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Mouammar Kadhafi et Nicolas Sarkozy le 12 décembre 2007
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Rama Yade, sénégalaise d’origine, française de nationalité et secrétaire d’État aux affaires étrangères aux Droits de l’Homme dans le premier gouvernement Sarkozy, avait eu des mots durs vis-à-vis de Kadhafi lors de sa venue en France.
Rama a été mise au banc de la République et des noirs de France qui lui reprochaient de manquer de solidarité gouvernementale et de se comporter comme une petite fille à qui tout arrivait facilement. Le gouvernement français, les principaux ministres avaient trainé Rama dans la boue. J’espère que la mémoire n’est pas couverte aujourd’hui par l’émotion et que la raison domine. J’ai été l’un de ceux, qui comme toujours avait soutenu Rama, ce que je continue de faire aujourd’hui, pour dire : « vous voyez bien, elle a eu raison ». Alors pourquoi parler de la Libye aujourd’hui ?
Les faits sont là, la chute ou non de Kadhafi aura des répercussions sur l’Afrique noire francophone dans la mesure où Kadhafi a été l’un des initiateurs de la création de l’Union africaine dans les années 2000. C’est un parrain de la stabilité ou non de certains gouvernements en Afrique de l’Ouest en matière de financement et en matière de conseils. La Libye a aussi joué un rôle important au Tchad et dans la guerre franco-libyenne à propos de la bande d’Aouzou. La plupart des candidats africains, comme ceux qui se présentent à l’élection présidentielle au Niger pour le deuxième tour, se rendent en Libye pour obtenir des financements et des conseils de la part de Mouammar Kadhafi.
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Les révoltes au Maghreb ont eu des effets marginaux sur l’Afrique noire. Il y a eu au Sénégal et ailleurs quelques velléités d’immolation d’individus pour provoquer la mobilisation des populations. Il me semble que la fenêtre de tir réelle vient de la perturbation et du refus de la population libyenne d’accepter Kadhafi comme leader maximo. Le modèle libyen et le reste des pays d’Afrique noire dirigés par des dictateurs reposent sur une approche clanique du pouvoir au sens d’ethnies et de groupe tribaux comme nous l'identifions en Afrique noire.
L’impact des tribus dans l’Afrique anglophone est réel mais le modèle communautariste inspiré de la colonisation anglaise permet d’apaiser les tensions qui sont beaucoup plus exacerbées au plan religieux, différence entre chrétiens et musulmans comme au Nigéria. En Afrique francophone, l’aspect clanique et tribal est très fort. La disparition des partis politiques uniques, sans vouloir paraitre comme celui qui les revendique, exacerbe les tensions et montre comment la colonisation a réussi à favoriser la mise place de structures de commandement des communautés minoritaires au dépens des communautés majoritaires.
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Le modèle libyen et le reste des pays d’Afrique noire dirigés par des dictateurs reposent sur une approche clanique du pouvoir au sens d’ethnies et de groupe tribaux comme nous l'identifions en Afrique noire |
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Pourquoi la Libye est intéressante pour comprendre les effets de diffusion ou non vers l’Afrique noire francophone ? Parce que la Libye est un pays clanique à la manière de ceux d’Afrique noire qui font tous des efforts pour unir leurs populations pour gommer les aspérités tribales et claniques au nom de la construction des États nations au plan politico juridique, alors que dans la réalité c’est le clan et le village qui dominent. Le discours tenu par Mouammar Kadhafi à son peuple ce 22 février valorise les notions de clans et de tribus.
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Enfin Kadhafi dit les choses concrètement car son pouvoir est en perdition, le clan comme élément d’unification face à l’Occident et aux envahisseurs étrangers. Kadhafi reprend dans l’adresse au peuple un discours de mégalomanie qui valorise la révolution comme modus operandi pour la libération de l’Afrique. Au-delà d’un discours de mise en scène personnelle de Kadhafi, il me semble que les révoltes, les surgissements revendicatifs des libyens tiennent essentiellement à une question sociale liée à la captation et à l’embrigadement des richesses de la Lybie par un clan ethnique dont Kadhafi est issu, au nom de ce que Kadhafi appelle la lutte pour la libération.
