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Voilà une nouvelle qui pourra s’adapter à tous ceux qui sont en pleine quête identitaire ; en pleine recherche d'eux-même; ces « buveurs doubles » qui ne peuvent réellement choisir entre ce qu’ils ont toujours connu et ce dont ils rêvent parfois.
Dès les premières lignes, nous comprenons de quoi il s’agit : Deyt est à la recherche de son ami d’enfance, Aris resté au village K., où ils ont tous deux grandi et où ils ont appris à aimer "le vin de palme, ferment du village" avant de goûter le vin rouge, messager d'un ailleurs.
Fantah Touré est professeur de lettres installée au Sénégal. Après avoir publié plusieurs nouvelles (dont « Enfance » aux édition IN8) ainsi que plusieurs textes déjà publiés dans des revues ( dont « Tous fils de Césaire », publié dans la revue Autrement, elle propose aujourd’hui un voyage « entre deux vins », deux saveurs, deux cultures au travers du personnage de Deyt qui semble rêver pour mieux se retrouver.
« Entre deux vins »; Fantah Touré aux éditions IN8
Ci-après l’interview de l’auteur
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Fantah Touré : l'Afrique, "c'est le continent sur lequel je vis, que j'observe et que je décris..." |

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots aux grioonautes ?
Je suis un professeur de lettres installé au Sénégal pour des raisons personnelles depuis une vingtaine d’années ; j’écris des nouvelles (plusieurs déjà publiées) et des romans ; j’ai deux enfants.
Vous êtes auteur d’articles, de romans et de nouvelles. Pourquoi et comment faites-vous le choix du genre littéraire adapté à la problématique que vous voulez traiter ?
Je ne choisis pas vraiment : je me lance et la forme s’impose à moi au fil de l’écriture ; mais je dois dire que jusqu’à présent, j’ai une prédilection pour les formes brèves ; en tant que lectrice, d’ailleurs, il n’est pas rare que je trouve que tel ou tel roman comporte une centaine de pages de trop…
En outre, je pense que la nouvelle permet de varier les systèmes narratifs, les personnages et les points de vue.
Vous avez choisi de montrer une autre vision de l’Afrique à travers le personnage de Cheikh mis en scène dans son "Enfance" entre ses racines, les traditions culturelles et ses rêves propres. Quelles ont été vos sources d'inspirations et en quoi votre vision de l'Afrique diffère-t-elle de ce que nous connaissons déjà?
En quoi ma vision de l’Afrique est-elle « autre » ? C’est le continent sur lequel je vis, que j’observe et que je décris ; il n’a donc rien d’exotique ; il serait d’ailleurs plus exact de parler de plusieurs pays dont je m’inspire et que je réinvente à ma façon.
L’histoire de Cheikh est une histoire vraie qui s’est passée dans les années soixante, elle m’a été racontée par l’un de mes proches il y a longtemps, elle m’a hantée comme une histoire d’enfance et de maternité douloureuse ; mais il suffit d’observer les petits mendiants talibés aux feux rouges de Dakar pour constater qu’elle est toujours d’actualité.
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L'Afrique? C’est le continent sur lequel je vis, que j’observe et que je décris ; il n’a donc rien d’exotique ; il serait d’ailleurs plus exact de parler de plusieurs pays dont je m’inspire et que je réinvente à ma façon. |
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Fantah Touré |
Toujours au sujet de votre nouvelle « Enfance ». Vous peignez avec finesse différents points se rapportant à la culture et à l’éducation africaines. Vous achevez l’histoire de Cheikh en parlant du soulagement de sa mère d’avoir mis au monde, d’une autre union, deux jumelles. Etait-ce un moyen de soulever un autre problème, comme celui de la différence d’éducation donnée à une fille ou celle donnée à un garçon ?
Pas tout à fait ; c’est plutôt une façon de montrer qu’en général les petites filles ne sont pas exposées à un tel sort ; les garçons sont intégrés à une sphère masculine qui n’a plus la même fonction instructrice et protectrice que naguère.
