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Asphyxié par un endettement colossal dans un contexte généralisé de déclin des économies de rente subsahariennes, le Cameroun fut au milieu des années 80 après moult hésitations obligé de confier au FMI et à la Banque Mondiale la correction des déséquilibres de son économie, condition indispensable pour retrouver la crédibilité perdue devant les créanciers internationaux. On entrait dans les années d’ajustement structurel. Années pénibles. Trop pénibles pour "le Léviathan"-Trop pénible pour "la Cité des hommes".
Une thérapie de cheval subie douloureusement car trop souvent jugée à l'aune des souffrances qu’elle a générées… Une solution problématique érigée en icône de politiques économiques défaillantes au regard de la saignée du pouvoir d’achat. Au sortir de la mise sous tutelle de notre économie le triangle national fut envahi par un immense espoir. On voyait poindre à l’horizon le réinvestissement dans la pierre imposante, le retour des méga-desseins, l’élévation du niveau de vie, le recul de la pression fiscale, la distribution au Cameroun d’en bas des fruits de la croissance...
Toutes ces attentes tardent pour certaines à se matérialiser pour d’autres à se mettre tout simplement à la dimension que leur attribuait la communication gouvernementale. C’est cet univers de contrastes marqué par des promesses non tenues ou reportées que nous allons examiner dans ce billet. Certains lecteurs pourront nous soupçonner de gentillesse à l’égard du système établi à Yaoundé. D’autres par contre nous trouveront injustement critique. L'esprit de ce texte est habité par le refus assumé de choisir un Camp. |
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Du bilan contrasté de l'ajustement structurel |

Nous avons traversé un chemin éprouvant (l’ajustement structurel) qui s’apparente sur plusieurs aspects à l’expérience initiatique dans les sociétés traditionnelles africaines où l’on devait 'tuer' l’adolescent pour que naisse l’homme adulte. Accéder au statut d’adulte exigeait des épreuves musclées où les plus fragiles pouvaient laisser leur vie. Tout se passe comme s’il a fallut au moyen d’une cure d’austérité sans ménagement "tuer" l’adolescent camerounais pour que naisse le nouvel homme digne de l’économie de marché.
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Côté pile, la thérapie de cheval imposée au Cameroun a accélérée la paupérisation des plus faibles. Nous avons vécu l’explosion de la misère de masse (...) Côté face, si les plans d’ajustement structurel ont eu lieu dans la douleur et ont été l’occasion d’un lot impressionnant d’erreurs de politique économique, ils ont néanmoins commencé à porter leurs fruits : La supervision scrupuleuse de la Banque mondiale et du FMI a permis d’assainir considérablement les finances publiques |
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Ndjama Benjamin |
Depuis Avril 2006 le Cameroun a atteint le point d’achèvement de l'initiative PPTE de la Banque Mondiale qui lui a permis de réduire sa dette extérieure passée de 3652,1 milliards de F CFA(5,6milliards d’euros) en 2005 à 882,4 milliards de FCFA (1,3milliard d’euros) à la fin de 2008.
Le bilan de cette mise sous tutelle est fort controversé. Pour garder le sens de la dialectique on dira qu’il est contrasté. Côté pile, la thérapie de cheval imposée au Cameroun a accélérée la paupérisation des plus faibles. Nous avons vécu l’explosion de la misère de masse. L’ampleur de ce phénomène inédit depuis les indépendances accréditait dans l’opinion le sentiment que la BM et le FM sont d’abord et avant tout des agences de recouvrement des créances qui travaillent non pour les peuples mais pour les grandes banques occidentales. On ajoutera à cette page sombre la chute de l’investissement public. |

On a même vécu un phénomène de désinvestissement qui a conduit à l’abandon certaines de nos grandes villes vouées à un délabrement permanent, donnant à leurs propres habitants l’image prophétique de la fin du monde. Les thérapies néolibérales ont fait éclater le contrat social issu des indépendances. La tutelle des institutions financières internationales a déformé le processus de représentation politique alimentant un doute sur la légitimité des autorités publiques. Les dirigeants paraissant davantage rendre des comptes à leurs bailleurs de fonds qu’à leur peuple.
Côté face, si les plans d’ajustement structurel ont eu lieu dans la douleur et ont été l’occasion d’un lot impressionnant d’erreurs de politique économique, ils ont néanmoins commencé à porter leurs fruits : La supervision scrupuleuse de la Banque mondiale et du FMI a permis d’assainir considérablement les finances publiques. Préalable incontournable au refinancement du Léviathan. Cet assainissement a permis de replacer le pays sur le chemin accidenté de la soutenabilité macroéconomique.
Les programmes successifs de remise de dette ont fait le reste délivrant le pays d’une situation d’endettement permanent. La dette souveraine représente aujourd’hui une part très marginale du PIB, Libérant ainsi une marge de manœuvre pour la dépense publique. Dans ce nouvel environnement l’investissement public si essentiel au rattrapage économique retrouve sa place au mobilier national non sans susciter chez nos élites un enthousiasme immodéré. On voit déjà le Cameroun pays émergent en 2035.
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Parmi les obstacles qu’a rencontré le rebond de l’économie camerounaise au sortir de sa mise sous tutelle se trouve un autre élément souvent décrié par les observateurs étrangers, c’est la difficulté à faire les affaires |
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Ndjama Benjamin |
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Du rebond manqué |