Ces éléments sont transposables en Afrique noire francophone et montrent que les peuples noirs souffrent, qu’ils sont traversés par des approches contradictoires vis-à-vis du pouvoir, apathie à cause de l’appartenance clanique, révolte, car ils souffrent du manque d’eau, d’électricité de salaires décents, d’hôpitaux et d’infrastructures acceptables. Si la Lybie participait d’un certain partage des revenus certes inéquitable, l’Afrique noire surtout francophone est marquée par des inégalités abyssales de répartition des revenus et de répartition des richesses.
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Si la Lybie participait d’un certain partage des revenus certes inéquitable, l’Afrique noire surtout francophone est marquée par des inégalités abyssales de répartition des revenus et de répartition des richesses |
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J’appartiens à une génération de l'immédiate après décolonisation, j’ai pu profiter de l’école immédiatement coloniale, avec des tables, des chaises, des livres, (alors que j’appartiens à une classe populaire, père ajusteur et mère ménagère et analphabètes tous les deux), et quand j’étais hospitalisé, j’étais dans des hôpitaux où il y avait des médecins blancs et noirs compétents.
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Kadhafi lors d'un sommet de l'Union Africaine
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daylife |
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Trente ans plus tard, c’est le désordre, il n’y a plus de médicaments à l’hôpital, il n’y a plus de table et de chaise à l’école, les élèves surtout au primaire sont obligés de venir avec leur tabouret, les hôpitaux sont dans un état d’insalubrité innommable et pourtant, nous-mêmes noirs sommes aux affaires. D’aucuns diront que je suis nostalgique, réponse non, regardons-nous en face nous sommes beaucoup plus bavards que ceux qui nous ont colonisés.
Nous sommes incapables de travailler, de nous organiser et éventuellement de nous mettre en réseau quand nous sommes à l’étranger et j’en sais quelque chose pour avoir participé à la création d’une association des noirs de France, pour y avoir assumé la fonction de premier secrétaire général. Ceux qui connaissent la société française savent de quelle fédération d’associations je parle.
Les révoltes dans le monde arabe et le Maghreb sont difficilement transposables en Afrique noire, en raison des liens claniques, tribaux, d’une absence de leaders intègres capables de conduire une opposition réelle, car tous les opposants en Afrique noire surtout francophone vont tous à la gamelle présidentielle. Les jeunes et leurs syndicats, surtout d’étudiants qui autrefois étaient les fers de lance de la primo revendication, récupéré ensuite par les leaders africains, ont quasiment disparus et sont tous tentés par l’action digestive de biens matériels, de jouissance physique et de l’esprit que le pouvoir met à leur disposition grâce à leur privilèges et des passes droits.
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Alors faut-il admettre que les noirs d’Afrique ne peuvent pas se révolter à l’image des populations arabes ? Les exemples guinéen et malien prouvent le contraire de ce que je dis, mais ce sont des exemples locaux ou dans le cas malien c’est un chef militaire Toumani Touré qui a favorisé la transition démocratique avant de devenir le président actuel. Dans le cas guinéen, c’est d’abord la société civile et les femmes qui se sont opposés au régime de Dadis Camara.
Dans les deux cas, ce sont des manifestations à la marge qui ont réveillé à moitié les peuples malien et guinéen. Le discours grandiloquent de Mouammar Kadhafi à son peuple va être scruté à la loupe par les dirigeants d’Afrique francophone pour mieux influencer leurs populations au nom de la cohésion et de la stabilité nationale. Kadhafi dit qu’il se battra et qu’il n’hésitera pas à utiliser tous les moyens à sa disposition, armée et police.
Il reste aux peuples d’Afrique noire et à leurs dirigeants de l’opposition ou supposés tels de refuser la dictature, l’enrichissement d’un clan ou des clans par rapport à la population et de promouvoir leur propre modèle de résistance en regardant de manière critique les révoltes dans le Maghreb. La résistance pour les peuples d’Afrique commence par là et dans ces résistance, force est de constater, que les diasporas n’ont joué aucun rôle. Ces diasporas doivent rester humbles et à minima accompagner les peuples réels, ceux de l’intérieur de l’Afrique noire à la mobilisation et à la résistance.
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