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Rama Yade et sa deuxième place derrière Santini aux élections régionales dans les Hauts de Seine
24/11/2009
 

Quelques leçons pour nous Noirs de France souvent habitués à la compromission
 
Par Lucien Pambou
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Lucien Pambou  
Lucien Pambou
 

Je le confesse : je ne croyais plus à la présence de Rama Yade sur la liste UMP dans les Hauts de Seine. Mais, je ne boude pas mon plaisir pour dire que par son obstination et son intelligence politique Rama Yade a réussi à exister dans le marigot français de la politique morale et amorale.

J’ai 50 ans. J’ai fait Sciences Po Paris. J’ai été discriminé. J’ai voulu travailler à la Banque, je me suis retrouvé enseignant à cause de mon phénotype. Je suis Noir dans la société française, mais je ne suis pas aigri. Je me suis battu et je continue de me battre pour que mes enfants et mes frères et demain mes petits fils existent pleinement dans la société française. J’ai créé le CRAN avec Patrick Lozès, je suis élu conseiller municipal de l’UMP. J’ai été au deuxième tour des élections cantonales à Alfortville alors que je venais d’emménager dans la ville. Mes "petites" réussites républicaines ne sont rien en comparaison de ce que réussit ma sœur ou celle qui aurait pu être ma fille si j’avais été précoce en termes de paternité, à savoir Rama Yade dans la société française.

Des femmes noires ont précédé Rama Yade dans les différents gouvernements français, mais habituées à une autre époque elles n’ont jamais osé dire ce qu’elles pensaient et elles n’ont jamais existé réellement en tant que femmes politiques
Lucien Pambou

J’ai toujours soutenu Rama Yade parce que je pense qu’elle est un exemple de compétence et de réussite dans la société française, en tant que femme, noire et citoyenne. Des femmes noires ont précédé Rama Yade dans les différents gouvernements français, mais habituées à une autre époque elles n’ont jamais osé dire ce qu’elles pensaient et elles n’ont jamais existé réellement en tant que femmes politiques.

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© ap/R gacad  

J’ai été l’un des premiers avec d’autres à demander à Rama de résister, car la résistance est le salut surtout lorsque l’on est compétent et intelligent socialement et politiquement. L’instruction n’est que l’élément "bonificateur" de l’intelligence sociale et politique. On a tout dit de Rama. Les internautes, au nom de la liberté d’expression, ont critiqué brutalement Rama pour son refus de se présenter aux élections européennes et pour sa capacité à tenir à tenir tête au Président de la République. Ces internautes ont eu raison dans l’immédiat et au nom de la libre expression.

En revanche, ils auraient pu pousser leurs analyses pour comprendre l’attitude de Rama dans la société française, ce qu’ils n’ont pas fait, s’arrêtant souvent à son phénotype pour dire que finalement une noire dans la société française ne peut rien faire même à des hautes responsabilités. Moi-même j’ai été interpellé par ces internautes qui m’ont toujours dit que l’UMP, parti auquel j’appartiens, n’aimait pas les Noirs et que l’on comprenait pourquoi j’en faisais partie. J’ai laissé dire au nom de la liberté d’expression et du débat démocratique.

Le parcours de Rama Yade étonne les Noirs que nous sommes, parce que nous ne sommes pas très impliqués dans la vie politique française, même quand nous sommes français de nationalité. C’est bien là notre problème. Il faut arrêter de pleurer, de se plaindre, de se morfondre en disant que la société française n’aime pas les Noirs ou qu’elle est raciste
Lucien Pambou


Revenons à Rama Yade. Tancée dernièrement pour avoir refusé à se porter candidate aux élections européennes et récemment avoir tenu tête à Roselyne Bachelot sa Ministre de tutelle sur le dossier de la suppression d’avantages fiscaux aux sportifs professionnels, Rama Yade a obtenu de façon élégante et magistrale ce qu’elle a toujours voulu : une seconde place sur la liste des Hauts de Seine derrière Santini ancien Secrétaire d’Etat et Maire d’Issy les Moulineaux.

 
© afp/getty  

Alors que les internautes dans les communautés noires la représentaient comme perdue dans le Val d’Oise sur la liste UMP, Rama Yade est dans la liste des Hauts de Seine après avoir courageusement dénoncé la candidature de Jean Sarkozy à la direction de l’EPAD et insisté sur les critères de compétence comme mode d’accession à des fonctions administratives.

