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Gaston Paul Effa
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http://bibliobs.nouvelobs.com |
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Né au Cameroun et résidant en Lorraine, Gaston-Paul Effa, est un écrivain, cuisinier-un restaurateur, un philosophe, un intellectuel, créateur de plusieurs associations, animateur, un polymathe et un citoyen pas comme les autres : un acteur. Bien que vivant en Lorraine, il contribue depuis plus dix ans au développement de son pays natal : ouverture d'un lycée privé pour jeunes filles puis construction d'une bibliothèque à Yaoundé. Son restaurant de Strasbourg lui permet en partie de financer ses projets humaniste et citoyens.
Voici un intellectuel engagé pour le monde qui ne cesse d’investir malgré tout pour la mère Afrique au Cameroun. Son livre "Nous enfants de la tradition" est un livre osé, qui touchera tous les africains, tous les travailleurs sociaux occidentaux, tout le monde. Ecrire pour exposer une situation (l’argent/ la Famille), c’est participer au décloisonnement de certaines mentalités. C’est aussi une autre façon de raconter l’Afrique ce beau continent riche et mystérieux.
Quitter le continent africain est assimilé à la réussite, à l’argent et il faut donner, encore donner jusqu’à donner ce qu’on n’a pas ou disons perdre son âme. Les rapports entre les immigrés et la famille en Afrique doivent être clairs : même si on aime sa famille ; même s’il est plus "facile" de vivre en Occident qu’en Afrique, il faut avouer à l’autre de façon péremptoire, dogmatique et ferme qu’on ne ramasse pas l’argent le long de sa route.
Pape Bakary CISSOKO Philosophe-Conférencier et Formateur |
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http://image.radio-france.fr |
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-Je vais commencer par une question de Responsabilité, est-ce la tradition ou vous, qui êtes en faute dans cette histoire ? Donner tout votre argent gagné et qui aurait dû servir à entretenir votre propre famille, payer le loyer, les charges, la mutuelle, le transport, les prêts et les impôts, est-ce sérieux ? Certes beaucoup d’africains fonctionnent comme ça (envoient plus de 50% de leur salaire) mais certains ont pu s’émanciper de cette obligation sans couper les liens avec la famille.
Un homme qui souffre n’est pas lucide sur les causes de sa douleur et il est prêt à accuser tout le monde, y compris la tradition qui l’a porté. N’oublions pas qu’un fils d’animiste a sous sa peau les fils invisibles qui le lient à la tradition et il n’est pas si facile que cela de s’en défaire. C’est d’autant plus difficile que sa famille joue de ce poids pour lui faire un chantage affectif.
Vous êtes philosophe, écrivain, marié à une européenne qui vous aime (j’insiste) et que vous aimez, malgré tout vous avez refusé de voir la vérité en face, comme, à quelques différences, ces gens du mythe de la caverne (Platon) qui ont vécu dans le simulacre jusqu’au jour où on leur a appris à voir la VERITE, ce fut la liberté, la délivrance et le bonheur.
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La sagesse ne dépend pas seulement du poids de l’âge |
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Gaston-Paul Effa |
La tradition aurait dû éclairer le personnage en l’aidant à vivre mais la douleur a obscurci son jugement. Il est donc comme ces prisonniers de l’allégorie platonicienne qui préfèreraient se crever les yeux plutôt que de se laisser éblouir par la lumière de la vérité. Il a donc fallu du temps, beaucoup de temps, des événements traumatisants pour se rendre à l’évidence : être libre c’est d’abord apprendre à être soi pour espérer être un passeur pour les autres. |

Votre prénom, Osele, représente l’âne, cet animal endurant qui doit supporter tant de peine, mais qui sait s’entêter et dire non quand il n’en peut plus ? Pourquoi malgré vos références, éducation traditionnelle, instruction soutenue, vous vous êtes laissé enliser au point de perdre votre épouse qui vous a tant aimé, vos enfants, votre qualité de vie et d’habiter un foyer ?
