
Dimanche 22 juin, les deux bâtiments du centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes, le plus grand de France, ont été détruits dans un incendie provoqué par certains détenus. Selon un bilan établi lundi 23 au matin, sur les 249 captifs que compte le centre, quatorze en auraient profité pour prendre la fuite. En outre, cet incident a relancé la polémique rampante au sujet des prisons françaises.
L'incendie aurait été déclenché par certains détenus après la mort d'un Tunisien sans-papiers de 41 ans, qui a succombé samedi à une crise cardiaque. Il était « sous le coup d'une interdiction définitive du territoire français prise par la cour d'appel de Paris ». Un collectif de sans-papiers s'est alors rassemblé, dimanche vers 15h00, devant le CRA. Des détenus auraient alors mis le feu à des matelas. « À 15h45, plusieurs foyers d'incendie volontaire ont été détectés. Le feu s'est propagé et a gravement endommagé les deux centres », qui abritent des sans-papiers en attente d'expulsion ou de libération, a indiqué la préfecture de police de Paris. À 19h30, le feu était maîtrisé, après l'intervention d'une cinquantaine d'engins et de plus de 150 pompiers.
« Les deux bâtiments sont entièrement détruits et les personnes ont été évacuées dans le gymnase de l'école de police », situé dans le CRA, a indiqué à l'AFP un policier du syndicat FO police, Luc Poignant. Dans la nuit de dimanche à lundi, les retenus ont été transférés vers les centres de Lille (Nord), Nîmes (Gard), Palaiseau (Essonne) et Oissel (Seine-Maritime). Le feu n'a fait que dix-huit blessés légers, hospitalisés à l'Hôtel-Dieu de Paris.
En l'occurrence, certains blessés le seraient des suites de l'utilisation, par les forces de l'ordre, de gaz lacrymogènes pour disperser une manifestation des détenus dans la cour. Le député Verts Noël Mamère a même évoqué « une mutinerie ». Ces derniers mois, le CRA de Vincennes avait plusieurs fois été le théâtre de tensions, certains captifs protestant contre leurs conditions de détention. Le député a réclamé la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire, dénonçant par ailleurs les « conditions inacceptables » du quotidien des prisonniers.
En outre, la Cimade, seule association autorisée dans les CRA, a averti que le centre n'était pas conforme à la réglementation, déplorant également « la surdité de la préfecture de police et du ministère de l'immigration ». « Depuis six mois, ce centre connaît des incidents à répétition. Il était évident que le moindre incident grave mettrait le feu aux poudres. La taille de l'établissement, d'une capacité totale de 280 places, rend la situation ingérable, y compris pour les policiers », a expliqué Laurent Giovanoni, secrétaire général de l'association.
« Ces événements dramatiques étaient hélas prévisibles », a de son côté déclaré France Terre d'asile, qui a adressé des critiques peu amènes à l'Immigration, taxée de mener « une politique absurde qui entache notre réputation de terre des droits de l'homme ».
Autorisé à entrer dans l'enceinte du centre dimanche soir, le sénateur socialiste de Paris David Assouline a déclaré que cet incident était lié à la « détresse et à la solitude de gens qui voient leur vie s'effondrer en étant arrêtés en emmenant leurs enfants à l'école ». Avec lui, le maire PS du 11e arrondissement et député Patrick Bloche a regretté « le manque de transparence dans les critères de régularisation » : certaines familles obtenir des papiers et d'autres non, « sans qu'on en comprenne réellement les raisons ».
De Cap Vert où il était en déplacement, le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale Brice Hortefeux n'a pas tenu à commenter ce qui était, selon lui, « une des nombreuses illustrations des conséquences dramatiques de l'immigration irrégulière ». Le porte-parole de l'UMP, Frédéric Lefebvre, a quant à lui retourné la situation, estimant, sans rire, intolérables les « provocations » des collectifs d'aide aux sans-papiers tel RESF, les accusant implicitement d'être responsables des incidents.
À titre indicatif, la France compte 25 centres de rétention administrative en métropole, 2 centres en Guyane et à Mayotte, et plus de 100 lieux de rétention (locaux de police, etc.). En 2007, 35 000 étrangers ont transité en rétention, dont 242 enfants, selon la Cimade. La rétention ne peut dépasser 32 jours. Au bout de 48 heures, si elle n'a pas pris fin, le préfet doit saisir le juge des libertés. |