous eu le sentiment que les différents candidats prêtaient assez attention à l’Outre mer ?

Vous savez, il y a un vrai mépris pour l’outremer et c’est le poids de l’histoire, et c’est une histoire que la classe politique française n’assume toujours pas. On ne peut pas dire que l’esclavage et la traite négrière sont des crimes contre l’humanité, et ne pas reconnaître qu’on a commis le crime. Il y a une sorte d’hypocrisie et d’ambiguïté. Il y a aussi notre incapacité (et là je m’adresse aux originaires d’Outremer) à faire entendre notre vo ix et à mener les combats de la meilleure façon. Il y a aussi l’incapacité de bons nombre d’élus en outremer à changer leur comportement et à ne pas se poser seulement comme des barons locaux.

Sur la question de la téléphonie , il y a bien longtemps que les uns et les autres disent que ce n’est pas acceptable. Tous Les élus disent « non on bloque ». Mais Ils ne l’ont pas fait parce dans les sociétés créées en local, certains avaient des intérêts financiers. Parmi les élus, certains veulent me flinguer parceque je mets en péril leur business. Je suis un militant et je vais jusqu’au bout.
Le mépris qu’il y a pour l’outremer se traduit par les inégalités qui persistent. Quand il s’agit de parler de l’outremer, chacun y va de sa plus belle déclaration. Je dis aux uns et aux autres qu’en terme ethnique, l’outremer est aux avant-postes de ce que sera l’humanité de demain. Mais dans la réalité, ils n’en ont que faire. Regardez ce qui s’est passé à Mayotte fin 2011 sur les manifestations légitimes contre la vie chère.
Comme je dis à mes amis Mahorais, 66 ans après la départementalisation, les Antillais, les Réunionais les Guyanais continuent à se battre. Ça va être dur pour vous…En plus Mayotte est à majorité musulmane. Il y a un mépris pour l’outre mer à tous les niveaux de la société française. Et si les uns avaient compris, (je parle aussi bien de ceux qui se revendiquent de l’Afrique que de ceux qui se revendiquent de l’Outremer) que si la bataille de l’Outremer était remportée, elle le serait pour tout le monde, les choses seraient plus simples.


 
 

Lorsque je disais à la radio et je le répète encore aujourd’hui, « il est important que l’Afrique soit forte, tous pour un même but, voilà notre force. Lorsque l’Afrique est à terre, tous les Noirs du monde sont à terre ». Il ne suffit pas d’un Barack Obama car on relève la tête un jour, mais le lendemain on revient à nos réalités. Nous sommes incapables de poser cette question. J’ai envie de dire à tous les militants opposés à la politique de la France en Afrique, ou ce qu’ils supposent être la politique de la France en Afrique, (car il y a beaucoup de fantasmes dans tout ça), je leur demande au-delà des critiques sur internet, des petites réunions où on est entre personnes convaincues et où on s’auto-alimente mais au final on ne fait rien, je leur demande juste d’avoir un peu de dignité, de regarder celles et ceux qui sur le continent souffrent, car on peut aussi aller sensibiliser les populations là-bas, et mener des actions là bas.
Et pas parcequ’on est viscéralement opposé à la France d’être dans une critique systématique de la France.

On peut aussi réformer le système de l’intérieur. Réformer le système de l’intérieur, c’est parfois accepter d’être délégué interministériel, c’est d’accepter un poste où vous allez pouvoir changer les choses, dire Ok on va dialoguer. C’est d’accepter d’avoir la posture à la Mandela. Est-ce que Nelson Mandela avait des raisons de discuter avec le parti national qui l’avait emprisonné, massacré les siens ? Lorsque l’ANC a décidé de le faire c’était pour donner un avenir. 90% des militants que j’évoque dans mon propos sont des gens qui n’évoquent que leur petite personne, leurs petits intérêts et leurs petites colères. Ils n’ont pas de vision pour leurs enfants, pour les générations futures. Ils n’ont de vision que pour cracher leur venin. On ne va pas construire comme ça.
Il faut accepter le fait que nous appartenons à des générations sacrifiées et se demander comment on fait pour dire à l’autre ça doit changer. Je ne dis pas à l’autre que ça doit changer en l’insultant. Je lui dis : je te tends la main, mais je t’explique. Je suis déterminé à ce qu’ensemble on fasse changer les choses. Si tu acceptes très bien, sinon je serai toujours en face de toi. C’est pour ça que j’ai accepté d’être délégué. J’entre, mais je sais à quel moment je sors. Etre délégué ce n’est pas un métier car j’en ai déjà un. Certains ont sous entendu que j’avais accepté pour l’argent, mais contrairement à ce qu’ils ont dit, la finalité dans ma vie n’est pas l’argent. J’ai perdu beaucoup d’argent en acceptant.