L’intelligence conceptuelle n’a jamais aidé personne à vivre ! Il y a un entêtement de la raison à nier l’évidence. C’est peut-être ce que Sartre appelle la mauvaise foi...
Peut-être l’âne, celui qui porte toutes les charges sur son dos, avait-il besoin de se décharger de sa monture pour se délivrer et accéder à lui-même. Lui qui toute sa vie n’a su dire que "il", "nous", apprend enfin à être intelligent, c’est-à-dire littéralement à engager une lecture intérieure sur lui-même.
Le fang est celui qui donne et se donne, celui qui ne garde rien, tout est fait dans cette conception du monde traditionnel pour perdre l’homme moderne, celui qui vit au XX ème siècle ? Vous dites que les africains aiment la famille. Ils sont généreux et soufrent en silence et dansent avec la mort. Comment dès lors envisager l’avenir ?
Votre question est pertinente. La tradition, l’animisme en particulier, c’est le retour à la nature, à l’élémentaire. On apprend à renouer le lien avec le vent, la feuille, l’herbe, tout ce qui ici-bas nous rappelle que l’autre est aussi dans l’invisible et dans les choses chues. Si l’animiste a un lien privilégié avec la famille, c’est que ce lien concerne toute chose du monde et tout être. Le péché de la modernité c’est l’oubli de la nature qui est aussi oubli de l’autre. |
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Amadou Hampathe Ba
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http://www.actessud.com/ |
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Votre propre mère n’a pas facilité votre existence, elle vous a même précipité dans le chaos, pourquoi ne lui avoir pas expliqué la vie en Occident, pour qu’elle vous protège des sollicitations exagérées, farfelues et récurrentes ?
S’il suffisait d’expliquer aux gens pour qu’ils comprennent, le monde serait plus simple et plus beau. Malheureusement, chacun ne voit le monde que de son point de vue, à partir de son intérêt propre, sans envisager l’existence de l’autre. Le point de vue de la mère du narrateur est qu’il vit beaucoup mieux qu’elle, dans un monde riche, et qu’il est normal qu’il partage.
La figure de la grand-mère est bien présente et vous mettez en valeur son poids et on peut dire que la personne âgée est une vedette en Afrique, n’est-ce pas ?
Ce n’est pas toute personne âgée qui est une vedette. Souvenez-vous des mots d’Hampaté Bâ qui dit qu’un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle, à quoi le personnage de Mabanckou dans "Verre Cassé" rétorque : c’est pas vrai, et ça dépend du vieillard. La sagesse ne dépend pas seulement du poids de l’âge. Le hasard est objectif qui a voulu que la grand-mère d’Osele incarne, par sa bienveillance, le visage de l’humanité. |
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Tobie Nathan
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http://www.ethnopsychiatrie.net |
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Dans ce livre vous donnez une clé à vos enfants, celle de la transmission du savoir, les histoires africaines, sur votre vie. Savez-vous que cette méconnaissance conduit les enfants issus de l’immigration vers des comportements déviants ?
La méconnaissance de la tradition, la perte de repères, comme le dit Tobie Nathan, induit surtout des souffrances, des angoisses qui provoquent des comportements déviants ou des maladies psychosomatiques. Cela peut se retourner contre soi ou contre les autres. Nous avons donc un devoir de transmission. N’oublions que la tradition avance masquée, qu’il y a un autre monde caché dans celui-ci et cela nécessite une mise sur la voie. C’est ce que l’on appelle la transmission. Le peuple juif l’a bien compris et c’est cela qui l’a sauvé de l’exil en conservant l’élément essentiel de la survie qui est la langue.
