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Les coulisses d’une rencontre : |
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Samuel Eto'o et Eugene Ebode
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eugene ebode |
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Barcelone vient de glisser dans la nuit quand apparaît Samuel Eto’o en chemise bleue et pantalon noir. Un rendez-vous avec une personnalité du ballon rond, qu’on attend de plus en plus comme un Messie, n’est pas chose aisée à l’aube d’une finale de la Ligue des champions. J’ai pensé qu’il ne m’accorderait que quelques minutes. Mais souriant, il me rassure et me glisse qu’il est prêt à répondre à toutes mes questions. Ekounda Sonor, son autre frère, lui a assuré que je serai bref. Ce n’est pas tout à fait exact, car j’ai des tonnes de questions à poser à ce joueur d’exception. Je sais aussi que Pep Guardiola veille… et distribue de lourdes amendes. D’où vient la sérénité qu’affiche Samuel Eto’o ? « De la confiance qu’on a en soi et que nous donnent les supporters et le staff. »
Les Barcelonais semblent en effet confiants, trop ? Non, ils sont ainsi les Catalans, et font montre d’une distance à la fois seigneuriale et d’une vigilance feutrée. Aux abords du Camp Nou où je suis allé me promener dimanche après-midi, c’était un jour ordinaire, beau, paisible et marathonien, car on courait en famille et sans forcer sur les quadriceps. Le célèbre magasin El Corte Inglés, de la place de Catalogne, fête ses 31 printemps. Est-ce à dire que le Barça sera sur son trente-un mercredi à Rome ? Bien sûr ! Quelle question ! ‘‘Notre philosophie du jeu est claire et nette, argumente Samuel Eto’o. Le Barça l’enseigne très tôt à ses jeunes pensionnaires. Nous devons nous faire plaisir sur le terrain et donner du plaisir aux spectateurs.’’ |
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Etrange profession de foi dans un monde qui prône des valeurs excessivement prudentes, calculatrices voire castratrices. « La tactique, poursuit-il, est plus soucieuse de détruire le jeu adverse qu’elle ne vise à alimenter en ballons exploitables les faiseurs de joie, c’est-à-dire les artistes. » Le Barça a toujours juré que la meilleure défense, c’est l’attaque ! Samedi, contre Osasuna, Capitaine Eto’o s’est trouvé dans un drôle d’étau. Non, ce n’était pas dans celui tissé par les défenseurs adverses. Ils ont fait leur métier avec application, surveillant le virevoltant buteur à deux ou à trois, comme du lait bouillant sur le feu. Cette répétition d’avant la canonnade de Rome a satisfait le joueur qui sait que la répétition des efforts est le meilleur antidote contre le ronron.
« J’ai vu tant de gens en haut et qui sont redescendus que je me dis qu’il ne sert à rien de croire que tout est acquis pour l’éternité. Je ne pense pas avoir tout compris, car je continue à apprendre et à garder les yeux ouverts sur la vie. » Ses parents sont à Barcelone. Lui ont-ils apporté des écorces d’arbres ? ai-je osé. Il a ri avant de dire : « Leur seule présence vaut tous les arbres. » Tout au long de l’entretien, des messages tombent sur son téléphone portable. Le lion indomptable s’éloigne, juste un moment, pour recevoir les encouragements d’amis et celles de très hautes personnalités qui lui souhaitent la victoire à Rome. Il revient à mes questions, toujours détendu et rayonnant comme un auteur qui effeuille sereinement les pages d’un livre qu’il n’a pas achevé d’écrire. Rome sera un chapitre lumineux écrit par un homme qui veut voir danser les étoiles dans les yeux des Africains et des amoureux du ballon rond. |
L’entretien : |
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Samuel Eto'o très détendu
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eugene ebode |
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Comment se déroule la journée-type d’un sportif de votre niveau ?
Samuel Eto’o : On se lève généralement tôt. On prend le petit-déjeuner au stade, une heure avant l’entraînement. Il est suivi d’une heure et demie voire deux heures d’entraînement. Ensuite, nous déjeunons ensemble au stade avant d’aller nous reposer chacun chez soi. L’après-midi est consacré soit à la musculation avec le préparateur physique ou alors à la mise en place tactique du match à venir avec l’entraîneur.
