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"Il n’y avait certainement pas sur toute la surface du globe, à l’époque de la vie de Chaka que nous décrivons maintenant, un potentat plus aimé de ses sujets que lui. Lors des grandes célébrations nationales, il était de règle qu’avant la dispersion générale le souverain se montrât dévêtu à la foule, afin que les festivités prissent fin sur l’admiration du corps du Maître."
Chaka de Thomas Mofolo est une oeuvre a part.
D’abord, parce que c’est l’un des tous premiers romans de l’histoire de la littérature africaine, puisqu’il fut rédigé vers 1910. Ensuite, parce que ce livre écrit en langue Souto est le premier roman entièrement rédigé dans sa version originale en une langue africaine. Et enfin, tout simplement, parce que c’est un livre grandissime sous toutes ses coutures.
Il faut le dire, beaucoup s’attendaient à ce que la traduction du manuscrit original revelât un salmigondis peu cohérent, sur lequel la vieille garde littéraire aurait pu se pencher avec une paternelle indulgence. Surprise: “Quiconque pouvait lire la langue fut immédiatement frappé par la qualité de l’oeuvre, la pureté du langage, l’équilibre de la construction, la profondeur nuancée de l’analyse psychologique”, commentera un critique.
Car Chaka, d’autres l’ont déjà souligné, c’est un poème, un poème épique. |
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C’est un poème parce qu’on ne peut pas rester indifférent à la finesse de la plume de Thomas Mofolo, à la beauté de ses images, au lyrisme de ses protagonistes; et ce poème est épique parce qu’on ne peut résister à son esprit chevaleresque, à la bravoure, à l’honneur, à la force; et en même temps, comme l’oiseau hypnotisé par le serpent, il impossible de ne pas être fasciné, et même malsainement attiré, par le déferlement des forces du mal, par le monde occulte, ses sorciers et ses espions, par la guerre, par la violence, par la cruauté, par les orgies et les bains de sang. C’est cela, Chaka, tous les extrêmes qui se rencontrent pour culminer avec une intensité inouïe en un seul homme. |

« Il y a, dans l’étrange aventure de Chaka, quelque chose de perdurable, une force d’éternité, comme dans tous les grands poèmes épiques. Mais il y a aussi le poids du réel, la vie, la beauté de la vie. Thomas Mofolo est un grand écrivain, qui sait raconter le pays qu’il connaît et qu’il aime. Ici encore on voudrait parler de l’Odyssée, avec sa richesse verbale, son sens des gestes et des choses, son goût du détail minutieux. Chaka est l’homme de cette terre africaine où les croyances surnaturelles et les gestes quotidiens sont indissociables. L’on entend ici la voix des pasteurs bassoutos, leurs paroles à la fois cérémonieuses et pleines d’humour ; l’on entend la voix des conteurs, des guerriers, des féticheurs, comme autrefois, dans les chansons de geste, la voix des soldats et des ménestrels. Ce livre tragique et violent est aussi un livre d’images, un conte fabuleux, et un document sur la vie du peuple zoulou à la veille de l’arrivée des Oum’loungou, les Hommes Blancs.
C’est bien là la force des grands poèmes épiques. Ils sont à la fois les livres d’un peuple, pleins de la vérité terrestre, et les massages secrets de l’au-delà. Chaka, symbole de la grandeur et de la chute de l’empire zoulou, par son aventure exemplaire nous révèle un autre monde où les vérités essentielles sont encore vivantes. Alors, écoutant cette parole pleine de force, nous reconnaissons notre propre aventure, qui va du réel au magique. » J. M. G. Le Clézio |
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L'acteur Henri Cele dans le rôle de Chaka
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Naître dans l’illégitimité et grandir dans la honte, telles furent les premières épreuves du destin de Chaka, nous explique Thomas Mofolo. Le fils illégitime de Sénza’ngakona et de Nandi n’eut d’autre recours que celui de subir coups, quolibets, et mépris. Atteignant la force de l’âge, acculé dans ses derniers retranchements, il doit s’exiler. Il trouvera protection et refuge chez le Roi Ding’iswayo. Et c’est là-bas que Chaka rencontrera son destin, le devin Issanoussi, messager de l’au-delà qui lui proposera le pacte: le pouvoir contre le sang. Le pouvoir absolu, total, le seul, le vrai, contre le sang.
“Sur cette terre, à vrai dire, il n’y a qu’une seule chose qui m’importe; toutes mes affections se résument en ceci: pouvoir, guerre, armées.”
Chaka accepte donc le pacte, Chaka versera le sang du pacte. Il lancera alors le terrible “Imfekhane” (l’écrasement), qui signifiait non seulement la mise à mort indiscriminée de tous les peuples ennemis, mais aussi le saccage de leur bétail et la mise à feu de toutes leurs cultures; cet Imfekhane fut si terrible qu’il introduisit le cannibalisme en Afrique australe, il fut si terrible qu’on vit les gens pourchasser du gibier humain pour pouvoir survivre. |

L’Imfekhane, c’était d’épouvantables et d’effroyables actes de cruauté et de barbarie, qui permirent à Chaka de verser le sang, d’immoler pour Issanoussi plus de deux millions d’hommes, de femmes et d’enfants. La soif de pouvoir de Chaka devint inextinguible: pour respecter le pacte, pour étancher sa soif de pouvoir, Chaka versera de ses propres mains le sang de sa mère Nandi, le sang de sa bien-aimée Noliwè, et le sang de tous ses enfants, du premier au dernier.
Mais, paradoxe de la vie, paradoxe de l’Homme, Chaka fut aussi l’homme de vision, l’homme de la grandeur, l’homme d’ambition, celui qui baptisa son peuple “Ama Zulu”, c’est à dire “Ceux du Ciel”. Chaka fut le génie militaire incarné, celui qui conçut une infinité de mouvements stratégiques inédits, qui conçut de nouvelles armes de corps, qui conçut une nouvelle discipline et un nouvel esprit militaire dans l’infanterie. Chaka est celui qui rassembla une poignée de vachers et les transforma en l’une des plus redoutables armées du 19e siècle. Chaka est celui qui conquit un empire couvrant presque toute l’Afrique australe et fonda une nation parlant une seule langue, le Zulu.
Alors, Chaka, génie visionnaire ou buveur de sang? Conquérant ou mégalomane fou? Chacun tranchera, ou ne tranchera pas.
A l’intersection de la métaphysique et de la psychologie, de l’imaginaire et du réel, de la fiction et des faits historiques, c’est avec un talent à peine descriptible que Thomas Mofolo nous initie aux mystères de Chaka, à sa vie, à sa mort, à sa légende. Que dire d’autre? La pierre fondatrice de la littérature africaine ne pouvait être plus solide. |
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