En sortant du tunnel périlleux de l’ajustement structurel ne voyait-on pas venir un horizon bienheureux ? Libéré de la main mise du grand Satan de Bretton Woods la nation allait desserrer la ceinture, l'investissement s’accélérer. Le chômage allait subir après des années de montée ininterrompue un recul visible. Et l’Etat ! ne s’attendait-on pas très logiquement qu’il perpétue la prudence en matière de gestion héritée des années de mise sous tutelle ? Tout ceci couronné par une croissance qui se replacerait avec vigueur sur sa pente ascendante. Yaoundé annonçait ce Cameroun qui chante.
Le rebond tant attendu se montre plutôt balbutiant, hésitant, chaotique. On assiste tout d’abord au retour des tensions de trésorerie et de finances publiques. Le budget 2010 sera confronté aux problèmes posés par les restes à payer sur les ordonnancements des exercices antérieurs. Le remboursement de la dette intérieur a pâti du remboursement de la dette extérieure pendant les années d’ajustement structurel. Dans un contexte où plusieurs projets d’investissement dépendront de l’emprunt obligataire, le gouvernement pourrait se heurter à un problème de crédibilité devant les acteurs économiques. A cette considération somme toute théorique on peut ajouter un élément concret : les prévisions sur l’emprunt obligataire ont été ramenées à la baisse.
Les grands projets annoncés avec tambours et trompettes tardent à se mettre en route du fait de la contraction des financements internationaux. Les bailleurs de fonds internationaux qui se sont montrés enthousiastes à la publication de DSCE Commencent à traîner les pieds. Si le financement de certains piliers de la DSCE comme la construction du port en eau profonde de Kribi devraient relever pour l'essentiel de l’Etat, d’autres projets dépendront pour une grande part des pourvoyeurs du crédit international. |

C’est le cas du barrage réservoir de LOM PANGAR. Il a pour but de réguler le débit du bassin de la Sanaga en période d’étiage. Il conditionnera le développement de l’industrie lourde. Le projet consiste en la construction d’un barrage réservoir de type mixte sur la rivière LOM à 4 km sur sa confluence avec le PANGAR à environ 12 km au nord de la ville de Bertoua. Le coût global du projet est estimé à environ 170 milliards de F CFA (260 millions d'euros) incluant le coût du barrage et les coûts liés à la modification du tracé du pipeline.
L’Etat entend y participer à concurrence de 50 milliards (76 millions d'euros). On pourrait ajouter à cette liste la construction du deuxième pont sur le Wouri. Il est le résultat de l’étude de contournement de la ville de Douala. Il s’agit en gros d’améliorer les conditions de la traversée de la ville de Douala et spécifiquement le franchissement du Wouri. Coût global 85 milliards de F CFA (130 millions d'euros). L’agence française de développement a manifesté son intérêt à hauteur de 30 milliards de F CFA (45 millions d'euros). D’autres bailleurs de fonds sont toutefois intéressés.
Tous ces projets qui dépendent du financement international pourraient s’enliser à moins qu’ils ne soient tout simplement retardés. Parmi les obstacles qu’a rencontré le rebond de l’économie camerounaise au sortir de sa mise sous tutelle se trouve un autre élément souvent décrié par les observateurs étrangers, c’est la difficulté à faire les affaires. A titre d’exemple : Comparons un instant le processus d’installation d’un courtier d’assurance dans ces deux pays que sont la Cameroun et le Sénégal : Pour créer une société de courtage en assurance au Sénégal le délai d’obtention d’un agrément ne dépassera pas 30 jours. Au Cameroun on en vient à une durée contre-économique pouvant excéder 2 ans. Que se passe t-il pendant tout ce temps ? Le dossier va naviguer entre différents services.
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le Cameroun a réussi une contre-performance : Reculer de 19 places dans le classement Doing Business passant du 152e rang au 171e rang sur 183 pays évalués en 2010 |
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De la difficulté à faire des affaires au Cameroun |

