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Conférence sur les inégalités raciales : « la justice n'est pas utilisée pour lutter contre la discrimination »
07/07/2008 |
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Le 24 juin 2008 avait lieu, à l'université de Paris X Nanterre, une conférence en anglais sur la discrimination raciale. Pas moins de 11 invités, parmi lesquels des avocats, des universitaires, des représentants d'organisations non gouvernementales, etc., se sont succédés, deux heures durant, pour présenter 11 différentes perspectives de la question, au moyen d'anecdotes tirées de leur propre expérience. |
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Par
Audrey Brière |
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David B. Oppenheimer, professeur à la Golden Gate University de San Francisco
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typepad.com |
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Le 24 juin 2008 avait lieu, à l'UFR de Sciences juridiques et politiques de l'université de Paris X Nanterre, une conférence en anglais sur la discrimination raciale. Pas moins de 11 invités, parmi lesquels des avocats, des universitaires, des représentants d'organisations non gouvernementales, etc., se sont succédés, deux heures durant, pour présenter 11 différentes perspectives de la question, au moyen d'anecdotes tirées de leur propre expérience.
David B. Oppenheimer, professeur à la Golden Gate University de San Francisco et modérateur de la conférence, a brièvement présenté les intervenants avant de leur céder la parole. Voici les témoignages de certains d'entre eux.
Le premier à prendre la parole a été Slim Ben Achour, avocat à la Cour et membre du Syndicat des avocats de France (SAF). Il a souligné le fait qu'en France, « le droit n'est pratiquement pas utilisé pour combattre les discriminations raciales ». Pour illustrer ses propos, il a rappelé les évènements de novembre 2005 et la fameuse « crise des banlieues », dont tout le monde se souvient aisément. Après avoir mentionné le fait que ces émeutes étaient probablement une « conséquence de l'histoire post-coloniale de la France et de l'exclusion qui en a résulté », Slim Ben Achour a évoqué l'enquête que lui et ses collègues du SAF avaient effectuée après coup. Ils avaient interrogé bon nombre d'associations spécialisées dans la lutte contre le racisme, parmi lesquelles le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN), le Conseil représentatif des institutions juives en France (CRIF), SOS Racisme, etc. La conclusion fut « qu'une seule association utilisait les armes du droit et de la justice dans son combat : SOS Racisme ».
Après lui, Jean-Claude Beaujour, également avocat, a approfondi cette question. D'après lui, « la justice française n'est pas une arme pour lutter contre la discrimination raciale ». Et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, le racisme n'est pas censé exister dans le système républicain. C'est, en quelque sorte, une non-notion. « Les gens sont considérés comme des citoyens, et pas comme des membres de communautés raciales, qui ne sont d'ailleurs pas reconnues », a expliqué Me Beaujour. D'autre part, il y a une véritable psychose à nommer les individus selon leurs origines raciales, les souvenirs des signes distinctifs tels que l'étoile jaune hantant toujours les esprits. Enfin, il y a le problème de la compensation. En effet, une affaire de racisme portée devant la justice va consommer en temps et en argent beaucoup plus que la victime n'aura les moyens de dépenser. La compensation qu'elle obtiendra, si elle l'obtient, « ne sera que de quelques milliers d'euros », rien à voir avec la somme qu'elle aura dû auparavant débourser. Conclusion des victimes « frustrées » : cela n'en vaut pas la peine.
Sandra Johnson Blake, membre de la Commission britannique sur l'égalité et les droits humains, a quant à elle évoqué le Single Equality Bill, un projet de loi visant à harmoniser les législations existantes sur la lutte contre la discrimination et sur l'égalité. Adoptée, cette nouvelle loi permettrait également de mettre à jour et d'étendre les provisions existantes. |
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Le professeur d'études afro-américaines Sabine Broeck, de l'université allemande de Bremen, a évoqué un point intéressant. En effet, sa propre expérience l'a amenée à la conclusion suivante : en Allemagne, et a fortiori en Europe, les classes comme la sienne sont les seules où les étudiants entendent parler de racisme d'un point de vue pédagogique. Or, l'histoire, et notamment celle de l'esclavagisme européen – l'esclavage étant souvent considéré comme typiquement américain –, remplit un rôle crucial dans la compréhension des inégalités actuelles. D'où la nécessité, selon le professeur Broeck, de créer des campagnes anti-racisme dans l'éducation supérieure, de « désentraîner les gens aux privilèges blancs ».
Sophie Latraverse, de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Égalité (Halde), a ensuite expliqué que « si le droit ne peut pas tout faire, il faut cependant lui laisser une chance ». L'utilisation du droit pour lutter contre les inégalités raciales n'étant pas une tradition française, les gens sont perplexes et ne croient pas que la loi pourrait changer quoi que ce soit. Il n'existe pas, sur notre sol, d'ONG qui ait de l'expérience dans ce domaine. « Nous en sommes au stade 0 », a expliqué Mme Latraverse. « Nous devons apprendre aux avocats, aux tribunaux, à nous-mêmes à lutter avec des armes légales, à construire des stratégies juridiques ».
Membre du CRAN, Patrick Lozes a quant à lui déploré l'interdiction spécifiquement française d'établir des statistiques ethniques pour les organes étatiques. En effet, la discrimination en France étant surtout indirecte, insidieuse, il y a un véritable « besoin de la montrer », de la mettre en avant pour mieux la combattre. Le CRAN pense que les statistiques pourraient faire ça.
Rachel Moran, professeur à l'université de Californie, à Berkeley, a rappelé la jurisprudence américaine dite Brown v. Board. Ayant aboli la ségrégation raciale dans les écoles américaines, cette décision de la Cour Suprême est considérée comme l'une des plus importantes de l'histoire du pays et fait autorité en droit américain. Pierre angulaire de l'émergence du mouvement des droits civiques, l'affaire Brown v. Board of Education avait ouvert la voie au Civil Rights Act de 1964, loi qui avait aboli la ségrégation raciale dans les autres services publics.
D'autres points ont également été abordés, comme celui de la prescription pour les affaires de discrimination en droit du travail. Le professeur Sophie Olivier-Robin, de Nanterre, a indiqué qu'on était récemment passé d'une prescription de droit commun (30 ans) à 5 ans à compter de la révélation de la discrimination. Délai trop court face à la lenteur de la justice, qui ajoute encore à la dissuasion des victimes qu'évoquait Jean-Claude Beaujour un peu plus tôt. Enfin, le professeur Daniel Sabbagh, du Centre d'études et de recherches internationales (CERI-Sciences-po), a abordé la discrimination positive, la présentant comme un moyen de réduire la corrélation entre la race et la classe, pour lutter contre les inégalités d'un point de vue économique. |
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