Le rôle du préparateur physique s’est-il accru ?
Il est devenu fondamental. C’est celui qui sait exactement où en est le joueur sur le plan physique et sur ce qu’il est capable de produire comme effort. Mais ne soyons pas excessifs. Il y a des joueurs qui sont moyens à l’entraînement mais qui se subliment le dimanche, le jour du match.
Quel est votre menu type pendant la compétition ?
Nous avons en moyenne deux cents jours de pâtes par an, de riz et de restrictions alimentaires pour maintenir notre poids de forme. Un petit écart et nous le payons cash. D’ailleurs, chaque matin, nous effectuons une pesée avant et après l’entraînement.
Quel est votre poids de forme ?
74 kg.
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Le Cameroun indépendant aura 50 ans l’an prochain. Raison de plus pour offrir au berceau de nos ancêtres une qualification pour la première Coupe du monde organisée en Afrique. Ce sera un rendez-vous crucial pour notre continent |
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Samuel Eto'o |
Combien pesez-vous après les vacances ?
Je me surveille et n’excède jamais un surplus de deux kilos. Je les élimine toujours facilement. |

Deux Majorquins occupent le devant de la scène sportive, Nadal et vous. Quelles relations entretenez-vous avec « l’homme bionique » comme le surnomment les jeunes ?
Nos agendas sont chargés et tout le monde comprend qu’il ne soit pas facile de se voir. Je suis épaté par ses performances et son sérieux. Je lui souhaite un grand succès à Roland Garros.
Voilà qui va chagriner les Suisses !
Je n’ai rien contre Roger (Federer), qui est du reste un pote de Thierry Henry. Nous nous voyons donc souvent. La dernière victoire de Roger sur Rafa, au Tournoi de Madrid, a certainement aussi montré aux jeunes qu’il ne faut jamais baisser les bras et renoncer. Tout reste possible en sport et dans la vie pour ceux qui s’accrochent.
Vous êtes un battant, certes, mais on vous a vu ébranlé par les actes de racisme et prêt à quitter le stade de Saragosse en février 2006.
ça débordait d’une rage incontrôlable et forcément, de quelque chose d’inacceptable. J’ai acquis la conviction que ceux qui crient et lancent des mots blessants le font parfois par ignorance. J’ai failli quitter le stade, oui, et qui sait, le foot. Mais vous ne pouvez imaginer le réconfort que j’ai reçu de grandes marques comme Nike, Benetton et beaucoup d’autres joueurs comme Carles Pujol, Thierry Henry, Thuram et d’autres. Ils ont mouillé leur maillot pour que le malentendu cesse. |
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Samuel Eto'o recevant des encouragements en provenance du Cameroun la veille de la finale face à Manchester
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eugene ebode |
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Avez-vous pensé à une grève des joueurs Blancs et Noirs pour manifester votre exaspération collective ?
Non. Nous avons des dirigeants intelligents en clubs ou dans les organisations qui dirigent le football. L’homme noir n’est pas moins homme qu’un autre. Parfois, les Noirs donnent malheureusement l’impression qu’ils sont petits. C’est comme marquer les buts contre son propre camp. Nous avons surtout l’occasion, en donnant le meilleur de nous-mêmes, de dire quel monde nous voulons pour nos enfants.
Quel autre mal guette selon vous le football ?
La contestation des décisions des arbitres est dangereuse. Le football reste un jeu et un spectacle qui ne doivent pas être faussés mais il faut respecter l’arbitre. Lui aussi fait son match dans le match avec sa conscience et tous les yeux braqués sur lui. Il peut, lui aussi rater son match. C’est humainement compréhensible et nous sommes, nous joueurs, mal placés pour lui balancer les pierres. Si un arbitre sort de son match, je ne crois pas, j’espère qu’il ne le fait pas intentionnellement.
La vidéo peut-elle atténuer les critiques ?
