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Severine Bozkurt , Geraude Ayeva-Derman , Ewan Lobé Jr., Mathieu Demars
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En 1835, l'inimitable Victor Hugo nous livrait Angelo, tyran de Padoue, drame princier et domestique, dans lequel l'élément humain se mêlait à l'élément historique. Aujourd'hui, la pièce adaptée par Ewan Lobé Jr. met en scène la redoutable et colonialiste république de Venise, dans laquelle chacun emploie ses espions de mauvaise augure à de sombres desseins. Angelo, gouverneur fantoche de la colonie Padoue, veut être craint, quand lui-même tremble pour sa vie. Catarina, son épouse, est adultère et amoureuse de Rodolpho, prince exilé de la cité. Homodei, l'espion, est épris de Catarina, qui un jour le repoussa avec mépris. Alors il se venge impitoyablement. Dans ce théâtre d'intrigues et de mauvais coups, chacun est un pion sur son échiquier. Sans relâche ni remords, il exploite les embarrassants secrets et les faiblesses amoureuses de ces concitoyens. Celles de la Tisbé, comédienne parvenue follement éprise de Rodolpho et maîtresse du seigneur de la cité. À Angelo, qui n'attend que l'occasion de prouver sa virilité en devenant un tyran, il veut faire découvrir les infidélités de sa femme pour lui en faire payer le prix.
La pièce évoque le contexte colonial afro-européen, sur fond de colonisation de Padoue par l'expansionniste Venise. Le peuple dominant, la Venise occidentale, asservit le peuple dominé, la Padoue africaine. Une dualité que l'on retrouve dans tous les personnages, remarquablement interprétés, puisqu'en chacun se disputent les parts d'ombre et de lumière. Angelo est faible, conscient d'être une marionnette entre les mains de Venise. « La seule sur laquelle il ait du pouvoir, c'est sa femme. Alors il s'en sert pour se sentir exister », souligne Ewan Lobé Jr. Angelo aime une courtisane, la Tisbé, originaire d'une autre colonie. On la sent impulsive, manipulatrice, mais elle se révèle droite et rationnelle. « Elle est aux prises avec l'Occident, et donc avec Angelo. Elle le courtise pour obtenir ses faveurs, mais en aime un autre. Sa situation est comparable à celle de l'Afrique : elle est belle et désirée, comme ce continent est désiré pour ses richesses, mais elle n'est pas libre ». L'autre qu'elle aime, c'est Rodolpho, amant de Catarina. « Il incarne le jeune Africain, entretenant des relations ambiguës avec la Tisbé, et donc avec sa terre natale. En même temps, il est irrésistiblement attiré par l'Occident, à travers Catarina ».
Enfin, le maître du jeu. On sent une raideur chez l'espion marionnettiste : « Homodei est un homme de l'ombre, et de ce fait il a du pouvoir. Mais il est aussi empli de frustration, parce qu'il ne peut exprimer pleinement ses sentiments », explique le metteur en scène. « Il a une vision idéaliste de la femme, à travers Catarina ».
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Le choix du casting et des costumes souligne la dimension ethnique de l'histoire, accentuée par la musique occidentale et africaine enregistrée en studio. La salle est petite, le décor minimaliste, la proximité avec les acteurs oppressante. Elle coupe le souffle quand ils vous regardent dans les yeux. Et pourtant, nous voyons tout : les palais, les personnages, la rivière. Tout cela n'existe que dans l'esprit du spectateur, mais danse devant ses yeux comme si, l'espace d'une petite heure, il se trouvait à Padoue.
Ewan Lobé Jr a déjà à son actif deux court-métrages écrits et réalisés aux États-Unis. Il aimerait, entre autres projets, reconduire Padoue. Dans sa tête fourmille un tas d'idées de pièces et de court-métrages, qu'il entend bien mener à terme. Il se décrit comme un artiste engagé. « Je ne veux pas transposer une pièce pour le plaisir des costumes et du décor. La pièce doit nous parler, transmettre un message, s'adapter au spectateur qui la regarde au moment où il la regarde ». Et pour cela, l'œuvre de Victor Hugo reste farouchement moderne.
Adaptation : Victor Hugo, Angelo, tyran de Padoue (1835)
Metteur en scène : Ewan Lobé Jr.
Avec Severine Bozkurt , Geraude Ayeva-Derman , Mathieu Demars , Ewan Lobé Jr. , Jeremy Noam , Romain Bermon , Alexia Annequin , Roxanne Valente
Théâtre de l'Épouvantail, 6 rue de la Folie-Méricourt, Paris 11e.
Jusqu'au 25 mai 2008.
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