Mémorandum



A : Ban Ki Moon, Secrétaire Général des Nations-Unies



Cc : William Swing (Représentant du Secrétaire Général à Kinshasa), Carla del Ponte (Procureur du Tribunal Pénal International)



Signataires : Ne Muanda Nsemi (Député National), Jean-Claude Vuemba Luzamba (Député National), Ruffin Mpaka (Député National), Mbuta Nkanzi (BDK), Dr Samuel Kimpiatu (Coordinateur de l'UN et Alliés pour le Bas-Congo)



Objet : Le récent Massacre au Kongo Central (Bas Congo)



Rappel des faits



Les élections des gouverneurs du 27 janvier 2007 ont offert, contre toute attente, la province du Kongo Central à l'AMP, parti du président de la république. Pourtant, l'équilibre des forces était largement en faveur de l'Union pour la Nation et Alliés (plate-forme de l'opposition républicaine) .



En contestation de ces résultats, l'UN a fait appel auprès de la cour de Matadi, devant se réunir le 1 er février. De son côté, le BDK avait appelé à une journée ville-morte à Matadi (Kongo Central) afin de soutenir cette requête légitime.



La veille, le 31 janvier 2007, le pouvoir à Kinshasa est allé provoquer le dirigeant du BDK, l'honorable Ne Muanda Nsemi, en ordonnant, via la cour militaire du Bas-Congo et le parquet général de Matadi, de perquisitionner sa résidence sur accusation de détention d'armes de guerre. On se souvient comment Maître Marie-Thérèse Nlandu, actuellement détenue dans des conditions épouvantables, a été arrêtée arbitrairement selon le même type de coup monté.



Cette intervention des forces de l'ordre, en dehors des heures légales, s'est heurtée à un refus d'obtempérer et l'usage des armes a été la riposte de l'armée, déguisée pour la circonstance en policiers.



La réponse de la population, attendue et provoquée par les autorités locales, s'est manifestée pacifiquement, le lendemain, dans les rues des principales villes de la province. Les forces de l'ordre, renforcées par 300 soldats des FARDC, réquisitionnés par le gouverneur Jacques Mbadu Nsitu (ordre de réquisition n° 084/2007 du 31/01/07), se sont déchaînées sur la population : tirs à balles réelles sur des gens désarmés. La MONUC a déjà dénombré 134 morts, mais il semble qu'il y en ait eu plus de 200. Depuis, de nombreux jeunes gens et jeunes filles, adeptes du BDK, ont disparu (enlevés ?) - plus de 750 manqueraient à l'appel.



Les éléments en notre possession (n°25/CAB.MININTERDE SEC/455/2006 du 14/12/06) tendent à prouver que dès le 14 décembre 2006, le pouvoir à Kinshasa, par l'intermédiaire du Général-Major Denis Kalume Numbi, ministre de l'intérieur et de la sécurité, a donné ordre au gouverneur intérimaire, Jacques Mbadu Nsumi, de préparer le terrain des grands électeurs pour que le ticket soutenu par l'AMP et Alliés soit "élu" au gouvernorat. Le document cité plus haut mentionne que pour raison d'Etat et à titre exceptionnel la Banque Centrale et Commerciale de Matadi doit débloquer les fonds nécessaires à la "préparation du terrain" (comprendre achat des consciences et corruption des grands électeurs - députés provinciaux et chefs coutumiers et de groupement cooptés).



Requête auprès de l'ONU



Nous, représentants du Kongo Central (Bas Congo), élus et notables Kongo soussignés, demandons à l'ONU :



1) De condamner l'intervention militaire (FARDC), assistée par la police nationale, les services spéciaux de la sécurité territoriale et des forces étrangères, ayant fait plusieurs centaines de morts au Kongo Central. L'Etat congolais doit être condamné, non seulement pour usage abusif de la force contre des citoyens désarmés, mais aussi pour l'utilisation des forces militaires alors qu'aucun Etat d'urgence n'était proclamé.



2) De sommer le pouvoir à Kinshasa de mettre fin aux persécutions politiques et aux enlèvements des adeptes du BDK.



3) De diligenter une enquête internationale, en coordination avec l'Assemblée Nationale congolaise, pour élucider les causes et les mécanismes du massacre en cours, en vue d'établir les responsabilité s, de poursuivre les responsables et d'accorder des réparations aux victimes et à leurs familles.



4) D'exiger dans les plus brefs délais, suite au jugement de la Cour d'Appel de Matadi, l'organisation d'un second tour au Kongo Central pour l'élection du Gouverneur et du Vice-gouverneur dans les conditions de transparence requises.



5) D'exiger la libération immédiate de tous les adeptes du BDK, détenus arbitrairement, ainsi que celle de Maître Marie-Thérèse Nlandu et de ses collaborateurs détenus par le pouvoir militaire.



6) De saisir le Tribunal Pénal International au chef de t entative d'extermination contre une communauté, au sens de l'article 6 du statut de Rome (acte fondateur de la Cour Pénale Internationale) qui définit le génocide.



Recommandations



Les persécutions politiques contre le peuple Ne Kongo doivent cesser immédiatement .



Les Kongo, qui peuplent le territoire allant des confins de la rivière Kwango jusqu'à l'Océan Atlantique, occupent la province stratégique de la RDC qui est l'ouverture sur la mer de ce vaste pays. A ce titre, le contrôle de ce territoire est convoité par le pouvoir central, ce qui explique les persécutions et les massacres dont les Kongo font l'objet depuis plusieurs années.



- 2002 : massacres à Luozi et à Muanda ; - 2004 : massacres à Lemba ; - 2005 : massacres à Nkanzi, Lemba et Nseke Mbanza ; - 2006 : massacres de Matadi ; - 2007 : massacres de Songololo, Matadi, Boma et Muanda



Notre peuple, ce sont plusieurs siècles de civilisation, faite de rites, des coutumes, des croyances et des traditions. Depuis les temps anciens, nous nous sommes toujours levés contre l'injustice, la domination et l'asservissement.



Tout au long de notre histoire, nos revendications ont toujours porté sur des considérations fondamentales, à savoir : notre survie en tant que peuple, nation, culture et civilisation.



Souvenez-vous que les Ne Kongo, peuple pacifique et hospitalier, sont à l'origine de l'indépendance du Congo. Hier, ce fut l'ABAKO qui permit l'instauration de notre première république, avec le Président Kasa Vubu. Aujourd'hui, c'est le Bundu Dia Kongo qui se trouve à la pointe du renouveau, contre la corruption et pour une démocratie au service du progrès social. Son leader n'est autre que Ne Muanda Nsemi, et c'est à ce titre qu'il est persécuté, comme le fut autrefois, sous le colonisateur, Papa Simon Kibangu.



Nous aimerions faire savoir au monde, qu'au-delà du fait religieux, le BDK, mouvement politico-religieux, c'est le peuple Kongo organisé culturellement comme le fut l'ABAKO au milieu du siècle dernier. Lorsque l'on s'en prend aux adeptes du BDK, cela revient à s'en prendre à tout le peuple Kongo. A ce titre, le massacre des adeptes du BDK doit s'apparenter à une tentative de génocide.