Le scandale des délais trop longs reflète l’état des procédures dans beaucoup d’autres domaines. Un rapport annuel de la banque mondiale fournit des informations sur la facilité ou les difficultés à faire des affaires dans le monde. C’est le projet Doing Business, lancé il y a huit ans. Il étudie la situation des petites et moyennes entreprises d’un pays et mesure les règlementations auxquelles elles sont assujetties durant leur cycle de vie.
Le rapport 2010 couvre des séries d’indicateurs dans 183 économies. Le projet utilise les informations venant des pouvoirs publics, des universités, des spécialistes et des groupes d’évaluation. Il fournit une évaluation chiffrée des règlementations dans différents domaines notamment : la création d’entreprise ; l’octroi des permis de construire, l’embauche des travailleurs ; Le transfert de propriété ; l’obtention de crédit ; la protection des investisseurs ; le commerce transfrontalier ; l’exécution des contrats ; la fermeture d’entreprise...La lecture du rapport Doing Business est édifiante. Elle permet de comprendre pourquoi le Cameroun représente un volume quasi insignifiant des investissements étrangers qui s’orientent vers l'Afrique.
Bien que l’Etat ait multiplié des gestes ces dernières années pour assurer la compétitivité du secteur privé national notamment par la mise sur pieds des structures d’accompagnement des investisseurs et la création des instances de régulation de la compétitivité comme le Cameroon Business Forum et la commission de reforme fiscale, le Cameroun a réussi une contre-performance : |

Reculer de 19 places dans le classement Doing Business passant du 152e rang au 171e rang sur 183 pays évalués en 2010.A quoi devons-nous cette position plus que médiocre ? les reproches sont les mêmes :Pour qu’un investisseur puisse obtenir une licence d’exploitation au Cameroun 426 jours (soit un an et trois mois) sont nécessaires et 15 procédures sont requises. Au Rwanda 3 jours seront nécessaires et 2 procédures requises.
Depuis 2001 le Rwanda a reformé de manière constante ses lois commerciales et ses institutions. Il a amélioré ses règlementations pour faciliter l’accès au crédit par l’adoption de nouvelles lois. La loi relative aux suretés mobilières facilite les prêts garantis en permettant à une gamme plus large d’actifs d’être utilisés comme garanties bancaires…Le Rwanda est ainsi parvenu grâce aux reformes entreprises dans tous les domaines couverts par le système d’évaluation de la Banque Mondiale , à se hisser parmi les meilleurs réformateurs au monde.
D’autres pays à revenus faibles ou intermédiaire comme le Ghana ,le Botswana ,la Namibie ,l’Egypte ont rejoint le Rwanda dans la liste des meilleurs réformateurs mondiaux. Ces pays dits du Sud grâce à des reformes dans les domaines sélectionnés par Doing Business ont amélioré mieux que des pays développés comme la France la facilité à faire les affaires. Toutefois le classement d’un pays sur la facilité à faire les affaires ne raconte pas toute l’histoire sur son environnement économique. On peut relever que Doing Business n’évalue pas tous les aspects qui influent sur la compétitivité des entreprises comme la qualité des infrastructures ou la sécurité. |
L'horizon des possibles |

Nos performances vacillantes amènent à s’interroger sur l’année 2011.Si l'amélioration de l’environnement international devrait se traduire par une progression de la demande mondiale, donc par une relance des exportations, va-t-elle pour autant stimuler le marché international du crédit, avec pour effet probable d’accélérer les grands travaux ? Rien n’est certain.
L'optimisme viendra sûrement de l’arrivée au Cameroun de deux nouveaux opérateurs de télécommunications qui vont redynamiser un secteur qui se présente déjà comme un pilier de la croissance. Leur implantation pèsera d’autant plus que contrairement à l’économie des matières premières, les télécommunications sont créatrices d’emplois durables. Ce qui aura des effets sur la relance de la consommation.
Conscients de l’impact sur la croissance de la consommation des ménages le gouvernement a renoué avec le recrutement des fonctionnaires. Il a aussi augmenté les salaires de ces derniers. On peut s’en réjouir. On peut aussi voir dans cette approche un point d’inquiétude. Vouloir doper la consommation en gonflant la fonction publique comporte un revers : Alourdir les charges de l’Etat. Est-ce souhaitable dans un contexte de tensions de trésorerie ? Il est à craindre qu’une fois de plus on demande au petit capitalisme de payer la facture on augmentant les impôts. |

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