Dans votre brillant ouvrage vous faites un parallèle entre l’Occident, où on initie à l’autonomie, au travail et à la liberté, et l’Afrique où on confine l’individu dans le groupe, ( mourir pour les autres) on est toujours le subalterne, le subordonné sans autonomie, les décisions sont toujours venues d’ailleurs de la tradition, des ancêtres ? On aurait même pu dire que Hegel avait raison quand il parle des africains ?
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il n'y a pas de décret pour entrer dans l'histoire. Ceux qui croient en être ne sont pas forcément ceux qui le sont |
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Gaston-Paul Effa |
Il faut savoir tirer sa force de sa faiblesse. Ce qui pourrait paraître comme un handicap, la vie en groupe, la dépendance mutuelle, mourir pour les autres, peut tout à fait coexister avec d’autres valeurs dites occidentales, la liberté, l’autonomie. Il faudrait parvenir à rassembler ce qui est épars : être avec les autres et apprendre à être soi-même. Il ne s’agit pas de tuer la tradition mais de sauver en elle ce qui participe au progrès de l’humanité.
Il ne faut pas croire non plus que l’occident soit si bien parti que cela : la crise que nous traversons montre l’éclipse, la décadence par le culte du moi, l’oubli de l’autre. |
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http://bastien.paulet.free.fr |
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Votre allusion à Hegel qui pense que l’Afrique n’est pas rentrée dans l’histoire nous fait garder en ligne de mire le discours de Sarkozy à Dakar. Il n’y a pas de décret pour entrer dans l’histoire. Ceux qui croient en être ne sont pas forcément ceux qui le sont. Mais ce discours a quelque chose de positif, c’est qu’il provoque la réaction et donne à penser. Vous savez que le sommeil ressemble à la mort, et à force de jouer celui qui dort comme le fait souvent le continent africain, on peut finir par ne plus jamais se réveiller.
Après avoir succombé à la tradition, aux pesanteurs sociales, vous changez de comportement, et vous dites que vous êtes redevenu un oiseau pour exprimer votre liberté. C’est une révolte, une prise de conscience qui conduit à une Révolution ?
Oui, c’est une révolution intérieure. Connaissez-vous l’image hégélienne de la chouette de Minerve ? C’est un peu cela. L’oiseau de Hegel prend son envol pour faire le tour de la question au moment où les autres s’assoupissent. C’est donc un veilleur qui attend son heure...
Votre ouvrage est pertinent, l’Afrique a failli vous perdre, mais vous ne lui renoncez pas d’ailleurs vous avez un gri-gri, un balafon, vos souvenirs, vos histoires racontées à vos enfants, vous envisagez une autre relation avec la mère patrie, et refusez de subir, de répondre à ces incessants coups de fil et sollicitations.
Le cœur de l’Afrique bat en moi depuis que je l’ai quittée. Il faut s’absenter des choses pour qu’elles reprennent leur droit. Je suis profondément africain, et le passage chez les Jésuites m’a permis d’approfondir davantage ces racines. Par l’écriture, j’essaye de redessiner le visage d’une Afrique aimée, de réinventer son corps. J’espère, comme Sisyphe espérait, mais l’espoir n’apaise pas, il déchire.
Vous dites que l’on a toujours tort face à la tradition pourquoi ne pas convoquer la philosophie du marteau (Nietzsche) pour casser cette hérésie ? Laisser faire et subir (pérennité) n’est-ce pas une complicité ?
Il y a des métamorphoses et des révolutions qui ont besoin de temps. Zarathoustra a renversé les tables de la loi et je pense que par moments un peu de tempête remet les choses en ordre. Et en même temps, je suis lecteur des stoïciens qui nous disent que la violence est fille aînée de la faiblesse. Il faut donc trouver un juste équilibre. Mon livre est davantage un cantique d’espérance, moi qui suis un travailleur au noir, j’essaie simplement de tirer l’humain au clair.
Merci Gaston-Paul EFFA , longue et bonne route. Votre livre dit de belle manière ce que tous nous savons, mais que nous refusons de voir... |
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