Mais les fillettes peuvent courir d’autres dangers : être exploitées comme des domestiques non rémunérées, être victimes d’abus sexuels…
J’en parle d’ailleurs dans d’autres textes. J ’ai voulu plutôt montrer que parfois, le monde des adultes traite cruellement les enfants, même au nom des meilleurs principes au monde (volonté de leur donner une éducation stricte censée leur apprendre les difficultés de la vie. ) Lorsque la mère de mon héros donne naissance à deux filles, elle peut espérer qu’elle pourra les garder auprès d’elle et les protéger. Mais, peut-être se trompe-t-elle?
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Votre seconde nouvelle, « Entre deux vins », s’attache à décrire le va-et-vient entre une terre d’origine et une terre d’accueil. Cette dynamique de voyage, vous la décrivez comme un enrichissement personnel dans la connaissance de soi. Mais ne pensez-vous pas que c’est le schéma identitaire tel qu’il est fait actuellement qui « nous » pousse à faire un choix ?
Sans doute. Mais pourquoi ne pas proposer d’autres possibilités, d’autres modèles fondés sur l’échange et les identités multiples ?
Les gens ont désormais plusieurs cultures, plusieurs origines, plusieurs pays. Cela a été longtemps vécu comme un déchirement ou une souffrance, il y a d’ailleurs toute une dramatisation autour de cela dans la littérature africaine des années 60 et dans le discours de certains politiques par exemple.
Il est temps de passer à autre chose et d’assumer ses particularités .C’est ce que mon héros semble avoir compris à la fin de son expérience.
Vous-même, vous êtes entre Paris et Dakar. Est-ce que cette question est plus ou moins ressentie comme un malaise et/ou abordée en fonction des pays, en l’occurrence de la France et du Sénégal ?
Pas comme un malaise ! Je constate avec quelque amusement qu’en France, une personne appartenant à une « minorité visible » est toujours perçue comme étrangère. Quelle que soit son histoire personnelle ; la première question que l’on vous pose, c’est : « de quelle origine êtes-vous ? »
Au Sénégal, les gens, même s’ils vous perçoivent comme une étrangère, recherchent plutôt ce qui vous rapproche d’eux : le nom, par exemple, et ils font jouer ce que l’on appelle la parenté à plaisanterie. …
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Il est temps de passer à autre chose et d’assumer ses particularités .C’est ce que mon héros semble avoir compris à la fin de son expérience. |
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Fantah Touré |
Vous avez écrit « Tous fils de Césaire », en référence à Aimé Césaire. Pouvez-vous expliquer vos termes ? Que pensez-vous de l’hommage qui lui a été rendu par la classe politique française, caribéenne et africaine le 17 avril dernier ?
On peut le trouver dans un numéro de la revue Autrement consacré aux Antilles déjà ancien, datant de l’année 1987, je crois.
J’ai trouvé que l’unanimité faite autour de ce grand poète sonnait faux : la plupart des gens qui l’encensaient n’en avaient vraisemblablement pas lu une ligne…
Je me souviens qu’à l’époque où le Cahier d’un retour au pays natal et le Discours sur le colonialisme étaient au programme de la terminale littéraire, ils en ont été retirés au bout d’une année au lieu des deux ans de rigueur parce que certains politiques avaient fait pression sur l’Education nationale en accusant Césaire de racisme et de ressentiment post-colonial. Et le voilà sacré poète majeur français du XXème siècle. Comme quoi, les temps changent !
Mais pour moi, le plus bel hommage rendu à Césaire, c’est celui de son peuple qui a tenu à l’accompagner jusqu’au bout.
Une réaction particulière quant à l’élection de Barack Obama ?
Beaucoup d’émotion et une grande joie : pour moi, métisse, cette élection signifie que le processus dont je parlais plus haut de reconnaissance des multiplicités culturelles et ethniques est bien en route.
Que dans un pays où régnait encore la ségrégation il y a une cinquantaine d’années, les gens peuvent se reconnaître en un homme qui réunit en lui plusieurs continents et qui porte un nom africain. C’est une élection porteuse d’espoir, ne serait-ce que sur le plan symbolique.
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