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Le capitaine Moussa Dadis Camara, nouvel homme fort de Guinée depuis décembre 2008, a bien fini par créer un style nouveau : le sien. Et on est désormais accoutumé à le voir haranguer les foules, intempestif dans ses discours, donnant volontiers dans l’improvisation spontanée et spectaculaire.
Toutes choses qui le rendent sympathique d’ailleurs, et cela d’autant que personne ne remet vraiment en cause sa volonté de bien faire et de redresser la Guinée de la pente glissante et dangereuse sur laquellle elle se trouvait et qui la conduisait tout droit vers des abysses certaines. Mais dans le discours qu’il vient d’adresser aux officiers de l’armée guinéenne et, par-delà cette dernière, à l’ensemble de la classe politique et au pays tout entier, se trouve lâché un mot qui sème le doute et laisse plus d’un perplexe.
Pris d’une sainte colère à l’endroit de la classe politique de son pays qui, selon lui, s’acharnerait contre sa personne, le capitaine a tenu à préciser que "tous les citoyens ont le droit de se présenter comme candidats à la présidence" et que si on n’arrêtait pas les "attaques" et les "paroles choquantes" lancées contre lui, "je suis citoyen comme eux... je peux ôter la tenue, je me présente comme eux".
Et le mot est lâché : Dadis peut s’aligner pour la présidentielle qu’il a programmée pour décembre 2009, et à propos de laquelle il avait promis, la main sur le coeur, que, ni lui, ni aucun membre du CNDD qu’il préside, n’aurait la possibilité d’y prendre part.
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De petites phrases, mais bien lourdes de sens et qui valent leur pesant de supputations. Quelle secrète intention Dadis veut-il valider, en mettant à profit le fallacieux prétexte des "médisances" dont il croit savoir qu’il est l’objet ? Le capitaine se laisse-t-il aller au point de se retrouver l’otage de son ambition ou de celle de son entourage ? En Guinée et ailleurs, il s’est trouvé des voix pour dire que la période de transition annoncée par la junte est bien trop courte et la date de l’élection de décembre trop rapprochée.
A les entendre, il faudrait laisser plus de temps à Dadis pour "assainir" les écuries d’Augias. Le capitaine y aurait-il vu un plaidoyer pour que le provisoire dure toujours ? Ou alors, faut-il penser que Dadis avait, dès le départ, cette envie secrète de s’installer au pouvoir ad vitam aeternam ? S’il le faisait ainsi, il ne constituerait d’ailleurs pas une exception ! Tant et tant de ses pairs africains, sont, avant lui, passés par le même chemin. Mais alors, tout comme eux, il aura "roulé" tous ceux qui, naïvement peut-être, ou réellement confiants, auront eu foi en sa bonne sincérité. Car, après tout, et à y voir de près, l’argument selon lequel on le critique est bien léger, fallacieux, de même qu’il ne tient pas la route.
Et pourtant, on a bien apprécié l’homme dans son désir de bien faire, dans sa volonté avérée d’assainir économiquement et moralement la Guinée. Putschiste, il ne partait pas avec la faveur des pronostics, mais il aura réussi à convaincre même les plus sceptiques quant à sa sincérité et sa probité morale.
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Mais à présent que se profile le spectre d’une candidature possible à l’élection présidentielle de décembre 2009, on devient tout naturellement circonspect, et quelque part on ressent tout de même un peu de déception : lui aussi ? Après tout ce qu’il a dit et promis ? Il ne serait donc pas meilleur que ses pairs qui l’ont devancé ! A supposer que Dadis mette à excécution sa "menace" de se présenter à la présidentielle, que peut-on y faire cependant ? Quel texte, quelle législation sauraient vraiment l’en empêcher ?
En la matière, à l’autre putschiste de l’année 2008, le Mauritanien Abdel Aziz, l’UA n’a pu imposer pour seule exigence qu’il démisionne de son poste actuel avant de se mettre en lice pour briguer le suffrage des urnes. On l’imagine, on ne pourrait pas demander davantage à Dadis Camara. Et où est-il inscrit qu’il est interdit à un putschiste de s’aligner pour se faire élire président ? Il est presqu’évident que si d’aventure Dadis maintenait sa décision de se mettre en lice pour la présidentielle, il aurait toutes les chances de la remporter.
En ce moment, il a pour lui l’immense majorité des Guinéens, bénéficie du soutien de l’armée et, à l’international, force l’admiration de ceux qui, au départ, refusaient de lui donner le bon Dieu sans confession. On ne pense pas un instant que les différentes oppositions guinéennes, affaiblies et presque sans voix depuis sa prise du pouvoir en décembre dernier, puissent de quelque manière que ce soit, lui ravir une victoire d’avance programmée. Assurément, s’il devait se présenter, il gagnerait sans coup férir.
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Mais il resterait de cette volte-face, comme quelque chose de malsain, comme un arrière-goût de malaise, d’inachevé, d’amertume même, car on se rappellera toujours que Dadis avait promis, et qu’il a failli à sa promesse. On garderait toujours en mémoire qu’il avait dit qu’il ne se présenterait pas, et qu’il avait juré qu’il tiendrait promesse. Et on se demanderait alors si, en dépit ou malgré les apparences, on peut vraiment faire confiance à un homme qui s’amuse à penser noir, alors qu’il vote blanc.
Bien sûr, on pourrait toujours rétorquer que son retournement procède d’une stratégie savamment étudiée : c’est bien connu, la parole a été donnée à l’être humain pour cacher sa pensée. Mais il n’en demeurera pas moins que même élu, Dadis aura alors entamé dangereusement le capital de confiance que des hommes et des femmes en Guinée et ailleurs, avaient spontanément placé en lui. Et il est extrêmement ardu de conduire des humains lorsqu’ils n’ont pas ou plus confiance en vous. Au capitaine d’en prendre conscience et de savoir dès à présent redresser la barre du navire. Il n’est pas trop tard pour le faire.
"Le Pays"
www.lefaso.net
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