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Personnage mystérieux et fantasque, au pouvoir sans partage depuis 42 ans, Mouammar Kadhafi a été tué hier par au terme d’un soulèvement qui lui aura été fatal. Retour sur le parcours de celui qui aura cristallisé sur sa personne des passions et des haines |
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Le 1er septembre 1969, un groupe d’officiers conduit par un jeune capitaine de 27 ans fomente un coup d’Etat à Tripoli, renverse le régime monarchique d’Idriss 1er, s’empare du pouvoir et proclame la révolution. Le meneur de de la troupe n’est autre que Mouammar Kadhafi, un jeune militaire nationaliste qui voue une admiration pour le président égyptien, Gamal Abdel Nasser, chantre du nationalisme arabe et leader respecté des peuples en lutte contre le colonialisme.
Quelques temps après la prise du pouvoir, Kadhafi, devenu entre-temps colonel, entreprend la construction de l’unité du monde arabe en signant des traités instituant la libre circulation des biens et des personnes avec les autres pays arabes : Soudan, Egypte, Tunisie, Syrie, Maroc, sans véritable succès, aucune des tentatives n’ayant abouti.
Autoproclamé Guide suprême de la révolution, la Libye est rebaptisée Jamajiriya arabe libyenne populaire et socialiste, avec un système politique reposant sur les comités populaires de la révolution, des représentants élus directement par le peuple sans le filtre des partis politiques. Il instaure le pouvoir des masses, un système politique qui s’inscrit dans sa philosophie politique développée dans le Livre vert, dénommée troisième voie et considérée par lui comme la synthèse du capitalisme et du socialisme. |

A la tête d’un pays doté d’énormes richesses naturelles, notamment le pétrole et le gaz, Mouammar Kadhafi se présente comme le porte-drapeau de l’anti impérialisme en apportant son soutien aux mouvements d’émancipation des peuples dans le monde et ne manque pas d’occasion de fustiger la volonté de puissance des Occidentaux.
Il est accusé d’avoir financé des mouvements terroristes comme l’Armée républicaine irlandaise (IRA), les Bridages rouges, des mouvements d’extrême gauche en Italie et le mouvement séparatiste basque ETA. L’Occident voit sa main derrière plusieurs attentats dans les années quatre-vingt dont celui perpétré dans une discothèque fréquentée par des militaires à Berlin en 1986, puis l’explosion en plein vol à Lockerbie, en Ecosse de l’avion de ligne américain en 1988 faisant 270 morts et l’attentat contre l’avion français UTA au dessus du désert du Niger en 1989. Bilan, 170 morts.
Agacé par ce qu’il considère comme une provocation permanente à l’égard des Occidentaux, le président américain Ronald Reagan ordonne le bombardement en 1986 des résidences du Guide à Tripoli et Bengazi. Une soixantaine de personnes sont tuées dont la fille adoptive du Colonel, une opération qui avait suscité une réprobation dans plusieurs pays africains notamment auprès des jeunes qui voyaient en lui le défenseur des opprimés. |

En 1992, considérant que la politique du Guide est aux antipodes des valeurs de paix et de bonnes relations entre les peuples, l’Organisation des nations unies (Onu) décrète un embargo aérien contre la Libye. Mais lors du sommet de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) de 1998, à Ouagadougou, au Burkina Faso, les chefs d’Etats qui n’appréciaient que très modérément la décision onusienne, décident de l’ignorer, et dans la foulée, le président Burkinabè Blaise Compaoré se rend à Tripoli en violant l’embargo toujours en vigueur. D’autres présidents africains s’y rendent également en Libye, suscitant la colère des Occidentaux.
Touché par le soutien que lui apportent ses pairs africains, le colonel Kadhafi va se découvrir une âme africaine et se sentir investi d’une mission d’unifier le continent. Le panafricanisme devient dès lors pour lui comme une obsession. Il s’implique dans la résolution des conflits qui minent le continent noir, finance des projets dans plusieurs secteurs dans de nombreux pays africains, notamment dans les banques et l’hôtellerie, et crée une compagnie aérienne, Afriqiyah Airways qui dessert plusieurs capitales africaines au départ de Paris.
Sous son instigation, l’OUA est transformée en Union africaine dont il est l’un des grands contributeurs financiers, n’hésitant pas à payer les cotisations de certains pays défaillants. De là à conclure, comme certains l’ont hâtivement, que les chefs d’Etats africains seraient les obligés, voir des marionnettes du Guide libyen, c’est aller vite en besogne. |
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Mouammar Kadhafi avec Nicolas Sarkozy lors de son séjour à Paris en 2007
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En réalité, les bénéficiaires des largesses du « Roi des rois d’Afrique » entretiennent avec lui des rapports complexes, car sur bien de sujets, ils ont ouvertement affiché leur divergence de vue. Alors qu’il milite activement pour la création toute suite d’un gouvernement et d’une armée panafricain, il est régulièrement mis en minorité lors des sommets de l’UA, ses amis préférant se rallier à ceux qui prônent le renforcement des organisations régionales avant l’étape de l’unification continentale.
Pis, à l’occasion de l’élection en février 2008 du président de la Commission de l’Union africaine, c’est-à-dire le principal organe des institutions africaines, le candidat libyen été battu dès le premier tour par son concurrent Jean Ping, présenté par le défunt président gabonais Omar bongo Ondimba.
Parallèlement à son activisme sur le continent africain, Mouammar Kadhafi entreprend la normalisation de ses relations avec les pays occidentaux. En 1999, il livre à la justice écossaise ses compatriotes accusés d’être trempés dans l’exécution de l’attentat de Lockerbie, ouvrant la voie au rétablissement des relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne et la levée de l’embargo par l’Onu. |
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Mouammar Kadhafi ici avec Jacob Zuma venu négocier un accord de paix
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timeslive.co.za |
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Mieux, il débloque 2,16 milliards de dollars pour indemniser les familles des victimes des attentats, puis renonce à poursuivre son programme d’armement nucléaire et ouvre plusieurs secteurs de l’économie nationale à aux investisseurs étrangers. Il libère en 2007 cinq infirmières bulgares et un médecin palestinien condamnés par la justice libyenne pour avoir contaminé volontairement des enfants du virus du sida. Des centaines de Libyens présumés islamistes et emprisonnés sont aussi libérés et les organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits de l’homme sont autorisées à visiter les prisons libyennes.
Autant de signes de bonne volonté qui ont convaincu la communauté internationale que la Libye pouvait retrouver désormais sa place dans le concert des nations. Mouammar Kadhafi est alors reçu dans les capitales européennes avec tous les honneurs, d’autant que les perspectives économiques de la Libye aiguisent les appétits des entreprises multinationales.
Quand une révolte populaire éclate chez les voisins tunisien et égyptien en début d’année, Kadhafi était loin d’imaginer que par un effet domino, son pouvoir sera aussi emporté. Incapable de comprendre les aspirations de la jeunesse à plus de justice sociale, de liberté et de démocratie, les présidents arabes, au pouvoir depuis des décennies ont été victimes de leur propre aveuglement, convaincus qu’ils étaient devenus irremplaçables. Après 42 ans de règne sans partage, Mouammar Kadhafi quitte la scène par la fenêtre.
Joachim Vokouma
www.lefaso.net |

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