
La polémique médiatique qui s'en est suivie a tendance à le faire oublier, mais le principal accusé de la torture puis du meurtre d'Ilan Halimi, à savoir Youssouf Fofana chef du "gang des barbares", a écopé de la peine la plus lourde du code pénal français: la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de 22 ans. Youssouf Fofana, âgé de bientôt 29 ans ne devrait pas sortir de prison avant d'avoir atteint les 50 ans.
Dès les réquisitions du parquet, l'avocat de la famille Halimi, Francis Spizner (célèbre pour avoir été l'avocat entre autres de Jacques Chirac), avait estimé que les peines demandées étaient "incohérentes et trop faibles". Dans un entretien à Europe 1 (voir en fin d'article), la mère d'Ilan Halimi a estimé que "la Shoah recommence" et que si le procès ne s'était pas tenu à huis-clos, la France "aurait pris conscience" et que le verdict aurait certainement été très différent. Elle a regretté le fait que compte tenu des peines effectuées certains condamnés pourraient se retrouver libres très rapidement.
Deux points permettent de mettre en doute ces propos, probablement liés à l'émotion de la mère de celui qui a souffert le martyre pendant plusieurs semaines.
Le premier est que la loi française est relativement simple. Quand l'un des accusés est mineur au moment des faits, il est jugé par la cour d'assise des mineurs, et s'il demande à ce que les débats aient lieu à huis-clos, rien ni personne ne peut s'y opposer. Quand les accusés sont majeurs, les choses sont différentes puisque le tueur en série Raymond Fourniret avait vainement tenté d'obtenir que son procès se tienne à huis-clos.
Le second point erroné tient au verdict. Dans une cour d'assises le verdict est rendu par un jury dit populaire. Ce sont les jurés qui déterminent le verdict, et dans les procès "à risque" comme celui de Fofana, le verdict est isolé afin de ne pas être susceptible de pression. Que les journaux télévisés aient rendu compte des débats n'aurait donc a priori pas changé le verdict.
Les peines prononcées étaient pourtant très proches des réquisitions du parquet. Fofana a comme prévu écopé de la peine maximale, et ses deux "bras droits" de 15 et 18 ans, contre 20 réclamés. La jeune "appât" a écopé de 9 ans là où l'avocat général en avait requis "de 10 à 12". L'avocat général n'avait pas retenu l'excuse de minorité (qui divise les peines par deux), au contraire des jurés, qui ont également tenu compte du passé de la jeune fille qui aurait été violée dans sa jeunesse.
Au total, deux des accusés auront été acquittés, les autres, Fofana exclus, ont été condamnés à des peines allant de quelques mois avec sursis à 18 ans de prison.
Le verdict a été rendu sans incident, un déploiement policier exceptionnel avait été prévu. On se souvient en effet que des membres d'un groupuscule extrêmiste juif avaient agressé la mère de Youssouf Fofana le premier jour du procès. Ceux-ci ne se seraient pas déplacés en raison du début du shabat. Les journaux ont mentionné la présence d'une quizaine de proches de Kemi Seba, le leader de la dissoute Tribu Ka.
L'avocat général avait trouvé le verdict "équilibré" mais pas diverses organisations juives qui sont toutes montées au créneau pour dénoncer le verdict qu'elles trouvaient faible, et réclamer un nouveau procès. Certaines d'entre elles regrettaient que le procès n'ait pas été LE procès de l'antisémitisme, et ont appelé à manifester devant le ministère de la justice ce lundi à 14h. Curieusement, aucun responsable politique français n'est monté au créneau pour défendre l'impartialité de la justice française, telle qu'elle est règulièrement proclamée par les mêmes. Alors qu'on nous serine depuis des années (et les affaires de financement politique des années 1990) que la justice est indépendante, Michèle Alliot Marie a demandé au parquet de faire appel des sanctions inférieures aux réquisitions du parquet.
L'Union Syndicale des Magistrats a jugé la décision "inquiétante", en faisant pointer qu'un procès en l'absence de Fofana (qui ne peut être rejugé ayant écopé de la peine maximale) ne pourra qu'être "tronqué", et critiquant même les motivations annoncées: "si la simple motivation c'est que les peines prononcées sont inférieures de quelques années à ce qui a été requis, il va falloir faire appel dans les trois quarts des affaires pénales de cours d'assises. (...) C'est la politique qui a repris ses droits sur la justice, je trouve ça assez triste, a-t-il poursuivi en soulignant que cela reposait la question de la place des victimes et des parties civiles dans le procès pénal. "L'équilibre (entre parties civiles et défense) est en train d'être rompu. On est passé dans un système où la partie civile peut potentiellement exercer une sorte de vengeance privée a estimé Christophe Régnard, le président de l'USM. |