En ce qui concerne ma radio, j’ai été critiqué par des Antillais à l’époque, Aujourd'hui des Africains disent que je pactise avec untel pour tuer les Africains...On ne va pas arrêtez un moment les bêtises ?


Et j’ai perdu la possibilité d’intervenir sur Canal+ au moment où Michel Denisot renouvelait son équipe de chroniqueurs. Canal+ m’a appelé deux semaines après ma nomination pour me proposer d’être chroniqueur dans le « Grand Journal », j’ai répondu que je ne pouvais pas. J’aurais gagné plus d’argent là bas. Et de même, avec mes différentes activités, je gagnais plus d’argent qu’en étant délégué interministériel. Il faut que les gens arrêtent les conneries. En termes d’images, je savais que ça allait me coûter très cher. Pourtant je l’ai fait. Les mêmes gens qui me critiquent aujourd’hui pour ça me critiqueront demain pour autre chose. Les petites jalousies s’expriment sur mon dos. Mais c’est peut être à cause de mon comportement, j’accepte complètement.


En ce qui concerne ma radio, j’ai été critiqué par des Antillais à l’époque, et en l’occurrence Patrick Karam pour ne pas le nommer, qui avait dit à l’époque « Claudy Siar veut la fréquence et veut remettre les Antillais en esclavage au profit des Africains ». Lorsqu’on entend ça…Aujourd’hui des Africains disent Claudy pactise avec untel pour tuer les Africains. Donc j’aurais pactisé avec Sarkozy pour tuer les Ivoiriens ? On ne va pas arrêtez un moment les bêtises ? Les gens ne pourraient pas réfléchir à ce qu’ils font ? Alors que la posture aurait été de venir vers moi en disant « Claudy, on sait que tu es un militant, qu’est ce qu’on fait ? »

Serge Letchimi avait fait scandale à l’assemblée nationale en critiquant les propos de Claude Gueant sur les civilisations. Qu’est ce que ça vous inspire ?

Pour moi il n’y a pas de hiérarchie dans les civilisations. Toutes les civilisations se valent. La civilisation pygmée n’est pas inférieure à la civilisation occidentale. Elles se valent. Ce sont des civilisations nées d’êtres humains, et si les êtres humains sont égaux, toutes les civilisations se valent. Elles sont le fruit de groupe de gens en un lieu donné à une période donnée, répondant à des attentes et à des problématiques. C’est valable pour la civilisation occidentale comme pour la civilisation pygmée. La civilisation occidentale est quand même la première qui s’est créée ses propres prédateurs. Je parle de l’automobile, même si elle nous sert, je parle de l’avion même si c’est le mode de transport le plus sur, je parle du bateau, bref nous nous sommes créés des prédateurs.

Evidemment je ne suis pas d’accord avec l’analyse de Claude Gueant sur les civilisations. Mais regardez ce qui s’est passé. Le jour où Serge Letchimi fait cette déclaration à l’assemblée nationale, où tout le monde quitte l’hémicycle. Le soir, François Hollande est reçu par Pujadas au journal de France 2. Pujadas lui demande si les propos de cet élu martiniquais n’étaient pas excessifs. D’ailleurs on parle d’un élu martiniquais, mais c’est un peu plus que ça quand même…il est président du conseil régional et maire de Fort-de-France.
François Hollande répond « écoutez d’où vient cet élu, vous pouvez comprendre la réaction ». François Hollande l’a ramené à son ethnie, sa région, et non à ses convictions. On voit bien que les problèmes d’imaginaires sont partagés aussi bien à droite qu’à gauche. Ça ne veut évidemment pas dire que François Hollande est raciste, mais ça témoigne d’un mode de pensée. Tout comme Claude Guéant n’est pas raciste quand il dit que les civilisations ne se valent pas. C’est une conviction. D’ailleurs j’en ai parlé avec lui, très simplement. Je lui ai dit que les systèmes politiques peuvent se comparer, pas les civilisations.

Qu’a-t-il répondu ?
Il a expliqué qu’il n’était pas du tout dans la logique blanc noir, mais qu’il évoquait plutôt des modèles de société. J’ai souligné que pour nous, le terme de civilisation avait une résonance très précise, civilisation egyptienne, des peuples amérindiens, mandeng, ce n’est pas rien. Certains ont réagi en disant que c’était du racisme, ce n’était pas mon point de vue, mais j’ai dit vous pouvez comprendre que certains aient réagi de cette façon. Et je pense qu’il a compris et a voulu s’en expliquer. Je lui ai rappelé l’histoire de l’esclavage et quand il était en Martinique, il a dit la France de l’esclavage n’est pas la France d’aujourd’hui qui avait commis le crime, alors qu’aujourd’hui la France n’est plus esclavagiste, elle est meilleure.

Mise à jour 24/7/12 : Claudy Siar quittera finalement ses fonctions le 27 juillet 2012.

       
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