Cette jeune noire de 33 ans que nous connaissons tous et mal par sa bravoure, sa "tétutesse" au sens africain du terme, et qui s’appelle Rama Yade, nous donne l’exemple de la non compromission dans les rapports politiques et surtout dans les rapports au chef dont nous, noirs africains et noires africaines plus âgées qu’elle, sommes coutumiers et coutumières malgré nos beaux discours sur la toile (internet) et dans les radios périphériques. Rama nous montre l’exemple qu’on peut vivre en France, participer à la vie politique, donner son point de vue, résister face à la calomnie de ses voisins, surtout quand ils sont ministres.

Le problème de Rama Yade est qu’elle est jeune, belle, intelligente, instruite, compétente, populaire dans les sondages et noire. La société française attend d’une "négresse" une soumission et une allégeance. Voilà ma sœur, comme je l’ai dit plus haut qui aurait pu être ma fille si j’avais été précoce dans la paternité, qui nous montre l’exemple, que certains ont critiqué (et c’est normal la critique) et qui ont peur d’exister dans la société française en refusant de s’investir dans les partis politiques, les associations (excusez-moi ce sont les lieux républicains du débat et de la démonstration de la différence critique, il n’y a pas d’autres lieux sauf à être passif et plaintif ou alors violent et réactif, réaction qui mène au terrorisme et à la violence inutile et donc à la prison).

 
© reuters  

Rama Yade a résisté de façon républicaine et politique. On peut voir dans sa deuxième place la main du Président de la République ou de Xavier Bertrand secrétaire général de l’UMP qui en animaux politiques avertis ont considéré qu’il fallait accéder au souhait de Rama Yade qui ne voulait pas aller dans l’Oise. Valérie Pécresse, tête de liste l’UMP Ile de France qui avait déclaré au départ que pour Rama c’était bien d’aller dans l’Oise, s’est ralliée à la décision collégiale Xavier Bertand/Nicolas Sarkozy pour affirmer :

"Nous sommes tous d’accord pour dire que c’est plus cohérent pour Rama de se présenter dans les Hauts de Seine." L’affirmation de la tête de liste Valérie Pécresse est une contrariété pour elle mais une obligation politique, sachant que Rama a toujours dit que Colombes, ville dans laquelle elle a grandi, est dans une circonscription de gauche qu’elle souhaitait reprendre. C’est certes un combat politique difficile mais qui a été compris par la tête de liste sur la base de l’injonction présidentielle.

Le parcours de Rama Yade étonne les Noirs que nous sommes, parce que nous ne sommes pas très impliqués dans la vie politique française, même quand nous sommes français de nationalité. C’est bien là notre problème. Il faut arrêter de pleurer, de se plaindre, de se morfondre en disant que la société française n’aime pas les Noirs ou qu’elle est raciste. C’est en partie vrai si on tient compte de ce que le pape du structuralisme sociétal, à savoir Claude Levi Strauss, a dit du rapport des cultures entre elles. Dans toute culture il faut que l’étrangeté soit rejetée sans déboucher sur du racisme pour éviter que la culture d’origine soit étrangère à elle-même. La culture d’accueil doit faire une place aux cultures étrangères sans que celle-ci ne soit débordée par elles, sinon le phénomène de racisme apparait.

Encore faut-il que les Noirs de France ne traduisent pas leurs actes par des compromissions plates en se couchant, en ayant honte d’eux-mêmes, en critiquant la société dans laquelle ils sont sans rien faire pour la faire changer, en étant tout le temps plaintifs. Rama Yade nous montre la voie de Lao Tseu : la verticalité critique, intelligente, résistante
Lucien Pambou



Rama Yade n’est pas que le poil à gratter du gouvernement, elle n’a pas la prétention d’être la représentante de toutes les cultures noires. Elle est noire et cela suffit à son étrangeté dans la culture française, ce qui lui donne du courage et de l’espoir comme disait le philosophe chinois Lao Tseu : le but à atteindre dans la vie n’est pas l’objectif mais la voie qui ouvre à l’espérance. Rama Yade par sa ténacité, son courage, son étrangeté apporte une innovation dans l’identité française quoiqu’en dise Madame Marine Le Pen président adjointe du Front National et au moment où on débat de l’identité française (thème cher à Eric Besson Minstre de l’Immigration et de l’identité nationale).

Encore faut-il que les Noirs de France ne traduisent pas leurs actes par des compromissions plates en se couchant, en ayant honte d’eux-mêmes, en critiquant la société dans laquelle ils sont sans rien faire pour la faire changer, en étant tout le temps plaintifs. Rama Yade nous montre la voie de Lao Tseu : la verticalité critique, intelligente, résistante.




       
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