Je suis contre la vidéo. Il faut laisser les matches se jouer et se décider au vu et au su de tout le monde. La beauté du jeu, c’est le direct, le terrain. Le tapis vert va tuer la dramaturgie du direct. Avec la vidéo, le football n’appartiendra plus aux footballeurs. |
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En pleine action lors de la finale face à Ryan Giggs de Manchester
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getty |
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Si vous n’aviez pas été footballeur professionnel, quel métier auriez-vous aimé exercer ?
Avocat
Auriez-vous alors défendu Nelson Mandela ?
Madiba était déjà avocat lui-même et n’avait besoin de personne pour le défendre. Et puis, je ne suis pas né dans la même et terrible époque. Sincèrement, ce sont les petites gens que j’aurais voulu défendre. Je sais d’où je viens et combien il est cruel d’avoir le sentiment d’être peu ou rien.
Vos enfants vous considèrent-t-ils comme un héros planétaire ?
Comme le papa ! Ce sont mes premiers supporters. Ils tiennent à venir au stade.
Vous arrive-t-il de les blâmer ?
Oui. Je leur dis toujours qu’il faut savoir rectifier ce qui a été mal fait. C’est ainsi qu’on devient grand et respectable. Rectifier et respecter son prochain ce sont mes deux axes capitaux d’éducation.
Où en êtes-vous avec le Barça ? Partira ? Partira pas ?
Avec le Barça, c’est une histoire d’amour. Et toute histoire d’amour est parfois compliquée, non ? Mon club a le sourire et moi aussi. |
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Samuel Eto'o
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Vous avez gagné beaucoup de trophées et d’argent. Vous avez une double réputation : celle de ne pas mâcher vos mots et d’être généreux en diable.
L’important, ce n’est pas ce qu’on donne, mais la joie qu’on transmet. L’expérience accumulée, les trophées gagnés, comme vous dîtes, mais aussi les blessures et les difficultés surmontées m’ont tanné le cuir. D’où mon refus pour tout ce qui peut tirer vers le bas. Si vous observez bien mon parcours, vous verrez que j’ai toujours mouillé le maillot et essayé de réveiller le vestiaire. Après, chacun pense ce qu’il veut.
L’an dernier, le vestiaire du Barça ne bruissait que de remous. Y avait-il une concurrence d’ego entre Ronaldinho et vous ?
Il y avait un souci. Nous nous sommes dits ce que nous avions sur le cœur. Ce que je dois ajouter, c’est que je n’ai pas vu un joueur, de toute ma vie de footballeur, capable de faire ce que Ronnie réalisait avec un ballon. Ceci n’enlève rien aux autres génies en activité. Il faut dire ce qui peut améliorer la performance collective. Je respire et je ne vis que par le but. C’est un don. |
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Samuel Eto'o avec le maillot des lions indomptables
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reuters |
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Et vos points faibles ?
Je connais néanmoins mes limites et travaille pour rester performant et m’améliorer. Regardez ce que je dois parfois endurer en équipe nationale et jouer presque à contre-emploi. Si ce n’était qu’une affaire d’ego, je n’accepterais plus de faire l’accordéon de haut en bas, alors que j’aime naviguer horizontalement et décrocher uniquement en phase ultra défensive. Mais il faut se couler dans le moule collectif jusqu’à un certain point. Je refuse simplement qu’on me marche sur les pieds.
Les phases éliminatoires pour la Coupe du monde sont mal engagées.
Oui, mais il ne faut pas désespérer.
Quels arguments le vice-capitaine des Lions indomptables du Cameroun peut-il utiliser pour galvaniser ses troupes ?
Sortir des querelles inutiles, donner la priorité au terrain. On a un beau et formidable pays. Enfiler le maillot national, c’est avoir envie de se dépasser. Porter sur ses épaules les espoirs de 18 millions de personnes est un honneur. Les Lions doivent rugir de joie et être à la hauteur de l’identification qui se crée autour du maillot. Ça me galvanise.
Et puis, le Cameroun indépendant aura 50 ans l’an prochain...
