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Depuis huit ans maintenant, le clan Poutine tient les rênes de l’Etat russe et d’une bonne partie de l’économie du pays. Disparitions de journalistes, presse et opposition muselées, attentats suspects avant les élections, enrôlement des jeunes, déroulement de la guerre en Tchétchénie, le régime russe est loin d’être très démocratique. Et pourtant les Russes soutiennent Poutine et « son » Président. Et le double pied de nez russe à l’OTAN avec l’intervention dans le Caucase et la reconnaissance des indépendances de l’Abkhazie et de l’Ossetie du Sud a encore donné l’occasion au peuple de Russie de témoigner de ce soutien. Comment expliquer ce paradoxe ? Pourquoi cet attachement au clan Poutine de la part des Russes ? |
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Une tradition de respect du leader |
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Vladimir Poutine
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getty/afp |
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Un premier élément de réponse réside dans l’histoire du pays. Avant la période soviétique, les Tsars dirigeant le pays concentraient le pouvoir entre leurs mains. Et au fil des siècles les Russes s’étaient habitués à cette idée d’un dirigeant fort dont ils étaient fiers. La période communiste n’a fait que prolonger cette tradition. Les années du stalinisme ont d’ailleurs été les plus intenses en termes de patriotisme, le pays célébrant régulièrement ses héros. La reconstruction de la partie occidentale de l’Union Soviétique après la deuxième guerre mondiale a donné lieu à un enthousiasme patriotique de la part du peuple. Le pays semblait uni derrière son dirigeant suprême. Ce dernier et son administration avaient bien entendu fermé le pays hermétiquement de manière à ce que les Russes ne prennent pas conscience de leur sort et de ce qui se passait dans le « monde libre ». |
D’un traumatisme à l’autre |

Avec l’arrivée de Gorbatchev puis de l’écroulement de l’URSS, l’ouverture se fit, les informations circulaient, et les ex-soviétiques réalisèrent qu’ils n’avaient pas vécu dans le « meilleur pays du monde ». Ce fût un traumatisme de réaliser qu’ils avaient été fiers d’une monstrueuse dictature. Les Russes se jetèrent ainsi dans les bras de la démocratie – ou ce qu’ils croyaient être la démocratie. Car la joie allait être de courte durée et la déception allait être immense. La population n’était pas prête ; elle ne possédait pas les notions d’économie de marché, de droits de propriété ou même de libertés fondamentales.
La transition a consisté à importer l’économie de marché sans qu’il y ait les institutions garantissant l’état de droit qui doivent nécessairement l’accompagner. Le résultat de cette transition ratée a été l’enrichissement de quelques oligarques autour du pouvoir, au détriment de l’immense majorité des Russes dont beaucoup se sont appauvris. La crise de 1998 est venue accentuer cet état de fait. Les individus, et particulièrement les plus âgés, qui avaient perdu les retraites garanties par le système soviétique, souhaitaient le retour à une certaine sécurité. Le peuple n’a ainsi pas tardé à nourrir de sérieux doutes à l’égard de la démocratie de marché à la russe. |
« Rétablir la justice » |
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Mahmoud Ahmadinejad et Dmitri Mevedev
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afp/getty |
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Après cette décennie de chaos, les russes ont donc été fatigués de la démocratie. Lorsque Poutine arrive au pouvoir en avril 2000, il est l’homme providentiel. Il se propose de « rétablir la justice ». Il revient sur les privatisations – souvent très douteuses - des années Eltsine, invoquant un vol illégitime du peuple et renationalise les grandes entreprises.
Ces nationalisations donnent au peuple l'illusion que les choses sont rentrées dans l'ordre, que la justice est restaurée. Bien sûr la réalité est beaucoup plus subtile, comme en témoigne l’affaire Yukos, du nom de la plus grosse firme d’hydrocarbure qui était dirigée par M. Khodorkovsky. La nationalisation de cette firme a constitué un règlement de compte entre Poutine et Khodorkovsky. Si de tels règlements de compte sont ignorés par beaucoup de Russes grâce au travail efficace de la propagande des médias, le peu qui le savent tolèrent l’attitude de Poutine au nom du rétablissement de la justice. Poutine a ainsi donné aux Russes la « justice » qu’ils attendaient. |
« Retrouver la fierté russe » |

Grâce à l’ouverture et la transition des années 90, les Russes prirent conscience de leur retard, ce qui les toucha dans leur fierté. Mais la transition n’allait pas changer grand-chose : les talents partaient pour l’étranger, le pays se vidait de ses meilleurs éléments, et la démocratie russe ne semblait qu’attirer les commentaires très négatifs et pessimistes des observateurs occidentaux. A la fin des années 90, être russe était devenu honteux.
Et comment être fier d’être mené par ce Président toujours ivre, qui avait amassé une fortune pour lui et ses proches en profitant du pouvoir ? Les Russes avaient besoin d’un dirigeant qui restaure leur fierté. Poutine était l’homme idéal. Et il a joué sur cette corde sensible, usant de la propagande, exaltant l’idée de la supériorité de la nation russe, exprimant du dédain envers d’autres nations ou cultures. Les Russes croient désormais que c’est grâce à Poutine qu’ils peuvent être à nouveau fiers de leur pays.
Pour toutes ces raisons, les Russes soutiennent un dirigeant fort, même si le prix à payer est la liberté. Il parait donc assez clair que le retour vers la démocratie et la liberté en Russie sera long et fastidieux.
Tatiana Kryzhanovskaya est chercheur en économie politique à Moscou.
Avec la collaboration de www.UnMondeLibre.org |
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