Raison de plus pour offrir au berceau de nos ancêtres une qualification pour la première Coupe du monde organisée en Afrique. C’est un rendez-vous crucial pour notre continent et pour tous ceux qui voudraient le voir tel qu’il est, c’est-à-dire passionnant et pas seulement moribond et souffreteux.
On ne peut pas nier les maux qui le minent et les maladies qui amoindrissent l’espérance de vie
C’est exact. Mais la Coupe du monde permettra de mettre l’accent sur d’autres éléments valorisants qui ne concernent pas seulement le football. Les supporters qui viendront du monde entier découvriront un continent exceptionnel. |
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Samuel Eto'o
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Avez-vous une initiative commune des joueurs africains pour vanter les attraits de l’Afrique ?
Cela ressemblerait à une démarche publicitaire. Il faut laisser les gens découvrir la réalité par eux-mêmes. Je crois qu’ils seront agréablement surpris par l’Afrique qu’ils auront sous les yeux.
Vous avez mis la main à la poche en offrant des bourses aux étudiants et en créant un centre de sports-études ouvert aux jeunes à Kribi, au Cameroun.
Difficile de parler de tout ceci, car ça peut faire bombage de torse. C’est vrai que j’ai voulu inciter les jeunes universitaires à poursuivre leur développement personnel grâce à un petit coup de pouce. Mon centre de sports études de Kribi accueille 3000 jeunes dont 14 sont arrivés au Barça. D’autres viendront dans les prochains jours en stage en France et en Espagne grâce à la coopération des autorités consulaires. Je leur tire d’ailleurs un grand coup de chapeau pour la délivrance de visas. Plus ambitieux, est mon projet d’un centre de santé qui commencera au Cameroun et essaimera ensuite sur plusieurs pays africains dont le Rwanda, la Côte d’Ivoire etc. Améliorer notre offre de santé est une condition essentielle pour aspirer au mieux vivre. Une structure de 15 personnes travaille à l’approfondissement de ce dossier.
Trouvez-vous encore le temps avec ces lourds dossiers de penser à Manchester ?
Et comment ! Je respecte ces formidables compétiteurs que nous allons encore affronter et qui sont dirigés par un géant. Mais Pep, tout le monde au Barça et nous les joueurs avons les yeux rivés sur le trophée. |

Que ressent-on quand on gagne une coupe ?
C’est indescriptible. Mais quand on a vécu ça, on ne peut pas être blasé et si on peut le refaire, on fonce. Ma philosophie est simple sur un terrain : tout donner pour ne jamais avoir de regrets.
A qui penseriez-vous en soulevant une deuxième fois la coupe de la ligue des champions ?
Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours mancunien avant de l’avoir terrassé… Ceux à qui je penserai le savent : ma famille, mes enfants, les Africains. Le meilleur gagnera et l’Afrique sera vraiment dans un coin de ma tête.
Et ce sera forcément Barcelone, fort de sa culture particulière faite de confrontation, feinte, estocade ?
C’est flatteur. Mais davantage que cela, ce qui nous caractérise au Barça, c’est vraiment la demande de travailler avec enthousiasme. J’en ai personnellement tiré la conclusion que rien n’est ni difficile ni insurmontable quand on veut éprouver du bonheur et surtout le répandre autour de soi.
On vous présente, et vos performances l’attestent, comme le torero par excellence.
Non, je n’évolue pas dans une arène et ne joue pas ma vie à chaque match. Et puis, sans mes coéquipiers, je ne serai rien. Je suis attiré par le but et je l’ai dans la peau. J’ai eu la chance de jouer dans trois grands clubs : Majorque, qui m’a donné ma chance, et puis les deux monstres sacrés que sont Le Real et le Barça.
Vous exagérez pour Majorque…
Pas du tout. On ne peut jamais dire que la première marche d’un escalier compte pour du beurre. Sinon, il n’y a plus d’escalier. Majorque occupe une place spéciale dans mon cœur et mon vœu le plus cher est de lui réserver au moins ma dernière année de carrière et faire en sorte que la boucle soit bouclée. On dit qu’il faut toujours accorder la dernière danse à la personne qu’on aime.
Interview réalisée à Barcelone par Eugène Ebodé le 25 mai 2009 |
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